Le Château de la Malgrange (1852) Lallement/Chapitre V

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Le Château de la Malgrange
notice historique et descriptive,
par Louis Lallement

Chapitres : I - II - III - IV - V ; conclusion
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Le texte original

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A la mort de Stanislas, la Lorraine changea d'aspect. Une main dévastatrice sembla s'attacher avec acharnement aux résidences du bon Roi : Lunéville, Chanteheux, Commercy, Einville, la Malgrange, s'effacèrent comme de beaux rèves.

Il fallut donner une destination à la Malgrange. Par arrêt du conseil d'Etat, du 4 avril 1766, le château de la Malgrange fut affecté à la place de commandant général de la province de Lorraine. Le comte de Stainville, nommé le premier à ce poste, qu'il occupa jusqu'en 1788, devint, en cette qualité, usufruitier du domaine de la Malgrange.

C'en était fait de la magnifique Malgrange de Stanislas : sa splendeur avait fini avec la vie de la Lorraine. Rien ne fut respecté: ni les bâtiments, ni les décorations, ni les ornements des

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jardins, ni les merveilles du parc, ni le calvaire, ni le couvent.

Il n'est pas resté debout une seule pierre du corps-de-logis prin- cipal, de la chapelle, de la salle à manger, des colonnades, de l'orangerie, etc., etc.; tous les jardins ont été bouleversés, toutes les magnificences du parc mutilées, les parterres effa- cés, les pièces d'eau comblées. Le petit bois de vieux chênes fort élevés, où Stanislas aimait à se promener, a été défriché; on démolit le beau couvent de capucins, ou plutôt on eut la cruauté de le faire démolir par celui-là même qui l'avait bâti, le capucin Antoine Poirel, en religion frère Joseph ; lorsqu'il reçut l'ordre de démolir ce couvent, peu d'années après l'avoir élevé, il dit tristement : « Je l'ai constl'uit. Il faut donc que je le détruise ! » On démolit pareillement les douze cha- pelles du calvaire, et on transporta la grande croix de Mission, dite la Belle Croix, au bas de l'avenue de la Malgrange, sur la route de Saint-Nicolas. Tout le parc de la Malgrange fut aussi dégradé. POUR ETRE MIS EN CULTURE !!!

M. de Stainville fit clore le bois où il entretint un haras as- sez considérable (1).

De toute la Malgrange de Stanislas, on n'a conservé qu'une partie du bâtiment de la Reine, l'aile du commun du côté de l'entrée du-château. C'est tout ce qui reste aujourd'hui de



(1) Il M. de Stainville n'est pas le seul auteur des dévastations de la Malgrange. Ce château royal a appartenu sous l'Empire à la comtesse de Choiseul, et c'est par les ordres de cette dame, surnommée la folle par les paysans, que la hache a fait tomber une partie des arbres séculaires qui décoraient le parc et le jardin. Il (Note communiquée par M. Gillet.)

Il ne faut pas d'ailleurs perdre de vue que la Malgrange eut le sort commun des autres palais du Roi de Pologne, Einville, Chanteheux, etc. Comme il ne devait plus y avoir de souverain résidant en Lorraine, il est possible qu'on ait trouvé trop coûteux l'entretien de palais royaux que le séjour d'un souverain pouvait seul animer.

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la Malgrange. Sans doute, comme le disait Durival en 1778, c'est encore une très-belle maison de campagne ; sans doute, cette large façade, avec ses deux ailes parfaitement régulières, élevée sur une vaste terrasse plantée de marronniers, d'où l'on domine le jardin de plaisance, a quelque chose d'impo- sant encore. Que devait-ce être de l'ancien palais ? (1).

Lorsque le marquis de Choiseul-Labaume succéda au ma- réchal de Stainville dans le commandement en chef de la pro- vince de Lorraine, il devint usufruitier de la Malgrange et l'occupa.

A la Révolution, la Malgrange, qui, depuis 1563, faisait partie du domaine, devint propriété particulière. A cette épo- que, ce bien fut vendu : il devint en grande partie la propriété du maréchal Ney, qui a longtemps habité la Malgrange (ce doii être la propriété Monnicr), où il avait fixé son domicile politique, et où son père est mort à 96 ans, en 1826 (2).

C'est avec peine que nous redisons la triste destination que reçut la Malgrange il y a une trentaine d'années. Dans les premières années de la Restauration, la Malgrange, ce débris noble encore d'une demeure princière, fut convertie en mai- son de santé (5). Le séjour de la cour de Lorraine devint

(1) La vue de cette façade, dessinée par M. Chalelain, se trouve en tête du prospectus inaugural du Pensionnat, publié en 1839.

1 (2) Du reste, aucun souvenir révolutionnaire ne se rattache à la Mal- grange, si ce n'esl la dévastation complète par le peuple, en 1790, du bois tout voisin de Brichanibeau (contenant 160 arpens et demi, non compris les tranchées de 21 arpens), bois qui servait de promenade aux habitants de Nancy, et dans lequel se trouvait la fontaine de Bri- chambeau, rétablie par Stanislas, et renommée pour la bonté et la pu- reté de ses eaux.

(3) Si nous déplorons que la résidence chérie du roi bienfaisant soit devenue une maison de santé, c'est pour nous un devoir de dire que

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un hôpital de fous !. C'en était fait de la Malgrange, et l'on eût pu écrire sur ses murailles dégradées : CI GIT LE CHATEAU DES DUCS DE LORRAINE.

Heureusement, en 1859, une destination nouvelle vint con- soler les restes du château aimé de Stanislas : cette dernière

son directeur-fondateur, M. Gillet, ancien économe de Marévillc, l'entretint et la répara autant qu'il fut en lui. Il y fit même des amé- liorations : ainsi c'est lui qui créa l'appartement dont les murs sont couverts de carreaux de faïence provenant de la façade principale, du château, démolie peu après la mort de Stanislas. M. Gillet fit aussi lilhographier des vues de la Malgrange, l'une prise du jardin, l'autre du parc.

Lorsqu'en 1817 M Gillet devint acquéreur de la Malgrange, le parc était sans culture depuis plusieurs années : les chardons et les plantes parasites y croissaient en abondance et attestaient la plus incroyable négligence. Le bâtiment était dans le plus déplorable état et semblait menacé d'une ruine prochaine. La toiture fut rétablie sur toute son étendue, et c'est en parcourant les faux-greniers que l'on découvrit sous des décombres et des tuiles brisées, les carreaux de faïence pro- venant de la façade principale du château démoli.

En plantant le bosquet qui existe aujourd'hui, on a retrouvé les fondations de cet édifice et un assez grand nombre de carreaux de faïence. L'élévation du terrain indique encore la place du château, lo- cus ubi Troja fuit.

Au moment où la vigne a été plantée, on a constaté l'existence des nombreux canaux qui servaient à alimenter les fontaines jaillissantes de cette partie inférieure des anciens jardins.

Les orangers qui décoraient les promenades de la Malgrange, - que les anciens du pays disaient plus beaux que ceux de Versailles, - ont été longtemps à Ileillecourt et ont péri par l'incurie du pauvre hom- me qui en était devenu acquéreur.

Le parquet du grand salon sur remplacement duquel a été disposé l'appartement actuel de Mgr t'Evoque de Nancy, avait été façonné à Bruxelles, et avait coûté, suivant la chronique, la somme de 12,000 francs. La rosace est l'ornement du petit salon du rez-de-chaussée ; son déplacement était devenu nécessaire par suite des ravages des vers.

— Le parquet de la chambre qui est à l'angle du bâtiment, ayant vue sur le parc et sur Nancy, est aussi un reste du parquet du grand salon. — Ce grand salon est resté pendant longues années dans son état pri- mitif. C'était une curiosité que là famille se plaisait à montrer à l'ad- miration des étrangers. (Nous devons la communication de ces rensei- gnements à l'obligeance de M. Gillet, juge d'instruction, fils de l'an- cien propriétaire de la Malgrange.)

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et définitive transformation, à laquelle toute la stabilité désirable est aujourd'hui assurée, grâce à Mgr l'Evêque de Nancy, rend désormais inséparables les deux noms de Malgrange et de Pensionnat (1).

(1) Outre la Grande-Malgrange (pensionnat actuel), on désigne sous le nom de Petites Malgranges (petite, haute et basse), plusieurs belles maisons de campagne qui, toutes, dépendaient autrefois du château de la Malgrange, qu'elles avoisinent.

La Petite Malgrange est la propriété de M. Monnier.

La Haute Malgrange est la maison de santé de M. Valentin, au- jourd'hui de M. Brasseur.

La Basse Malgrange est la propriété de M. Chippel.