Le Château de la Malgrange (1852) Lallement/Chapitre I

De Wicri Nancy

La Malgrange dans la Bataille de Nancy


 
 

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Le Château de la Malgrange
notice historique et descriptive,
par Louis Lallement

Chapitres : I - II - III - IV - V ; conclusion
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La Bataille de Nancy par Eugène Delacroix[NDLR 1]

Ce premier chapitre retrace l'origine du domaine de la Malgrange.

Un développement important concerne la Bataille de Nancy.

Notes préliminaires

La pagination des notes de bas de page a été modifiée pour rendre le texte plus lisible. Plus précisément :

  • Les notes sur plusieurs pages sont regroupées sur la première.
  • Les notes sont regroupées en fin d'article.

Le texte original

Page 5


- 5 (G) -

LE

CHATEAU DE LA MALGRANGE,

NOTICE HISTORIQUE ET DESCRIPTIVE. Le Château de la Malgrange Lallement Louis bpt6k6530962f 9.jpeg[5]

—————- -' —————

1.

Il n'est pas possible d'assigner une date précise à la fondation de la Malgrange. Il est vraisemblable que son origine remonte au moins au XIVe siècle [1], car il en est question, Le Château de la Malgrange Lallement Louis bpt6k6530962f 10.jpeg[6] sous le nom de Valgrange, dans un titre de transaction de la maison du Châtelet, à la date du 11 juillet 1401 [2]. Ce titre montre que ce lieu s'appela originairement Valgrange.

Mais, comme nos historiens nous apprennent qu' « il y avait depuis très-longtemps en cet endroit une maison de campagne appelée le Pavillon-sans-Soucy ( Sans-Souci, ce doux nom d'un favorable augure », comme a dit Andrieux (Flag of France.svg)[NDLR 2]), il est probable que le nom de Pavillon sans Soucy était celui du premier castel bâti en cet endroit, et que Valgrange était le nom des dépendances de cette maison de plaisance : Valgrange devint sans doute le nom général de ce domaine. — Le mot grange, on le sait, avait alors un sens beaucoup moins restreint que celui de « bâtiment où l'on serre les blés en gerbe », sens qu'on lui donne communément aujourd'hui : grange signifiait domaine, villa, maison de plaisance. Ducange, dans son Glossarium ad scriptores mediœ Le Château de la Malgrange Lallement Louis bpt6k6530962f 11.jpeg[7] et infimœ latinitatis, interprète ainsi ce mot : « GRANGIA : Prœdium, villa rustica. Et il ajoute : Grangiœ, ut ait Lindwodus, dicuntur à granis, quœ ibi reponuntur, et sunt horrea : sedetiam ubi sunt stabula pro equis, bostaria, sive prœsepia pro bobus, et aliis animalibus, caulœ pro ovibus, poreitheea pro porcis, et sic de aliis, quœ pertinent ad œconomiam, ut sunt loca deputata pro servientibus ad agriculturam, et opera rustica. »

Ce lieu portait le nom de Malgrange en 1477 [3], lors de la défaite du Duc de Bourgogne, dont ce site fut le théâtre.

Le nom de Malgrange (écrit aussi Malle-grange en ce temps- là) se trouve plusieurs fois dans le récit du Chroniqueur qui a raconté la bataille de Nancy, et dans tous les historiens, tant anciens que modernes, qui ont tracé le tableau de ce mémo- rable événement, la plupart en s'inspirant de ce chroniqueur.

— L'aile droite de l'armée bourguignonne, commandée par Jean de Lalain, grand-juge de Flandre, et par le capitaine de la Rivière, chef de la cavalerie, s'étendit depuis le Saulru en Le Château de la Malgrange Lallement Louis bpt6k6530962f 12.jpeg[8] s'appuyant vers la Malgrange : c'est de ce côté que devait commencer l'attaque. — Waultrin de Wisse, un des meilleurs capitaines du duc René II, dit entr'autres choses aux capitaines suisses :

« Ici par derrière le bois de Jarville, à gauche, je vous conduirai droict à la Malgrange, toujours à couvert, pour aller donner en flanc et par derrière sur la droite et le corps de bataille des ennemis. »

Ce conseil fut goûté et exécuté avec succès. On passa le ruisseau de Heillecourt (qui portait, car l'eau était glacée), et l'on arriva dans une plaine près de la Malgrange, où l'on s'arrêta. Là, Waultrin de Wisse, qui connaissait très-bien les lieux, avertit qu'on était fort près des Bourguignons : « Il n'y a plus, dit-il, que quelques buissons à passer : prenez courage, donnons vivement sur les Bourguignons. » Là aussi, dans ce moment solennel et décisif (il était environ dix heures et demie du matin), le duc René exhorta lui-même ses compagnons : Messieurs, dit-il, je vous prie de me servir bien et fidèlement à cette journée. Je veux être des premiers : j'ai grand courage et bonne espérance que nous déferons aujourd'hui ces Bourguignons. Là, enfin, un prêtre allemand, qui savait plusieurs langues, mit un surplis et une étole, prit en main la sainte hostie qu'il éleva aux yeux de toute l'assistance ; il remontra à toute l'armée l'injustice que le Duc de Bourgogne faisait au jeune duc René, les exhorta à combattre généreusement pour sa défense ; leur dit que, s'ils avaient une bonne foi, une véritable espérance en Dieu, leur rédempteur, dont il leur montrait le corps présent, et une bonne contrition, combattant pour une cause aussi juste, ils seraient tous sauvés.

Quand le prêtre eut fini cette touchante exhortation, les soldats à genoux levèrent leurs mains jointes vers le ciel : tous firent avec la main une croix sur la terre neigeuse, la baisèrent dévotement, puis se relevèrent pleins de courage et de confiance.

Le Château de la Malgrange Lallement Louis bpt6k6530962f 13.jpeg[9] Après cet acte de loi et de confiance de tant de braves guerriers, la bataille commença, dès que René eut distribué les étendards et assigné les postes aux chefs de l'armée. C'est entre la Malgrange, le Saulru et le lieu où s'élève aujourd'hui Bon-Secours, que le combat fut surtout vif et acharné. Deux capitaines français de l'armée de René, Manne et Doriole, avaient été accueillis vivement par le capitaine bourguignon La Rivière et ses cavaliers, lorsque parut tout-à-coup sur la hauteur de la Malgrange Guillaume Herther, capitaine au service de René, et toute la colonne ; ce qui rassura les soldats de Manne et Doriole. Aussitôt les Suisses sonnèrent la charge avec leurs cors, et le combat s'engagea avec acharnement sur tous les points. — Ainsi, le site de la Malgrange fut le théâtre de la victoire des Lorrains : tel est le premier souvenir glorieux qui se rattache à l'histoire de ce lieu.

Notes de l'article

  1. (page 5, note 1 ) Il existe deux titres du XIIIe siècle, portant vente d'un domaine appelé ALEGRANGES
    — Par le premier, daté du jour de Pâques de l'an 1287, Geoffroi, sire d'Apremont, chevalier, certifie que le Sire Henri de Landes, chevalier, son féal, a reconnu pardevant lui qu'il vend à Gilet de Florehanges, écuyer, tout ce qu'il avait à Alegranges.
    — Par le second, daté du mardi après Pâques, 1er avril 1287, Madame, fille de Landes, femme du chevalier Ouri, déclare avoir vendu à Gilet de Florehanges, écuyer, tout ce qu'ils ont à Allegranges.

    (Dans ce second titre, le mot est écrit par deux ll, tandis que dans le premier titre il est écrit par une seule l)
    Nous avons cru devoir indiquer ici ces titres, à cause de la frappante similitude de nom avec le lieu qui nous occupe : en effet, la consonne qui précède le mot Alegranges ayant varié (ça a été d'abord un V, Valgrange ; puis une M, Malgrange), il serait possible que le mot Alegranges ait été le nom primitif, et qu'ainsi les deux titres dont nous venons de parler fussent relatifs au domaine dont nous écrivons l'histoire. Toutefois, il est bien entendu que c'est là une simple conjecture.
  2. (page 6, note 1) Par cet acte (imprimé dans l'Histoire généalogique de la Maison du Châtelet, par Dom Calmet, aux Preuves, pages xxiv-xxvj) :

    » Monsieur Pierre du Châtelet, chevalier, fonde et crante, deubs, assigne — sans eschins, cautelles, débat, contredit, éloignement ou malengin à Jehan et à sa femme, pour eux et leurs hoirs nez en loyal mariage, sur tout ce que (ledit) Monsieur Pierre Liebal, chevallier, père audit Monsieur Pierre, avoit, tenoit, pessédoit par le temps qu'il vivoit, en ville et leu de Houdemont, du VALGRANGE, de Froicourt, de Remirecourt, de Villé devant Nancy et de Viterne, etc.
  3. Il est donc absolument impossible que le nom de Malgrange ait été donné à ce lieu par les Lorrains dans le sens de Maudite grange ou Maison maudite, en haine de ce que Catherine de Bourbon y avait fait prêcher des ministres calvinistes, puisque ce nom existait bien plus d'un siècle avant l'arrivée de cette princesse en Lorraine. (Voir Dom Calmet, IIist. de Lôr., 2e éd., t. V, page ; et la Notice de la Lorraine, art. Heillccourl. — Voir aussi le P. Wilhelm, Histoire des Ducs de Lorraine, page 112.) - - Puisque nous en sommes sur le sens du mot Malgrange, nous mentionnerons, à titre de curiosité révolutionnaire, le sens donné à ce mot par un voyageur républicain dans la Meurthe en 1792 : a Stanislas Il avait aux portes de Nancy une maison de plaisance appelée Malgrange (sic), OU mauvaise grange. Ce mot est assez bien trouvé pour la maison d'un Roi. A coup sûr, tout ce que le peuple dépose dans une grange semblable est bien vile dénaturé ou corrompu !!! » Voyage dans les départements : Meurthe, page 20.)

Voir aussi

Notes de la rédaction
  1. Ce tableau, réalisé en 1835, a été mis ici pour mettre l’œuvre de Lallement dans son contexte culturel. Il n'est pas cité dans le document.
  2. Lallement fait allusion à un poème de François Andrieux qui évoque ... (voir sur Wicri/France Le meunier de Sans-Souci )