Bull. Soc. sci. Nancy (1898) Millot

De Wicri Nancy

Températures extrêmes de 1878 à 1893 à Nancy


 
 

Titre
Températures extrêmes de 1878 à 1893 à Nancy
Auteur
Charles Millot
Pages
15 à 32
In
Bulletin de la Société des sciences de Nancy (Tome 33)
Dates
  • création : 1898
  • mise en lecture 25 février 2020
En ligne
http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/31981

Cet article a été publié en 1898 dans le Bulletin de la Société des sciences de Nancy[NDLR 1].

Avant-propos

Théorème de Pythagore Démonstration Wicri
Cet article fait partir d'un ensemble d'exemples destinés à montrer diverses stratégies de valorisation d'articles contenus dans les bulletins de l'Académie lorraine des sciences.

Ici, un élément intéressant est la présence d'un ensemble de tableaux statistiques. Ils sont transcrits en wikitexte de façon à en faire des tableaux triables. Ceci permet au lecteur une exploration plus intéressante.

De plus, nous présentons un tableau consolidé portant sur l'ensemble des données. Pour réaliser ces opérations des petits programmes ont été réalisés. Ils sont également visibles sur le wiki.

Le texte original

Les titres ont été ajoutés par les contributeurs de Wicri/Nancy

On entend parfois critiquer ce qu'on appelle « l'abus des moyennes en météorologie » : sous prétexte que le corps humain et les plantes semblent plus vivement affectés par les conditions extrêmes de l'atmosphère, on réclame pour celles-ci la prépondérance et même toute l'attention, mettant ainsi en doute l'utilité des moyennes et blâmant leur emploi.

Cette manière de voir ne peut venir que d'un manque de réflexion ou d'esprit scientifique.

À propos des moyennes

Incontestablement, une moyenne est un être fictif, un être de raison ; mais non seulement il est avantageux de le dégager de la complication excessive des phénomènes atmosphériques, afin d'avoir un nombre fixe auquel on puisse comparer les données incessamment variables fournies par les observations, en outre c'est uniquement en opérant sur des moyennes qu'il est possible de suivre la marche d'un phénomène, d'en établir les lois et de vérifier ses relations soupçonnées avec d'autres phénomènes concomitants, but constant des recherches de l'homme de science.

Sans doute, les nombres extrêmes sont pratiquement utiles à connaître et les météorologistes se gardent bien de les négliger, mais leur importance est de beaucoup diminuée par l'impossibilité où l'on est de les considérer comme des limites définitivement acquises. Savons-nous s'il ne viendra pas un hiver encore plus froid ou plus doux, un été encore plus chaud ou plus frais, une année de pluie ou de sécheresse plus excessive encore que les plus remarquables de nos registres météorologiques ? À cause de leur déconcertante variabilité, on ne peut opérer sur les maxima et les minima comme on le fait avec les moyennes qui, par une compensation des irrégularités de sens inverse, synthétisent pour ainsi dire le phénomène en le simplifiant et permettent d'en avoir une conception plus nette.

Les températures moyennes, par exemple, sont la représentation des températures qui se produisent dans le lieu où ont été entreprises les observations et des variations périodiques de ces températures, abstraction faite des causes de perturbation qui, en réalité, ne cessent jamais d'agir. Quand les moyennes résultent d'une longue série d'années — soit cinquante — leur valeur est alors si grande, leur signification si précise, qu'on leur donne souvent le nom de normales.

Précisons davantage, à l'aide d'une considération empruntée à la géographie végétale.

Sur le globe terrestre, les contours de l'aire occupée par une plante donnée oscillent perpétuellement autour d'une position moyenne. Après une série d'années chaudes, la limite septentrionale remonte vers le nord, que la plante soit spontanée ou que l'homme, encouragé par le succès, en étende la culture. Plusieurs années froides feront reculer cette limite vers le sud, le végétal disparaissant de lui-même ou l'homme abandonnant une entreprise infructueuse. La limite méridionale sera plutôt sous la dépendance de la pluie, l'action de l'humidité devenant prépondérante là où la chaleur ne manque pas. Les années pluvieuses la feront descendre vers le sud ; sous l'influence d'une longue sécheresse, au contraire, la plante considérée reculera vers le nord. Les frontières orientale et occidentale varieront à leur tour comme les conditions maritimes ou continentales du climat. Comment circonscrirez-vous sur une carte l'aire occupée par ce végétal, sinon en indiquant la position moyenne de ses contours sans cesse variables ?

D'autres sciences fourniraient des arguments non moins convaincants.

Les types anatomiques, par exemple, ne sont pas d'une fixité absolue. Quiconque a disséqué des êtres organisés sait par expérience que, dans tout sujet, on rencontre ce que l'on nomme des anomalies. Le type classique, représentant d'une espèce, est toujours, jusqu'à un certain point, schématique.

Il en est de même en astronomie : les perturbations masqueraient la loi de gravitation régulière des planètes autour du corps central prépondérant si on se laissait arrêter par leurs manifestations spéciales.

Tous les phénomènes naturels, à quelque branche des connaissances humaines qu'ils se rattachent, présentent des variations analogues ; pour les étudier, on est fatalement conduit à la notion des moyennes. Pourquoi et comment ferait-on autrement en météorologie ?

On reproche à cette dernière la lenteur de ses progrès ; ils seraient moindres encore, peut-être même impossibles, si l'on s'obstinait à vouloir aborder l'étude des phénomènes atmosphériques dans toute leur complexité et leur excessive variété. Si nous avons pu établir quelques lois ou relations utiles, dans divers mémoires, depuis 1878, ce n'a été qu'en opérant sur des moyennes.

Nous avons tenu néanmoins à publier les plus basses et les plus hautes températures de chacun des jours d'une année, observées depuis vingt ans à Nancy, et les années où ces extrêmes ont eu lieu. On les trouvera dans les tableaux et sur le graphique qui suivent.

Certes, beaucoup d'entre elles exciteront un vif intérêt, causeront même une grande surprise aux personnes — c'est presque tout le monde — qui, ne prenant pas en note les vicissitudes atmosphériques, les oublient rapidement et toujours croient exceptionnelles les intempéries qui les indisposent. À ce dernier point de vue, des recherches sur le nombre de jours de pluie consécutifs seraient plus suggestives encore ; nous les entreprendrons un jour.

Observations

Quoi qu'il en soit, on voit qu'à Nancy, le plus grand froid, -22°8, a été observé le 29 janvier 1895, serré de près par le nombre -22°4 noté le 8 et le 10 décembre 1879 ; puis viennent les chiffres -21°8 relevé le 30 janvier 1895, -21°0 le 9 et le 11 décembre 1879. Le 1er janvier 1888, on observait encore -20°3, et le 17 janvier 1893 -20°0. Des froids de 20 degrés et davantage ne sont donc pas absolument rares à Nancy, puisqu'ils ont été enregistrés huit fois en vingt ans.

Il importe de rappeler ici que les villes constituent, en toute saison, des sortes d'oasis de chaleur, à cause de l'impossibilité d'y protéger les thermomètres contre le rayonnement de tous les murs, chauffés de l'intérieur par les foyers en hiver, et à l'extérieur par le soleil en été. Ainsi, quand on notait à l'observatoire de la Faculté des sciences -22°4 en décembre 1879, la température était de -27° dans les jardins de la banlieue. La différence habituelle entre la ville et la campagne est en effet de 4 ou 5 degrés pendant les froids.

Dès les premiers jours de décembre et jusqu'au 19 mars, le thermomètre peut descendre à -15°. En revanche, il peut monter à 15 degrés au-dessus de zéro au cœur même de l'hiver (6 décembre 1885, 1er janvier 1883) et jusqu'à 17° dès la seconde moitié de février (18 et 28 février 1885).

On constate aussi qu'il peut encore geler en ville le 23 mai, comme en 1887, et qu'en juin même, la campagne n'est pas définitivement à l'abri de ce contre-temps, car le 18 et le 19 juin 1884, la température a été bien près de zéro à Nancy (0°2 et 0°3). En effet, il a gelé réellement à ces deux dates en 1883 et en 1884, ainsi que le 10 juin 1881.

À l'automne, les gelées peuvent débuter au milieu de septembre, comme en 1887 et en 1889. Les deux seuls mois de juillet et d'août en sont donc réellement exempts, à Nancy du moins, et dans les vingt années considérées, restriction nécessaire, ainsi qu'on le verra tout à l'heure.

Si maintenant nous passons aux températures estivales, nous voyons :

  • 1° que la plus élevée, 39°2, a eu lieu le 16 juillet 1881 ;
  • 2° que des températures égales ou supérieures à 35° ne sont pas très rares en juillet et dans la première moitié d'août, puisqu'elles se sont présentées dix fois en vingt ans :
  • 3° que dès le 21 mai et jusqu'au 10 septembre, le thermomètre peut atteindre 30°. Le 25 septembre 1895, il montait encore à 29°9, etc.
4 juillet 1881 . . . . . . . 35°3   16 juillet 1881 . . . . . . . 39°2
5 — 38° 18 — 36°4
12 — 35°2 20 — 35°
13 juillet 1884 35° 3 août 1879 36°4
15 — 1881 38°4 17 — 1892 37°

Mais le thermomètre peut aussi descendre, la nuit, au-dessous de 4° en juillet et en août :

7 juillet 1887 . . 3°3       19 août 1885 3°2
10 — 1886 3°4 21 — 3°4
6 août 1886 . . 3°6 24 — . . 3°3
12 — 1887 3°2 28 août 1884 2°1
14 — 1885. . 2°4 30 — 3°4

De tels minima en ville font entrevoir la possibilité d'une gelée (au moins d'une gelée blanche) à la campagne en plein été. Et de fait il a gelé (-1°5) le 7 juillet 1887, en Belgique, au voisinage de notre frontière des Ardennes. Durant tout le mois d'août de cette même année 1887, les nuits ont été très fraîches dans le département de Meurthe-et-Moselle et il a gelé dans plusieurs vallons le 12, le 14 et le 23. Le même phénomène avait été observé en août 1885, il a gelé le 14. Il a gelé également dans certains vallons le 2 juillet 1888, et dix jours après (le 12) on voyait en plusieurs localités du département de la neige qui, bien entendu, fondait en tombant, mais prouvait que tout arrive en météorologie : gelée et neige en juillet, chaleur de 15° en janvier. Cependant, le minimum de la température à Nancy était supérieur à 5° : 5°2 le 2, 6°6 le 12.

De 1878 à 1897, le plus grand froid observé à Nancy, -22°8, dans l'intérieur de la ville, et la plus forte chaleur, 39°2, présentent un écart de 62 degrés sur l'échelle thermométrique. Il faut donc, quand on achète un thermomètre dans notre pays, s'assurer que sa graduation s'étend bien de -30° à +45°, et même de -35° à +50° pour les thermométrographes, à cause de la place nécessaire aux index, sous peine d'avoir des lacunes dans ses observations et justement de ne pouvoir noter les températures les plus curieuses[1].

Hormis cette remarque, fort utile d'ailleurs, que pouvons-nous conclure de températures extrêmes une seule fois réalisées, ne sachant si nous les reverrons encore, et à la même date, ou si, au contraire, elles ne seront pas un jour dépassées ? En dehors des nombres vraiment remarquables, que nous apprend la grande masse des autres ? Peu de chose en vérité ; on y voit surtout la confirmation de faits connus de tous. Enfin, si, pour trouver une résultante aux innombrables et déconcertants zigzags du diagramme, nous regardons celui-ci en clignant les yeux, comme on le fait vis-à-vis d'un tableau dont on veut juger 1'« effet » ou la valeur des tons, sans que les détails interviennent, nous n'apercevons plus en gros que la marche annuelle de la température, bien mieux et plus exactement représentée par ses moyennes diurnes, telle que nous l'avons publiée et commentée en 1892 (Bulletin de la Société des sciences de Nancy).

En résumé, de quelque façon que l'on tourne et retourne tous ces maxima et minima, si l'on s'interdit de les grouper de façon à en tirer des moyennes, on est fatalement amené à n'y voir que des documents très curieux, très intéressants en eux-mêmes, utiles à posséder et à consulter, mais de nature presque uniquement statistique ou historique.

Cela est tellement vrai — ce sera notre dernier argument — que, voulant nous rendre compte de la façon dont varie, dans le cours de l'année, la grandeur des écarts possibles de la température à chaque date, il nous a fallu, sous peine de ne rien pouvoir conclure, recourir aux différences moyennes mensuelles. Aussitôt et d'une façon très nette, nous avons vu que les plus grandes différences ont lieu en mai et les plus faibles en novembre, fait rendu évident par le petit diagramme et à peu près invisible si on le cherche dans l'écartement des deux lignes brisées du grand diagramme.

Les météorologistes ne font donc pas un « abus », mais un usage raisonné des moyennes.

Notes de l'article

  1. Beaucoup de thermomètres en vente chez les opticiens ne sont gradués que jusqu'à -15° ; c'est bien loin d'être suffisant.

Tableaux et données

Les tableaux mensuels

Un exemple sur le mois d'octobre

Voici la copie d'une page telle qu'elle figure dans le texte original :

Bull ALS 1898 temp octobre.png

Voici le résultat publié ici (vous noterez la possibilité de trier par colonne) :

jour minimum année maximum année différence
1  -00°1 1887 22°8 1895 22°9
2  -01°0 1887 23°4 1895 24°4
3  01°8 1878 24°4 1886 22°6
4  01°2 1884 24°3 1886 23°1
5  01°0 1884 23°0 1886 22°0
6  02°1 1881 23°0 1878 25°
7  00°2 1888 20°6 1896 20°4
8  -02°0 1885 21°6 1896 23°6
9  -03°0 1887 22°0 1896 25°0
10  -00°4 1888 19°2 1891 19°6
11  00°0 1884 20°8 1891 20°8
12  -01°1 1887 24°0 1891 25°1
13  -04°2 1887 19°6 1890 23°8
14  02°2 1887 18°0 1890 20°2
15  -03°2 1887 24°4 1895 27°6
16  -05°1 1887 19°0 1891 24°1
17  -02°4 1879 19°8 1892 22°2
18  -00°4 1887 19°4 1887 19°8
19  -01°0 1892 16°3 1881 et 1886 17°3
20  -03°2 1888 20°0 1891 23°2
21  -03°2 1888 17°4 1878 20°6
22  -04°2 1888 18°8 1878 23°0
23  -06°2 1887 18°0 1891 24°2
24  -03°8 1888 19°8 1891 23°6
25  -03°3 1887 15°8 1878 19°1
26  -07°0 1887 16°4 1888 23°4
27  -07°3 1887 17°2 1888 24°5
28  -09°2 1887 17° 1892 26°8
29  -03°2 1890 16°0 1888 19°2
30  -02°6 1890 17°6 1888 20°2
31  -03°0 1881 17°0 1894 20°0

Pour accéder à l'ensemble des données

L'ensemble des données est accessible de 2 façons :

Éléments techniques

Le traitement des données se fait en plusieurs étapes.

Dans un premier temps, on construit un premier tableau brut par un simple copier/coller à partir du PDF. Voici le résultat pour le début du mois d'octobre :

1 . — 0°1 1S87 22°8 1895 22°9
— 1°0 1887 23°4 1895 24°4
1°S 1878 24°4 1886 22°6
1°2 I878et1884 24°3 1886 23°1
t°0 1884 dt 1885 23°0 1886 22°0
6 2°t 1881 23°0 1878 25°l
7. 0°2 1888 20°6 1896 20°4
— 2-0 1885 21°6 1896 23°6
9. — 3°0 1887 22°0 1896 25°0
10 — 0°4 1888 19°2 . 1891 19°6

Sur cette base des améliorations manuelles sont apportées pour donner un tableau tel que :

1 . — 0°1 1887 22°8 1895 22°9
2 — 1°0 1887 23°4 1895 24°4
3 1°8 1878 24°4 1886 22°6
4 1°2 I878et1884 24°3 1886 23°1
5 1°0 1884 dt 1885 23°0 1886 22°0
6 2°1 1881 23°0 1878 25°l
7 0°2 1888 20°6 1896 20°4
8 — 2°0 1885 21°6 1896 23°6
9. — 3°0 1887 22°0 1896 25°0
10 — 0°4 1888 19°2 . 1891 19°6

Un programme développé avec l'analyseur lexical lex (d'Unix) permet de générer du code wiki tel que

|-
!jour
!minimum
!année
!maximum
!année
!différence
|-
|1
| -00°1
|1887
|22°8
|1895
|22°9
|-
|2
| -01°0
|1887
|23°4

Le résultat est alors inséré dans la page des tableaux bruts. En fait le traitement est légèrement itératif. En effet la visualisation du tableau permet de détecter les anomalies.

Le tableau consolidé est généré de façon automatique à partir de la page des tableaux bruts par un programme utilisant la bibliothèque DILIB.

Les détails sont visibles sur ce wiki, avec notamment :

Voir aussi

Sur ce wiki
Notes
  1. Cette société, installée à Nancy en 1870, a pris la suite de la Société des sciences naturelles de Strasbourg. Elle est devenue l'Académie lorraine des sciences.