Roland (la mort de) (Larousse - G.D.U. XIXe siècle)

De Wicri Chanson de Roland
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La mort de Roland

Roland (la mort de), fantaisie épique, par M. Alfred Assollant (1860). Depuis que Cervantes s’est permis de railler la chevalerie, le roman chevaleresque ne s’est pas relevé du discrédit qui l’a frappé sous les traits de l’étonnant chevalier de la Manche. Depuis Cervantes aussi personne ne s’est avisé d’imiter un chef-d’œuvre inimitable. M. Assoliant a pourtant entrepris d’écrire un roman chevaleresque et de donner un pendant au Don Quichotte.. La grande figure de Roland domine toutes les épopées du moyen âge ; il a précisément choisi ce type héroïque pour l’immoler à une froide raillerie. Il se moque de Roland, de Charlemagne, de l’archevêque Turpin, de la chevalerie entière, de son sujet, de ses lecteurs et de lui-même. M. Assollant a fait une parodie ; la recette n’est pas plus neuve que le sujet : dire les choses plaisantes d’un ton épique et donner aux choses épiques le ton plaisant ; mêler le grotesque au sérieux et le moderne à l’antique, transformer une légende héroïque en bouffonnerie rabelaisienne, tel est le procédé. Les villes forcées, les royaumes conquis, les princesses délivrées, ne sont qu’un prétexte pour déployer une malignité satirique. La poésie elle-même se voit malmenée dans la personne d’un troubadour ; page heureuse, du reste :

« Roderic se tourna vers le Gascon :
— Et toi, dit-il, qui es-tu ?
— Je suis un nourrisson des Muses, répondit Raimbaud avec emphase.
Roderic fronça le sourcil.
— Un nourrisson des Muses, c’est-à dire un poëte, un méchant aligneur de rimes ! À quoi cela peut-il servir dans une république ?
— Un méchant aligneur de rimes ! reprit le Gascon en colère. Sais-tu que j’ai été deux ans le poète du roi Marsile et de la princesse Fleur d’Épine ? Sais-tu que les gens de Saragosse ont au moins autant de goût que ceux de Villanueva ?
— Un poète de cour ! dit Roderic avec mépris ;
que ferions-nous de cela ?
— Mais, dit le Gascon, je saurai chanter la liberté, j’animerai les guerriers au combat, je charmerai le cœur des femmes sensibles et répandrai une gloire éternelle sur ma nouvelle patrie.
— Sais-tu bêcher ? dit le vieillard.
— Non.
— Sais-tu sarcler ?
— Non.
— Sais-tu balayer les rues ?
— Non.
— Sais-tu faire des souliers ?
— Non, mille fois non. Je sais célébrer les exploits des héros et...
— Bien, dit Roderic, passons à ton compagnon, qui a du moins le mérite de savoir se taire. »

Cet épisode donne une idée favorable de la manière de l’auteur, qui, plein de verve, emploie avec dextérité le procédé de la parodie. Il a un entrain infatigable, un esprit vif, le talent d’écrire, une clarté de plan constante, mais peu d’invention, peu ou point d’émotion, plus de causticité que de gaieté. Son persiflage ne fait pas toujours rire ; sa plaisanterie devient souvent un anachronisme. Il y a, par exemple, un certain Ali, pêcheur de truites, qui semble avoir lu Voltaire, tellement il a à cœur de fronder les préjugés, les prétentions, les croyances et la gloire d’un chacun. La prose de M. Assollant, qui rappelle d’une manière heureuse les allures vives et piquantes de l’Arioste, lui fera pardonner les irrévérences qu’il s’est permises contre la poésie.


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