Histoire naturelle (Buffon)/Tome 6/Le daim

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Georges-Louis Leclerc de Buffon
Histoire Naturelle (1749)
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Ce tableau de Albert Anker illustre une activité à caractère pédagogique sur une page Démonstration de réédition numérique hypertexte
Le daim est utilisé comme un exemple de réédition à l'occasion de la Fête de la science 2024. (voir en page discussion)

Cette page introduit l'article Le daim par Monsieur de Buffon dans le tome VI de son encyclopédie[NDLR 1].

Collection Quadrupèdes Buffon 1749 tome 2 f105.jpg

Le daim (par Monsieur de Buffon)

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Le daim

Buffon Lanessan Tome 9 page f35.jpg[l 25]

Aucune espèce n'est plus voisine d'une autre que l'espèce du daim [L 1] l'est de celle du cerf; cependant ces animaux, qui se ressemblent à tant d'égards, ne vont point ensemble, se fuient, ne se mêlent jamais, et ne forment par conséquent aucune race intermédiaire : il est même rare de trouver des daims dans les pays qui sont peuplés de beaucoup de cerfs, à moins qu'on ne les y ait apportés ; ils paraissent être d'une nature moins robuste et moins agreste que celle du cerf, il sont aussi beaucoup moins communs dans les forêts ; on les élève dans des parcs où ils sont, pour ainsi dire, à demi domestiques.

L'Angleterre est le pays de l'Europe où il y en a le plus, et l'on y fait grand cas de cette venaison, les chiens la préfèrent aussi à la Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f234.jpg[168] chair de tous les autres animaux, et, lorsqu'ils ont une fois mangé du daim, ils ont beaucoup de peine à garder le change sur le cerf ou sur le chevreuil.

Il y a des daims aux environs de Paris et dans quelques provinces de France ; il y en a en Espagne et en Allemagne ; il y en a aussi en Amérique [L 2], qui peut-être y ont été transportés d'Europe : il semble que ce soit un animal des climats tempérés, car il n'y en a point en Russie, et l'on n'en trouve que très rarement dans les forêts [1] de Suède et des autres pays du Nord.

Les cerfs sont bien plus généralement répandus ; il y en a partout en Europe, même en Norvège et dans tout le Nord, à l'exception peut-être de la Laponie ; on en trouve aussi beaucoup en Asie, surtout en Tartarie [2] et dans les provinces septentrionales de la Chine. On les retrouve en Amérique, car ceux de Canada [3] ne diffèrent des nôtres que par la hauteur du Buffon Lanessan Tome 9 page f36.jpg[l 26] bois, par le nombre et par la direction des andouillers [4], qui quelquefois n'est pas droite en avant comme dans les têtes de nos cerfs, mais qui retourne en arrière par Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f235.jpg[169] une inflexion bien marquée, en sorte que la pointe de chaque andouiller regarde le merrain ; et cette forme de tête n'est pas absolument particulière aux cerfs du Canada, car on trouve une pareille tête gravée dans la Vénerie de du Fouilloux [5], et le bois du cerf de Canada que nous avons fait graver (planche XI[NDLR 2]) a les andouillers droits, ce qui prouve assez que ce n'est qu'une variété qui se rencontre quelquefois dans les cerfs de tous les pays. Il en est de même de ces têtes qui ont au-dessus de l'empaumure un grand nombre d'andouillers en forme de couronne, que l'on ne trouve que très rarement en France, et qui viennent, dit du Fouilloux [6] , du pays des Moscovites et d'Allemagne; ce n'est qu'une autre variété qui n'empêche pas que ces cerfs ne soient de la même espèce que les nôtres. En Canada comme en France, la plupart des cerfs ont donc les andouillers droits ; mais leur bois en général est plus grand et plus gros, parce qu'ils trouvent dans ces pays inhabités plus de nourriture et de repos que dans les pays peuplés de beaucoup d'hommes. Il y a de grands et de petits cerfs en Amérique comme en Europe ; mais, quelque répandue que soit cette espèce, il semble cependant qu'elle soit bornée aux climats froids et tempérés : les cerfs du Mexique et des autres parties de l'Amérique méridionale, ceux que l'on appelle biches des bois, et biches des palétuviers à Cayenne, Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f236.jpg[170] ceux que l'on appelle cerfs du Gange, et que l'on trouve dans les mémoires dressés par M. Perrault sous le nom de biches de Sardaigne, ceux enfin auxquels les voyageurs donnent le nom de cerfs au cap de Bonne-Espérance, en Guinée et dans les autres pays chauds, ne sont pas de l'espèce de nos cerfs, comme on le verra dans l'histoire particulière de chacun de ces animaux.

Et comme le daim est un animal moins sauvage, plus délicat, et, pour ainsi dire, plus domestique que le cerf, il est aussi sujet à un plus grand nombre de variétés. Outre les daims communs et les daims blancs, l'on en connaît encore plusieurs autres : les daims d'Espagne, par exemple, qui sont presque aussi grands que des cerfs, mais qui ont le cou moins gros et la couleur plus obscure, avec la queue noirâtre, non blanche par-dessous, et plus longue que celle des daims communs ; les daims de Virginie, qui sont presque aussi grands que ceux d'Espagne, et qui sont remarquables par la grandeur du membre génital et la grosseur des testicules ; d'autres qui ont le front comprimé, aplati entre les yeux, les oreilles et la queue plus longues que le daim commun, et qui sont marqués d'une tache blanche sur les Buffon Lanessan Tome 9 page f37.jpg[l 27] ongles des pieds de derrière ; d'autres qui sont tachés ou rayés de blanc, de noir et de fauve clair ; et d'autres enfin qui sont entièrement noirs : tous ont le bois plus veule, plus aplati, plus Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f237.jpg[171] étendu en largeur, et à proportion plus garni d'andouillers que celui du cerf ; il est aussi plus courbé en dedans, et il se termine par une large et longue empaumure, et quelquefois, lorsque leur tête est forte et bien nourrie, les plus grands andouillers se terminent eux-mêmes par une petite empaumure. Le daim commun a la queue plus longue que le cerf, et le pelage plus clair. La tête de tous les daims mue comme celle des cerfs, mais elle tombe plus tard ; ils sont à peu près le même temps à la refaire, aussi leur rut arrive quinze jours ou trois semaines après celui du cerf : les daims raient alors assez fréquemment, mais d'une voix basse et comme entrecoupée ; ils ne s'excèdent pas autant que le cerf, ni ne s'épuisent par le rut ; ils ne s'écartent pas de leur pays pour aller chercher les femelles, cependant ils se les disputent et se battent à outrance. Ils sont portés à demeurer ensemble, ils se mettent en hardes, et restent presque toujours les uns avec les autres. Dans les parcs, lorsqu'ils. se trouvent en grand nombre, ils forment ordinairement deux troupes qui sont bien distinctes, bien séparées, et qui bientôt deviennent ennemies, parce qu'ils veulent également occuper le même endroit du parc : chacune de ces troupes a son chef, qui marche le premier, et c'est le plus fort et le plus âgé ; les autres suivent, et tous se disposent à combattre pour chasser l'autre troupe du bon pays. Ces combats sont singuliers par la disposition qui paraît y régner ; ils s'attaquent Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f238.jpg[172] avec ordre, se battent avec courage, se soutiennent les uns les autres, et ne se croient pas vaincus par un seul échec, car le combat se renouvelle tous les jours, jusqu'à ce que les plus forts chassent les plus faibles et les relèguent dans le mauvais pays. Ils aiment les terrains élevés et entrecoupés de petites collines : ils ne s'éloi- gnent pas comme le cerf, lorsqu'on les chasse ; ils ne font que tourner, et cherchent seulement à se dérober des chiens par la ruse et par le change ; cependant lorsqu'ils sont pressés, échauffés et épuisés, ils se jettent à l'eau comme le cerf, mais ils ne se hasardent pas à la traverser dans une aussi grande étendue ; ainsi la chasse du daim et celle du cerf n'ont entre elles aucune différence essentielle. Les connaissances du daim sont, en plus petit, les mêmes que celles du cerf; les mêmes ruses leur sont communes, seule- ment elles sont plus répétées par le daim : comme il est moins entreprenant, et qu'il ne se forlonge pas tant, il a plus souvent besoin de s'accompagner, de revenir sur ses voies, etc., ce qui rend en général la chasse du daim plus sujette aux inconvénients que celle du cerf ; d'ailleurs, comme il est plus petit et plus léger, ses voies laissent sur la terre et aux portées une impres- sion moins forte et moins durable ; ce qui fait que les chiens gardent moins le change, et qu'il est plus difficile de rapprocher lorsqu'on a un défaut à relever.

Buffon Lanessan Tome 9 page f38.jpg[l 28]


Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f239.jpg[173] Le daim s'apprivoise très aisément ; il mange de beaucoup de choses que le cerf refuse : aussi conserve-t-il mieux sa venaison, car il ne paraît pas que le rut, suivi des hivers les plus rudes et les plus longs, le maigrisse et l'altère, il est presque dans le même état pendant toute l'année ; il broute de plus près que le cerf, et c'est ce qui fait que le bois coupé par la dent du daim repousse beaucoup plus difficilement que celui qui ne l'a été que par le cerf; les jeunes mangent plus vite et plus avidement que les vieux ; ils ruminent, ils cherchent les femelles dès la seconde année de leur vie, ils ne s'attachent pas à la même comme le chevreuil, mais ils en changent comme le cerf : la daine porte huit mois et quelques jours comme la biche ; elle produit de même ordinairement un faon, quelquefois deux et très rare- ment trois ; ils sont en état d'engendrer et de produire depuis l'âge de deux ans jusqu'à quinze ou seize ; enfin ils ressemblent aux cerfs par presque toutes les habitudes naturelles, et la plus grande différence qu'il y ait entre ces animaux, c'est dans la durée de la vie. Nous avons dit, d'après le témoignage des chasseurs, que les cerfs vivent trente-cinq ou quarante ans, et l'on nous a assuré que les daims ne vivent qu'environ vingt ans : comme ils sont plus petits, il y a apparence que leur accroissement est encore plus prompt que celui du cerf; car dans tous les animaux la durée de la vie est proportion- nelle à celle de l'accroissement et non pas au temps de la gestation, comme on pourrait le croire, puisqu'ici le temps de la gestation est le même, et que dans d'autres espèces, comme celle du bœuf, on trouve que, quoique le temps de la gestation soit fort long, la vie n'en est pas moins courte ; par conséquent on ne doit pas en mesurer la durée sur celle du temps de la gestation, mais uniquement sur le temps de l'accroissement, à compter depuis la naissance jusqu'au développement presque entier du corps de l'animal.


Notes de la partie rédigée par Buffon

Notes relatives au titre
Le Daim ; en Grec,  ; en Latin, Dama ; en Italien, Daino ; en Espagnol, Daino, Corza ; en Allemand, Dam-Hirsch ; en Anglois, Fallow-Deer ; en Suédois, Dof, Dof-Hiort ; en Polonois, Lanii.
Euriceros, Oppiani.
Platyceros, Plinii.
Dama vulgaris. Aldrov. Quadr. bisulc. pag. 741.
Dama vulgaris sivè recentiorum. Gesner. Icon. anim. quadr. pag. 51.
Cervus platyceros. Ray. Synop. animal. quadr. pag. 85.
Cervus cornibus ramosis compressis, summitatibus palmatis. Linn. Syst. nat.
Cervus palmatus, Dama-cervus. Klein. Quadr. Hist. Nat. pag. 25.[NDLR 3]
Notes dans le texte
  1. (page 168, note a) Linn. Fauna Suecica.
  2. (page 168, note b) Description de l'Inde, par Marc Paul, liv. I, p. 38. Lettres édifiantes, XXVIe recueil, p. 371.
  3. (page 168, note c) Le cerf du Canada est absolument le même qu'en France. Description de la Nouvelle-France, par le P. Charlevoix, t. III, p. 129.
  4. (page 168, note d)Voyez, dans les Mémoires pour servir à l'histoire des animaux, par M. Perrault, la planche du cerf de Canada. - .,. M
  5. (page 169 note a) Voyez la Vénerie de Jacques du Fouilloux, fol. 22, verso.
  6. (page 169 note b) Idem, fol. 20, verso.

Description du daim (par Monsieur Daubenton)

Dans le Cabinet du Roi

Planches de l'article

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Collection Quadrupèdes Buffon 1749 tome 2 f105.jpg
Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f257.jpg
Collection Quadrupèdes Buffon 1749 tome 2 f106.jpg

Dans la réédition de Lanessan

Notes de Lanessan

  1. Le Daim (Cervus Dama L.) est en effet très voisin du Cerf dont il se distingue surtout par son bois aplati. Quelques zoologistes en ont fait cependant un genre spécial sous le nom de Dama, et donnent au Daim commun le nom de Dama vulgaris BROOK.
  2. Le Daim d'Amérique est considéré par certains zoologistes comme formant une espèce distincte.

Notes de la rédaction

  1. Cette transcription s'appuie sur la version originale de Buffon en utilisant la modernisation du texte par Lanessan.
  2. Cette référence a disparu des rééditions de Cuvier ou Lanessan.
    En fait, il s'agit probablement d'une erreur.
    En effet, le chapitre sur le cerf dans le cabinet du Roi contient une rubrique sur les Bois du cerfs du Canada. Elle fait référence à une planche numérotée XXVI.
  3. https://www.biodiversitylibrary.org/item/104560#page/33/mode/1up

Iconographie complémentaire

Dans la réédition de Cuvier :

Œuvres Buffon augmentées Cuvier (1829) Tome 14 page 430.jpg

Pour en savoir plus

Sur ce wiki

Voir aussi

Sources