Buffon illustré de la jeunesse - 1893/Mammifères/Domestiques/Cheval
Le cheval
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Le cheval
La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite est
celle de ce fier et fougueux animal qui partage avec lui les
fatigues de la guerre aussi intrépide que son maître, le
cheval voit le péril est l'affronte il se fait au bruit des armes, il l'aime, il le cherche, et s'anime de la même ardeur;
il partage aussi ses plaisirs à la chasse. Mais, docile autant
que courageux, il ne se laisse point emporter à son feu,
il sait réprimer ses mouvements non seulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble
consulter ses désirs, et, obéissait toujours aux impressions qu'il en reçoit, il se précipite, se modère ou
s'arrête, et n'agit que pour y satisfaire : c'est une créature
qui renonce à son être pour n'exister que par la volonté
d'un autre, qui sait même la prévenir qui, par la promptitude
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et la précision de ses mouvements, l'exprime et
l'exécute, qui sent autant qu'on le désire et ne rend
qu'autant qu'on veut; qui, se livrant sans réserve, ne se
refuse à rien, sert de toutes ses forces, s'excède, et même
meurt pour mieux obéir.
Le cheval compose à lui seul la famille des solipèdes[NDLR 1],
c'est-à-dire des animaux qui n'ont qu'un seul sabot a
chaque pied. Il a quarante-deux dents, et l'on voit entre
les incisives et les molaires un espace vide appelé barre
dans lequel se met le mors. Le cheval atteint, en taille
moyenne, à un mètre et demi il vit environ trente ans.
C'est à quatre ans qu'on le monte et qu'on l'exerce à obéir aux ordres d'un maître.
Il est de tous les animaux celui qui, avec une grande
taille, a le plus de proportion et d'élégance dans les parties de son corps; car, en lui comparant les animaux
(lui sont immédiatement au-dessus et au-dessous, on
verra que l'àne est mal fait, que le lion a la tête trop
grosse, que le bœuf a les jambes trop minces et trop
courtes pour la grosseur de son corps, que le chameau
est dinonue. et que les plus gros animaux, le rhinocéros
et l'éléphant, ne sont, pour ainsi dire, que des masses
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insormes. Le grand allongement des mâchoires est la
principale cause de la différence entre la tête des qua-
drupèdes et celle de l'homme c'est aussi le caractère le
plus ignoble de tous cependant, quoique les mâchoires
du cheval soient fort allongées, il n'a pas comme l'âne
un air d'imbécillité, ou de stupidité comme le bœuf la
régularité des proportions de sa tête lui donne, au con-
traire, un air de légèreté qui est bien soutenu par la
beauté de son encolure. Le cheval semble vouloir se
mettre au-dessus de son état de quadrupède en élevant
sa tête; dans sa noble attitude, il regarde l'homme face
11 face ses yeux sont vifs et bien ouverts ses oreilles
sont bien faites et d'une juste grandeur, sans être cour-
les comme celles du taureau, ou trop longues comme
celles de l'âne sa crinière accompagne bien sa tête,
orne son cou, et lui donne un air de force et de
fierté sa queue traìnante et touffue couvre et termine
avantageusement l'extrémité de son corps; et comme il
peut la mouvoir de còté, il s'en sert utilement pour chas-
ser les mouches qui l'incommodent.
On juge assez bien du naturel et de l'état actuel de l'animal par le mouvement de ses oreilles il doit, lors- qu'il marche, avoir les pointes des oreilles en avant. Un cheval fatigué a les oreilles bassets ceux qui sont co- lères et mutins portent alternativement l'une des oreilles en avant ou en arrière.
Les espèces du genre cheval paraissent toutes originaires du grand plateau central de l'Asie et de l'Afrique orientale et méridionale le cheval domestique vient primitivement de la Tartarie.
Dans lous les animaux, chaque espèce est variée suivant les différents climats, et les résultats généraux de ces variétés forment et constituent les différentes races.
C'est ainsi que nous axons les chevaux arabes, les
chevaux barbes, plus communs, mais légers et propres à
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la course les chevaux d'Espagne, bons pour la guerre,
pour la pompe est pour le manège; les cheaux anglais,
qui tiennent le milieu entre les arabes et les barbes les
chevaux mecklembourgeois, hollandais, recherchés pour
les attelages. Ces derniers sont les plus communément
employés en France. On s'y sert aussi d'une espèce très
répandue dans le Limousin.
Les chevaux arabes ont été de tout temps et sont encore les premiers chevaux du monde, tant pour la beauté que pour la bonté c'est d'eux que l'on tire les plus beaux chevaux qui soient en Europe, en Afrique et en Asie le climat de l'Arabie est donc peut-être le vrai climat des chevaux. Le cheval arabe est reconnaissable à sa tète carrée, son encolure de cerf.
En Ukraine et chez les Cosaques du Don, les chevaux
vivent errants dans les campagnes. Dans le grand espace
de terre compris entre le Don et le Dniéper, espace très
mal peuplé, les chevaux sont en troupes de trois, quatre
ou cinq cents, toujours sans abri, même dans la sai-
son où la terre est couverte de neige ils détournent
cette neige avec le pied de devant pour chercher et man-
ger l'herbe qu'elle recouvre. Deux ou trois hommes
cheval ont le soin de conduire ces troupes de chevaux,
ou plutôt de les garder, car on les laisse errer dans la
campagne. Chacune de ces troupes de chevaux a un che-
val-chef qui la commande, qui la guide, qui la tourne
et range quand il faut marcher ou s'arrêter ce chef
commande aussi l'ordre et les mouvements nécessaires
lorsque la t.roupe est attaquée par les voteurs ou par les
loups. Ce chef est très vigilant et toujours alerte il fait
souvent Ic lour de sa troupe, et si quelqu'un do ces che-
vaux sort du rang ou reste en arrière, il court à lui, le
srappe d'un coup d'épaule, et lui fait prendre sa place.
Ces animaux, sans être montés ni conduits par les hom-
mes, marchent en ordre à peu près comme notre cava-
lerie. Le chef occupe ce poste encore plus satigant
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qu'important pendant quatre ou cinq ans et lorsqu il
commence à devenir moins fort et moins actif, un autre
cheval, ambitieux de commander, et qui s'en sent la
force, sort de la troupe et attaque le vieux chef; s'il est
victorieux, il se met à la tête de tous les autres, et s'en
fait obéir.
En Finlande, au mois de mai, lorsque les neiges sont fon- dues, les chevaux partent de chez leurs maîtres, et s'en vont dans de certains cantons des forêts, où il semble qu'ils se soient donnés rendez-vous. Là, ils forment des troupes différentes, qui ne se mêlent ni ne se séparent jamais chaque troupe prend un canton différent de la forêt pour sa pâture, et n'entreprend point sur celui des autres. On sait que l'espèce du cheval n'existait pas dans le nouveau continent lorsqu'on en a fait la découverte, mais en moins de deux cents ans, le petit nombre de chevaux qu'on y a transportés d'Europe s'est si fort multiplié, et particulièrement au Chili, qu'ils y sont à très bas prix.
Le cheval est encore utile après sa mort ses crins servent à faire des tissus son poil, de la bourre sa peau, des chaussures sa chair, des engrais ses intestins, de la colle force ses os, du noir animal, etc.
Le cheval, semblable en cela à l'éléphant, est amoureux de parure. Toutes les fois qu'il est couvert de housses, de plumes, de grelots et autres ornements de harnais. il: se montre plus vif et plus fort. Les muletiers espagnols, qui connaissent, parsaitement le goût de cet animal, en prolitenl, lorsqu'ils veulent punir une de leurs bêtes pour quelque saute. Ils lui ôtent alors ses grelots et son pana- che, et le placent à la queue du convoi.
Notes de la rédaction
- Par rapport à l'Histoire naturelle de Buffon
- Notes explicatives
- ↑ En réalité les équidés (comme l'âne ou le zèbre) sont solipèdes.
Voir le terme solipède dans le Trésor de la Langue française.
Buffon confirme également l'aspect générique de solipède 1er discours p. 36)
- Dans ce wiki
- un point d'entrée sur le Cheval.
Voir aussi
- Source
- Galica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1464595/f9