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H2PTM (2005) Fourmentraux

De H2PTM

L’œuvre du Net art

Le mythe de l’artiste comme producteur d’usages avancés


 
 

 
Titre
L’œuvre du Net art : Dispositifs techniques et pratiques sociales
Auteurs
Jean-Paul Fourmentraux
Affiliations
Centre de Sociologie du Travail et des Arts
CNRS/École de Hautes Études en Sciences Sociales
105 boulevard Raspail, F-75006 Paris
  • Jean-paul.fourmentraux@ehess.fr
Dans
Actes du colloque H2PTM 2005 Paris
Publié dans H²PTM05 : Créer, jouer, échanger : expériences de réseaux, Hermès Science / Lavoisier, Paris.
Résumé
La pratique du Net art radicalise la question du potentiel communicationnel d’un média - Internet – qui constitue tout à la fois le support technique, l’outil créatif et le dispositif social de l’œuvre. Sa spécificité réside dans cette conjugaison d’une configuration socio-technique et d’une occasion sociale ritualisée. Les TIC placent en effet l’œuvre d’art au cœur d’une négociation socialement distribuée entre l’artiste et le public. L’article est focalisé sur cette construction collective du Net art et sur ses mises en scène. Il montre le travail artistique et les configurations techniques qui composent les cadres de l’expérience du Net art. Une typologie des œuvres offre de distinguer des figures de l’interactivité, telles qu’elles sont prévues au cœur de l’environnement technique, et les modes d’interaction qu’elles déploient en direction du public.
Mots-clés 
Internet – Travail artistique – Œuvres – Dispositifs techniques – Médiation - Coordination.


Introduction[1]

Depuis une dizaine d’années, le Net art distingue les créations interactives conçues par, pour et avec le réseau Internet, vis-à-vis des formes d’art plus traditionnelles simplement transférées sur des sites-galeries et autres musées virtuels[2] . Toutefois, si le Net art tend désormais à désigner des productions possédant un minimum de caractéristiques communes, cette appellation générique ne doit pas donner l’illusion d’une unité des pratiques. Dans ce contexte, naissent des projets multiformes - environnements navigables, programmes exécutables, formes altérables - qui renouvellent pour bonne part les modes d’évaluation et d’appréhension de l’œuvre d’art. Pour rendre compte de cette diversité, nous allons choisir ici d’éviter tout critère esthétique. L’objectif étant de comprendre comment s'organisent et se déploient les moyens mis en œuvre pour concevoir et expérimenter les œuvres du Net art. Diverses modalités de catégorisation sont possibles. Partant de ce qui est donné à voir à l’écran[3] , une typologie des œuvres peut être fondée sur la marge de participation qu’elles prévoient. Une telle typologie a l’avantage de pointer les différences les plus significatives entre les œuvres et les types correspondants de participation du visiteur. Mais son défaut essentiel est d’en rester à la partie émergée, autrement dit à ce qui est visible à l’écran. Or, l’examen approfondi des sites d’artistes montre que, dans certains cas, l’œuvre se trouve non plus seulement dans ce qui est donné à voir mais aussi dans le dispositif qui la fait exister. La visibilité sur l’écran n’étant que la face apparente de toute une infrastructure technique et informationnelle. Pour cette raison, à une typologie fondée sur ce que l’on attend du participant et/ou sur la forme de l’œuvre, il faut préférer celle fondée sur la manière dont est agencé le site. C’est sur cette seconde option que repose l’approche proposée ici. Fonder notre typologie sur la manière dont est configuré le site permettra, en outre, d’éviter de repérer immédiatement - et donc de définir a priori - ce qu'est et où est l'œuvre. Le Net art met en effet en œuvre des dispositifs complexes qui incluent une avant-scène (l’interface), une scène matricielle (composée de divers éléments incrémentaux qui viennent nourrir l’œuvre, textes, sons ou images) et des coulisses (où se nichent le programme et les fragments d’applications informatiques). Cette idée de dispositif (Barthes, 1975 ; Jacquinot-Delaunay & alii, 1999) qui est une figure pratique du Net art, offre ici un outil conceptuel pour penser la fragmentation et l’enchâssement de ces différents niveaux de l’œuvre. Une typologie de ces dispositifs permet ici de distinguer des figures de l’interactivité telles qu’elles sont prévues au cœur de l’environnement technique, et des modes d’interaction leur correspondant entre l’artiste, l’œuvre et son public. Chaque fois, une grille précise détaille les points clés des montages : usage de l’informatique, modes d’intervention dans le réseau, évolution des types d’activités et de productions, traces matérielles possibles, etc. Cette acception du dispositif voisine au cœur du texte d’autres concepts sociologiques, avec lesquels elle conjugue une vision du social en acte et une conception délibérément pragmatique de la sociologie : en empruntant aux concepts d’attachement (Latour, 1999), de configuration ou d’agencement (Strauss, 1992) et de mise en œuvre (Goodman, 1996 ; Genette, 1996) l’objectif de servir une appréhension appariée de l’écriture et de l’action en art. L’analyse visant à éclairer l’action de ceux qui conçoivent, là où se joue la médiation, non pas avec, mais, dans l’environnement technique (Norman, 1993 ; Hennion, 1993 ; Latour, 1994 ; Thévenot, 1994).

En résumé, les dispositifs mis en œuvre par le Net art supportent simultanément l’interactivité avec la machine et l’interaction auteur(s)/acteur(s) que déploient ses usages. Cet article adopte le parti pris analytique d’isoler chacun de ces mouvements pour mieux en saisir la spécificité et les modes d’action. Il propose de sérier les œuvres du Net art en distinguant les « figures de l’interactivité » machinique et les « modes d’interaction » avec le public mis en action dans trois types principaux de dispositifs : médiologiques, algorithmiques et interactifs. Il en résulte des œuvres contrastées, focalisées sur le code informatique, le programme ou l’interactivité.

2. L’œuvre médiologique

L’investigation médiologique marque les premières réalisations liées à une innovation technique. Une même détermination touche, au début de leur histoire, les médias photographique, cinématographique et vidéographique, tour à tour explorés, contournés et détournés par la pratique artistique expérimentale[4] . Les Net artistes vont dénoncer la prégnance d’un langage quasi exclusif d’organisation des données hypertextuelles (HTML) qui contribue, selon eux, à accentuer le caractère uniforme de la majorité des sites Web, dans leur agencement aussi bien que dans l’apparence de leurs interfaces. L’approche artistique consistera à contourner ces prescriptions d'emplois (Akrich, 1993 ; Woolgar, 1991) visant à discipliner les usages et parcours au sein des sites Web : les liens soulignés en bleu, les images cliquables, les zones title et body. Répondant à cette normalisation de la navigation, la plupart des sites Web ont en effet été développés en exploitant au minimum et de manière essentiellement fonctionnelle les potentialités du médium. Malgré l'importation de nombreux plug-ins (modules logiciels annexes) permettant l'enchâssement d'éléments multimédias tels que le son (Real audio) et la vidéo (Quicktime), de nombreux sites ont formellement reproduit des schémas visuels connus et empruntés à d'autres supports pour la présentation des pages et des textes dans un design proche de celui du livre ou du magazine papier. Les Net artistes vont donc proposer des voies alternatives à ces options strictement fonctionnelles telles que le pointer-cliquer comme convention de navigation, la distribution contrainte de l'information, sa réception figée, sans possibilité d’intervention ou de transformation. Un nombre important d’artistes du réseau revendiquent dans le monde de l'art une implication parasitaire.[5]

L’entité artistique Jodi dispose sur le réseau des travaux[6] qui empruntent leur réalité et leur forme aux actions et comportements déviants des pirates de l'informatique : les hackers. Cette démarche d’emprunt a pour objet l'incident, le bug et l'inconfort technologique. Leurs dispositifs agissent sur la structure du langage Html par altération du code et transformation des balises qui permettent aux internautes la reconnaissance et l'agencement des différents éléments graphiques : tant au niveau de la mise en page que de l'intégration des composantes multimédias, du son, de l'image, de la vidéo. L’information y est partielle, non visible. Le parcours en est chaotique, sans cohérence a priori et conduit à dériver d'un lien à un autre, sans que l’on puisse percevoir la structure du dispositif. Des interfaces de brouillage confrontent le visiteur à l'apparition constante de messages d'alerte, associés à la perte de contrôle de l'ordinateur qui ne répond plus à aucune commande.

L’interface des navigateurs constitue un autre objet d’expérimentation. Certains projets prennent pour cible les technologies de repérage et d'accès à l'information sur Internet. Certains projets initient des destructurations de l'information. C'est le cas, par exemple, des navigateurs subversifs développés par l’artiste Mark Napier. Son Shredder[7] part du constat critique que l'affichage sur le Web repose sur une illusion de solidité et de permanence. Le projet de Mark Napier propose, dans ce contexte, un moteur de recherche subversif qui vient altérer le code Html avant même que le logiciel de navigation ne puisse le lire. Le Shredder s'immisce dans l'interstice entre le code écrit par le concepteur d'un site Web et son affichage ou sa traduction graphique par le navigateur. Ce dispositif souligne l’équilibre instable de la traduction informatique et conduit le visiteur à percevoir le système de représentation du Web, en l’affranchissant des mécanismes obligatoires de la navigation.

Au-delà de cette réflexion sur l’agencement des données et leur affichage médié par le navigateur, d’autres dispositifs visent la distorsion du contenu de l’information C’est par exemple le cas des ready made de l’artiste Slovène Vuk Cosic qui détourne des sites Web institutionnels. On lui doit notamment le piratage du site de la Documenta X de Kassel[8] . Dans une perspective comparable, l’activiste anglais Heath Bunting[9] et les américains RTMARK[10] déploient sur le réseau une logique virale, visant la perversion des communications médiatiques de grandes puissances financières. Enfin, le collectif européen ETOY[11] a également mené de nombreuses actions en ce sens, au cœur de la bataille politique et économique des noms de domaines sur Internet (DNS, Dot.com) - ces derniers se revendiquant auteurs d’une guerre informationnelle sur le terrain de l’e-business et des nouvelles valeurs financières comme le NASDAQ, etc.

Une « esthétique du code » informatique

Bien plus qu'à une esthétique de l'interactivité, ces différents dispositifs confrontent les visiteurs à une esthétique de l'informatique, du code, et parfois du crash. Le code, le programme, le langage Html constituent la matière numérique prise à la fois comme le matériau et la forme de l'expression plastique. Il s'agit en quelque sorte d'un art de la confrontation médiologique, à l'Internet en tant qu'interface technologique, à l'Internet comme médium. L’objectif visé est ainsi le détournement des perceptions et des usages familiers de l’écran d’ordinateur, en imposant au public de déconstruire et reconstruire cette surface par l’introduction de différents bruits. Même si le plus souvent ici, l’internaute demeure extérieur à l'œuvre. Il est la victime et la cible du dispositif et l’accent est porté sur le déterminisme technologique de cette relation. Par conséquent, ces dispositifs engagent une figure de l'interactivité basée sur l'action et la réaction face à l'ordinateur dans des situations limites. L'expérience de ces objets génère chez l'internaute des états d'inconfort technique, amplifie la fragilité de sa relation à la machine (susceptible de boguer à tout moment) et fait de lui une victime du « complot » artistique.

3. L’œuvre algorithmique

En poursuivant cette expérimentation focalisée sur le médium, l’art algorithmique promeut une remontée du code au programme et déplace le pôle d’investigation de l’interface affichée vers le moteur de l’application. Certains artistes proposent en effet d’investir le domaine circonscrit des applications logicielles et environnements algorithmiques. L’Art Bit Collection[12] de l’International Computer Consortium de Tokyo (ICC) regroupe des travaux qui explorent en cette direction les recherches du Net art. Les thématiques présentées proposent un parcours dans la création numérique couvrant l’ensemble de la deuxième moitié des années 1990. Elles rassemblent principalement des expérimentations autour des langages de programmation, des environnements logiciels, des Network community, des applicatifs de visualisation des coulisses du World Wide Web, et enfin, des applications détournées de logiciels interactifs. Ces dispositifs sont davantage axés sur les applications informatiques à l’usage des internautes, appelées aussi les logiciels auteurs.

Le Trace noiser offre par exemple un générateur de clones informationnels qui croise les fonctionnalités du moteur de recherche, les outils statistiques d’indexation et de traçage des réseaux de liens. Selon une stratégie de déstructuration des informations cristallisées sur Web, l’application explore la toile pour composer un clone identitaire des internautes (databody) à partir des traces numériques, disséminées au fil des liens, qui renseignent sur son activité, ses appartenances, mais également ses parcours sur le Web et ses centres d’intérêts (les traces liées à un nom, E-mail, formulaires de commande, signatures, déclaration d’usage de logiciel, etc[13].). Cette réflexion sur l’identité place la projection de la personnalité dans un entre-deux médiologique qui opère entre une information réelle et une information générée par la machine - une identité fragmentée recomposée à partir du glanage et du réagencement alternatif des sources dispersées retrouvées sur le réseau.

Le Net art promeut de nombreuses applications de ce type, qui s’immiscent entre l’internaute, les données et la machine. Par exemple, le dispositif Carnivore développé par le collectif RSG se donne pour un outil de surveillance des données en réseaux. Le projet consiste en un applicatif de mise en écoute, depuis un serveur local, de l’ensemble du trafic de l’Internet (E-mail, parcours de navigations, etc). Le serveur (re)distribue sur le Net, vers un nombre illimité d’interfaces créatives clients, ce flux de données prélevées. Chaque client est configuré pour diagnostiquer, interpréter et animer le trafic de données selon des partis pris divers. Promue lors du dernier festival Ars Electronica, cette installation est un détournement du logiciel DCS1000 employé par le FBI pour développer l’écoute électronique sur le réseau. Plus récemment, le Net art a intégré et validé dans la sphère artistique des applications étrangères à ses finalités telles que Linux, initié par Linus Torvald (premier prix de l’Ars Electronica -catégorie Net- en 1999), ou encore, le WorldWideWeb (1990) de Tim Berners Lee, ainsi que les navigateurs Mosaic (1993) et Netscape (1995) de Marc Andreesen et Eric Bina récompensés sur la scène artistique de l’art algorithmique.

Une esthétique du programme

L’acte créatif relève dans ce contexte de la conception d’un programme d’ordinateur (un algorithme) dont l’implémentation constitue simultanément la source (invisible) et le cœur de l’œuvre plastique. Cette forme d’art algorithmique promeut ainsi une remontée de l’acte créatif en amont de l’œuvre, à ses prémisses dans les coulisses de la machine, au travers de l’écriture du programme enfoui et inaccessible. Cette pré-disposition écrite apparente ces projets aux formes antérieures de l’art conceptuel, dont la propriété fondamentale réside dans une dialectique de la clôture (écriture) et de l’ouverture du programme. Dans ce contexte, le dispositif installé par l’artiste peut désormais osciller entre le régime de contrainte propre à la structure du programme et celui, plus aléatoire, dû à l’ouverture au-dehors qui caractérise certains projets dialogiques axés sur le contenu de la communication interactive. D’autres dispositifs visent en effet, au-delà de la généricité de l’algorithme, une possibilité de dialogue avec l’interacteur : offrant au minimum un espace à parcourir de façon active et jusqu’à la possibilité d’un apport extérieur venant contaminer l’œuvre.

4. L’œuvre interactive

Les dispositifs interactifs composent la part la plus importante et la plus visible des réalisations avec et pour l’Internet. L’attention y est focalisée sur l’attribut d’interactivité que l’on peut décliner en quatre principaux sous-types :

- Les dispositifs à exploration mettent en scène une interactivité de navigation. Ils permettent de voir et d’expérimenter l’œuvre, qu'elle soit finie ou en cours de formation.

- Les dispositifs à altération concèdent aux interacteurs d’intervenir sur l’œuvre, dans le respect de règles et de procédures, par transformation ou apport de données. Ces dernières, matérielles ou immatérielles, visibles ou enfouies, auront une incidence sur le résultat final.

- Les dispositifs à alteraction initient un processus de communication permettant aux interacteurs de travailler collectivement, dans un jeu presque sans règles où l'alteraction (c’est-à-dire la réaction en temps réel aux actions d'autres individus) est le fondement.

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Le schéma ci-dessus met en évidence le caractère hybride des différents types d’interactivité considérés. Il s’agit d’un système englobant - l’interactivité navigationnelle, dite à exploration, constituant la forme primaire de relation à l’œuvre du Net art à partir de laquelle sont développés des degrés d’interactivité techniquement plus élevés. L’altération ou l’alteraction composent les deux régimes d’interactivité des dispositifs à contribution.

4.1. Les dispositifs à exploration

La majeure partie des sites Web autorise au minimum l'exploration, mettant l'acteur en situation de naviguer. Ils permettent la découverte, plus ou moins ludique, de lieux préalablement disposés par l'artiste. Mais certains sites ne laissent aucune autre possibilité de transformation, l’interactivité se résumant à un certain ordre de déroulement, un parcours dans un stock immuable de formes. En ce sens, ils sont homogènes avec le mode courant de consultation sur le Web. Toutefois, l’accès à l’œuvre nécessite désormais un parcours actif de la part du visiteur. Cette ergodicité - pris au double sens de travail et de chemin - revêt des accents différents d’un dispositif à l’autre et engage des compétences spécifiques de navigation. En effet, un dispositif à navigation seule n’annonce pas inévitablement la simulation d’un parcours dans ce qui compose l’équivalent d’une galerie d'art où sont exposées des pièces et installations en regard de leur valeur strictement esthétique et plastique. Certains s’attachent au contraire à innover sur ce terrain de la lecture hypertextuelle en proposant des dispositifs inédits de narration et de scénarisation hypermédia. Les travaux du laboratoire « Esthétique de l'interactivité[14] » offrent à cet égard des exemples très intéressants d'écriture multimédia centrée sur la notion de récit interactif. Le mode réticulaire qualifie donc d’emblée l’ensemble des sites Internet, parmi lesquels certains dispositifs artistiques déclinent différentes acceptions plus élaborées du schéma d’arborescence[15]. Le procédé à carte offre une mise en scène du site, au sens géographique du terme, qui permet de naviguer en ayant une représentation d’ensemble des différentes pièces ou lieux aménagés par l’artiste[16]. La navigation inclut ici une possibilité de jeu (variations) sur la forme (l’ordre) et son déroulement par laquelle l’internaute peut modifier ce qu’il voit sans pour autant contrôler ce qu’il parcourt. Ce qui fait de l’internaute un joueur et apparente son parcours à une expérimentation concrète. La figure du labyrinthe, dans lequel le visiteur est invité à se perdre, constitue une troisième modalité possible de navigation - certains projets jouant de l’étendue du réseau et de ses infinis constituants interconnectés pour disposer des pièges et autres déviations venant perturber le parcours de l’internaute. Une dernière forme de cette navigation exploratoire résulte de l’organisation de Puzzle Ring qui regroupent des sites dont chacun offre seulement une partie d’une image globale dont la recomposition et l’affichage nécessitent de parcourir la somme des espaces et sites où elle se déploie. Ce parcours hypertextuel et itinérant promeut une figure différente de la carte qui représente un territoire fragmenté. La navigation recourt en effet ici à la collecte d’information et de matériaux dispersés en de multiples nœuds d’hébergement et de connexion.[17].

Ces différents dispositifs axés principalement sur la navigation composent encore la majeure partie des sites Web. Il nécessitent une lecture active et induisent des mécanismes de partage de la puissance de calcul très divers selon la généralité du processus envisagé. Pour l’artiste, la navigation emprunte principalement le protocole Http, incluant sporadiquement le téléchargement d’applets Java sur la machine servie. La quasi-totalité de l’exécution des calculs intervenant postérieurement à ce téléchargement d'applets Java ou de modules de type Schockwave sur la machine cliente. Pour l’internaute, le Web est principalement sollicité comme transmetteur de l'information, l'essentiel des activités consistant en téléchargement et navigation. Ce qui se traduit ici par le déroulement d’un dispositif en temps réel, au sens du Web, et donc par le déploiement d’une œuvre qui se donne à voir et dont le scénario est généralement pré-écrit, y compris dans ces variations. Si innombrables que soient les chemins qui peuvent parcourir l’œuvre, le visiteur n'est précisément sollicité que pour naviguer et voir. L'auteur semble alors le créateur du site, ou parfois le metteur en scène de trajets qui en fait un scénariste au sens même des logiciels utilisés pour les mettre en forme.

4.2. Les dispositifs à altération

Les dispositifs de cet ensemble comptent sur le visiteur en tant que contributeur à une création désormais désignée comme étant collective. Par conséquent, l’action de l’internaute s’exerce non seulement sur le parcours dans une œuvre dont tous les lieux ont été définis à l'avance, mais aussi sur sa création ou re-création. L’altération la plus élémentaire - dite ici « de commande » - se limite à l’actualisation d’un processus algorithmique dont les règles et effets partiellement prédéfinis intègrent une dimension aléatoire[18]. On trouve par exemple dans cette catégorie les structures gonflables (Blimps[19]) des artistes John Canny & Eric Paulos, interfacées à l’Internet pour permettre une exploration spatiale. Ou encore, Light on the Net[20] de l’artiste Masaki Fujihata qui rend modifiable par l’Internet une sculpture lumineuse disposée dans le hall d'un immeuble de bureaux à la Préfecture de Gifu au Japon. Plus métaphoriquement, J’arrête le temps de l’artiste Fred Forest offre aux internautes le pouvoir de contrôler le flux informationnel du réseau en gelant symboliquement une portion de temps. Cette Machine à travailler le temps[21] déploie un double dispositif en et hors ligne : d’une part, se trouve le site Web sur lequel est représentée une horloge que les internautes connectés peuvent choisir d’accélérer (bouton rouge) ou de ralentir (bouton vert) ; d’autre part, le programme informatique affiche le résultat de ces actions en avançant et reculant les aiguilles d’une deuxième horloge physiquement présente sur le site de l’exposition. À l’ubiquité spatiale promue par la téléprésence, ce dispositif superpose l’étirement ou la condensation du temps, médiés et pris en charge par l’action qu’il délègue au public. Il confronte de la sorte les différentes inscriptions temporelles des participants - en et hors ligne - à la vitesse de transmission des informations par l’Internet.

Ces dispositifs permettent, de surcroit, l’intégration de données apportées par les internautes au cours de leur expérimentation. Cette nouvelle implication peut revêtir des formes différentes : la participation à un vote, l’envoi d’un texte, d’une image ou d’un son. Ici, la programmation algorithmique permet simultanément la captation de ces données et la gestation d’une nouvelle figure : une métamorphose de l'œuvre par apports de matériaux externes. L’interactivité spécifique de ces dispositifs permet en effet aux internautes de participer en commun et en temps différé à la transformation ou à l'évolution d'une création artistique. L'œuvre résultant de ces systèmes incrémentaux est cumulative, elle « grossit » avec le temps et au fil des contributions. De nombreux dispositifs s’apparentent ainsi à des archives ou bases de données d’informations[22] . Dans Topoï[23], Valéry Grancher invite par exemple les internautes à décrire leur lieu de vie par E-mail. L’ensemble des textes reçus est ensuite affiché dans l’installation en-ligne qui grossit en taille et finit par constituer une architecture domestique archétypale. Les pièces Alone et Identities déploient un dispositif similaire de recueil par E-mail de témoignages de personnes contaminées par des épidémies. Ce dispositif qui joue de l’anonymat et de la confidentialité de ces communications sur le réseau, rejoint ensuite une installation dans l’espace physique, au musée CAPC de Bordeaux, composée de plaques de cire scellant à tout jamais l’ensemble de ces confessions anonymes.

Pour l’ensemble de ces dispositifs, l’interactivité à commande contributive associe un système d'affichage sur la machine client à une procédure de récolte de l'information vers la machine hôte. Ces dispositifs instaurent de la sorte un double processus, décomposable en procédures d'envoi et de réception, qui tire partie des informations générées par l’action des internautes et à partir desquelles l'œuvre est modifiée puis réaffichée dans son nouvel état. L’action interactive y est cadrée par de strictes prescriptions d’emploi. Les matériaux doivent être envoyés conformément aux modalités générales énoncées par le projet, qui énonce des règles explicites de collaboration et informe les internautes des opérations attendues ainsi que de leurs incidences sur le dispositif. On part donc d'une sorte d'état initial de l'œuvre, puis le travail se fait à plusieurs, croît en importance avec le temps et avec le nombre de participants dans un schéma d'évolution prédéfini. Le rapport aux autres contributeurs se fait dans une relation 1-n : un contributeur face aux autres qui ont déjà travaillé sur l'œuvre. Le temps différé permet à l’interacteur d’organiser son travail à sa guise, la seule contrainte étant d'expédier un document au format souhaité par le site collecteur. L'œuvre, quant à elle, se voit et se manipule, mais le dispositif mis en place pour permettre son existence et son développement peut lui aussi être considéré comme une œuvre.

4.3. Les dispositifs à alteraction

Cette dernière sous catégorie de dispositifs à contribution permet aux internautes de collaborer non plus en différé mais en temps réel à l'émergence d'une œuvre collective. Autrement dit, l’alteraction, envisagée ici comme une action intermédiaire qui fait devenir autre[24], engage de multiples participants dispersés dans la conception simultanée d’entités discrètes, par la mise en relation desquelles émerge une œuvre autonome globale.

Un des rares exemples satisfaisant à ce modèle d’interactivité est le Générateur Poïétique[25] développé par l’artiste-ingénieur Olivier Auber. Ce dispositif déploie une expérience d'interaction graphique collective acentrée, qui forme le support de recherches sur les phénomènes collectifs temps réel. Le principe du Générateur Poïétique permet en effet à plusieurs individus de se connecter, à un moment donné, sur un site - le lieu et l’heure du rendez-vous ayant été fixés par courrier électronique - afin de participer à la création d’une image commune. La mise en œuvre du dispositif implique le téléchargement d’un logiciel assez rudimentaire de dessin bitmap dont l’apprentissage est immédiat. La modification de l’image se fait en continu et en temps réel. Chacun pour soi modifie l’image que tous voient, altérant formes et couleurs. L’action de chacun qui est donc visible par l’ensemble des participants apparaît déterminée par l’état de l’image à un instant donné, elle-même résultat de l’action de tous. Par conséquent, au cœur de l'expérience du Générateur Poïétique, la communication semble importer davantage que ce qui est produit, l’image qui en résulte n'ayant pas plus d'intérêt que n'importe quelle image intermédiaire. Initialement lancé en 1986 sur des plateformes Minitels, ce projet a été expérimenté lors de différentes manifestations artistiques aussi bien que scientifiques. À partir de 1995, une version pour le Mbone (le backbone Multicast de l'Internet dédié à la recherche) est développée par des étudiants et chercheurs de l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications (ENST, Paris). L’infrastructure du réseau y est utilisée avec le protocole particulier Multicast qui permet une interaction « tous-tous » en temps réel, sans recourir à un serveur central[26]. Autrement dit, là où le dispositif à altération permettait de constituer petit à petit un objet de manière incrémentielle et en temps différé, le mode alteractif permet de vivre et de sentir en temps réel l'action et la réaction simultanées entretenues avec les autres participants. Envisagé dans cette perspective, le premier propose un dispositif de transformation de l'œuvre, alors que le second promeut davantage un dispositif d'échanges entre individus. L’orientation de recherche déployée par ce projet créatif engage donc davantage un « processus cognitif » distribué, axé sur l’émergence de formes et de normes d’un travail artistique en réseau régi par des mécanismes de contagion et d’hybridation des rythmes inhérents à chaque individu couplés à l’instrument technique.

Une esthétique de l’interactivité

Il ressort de cette analyse différentes modalités de la relation interactive avec ou à travers les dispositifs Net art. Ces relations engagent tout autant la notion d’œuvre, sa localisation et sa requalification, que les modalités de sa conception et réception active. Le travail artistique en réseau renouvelant en effet significativement les modalités du partage de savoir et de compétences dans l’activité entre les différents participants aux prises avec des dispositifs techniques. Chacune de ces figures prévoit ainsi des emplois et des incertitudes, des contraintes et des prises par lesquelles se co-construisent l’action et l’objet, ses schémas de circulation et ses régimes d’existence. L’interactivité minimum y est toujours navigation dans un espace d’information plus ou moins transparent et arborescent. Une interactivité plus complexe peut prescrire la génération d’un algorithme de programmation. Dans ce cas, elle est simultanément commande d’un processus observable pour l’acteur du dispositif et branchement algorithmique pour l’auteur. Une troisième relation interactive peut encore consister en la possible introduction de données de la part de l’acteur. Il s’agit là d’une interactivité de contribution, cette dernière pouvant ou non avoir une incidence réelle sur le contenu ou la forme de l’œuvre. La contribution y est dans ce cas doublée d’une altération. Enfin, l’interactivité peut être le terreau d’une communication inter-humaine médiée, et c’est alors l’alteraction - l’action collective en temps réel - qui compose le cœur du projet artistique.

Cette mise en relation à actants répartis a permet ainsi de qualifier des régimes d’existence et d’actions à l’œuvre dans le Net art. Chaque type d’interactivité engendre une économie symétrique de dispositions et d’usages. Par exemple, les dispositifs privilégiant la qualité formelle ou informationnelle visent davantage une interactivité d’exploration dans une base de données finalisée. Au mieux, ils offrent une possibilité de commande et d’exécution du déroulement d’une animation. La modalité relationnelle correspondante est généralement de type intra-actionniste, s’apparentant en cela à un art du cliquable et n’impliquant que la seule relation homme/machine. À l’opposé, le dispositif communicationnel est focalisé sur l’interface de la mise en relation et offre des prises inter-actionnistes aux participants. L’analyse de ces frontières de la désignation et délimitation de l’œuvre dépend en grande partie de ces modes hétérogènes de relation et d’usages rapportés ici aux dispositifs.

5. Conclusion

L’analyse proposée permet de distinguer trois principales formes du Net art : les œuvres de contamination médiologique, les œuvres de génération algorithmique et les œuvres de communication interactive. Les premières sont principalement axées sur l’interface (médiologique) par laquelle transitent l’œuvre, l’usage et la communication. Les deuxièmes sont focalisées sur le programme (algorithmique) d’objets-animations ou d’objets-environnements qui laissent ou non à l’internaute la possibilité d’interagir. Les troisièmes sont focalisées sur le contenu interactif de ce qui est disposé, variant de l’objet arborescent (engageant un parcours réticulaire), à l’objet en devenir (concédant un parcours altérant) et jusqu’à l’objet relation (distribuant un parcours inter-communicationnel). De ce point de vue, l’œuvre médiologique a pour objet le matériel digital, l’œuvre algorithmique a pour objet le programme, et enfin, l’œuvre interactive prend pour objet la communication (formelle) et ce qui en résulte.

Ces différents types mettent par conséquent clairement en évidence ce glissement par lequel l’œuvre se trouve moins dans ce qui est donné à voir que dans le dispositif qui la fait exister. L'affichage sur l'écran n’étant le plus souvent que la face apparente de toute une infrastructure technique et informationnelle, l'œuvre devient alors, de façon plus large, l'ensemble des structures et des règles qui la soustendent. Ce caractère fragmenté de l’œuvre en réseau rend heuristique l’approche focalisée sur le dispositif, si l’on accepte de concéder à ce concept plus de flexibilité et d’ouverture en l’écartant de sa seule indexation au champ de l’instrumentalité. En effet, l’usage du concept de dispositif marque ici un changement par rapport à la régulation technique classique en introduisant le recours à de nouveaux moyens d’action sur l’œuvre, tels que, notamment, la délégation et la décentralisation. Le dispositif n’y est donc plus un intermédiaire qui vient se situer entre les sujets communicants, mais un environnement dans lequel ces derniers entrent activement (Barthes, 1975). Autrement dit, la mise en œuvre du dispositif initiée par l’artiste se déploie en diverses opérations de montage socio-technique et d’organisation de séquences confiées au visiteur. C’est là en effet toute l’ambivalence du dispositif, placé entre une configuration technique et un cadrage social de l’action. Celui-ci peut être entendu simultanément en tant que machine et en tant que mécanisme, dans la mesure où il sous-tend à la fois l’acte et la manifestation artistique en aménageant différentes prises en direction d’un public qui peut désormais, selon certaines réserves et conditions, devenir l’acteur de fragments de l’œuvre laissés ouverts. Le Net art met ainsi en scène un dialogue médié par l’ordinateur qui opère un déplacement et un décentrement progressif des instances traditionnellement impliquées dans le processus de communication. Focalisée sur la relation auteur/acteur, l’analyse de ces nouveaux dispositifs demande en effet que soit réévalué le modèle communicationnel distribué entre l’émission, le message et la réception - la médiation de l’ordinateur contrariant ici la représentation d’un message isolable, strict médiateur entre un auteur et un lecteur. Le curseur glisse désormais entre ces trois domaines d’énonciation pour simultanément souligner leur autonomie et l’hybridation réciproque de leurs composantes, là où l’œuvre matérialise un « champ de possibles ». Entre l’activité rationnelle, instrumentale et la passivité contemplative et réceptrice d’un environnement, l’entre-deux du dispositif pointe plutôt vers l’idée de médiation. D’une part, il met en jeu des matériaux « à-demi particularisés » (Strauss, 1992) adaptables aux circonstances. D’autre part, dans ce contexte, l’exhiber n’est pas rationnellement structuré et tendu vers une fin en soi (la conclusion ou la solution) - le dispositif contribuant au contraire, par la mise à disposition des éléments qui le composent, à susciter le travail cognitif du visiteur.

Références

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Notes

  1. Le matériel empirique sur lequel s’appuie ce texte est issu d’une enquête effectuée dans le cadre plus général d’une thèse de sociologie (Cf. Fourmentraux, 2003 et 2005a). Les cas présentés ici sont choisis parmi un corpus de 50 dispositifs Net art qui a servi une typologie des figures de l’interactivité et des modes d’interaction entre l’artiste, l’œuvre et son public. Une version plus développée de l’article et de la typologie des œuvres Net art est présentée dans le n°46 de la revue Techniques et Culture (Cf. Fourmentraux, 2005b).
  2. Au terme de quatre années d’existence (1998-2002), le vocable Net art s’est très largement imposé en Europe et en France au détriment d’autres qualifications comme « art Internet », « art réseau », « cyberart », « web art » qui manquaient à clairement distinguer l’art sur le réseau de l’art en réseau
  3. C’est l’orientation empruntée par les recherches sur « l’écrit d’écran » initiées par Yves Jeanneret (2000) et Emannuël Souchier (1996).
  4. Les premières pièces vidéo de Nam June Paik ou celles de Wolf Vostell se sont notamment attachées à détruire la télévision, physiquement (sculptures vidéo) autant que symboliquement, en intervenant à même la matière du médium par des altérations du signal vidéo. La télévision, le meuble lui-même, l'écran, le tube cathodique, le signal vidéo et son indéfinition, sa fébrilité et sa luminance étaient pris à la fois comme l'objet et le matériau de l'investigation artistique.
  5. Pour un premier manifeste du Net art « activiste » voir Joachim Blank: http://www.irational.org/cern/Netart.txt.
  6. Cf. Jodi, Portail, http://www.Jodi.org
  7. Cf. Mark Napier, Shredder, http://potatoland.org/shredder/welcome.Html. Voir aussi : Maciej Wisniewski, Netomat, http://www.Netomat.Net/, I/O/D (Mac, U.K. 1997), I/O/D 4: The Web Stalker, http://www.backspace.org/iod/.
  8. Cf. Vuk Cosic, http://www.ljudmila.org/~vuk/ et http://www.ljudmila.org/~vuk/dx/
  9. Cf. Heath Bunting, http://www.irational.org
  10. Cf. RTMARK, http://www.rtmark.com.
  11. Cf. Etoy, http://www.etoy.com
  12. In the art world, a work of art is called an « art piece ». The word « piece » designates a thing that actually exists, but since software creations exist only as binary data, calling them an "art piece" seems wrong. Substituting "bit" for "piece," we have decided to call such a work an « art bit ». Manifeste de l’exposition « art.bit collection », June 21 - August 11, 2002 @ ICC.
  13. Le dispositif use de différents modules logiciels en Open-Source : Puf pour l’extraction de données Html, Rainbow pour la modélisation statistique, le serveur Apache, les scripts d’exécution Php et Perl, ainsi que Mysql pour la gestion de base de données.
  14. Sous la direction de Jean-Louis Boissier à l'Université Paris VIII
  15. Cf. Drouhin, R., Alteraction : http://www.ensba.alteraction.fr. Voir également les projets de Streaming vidéo ou autres animations générées par algorithmes d’anonymes.net, http://anonymes.net, de Flying Puppets, http://www.flyingpuppet.com , ainsi que les Boucles et collages de Shirin Kouladjie, http://www.n3xt.com.
  16. Cf. Grancher, V., be safe/be free, http://www.imaginet.fr/nomemory/data/safe.html. Boissier, JL., L’autoportrait, Globus Oculi, http://www.labart.univ-paris8.fr/ifi/jlb/02.htm. Le dispositif Flora Petrinsularis de JL Boissier offre également, sur cd-rom, une illustration du système à carte.
  17. Cf. Antoine Moreau, On se comprend, http://antomoro.free.fr/comprend.html. Drouhin, R., Rhizomes, http://zweg.cicv.fr/creation_artistique/online/rhizomes, 2001. Le dispositif de Chatonsky, G., Nervures, http://nervurat.io-n.net, le 08.02.2001.
  18. Cf. Goldberg, K., Telegarden, http://telegarden.aec.at (1996-97), Shadow Server, http://taylor.ieor.berkeley.edu (1996). Voir aussi Eduardo Kac, Teleporting of an Unknow State, www.ekac.org (1996)
  19. Cf. Telembodiement, 1997. http://www.prop.org
  20. Cf. Fujihata, M., Light on the Net, http://www.flab.mag.keio.ac.jp/Light.html
  21. 1CF. Forest, Fred., Machine à travailler le temps, http://www.fredforest.org/temps, Fête de l’Internet, 1998
  22. 2 Cf. Mitchell, B., ChainArt en 1992, Digital Journey en 1993, Diversive Paths en 1994 et Chain Reaction, initialement développé sur http://chain.syr.edu/index.html et aujourd’hui sur http://creativity.bgsu.edu/collaboration/ChainReaction/index.html, 1995. Voir également Bonnie Mitchell, As Worlds Collide, http://creativity.bgsu.edu/collaboration/worlds/index.html, 1997/1998. Cette production distribuée mobilise différentes ressources informatiques. Pour créer les images de départ (starter world), les artistes emploient des techniques de photographie numérique, la 3D et les logiciels de retouche - les images ainsi formées étant ensuite converties en animations QTVR Panorama et dirigées par un script d’Apple. Afin de les transformer, l’utilisateur doit lui-même disposer du plugin QTVR, des diverses versions d’applications sollicitées par l’édition des images ainsi que du logiciel NetPresenz (ftp) qui permet de transférer les images vers le As Worlds Collide. Enfin, l’ensemble de ce processus - la surveillance du site, la récupération des images et leur conversion (du format Pict au Jpg) – est autogéré par un script en langage Perl.
  23. Cf. Grancher, V., Topoï, Alone, http://www.nomemory.org/data/alone.htm, 1999.
  24. Cf. Quéau, P., Alteraction, In « Vers une culture de l’interactivité ? », Cité des Sciences et de l’Industrie, La Villette, Coll. Déchiffrages, Paris, 1988.
  25. Cf. Olivier Auber, Le générateur poïétique, http://poietic-generator.net, 1986/2004.
  26. Instaurant une modalité de connexion inédite, différente de la relation « un-tous » spécifique des systèmes broadcast comme la radio ou « un-un » propre au système unicast comme le téléphone.