Etude sur les sels de quinine (1872) Colin/Influence spécifique : Différence entre versions

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Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage [[Etude sur les sels de quinine (1872) Colin|Les sels de quinine]], rédigé en 1872 par le docteur Léon Colin.
 
Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage [[Etude sur les sels de quinine (1872) Colin|Les sels de quinine]], rédigé en 1872 par le docteur Léon Colin.
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L'action spécifique du quinquina contre les fièvres intermittentes
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L'action spécifique du quinquina contre les fièvres intermittentes a semblé de tout temps devoir être rapportée à l'influence du médicament sur la cause même de l'affection, sur le miasme palustre ; suivant [[A pour personnalité citée::Francesco Torti|Torti]], l’écorce du Pérou atteignait le ferment fébrifère dans l'intestin, et le neutralisait avant son absorption par les vaisseaux chylifères. Les recherches modernes ont eu spécialement pour objet de mieux déterminer cette action directe du remède sur le poison ; mentionnons d'abord les expériences faites sur les substances putrides, considérées comme le point de départ de ce
a semblé de tout temps devoir être rapportée à l'influence du mé-
 
dicament sur la cause même de l'affection, sur le miasme palustre;
 
suivant Torli, l?écorce du Pérou atteignait le ferment fébrifère dans
 
l'intestin, et le neutralisait avant son absorption par les vaisseaux
 
chylifères. Les recherches modernes ont eu spécialement pour
 
objet de mieux déterminer cette action directe du remède sur le
 
poison ; mentionnons d'abord les expériences faites sur les sub-
 
stances putrides, considérées comme le ppipt (le départ de ce
 
  
 
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miasme, puis nous indiquerons les données qui peuvent être four-
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miasme, puis nous indiquerons les données qui peuvent être fournies par la pathologie expérimentale et enfin par la clinique.
nies par la pathologie expérimentale et enfin par la clinique.
 
  
 
===§ I. — Expériences sur les matières putrides===
 
===§ I. — Expériences sur les matières putrides===
  
Plusieurs expérimentateurs ont confirmé les observations de
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Plusieurs expérimentateurs ont confirmé les observations de [[A pour personnalité citée::John Pringle|Pringle]], relatives à l'action antiputride du quinquina et de ses dérivés sur les substances animales exposées au contact de l'air ; le champ même de ces observations a été fort agrandi, et l'on a pu établir que la quinine entravait, à un degré très marqué, la plupart des modifications subies à ce contact par les matières organiques, privées de vie, d'origine animale ou végétale ; les phénomènes d'oxydation sont spécialement empêchés et ralentis sous l'influence d'une minime quantité de cet alcaloïde ; les muscles, le sang, l'albumine, l'urine, le lait, le beurre ne subissent plus que lentement ou partiellement leurs transformations accoutumées, fermentation ou putréfaction ; et l'on voit se ralentir également l'action de la diastase sur l'amidon, de l'amygdaline sur l'émulsine, de la pepsine sur la viande, etc. Les cadavres des animaux empoisonnés par la quinine résistent aussi plus longtemps à la putréfaction. Ces faits ont engagé des praticiens à l'emploi topique du médicament contre certaines affections ulcéro-gangréneuses, spécialement contre le noma ; telle a été également la base d'une prétendue médication prophylactique de la septicémie, les solutions de quinine pouvant, par leur application locale, empêcher l'altération du pus au contact de l'atmosphère. D'après [[A pour personnalité citée::Edwin Klebs|Klebs]]<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=1}})</sup>,le pus possède, à ce contact, la même propriété que la plupart des matières organiques, celle de se charger d'ozone, comme on peut s'en assurer au moyen du réactif indiqué par [[A pour personnalité citée::Christian Schönbein|Schœnbein]], la teinture de gaïac ; or, une faible quantité de quinine empêche l'ozonisation du pus ; est-ce à ce titre que l'altération de ce liquide serait prévenue ?
Pringle, relatives à l'action antiputride du quinquina et de ses dé-
 
rivés sur les substances animales exposées au contact de l'air ; le
 
champ même de ces observations a été fort agrandi, et l'on a pu
 
établir que la quinine entravait, à un degré très-marqué, la plu-
 
part des modifications subies à ce contact par les matières orga-
 
niques, privées de vie, d'origine animale ou végétale ; les phéno-
 
mènes d'oxydation sont spécialement empêchés et ralenfis sous
 
l'influence d'une minime quantité de cet alcaloïde ; les muscles, le
 
sang, l'albumine, l'urine, le lait, le beurre ne subissent plus que
 
lentement ou partiellement leurs transformations accoutumées,
 
fermentation ou putréfaction ; et l'on voit se ralentir également
 
l'action de la diastase sur l'amidon, de l'amygdaline sur l'émul-
 
sine, de la pepsine sur la viande, etc. Les cadavres des animaux
 
empoisonnés par la quinine résistent aussi plus longtemps à la pu-
 
tréfaction. Ces faits ont engagé des praticiens à l'emploi topique
 
du médicament contre certaines affections ulcéro-gangréneuses,
 
spécialement contre le noma ; telle a été également la base d'une
 
prétendue médication prophylactique de la septicémie, les solutions
 
de quinine pouvant, par leur application locale, empêcher l'alté-
 
ration du pus au contact de l'atmosphère. D'après Klebs (I),le pus
 
possède, à ce contact, la même propriété que la plupart des ma-
 
tières organiques, celle de se charger d'ozone, comme on peut s'en
 
assurer au moyen du réactif indiqué par Schoenbein, la teinture
 
de gaïac ; or, une faible quantité de quinine empêche l'ozonisa-
 
tion du pus ; est-Ce à ce titre que l'altération de ce liquide serait
 
prévenue ?
 
  
Ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, c'est l'action
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Ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, c'est l'action de l'alcaloïde sur certains produits de décomposition organique que l'on a considérés comme le point de départ spécial des miasmes fébrifères, les matières végétales en putréfaction. Il y a plusieurs années déjà que le professeur [[A pour personnalité citée::Carl Binz|C. Binz]] a consacré une série de recherches à démontrer de nouveau la vertu antiputride de la quinine
de l'alcaloïde sur certains produits de décomposition organique que
 
l'on a considérés comme le point de départ spécial des miasmes
 
fébrifères, les matières végétales en putréfaction. Il y a plusieurs
 
années déjà que le professeur C. Binz a consacré une série de re-
 
cherches à démontrer de nouveau la vertu antiputride de la quinine
 
  
(1) Klebs, Centralb. filr die mcdio. Wissenscltuften, 1868.
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|texte=[[A pour personnalité citée::Edwin Klebs|Klebs]], ''Centralb. für die medic. Wissenschaften'', 1868.}}
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sur les sucs végétaux, dont elle arrête d'une manière remarquable
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sur les sucs végétaux, dont elle arrête d'une manière remarquable la décomposition à l'air libre ; Pavesi a prouvé, également par des expériences sur les matières organiques, animales ou végétales, cette puissance antiseptique et antizymotique du médicament.
la décomposition à l'air libre ; Pavesi a prouvé, également par des
 
expériences sur les matières organiques, animales ou végétales,
 
cette puissance antiseptique et antizymotique du médicament.
 
  
C. Binz a cherché en outre à rapprocher ces faits des théories
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[[A pour personnalité citée::Carl Binz|C. Binz]] a cherché en outre à rapprocher ces faits des théories modernes sur la nature animée des ferments ; pour lui, la quinine suspendrait la transformation des matières végétales, fermentation ou putréfaction, non pas seulement par son action chimique anti-oxydante, mais plus encore par son influence toxique sur les organismes inférieurs qui abondent dans ces substances. Il constata d'abord cette influence sur différents prototypes d'organisation élémentaire, l’''amœba diffluens'', l’''euglena viridis'', la ''vorticella campanula'', et autres infusoires caractérisés par l'activité de leurs mouvements browniens au sein du protoplasme des cellules végétales.
modernes sur la nature animée des ferments ; pour lui, la quinine
 
suspendrait la transformation des matières végétales, fermenta-
 
tion ou putréfaction, non pas seulement par son action chimique
 
anti-oxydante, mais plus encore par son influence toxique sur les
 
organismes inférieurs qui abondent dans ces substances. Il constata
 
d'abord cette influence sur différents prototypes d'organisation élé-
 
mentaire, Yamoeba diffluens, Yeuglena viridis, la vorticella campa-
 
nula, et autres infusoires caractérisés par l'activité de leurs mou-
 
vements browniens au sein du protoplasme des cellules végétales.
 
  
Ces recherches forment l'objet d'un intéressant mémoire (1); de
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Ces recherches forment l'objet d'un intéressant mémoire<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=1}})</sup> ; de plus, elles ont été répétées soit par l'auteur, soit par d'autres expérimentateurs, en s'appliquant plus spécialement aux organismes considérés comme agents de la fermentation ; que l'on place sous l'objectif une goutte de macération végétale, on y voit une masse de grandes bactéries, des paramécies, des vibrions, des spirilles qui se meuvent avec la plus grande rapidité. Il suffit d'y ajouter une quantité minime de quinine (une goutte d'une solution de chlorhydrate de quinine au deux-centième) pour supprimer tous ces mouvements, instantanément chez les plus gros de ces corps, un peu moins rapidement chez les plus petits.
plus, elles ont été répétées soit par l'auteur, soit par d'autres expé-
 
rimentateurs, en s'appliquant plus spécialement aux organismes
 
considérés comme agents de la fermentation ; que l'on place sous
 
l'objectif une goutte de macération végétale, on y voit une masse
 
de grandes bactéries, des paramécies, des vibrions, des spirilles qui
 
se meuvent avec la plus grande rapidité. Il suffit d'y ajouter une
 
quantité minime de quinine (une goutte d'une solution de chlor-
 
hydrate de quinine au deux-centième) pour supprimer tous ces
 
mouvements, instantanément chez les plus gros de ces corps, un
 
peu moins rapidement chez les plus petits.
 
  
Cette action parasiticide de la quinine aurait été utilisée par
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Cette action parasiticide de la quinine aurait été utilisée par Helmholtz ; atteint depuis plusieurs années de fièvre de foin, ce physiologiste aurait, par l'emploi topique du médicament, détruit les vibrions dont fourmille le mucus nasal dans cette affection, et obtenu ainsi une rapide guérison<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=2}})</sup>. Il y a quelques années, un médecin français, Poulet, signalait dans un mémoire présenté à l'Académie des sciences<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=3}})</sup> la quantité considérable d'infusoires renfermés dans les vapeurs de l'exhalation pulmonaire des enfants atteints de coqueluche. Depuis lors, quelques observateurs<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=4}})</sup> ont
Helmholtz ; atteint depuis plusieurs années de fièvre de foin, ce
 
physiologiste aurait, par l'emploi topique du médicament, détruit
 
les vibrions dont fourmille le mucus nasal dans cette affection, et
 
obtenu ainsi une rapide guérison (2). Il y a quelques années, un
 
médecin français, Poulet, signalait dans un mémoire présenté à
 
l'Académie des sciences (3) la quantité considérable d'infusoires
 
renfermés' dans les vapeurs de l'exhalation pulmonaire des enfants
 
atteints de coqueluche. Depuis lors, quelques observateurs (4) ont
 
  
(1) C. Binz, Ueber die EinwirJcung des Chinin auf Protoplasmabewegun-
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gen in M. Schullze's Arrhiv, B. 3, 1867.
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(2) Virchow's Archiv, B. 46, 1869.
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(3) Comptes rendus, 5 août 1867.
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(4) W. Jansen, Klinische Beitroege zur Kenntniss und Beilung des Keuch-
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husten, Bonn, 1868.
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rapporté à la nature parasitaire de cette dernière affection, les avan-
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rapporté à la nature parasitaire de cette dernière affection, les avantages que l'on aurait retirés contre elle de la médication quinique ; bornons-nous à remarquer que les infusoires signalés ici par Poulet (''monas et bacterium termo'') n'ont certainement rien de spécifique, vu leur abondance dans tant de maladies et dans certaines sécrétions non pathologiques ; nous verrons plus loin qu'on a expliqué autrement l'action de la quinine sur les muqueuses atteintes d'inflammations soit profondes, soit simplement catarrhales.
tages que l'on aurait retirés contre elle de la médication quinique ;
 
bornons-nous à remarquer que les infusoires signalés ici par Pou-
 
let (monas et bacterium termo) n'ont certainement rien de spéci-
 
fique, vu leur abondance dans tant de maladies et dans certaines
 
sécrétions non pathologiques ; nous verrons plus loin qu'on a expli-
 
qué autrement l'action de la quinine sur les muqueuses atteintes
 
d'inflammations soit profondes, soit simplement catarrhales.
 
  
Pour en revenir au miasme palustre, faut-il, des expériences
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Pour en revenir au miasme palustre, faut-il, des expériences précédentes sur les matières végétales, conclure qu'il puisse être détruit directement par la quinine ? Nous ne le pensons pas ; nous avons dit ailleurs<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=1}})</sup> que beaucoup de substances, d'ordre minéral ou organique, partagent avec la quinine ces propriétés antiseptiques ou antizymotiques, sans pouvoir lui être comparées comme fébrifuges : l'alcool, l'acide phénique, la créosote, un grand nombre de bases alcalines et d'acides, entraveront la putréfaction végétale sans être d'aucune valeur contre les symptômes de l'intoxication palustre ; les sulfites même dont Polli a voulu faire un succédané de la quinine, n'ont en somme, contre la fièvre intermittente, qu'une influence fort contestable, malgré l'énergie de leur vertu antiseptique.
précédentes sur les matières végétales, conclure qu'il puisse être
 
détruit directement par Ja quinine ? Nous ne le pensons pas ; nous
 
avons dit ailleurs (1) que beaucoup de substances, d'ordre minéral
 
ou organique, partagent avec la quinine ces propriétés antiseptiques
 
ou antizymotiques, sans pouvoir lui être comparées comme fébri-
 
fuges : l'alcool, l'acide phénique, la créosote, un grand nombre de
 
bases alcalines et d'acides, entraveront la putréfaction végétale sans
 
être d'aucune valeur contre les symptômes de l'intoxication pa-
 
lustre ; les sulfites même dontPolli a voulu faire un succédané de
 
la quinine, p'pntpn spmmp, contre la fièvre intermittente, qu'une
 
influence fort contestable, malgré l'énergie de leur vertu antisep-
 
tique.
 
  
 
===§ II. — Données fournies par la pathologie expérimentale===
 
===§ II. — Données fournies par la pathologie expérimentale===
  
Peut-on créer sur les animaux un ensemble de symptômes com-
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Peut-on créer sur les animaux un ensemble de symptômes comparables à ceux de la fièvre palustre, afin de se placer en condition de reproduire également chez eux et d'analyser l'action thérapeutique de la quinine contre cette maladie ? Si la pathologie expérimentale arrive facilement à produire chez les animaux  
parables à ceux de la fièvre palustre, afin de se placer en condi-
 
tion de reproduire également chez eux et d'analyser l'action thé-
 
rapeutique de la quinine contre cette maladie ? Si la pathologie
 
expérimentale arrive facilement à produire chez les animaux cer-
 
  
(1) Il nous suffit de rappeler ici que le marais n'est dangereux lui-même
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qu'à certains moments non-seulement de l'année, mais encore de la période
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nyclémérale, quoique la putréfaction organique y règne presque en perma-
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|texte=Il nous suffit de rappeler ici que le marais n'est dangereux lui-même qu'à certains moments non-seulement de l'année, mais encore de la période nyctémérale, quoique la putréfaction organique y règne presque en permanence, pour établir qu'il ne suffit pas de faire pourrir des végétaux pour engendrer le miasme fébrigène. Nous avons indiqué dans notre livre la fréquente innocuité de ces putréfactions, au point de vue du moins de l'étiologie des fièvres, et démontré combien il fallait tenir compte de deux éléments négligés par ceux qui comparent les substances putrides au marais lui-même : nous voulons parler de l'influence du sol et de celle de l'atmosphère. Quant à la théorie parasitaire du développement de la malaria, elle ne repose encore que sur de pures hypothèses auxquelles se complaît l'imagination sans que la science y ait trouvé rien de certain jusqu'à ce jour.}}
nence, pour établir qu'il ne suffit pas de faire pourrir des végétaux pour en-
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gendrer le miasme fébrig'ene. Nous avons indiqué dans notre livre la fréquente
 
innocuité dp ces putréfactions, au point de vue du moins de l'étiologie des
 
fièvres, et démontré combien il fallait tenir compte de deux éléments négli-
 
gés par ceux qui comparent les substances putrides au marais lui-même : nous
 
voulons parler de l'influence du sol et de celle de l'atmosphère. Quant à la
 
théorie parasitaire du développement de la malaria, elle ne repose encore que
 
sur de pures hypothèses auxquelles se complaît l'imagination sans que la
 
science y ait trouvé rien de certain jusqu'à ce jour.
 
  
 
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tains éléments morbides, communs à la plupart des affections fé-
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certains éléments morbides, communs à la plupart des affections fébriles, augment ou diminution de la température, de la circulation, des sécrétions, il est bien difficile, en revanche, d'obtenir par son moyen, l'évolution complète d'une maladie déterminée, à moins que celle-ci ait pour base étiologique un principe toxique doué d'une puissance analogue sur l'homme et sur les animaux. Or, tel n'est point le cas pour le poison palustre ; nous avons longuement établi l'immunité des diverses races animales au milieu des foyers les plus intenses de malaria, et prouvé que les exemples allégués par [[A pour personnalité citée::Jean-Baptiste Monfalcon|Montfalcon]], par Bailly, d'épizooties survenant dans ces milieux, doivent être rapportés à des affections d'une nature et d'une origine entièrement différentes de celles de la fièvre intermittente<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=1}})</sup>. Les chiens, qui ont été précisément choisis récemment pour des expériences, accompagnent impunément, à travers les marais, les bergers, les chasseurs qui sont si fréquemment atteints de toutes les formes, bénignes ou pernicieuses, de l'intoxication. Aussi devait-on prévoir ''à priori'' qu'en injectant dans les veines de ces animaux, ou en leur faisant avaler des matières putrides végétales, lors même que ces matières eussent réellement renfermé le germe de la fièvre intermittente, on ne verrait cependant se produire rien de comparable à cette dernière affection. Les expériences faites par [[A pour personnalité citée::Carl Binz|C. Binz]], en ce sens<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=2}})</sup>, n'ont développé, suivant nous, que les symptômes habituels de la septicémie ; nous n'y voyons aucun phénomène comparable à ceux de l'intoxication palustre ;
briles, augment ou diminution de la température, de la circulation,
 
des sécrétions, il est bien difficile, en reyanche, d'obtenir par son
 
moyen, l'évolution complète d'une maladie déterminée, à moins
 
que celle-ci ait pour base étio]pgique un principe toxique doué
 
d'une puissance analogue sur l'homme et sur 'es animaux. Or, tel
 
n'est point ]e cas pour le poison palustre ; nous avons longue-
 
ment établi l'immunité des diverses races animales au milieu des
 
foyers les plus intenses de malaria, et prouvé que les exemples al-
 
légués par Montfalcon, par Bailly, d'épizooties survenant dans ces
 
milieux, doivent être rapportés à des affections d'une nature et
 
d'une origine entièrement différentes de celles de la fièvre intermit-
 
tente (4). Les chiens, qui ont été précisément choisis récemment
 
pour des expériences, accompagnent impunément, à travers les
 
marais, les bergers, les chasseurs quj sont si fréquemment atteints
 
de toutes les formes, bénignes ou pernicieuses, de l'intpxiçation.
 
Aussi devait-on prévoir à vriori qu'en injectant daps les veines de
 
ces animaux, ou en leur faisan Ravaler des matières putrides végé-
 
tales, lors même que ces matières eussent réellement renfermé
 
le germe de la fièvre intermittente, on ne verrait cependant se
 
produire rien de comparable à cette dernière affection. Les expé-
 
riences faites par C. Binz, en ce sens (2), n'ont développé, suiyant
 
nous, que les symptômes habituels' de la septjcémie; nous n'y
 
voyons aucun phénomène comparable à ceux de l'intoxication pa-
 
  
(1) Bailly avait contribué largement à accréditer l'opinion de l'influence
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pernicieuse delà malaria sur les animaux ; il cite en particulier les épizooties
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qui, parfois, ont décimé et presque entièrement détruit les grands troupeaux
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|texte=Bailly avait contribué largement à accréditer l'opinion de l'influence pernicieuse de la malaria sur les animaux ; il cite en particulier les épizooties qui, parfois, ont décimé et presque entièrement détruit les grands troupeaux de la campagne romaine. Au moment même où nous arrivions à Rome, en 1864, une épidémie de ce genre venait de détruire presque tous les bœufs qui constituent l'une des richesses principales de ce pays. Mais ces désastres ne sont que des épisodes locaux de l'invasion de la peste bovine, de celte maladie née dans les steppes du sud-est de l'Europe et que nous voyons aujourd'hui se propager également sur une grande partie de notre continent.<br>Tous les voyageurs qui ont parcouru la campagne romaine et même la zone palustre de son littoral, ont pu admirer le magnifique développement des bœufs et des buffles qui habitent ces milieux insalubres.<br>Bailly cite, en outre, comme épizooties dues au miasme, le sang de rate des moutons en Sologne, la clavelée en Hongrie, affections mieux connues aujourd'hui, ayant leur virus spécial et n'offrant aucun rapport avec les fièvres intermittentes.}}
delà campagne romaine. Au moment même où nous arrivions à Rome, en
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1864, une épidémie de ce genre venait de détruire presque tpus les boeufs qui
 
constituent l'une des richesses principales de ce pays. Mais ces désastres
 
ne sont que des épisodes locaux de l'invasion de la peste bovine, de celte ma-
 
ladie née dans les steppes du sud-est de l'Europe et que nous voyons aujour-
 
d'hui se propager également sur une grande partie de notre continent.
 
  
Tous les voyageurs qui ont parcouru la campagne romaine et même la zone
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palustre de son littoral, ont pu admirer le magnifique développement des boeufs
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et des buffles qui habitent ces milieux insalubres.
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|texte=''Pharmakologische Studien über Chinin'', in ''Virchow's Archiv'', 1869.}}
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Bailly cite, en outre, comme épizooties dues au miasme, le sang de rate des
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moulons en Sologne, la clavelée en Hongrie, affections mieux connues aujour-
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et si, chez ces animaux, la quinine a semblé diminuer l'intensité du mouvement fébrile, et la rapidité de la terminaison fatale, ce n'est nullement à nos yeux par sa vertu spécifique contre le miasme, mais par son action hyposthénisante sur les appareils circulatoires et pyrogènes. Faisons remarquer, en passant, combien jusqu'à ce jour, la pathologie expérimentale a été impuissante à reproduire des affections nettement distinctes suivant leurs sources ; les injections de sang varioleux ou scarlatineux dans les veines des animaux<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=1}})</sup> n'ont donné lieu jamais qu'à une même affection septique, analogue à celle que l'on produirait par l'emploi de pus altéré ou de matières organiques en décomposition ; tandis que, chez l'homme, les miasmes de provenance animale développent des affections différentes de celles qu'engendrent les végétaux, l'expérimentation ne maintient nullement ces caractères distinctifs, et, quelle que soit l'origine de la putridité, animale ou végétale, le résultat obtenu est en général identique ; il est même remarquable que le principe toxique des matières animales en décomposition, la sepsine<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=2}})</sup>, isolée et fixée sous forme de sulfate de sepsine par Bergmann et Schmiedelberg, se trouve à son maximum non dans le sang, la fibrine ou les muscles altérés, mais dans un produit végétal, très-azoté il est vrai, la levûre de bière. S'il n'est donc que trop vrai que les substances organiques putréfiées, introduites dans l'organisme, y déterminent la combustion fébrile, aucune recherche, comme l'a dit le professeur Hirtz<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=3}})</sup>, n'a permis encore de constater dans le sang la spécialité des combustions pour chaque espèce virulente.
d'hui, ayant leur virus spécial et n'offrant aucun rapport avec les fièvres inter-
 
mittentes.
 
  
(2) Pharmaleologische Studien iiber Chinin, in. Virchow's Archiv, 1869.
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On n'est donc pas parvenu à développer chez les animaux rien qui ressemble aux formes morbides produites sur l'homme par la malaria ; on n'y serait certainement pas mieux arrivé en leur inoculant le sang d'un fébricitant, l'affection n'étant jamais contagieuse, ni même inoculable de l'homme à l'homme<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=4}})</sup>, c'est-à-dire dans les conditions de réceptivité les plus complètes. L'idée de contagion des fièvres intermittentes est une erreur récemment admise par quelques partisans de la nature parasitaire de ces affections,  
  
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tensité du mouvement fébrile, et la rapidité de la terminaison fa-
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tale, ce n'est nullement à nos yeux par sa vertu spécifique contre le
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miasme, mais par son action hyposthénisante sur les appareils
 
circulatoires et pyrogènes. Faisons remarquer, en passant, combien
 
jusqu'à ce jour, la pathologie expérimentale a été impuissante à
 
reproduire des affections nettement distinctes suivant leurs sources ;
 
les injections de sang varioleux ou scarlatineux dans les veines
 
des animaux (1) n'ont donné lieu jamais qu'à une même affection
 
septique, analogue à celle que l'on produirait par l'emploi de pus
 
altéré ou de matières organiques en décomposition ; tandis que,
 
chez l'homme, les miasmes de provenance animale développent des
 
affections différentes de celles qu'engendrent les végétaux, l'expé-
 
rimentation ne maintient nullement ces caractères distinctifs, et,
 
quelle que soit l'origine de la putridité, animale ou végétale, le ré-
 
sultat obtenu est en général identique ; il est même remarquable
 
que le principe toxique des matières animales en décomposition,
 
la sepsine (2), isolée et fixée sous forme de sulfate de sepsine par
 
Bergmann et Schmiedelberg, se trouve à son maximum non
 
dans le sang, la fibrine ou les muscles altérés, mais dans un pro-
 
duit végétal, très-azoté il est vrai, la levure de bière. S'il n'est
 
donc que trop vrai que les substances organiques putréfiées, in-
 
troduites dans l'organisme, y déterminent la combustion fébrile,
 
aucune recherche, comme l'a dit le professeur Hirtz (3), n'a per-
 
mis encore de constater dans le sang la spécialité des combustions
 
pour chaque espèce virulente. **
 
  
On n'est donc pas parvenu à développer chez les animaux rien
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qui ressemble aux formes morbides produites sur l'homme par la
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malaria ; on n'y serait certainement pas mieux arrivé en leur ino-
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|texte=Voir [[A pour auteur cité::Albert Hénocque|Hénocque]], in ''[[A pour revue citée::Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie| Gazette hebdomadaire]]'', 1871, p. 276<ref group="NDLR">http://opacplus.bsb-muenchen.de/title/6753081/ft/bsb11033962?page=276</ref> et 527.}}
culant le sang d'un fébricilant, l'affection n'étant jamais conta-
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gieuse, ni même inoculable de l'homme à l'homme (4), c'est-à-
 
dire dans les conditions de réceptivité les plus complètes. L'idée de
 
contagion des fièvres intermittentes est une erreur récemment
 
admise par quelques partisans de la nature parasitaire de ces affec-
 
  
(1) Coze et Feltz.
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|texte=Hirtz, ''Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques'', article FIÈVRE.}}
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(2) Voir Hénocque, in Gazette hebdomadaire, 1871, p. 276 et 527.
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{{Gallica page|fonction=note|ref=4
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|texte=Armand, ''Algérie médicale'', p. 77.}}
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(5) Hirtz, Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, article
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FIÈVRE.
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qui ont pensé pouvoir ainsi confirmer leur doctrine sans tenir compte des faits que leur oppose chaque jour la clinique<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=1}})</sup>.
(4) Armand, Algérie médicale, p. 77.
 
  
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En résumé, l'expérimentation sur les animaux ne peut rien prouver en faveur de l'influence de la quinine sur le miasme palustre lui-même.
tions, qui ont pensé pouvoir ainsi confirmer leur doctrine sans
 
tenir compte des faits que leur oppose chaque jour la clinique (1).
 
En résumé, l'expérimentation sur les animaux ne peut rien
 
prouver en faveur de l'influence de la quinine sur le miasme pa-
 
lustre lui-même.
 
  
 
===§ III. — Données fournies par la clinique===
 
===§ III. — Données fournies par la clinique===
  
Serons-nous plus heureux en étudiant cette même question
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Serons-nous plus heureux en étudiant cette même question d'après les observations recueillies sur l'homme lui-même ? On peut dire sans exagération que, chaque jour, des milliers d'exemples viennent affirmer de nouveau la spécificité d'action de la quinine contre les manifestations aiguës de l'intoxication palustre, contre toutes les formes de la fièvre intermittente. Mais, de ces faits si imposants par leur évidence et par leur nombre, peut-on arriver à conclure que cette spécificité s'adresse à la cause morbide elle-même, au miasme, et non pas simplement au symptôme ? Non, malheureusement. Si la quinine avait la puissance, non-seulement d'enrayer les manifestations aiguës de l'empoisonnement, mais encore de détruire le principe miasmatique absorbé par l'organisme, on ne constaterait pas une telle fréquence des récidives chez les individus qui en ont pris d'énormes doses, après avoir été soustraits, par leur changement de résidence, à de nouvelles conditions d'infection ; l'administration prolongée du médicament suffirait non-seulement à les garantir de toute rechute ultérieure, mais les préserverait encore du développement de la cachexie palustre. La quinine guérit donc ou empêche la manifestation actuelle ou imminente, mais son action thérapeutique ne s'étend pas à la cause morbide, au miasme dont l'impression pèse longuement sur l'organisme.
d'après les observations recueillies sur l'homme lui-même ? On
 
peut dire sans exagération que, chaque jour, des milliers d'exemples
 
viennent affirmer de nouveau la spécificité d'action de la quinine
 
contre les manifestations aiguës de l'intoxication palustre, contre
 
toutes les formes de la fièvre intermittente. Mais, de ces faits si
 
imposants pas leur évidence et par leur nombre, péut-on arriver à
 
conclure que cette spécificité s'adresse à la cause morbide elle-
 
même, au miasme, et non pas simplement au symptôme? Non,
 
malheureusement. Si la quinine avait la puissance, non-seulement
 
d'enrayer les manifestations aiguës de l'empoisonnement, mais
 
encore de détruire le principe miasmatique absorbé par l'orga-
 
nisme, on ne constaterait pas une telle fréquence des récidives
 
chez les individus qui en ont pris d'énormes doses, après avoir
 
été soustraits, par leur changement de résidence, à de nouvelles
 
conditions d'infection ; l'administration prolongée du médicament
 
suffirait non-seulement à les garantir de toute rechute ultérieure,
 
mais les préserverait encore du développement de la cachexie pa-
 
lustre. La quinine guérit donc ou empêche la manifestation actuelle
 
ou imminente, mais son action thérapeutique ne s'étend pas à la
 
cause morbide, au miasme dont l'impression pèse longuement sur
 
l'organisme.
 
  
Il est une condition dans laquelle il semble plus facile de déter-
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Il est une condition dans laquelle il semble plus facile de déterminer la réalité de la prétendue action antimiasmatique du médicament ; c'est lorsqu'on l'administre préventivement à des individus, indemnes ou non d'accès antérieurs, mais obligés de séjourner dans une contrée palustre. Or, d'après nos observations, et en tenant compte des faits recueillis par Lind, Griesinger, Morehead, Valéry Meunier, nous avons établi que cette médication ne présentait pas d'avantage beaucoup plus marqué que certains moyens
miner la réalité de la prétendue action antimiasmatique du médica-
 
ment ; c'est lorsqu'on l'administre préventivement à des individus,
 
indemnes ou non d'accès antérieurs, mais obligés de séjourner
 
dans une contrée palustre. Or, d'après nos observations, et en
 
tenant compte des faits recueillis par Lind, Griesinger, Morehead,
 
Valéry Meunier, nous avons établi que cette médication ne pré-
 
sentait pas d'avantage beaucoup plus marqué que certains moyens
 
  
(1) Voir L. Colin, Traité des fièvres intermittentes, p. 12.
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plus vulgaires ; et aux soldats en expédition soit en Algérie, soit
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plus vulgaires ; et aux soldats en expédition soit en Algérie, soit en Italie, il nous a semblé plus avantageux de faire prendre du thé, du café, ou même un repas ; avant de traverser une surface marécageuse, que de leur administrer de la quinine. Un fait remarquable et qu'une étude plus récente de cette question nous a permis de constater, c'est la nature contradictoire des résultats mentionnés à cet égard par différents observateurs.
en Italie, il nous a semblé plus avantageux de faire prendre du
 
thé, du café, ou même un repas.; avant de traverser une surface
 
marécageuse, que de leur administrer de la quinine. Un fait re-
 
marquable et qu'une étude plus récente de cette question nous a
 
permis de constater, c'est la nature contradictoire des résultats
 
mentionnés à cet égard par différents observateurs.
 
  
Les médecins militaires autrichiens démontrent que l'emploi
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Les médecins militaires autrichiens démontrent que l'emploi préventif de la quinine dans certaines garnisons exposées aux miasmes palustres, notamment à [[a pour localité citée::Pula|Pola]], à [[a pour localité citée::Komárno|Komorn]], et dans plusieurs localités de la Hongrie, n'a donné aucun avantage appréciable<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=1}})</sup>, et a paru même inférieure à l'extrait de noix vomique.
préventif de la quinine dans certaines garnisons exposées aux
 
miasmes palustres, notamment àPola> à Komorn, et dans plusieurs
 
localités delà Hongrie, n'a donné aucun avantage appréciable (1),
 
et a paru même inférieure à l'extrait de noix vomique.
 
  
Dans l'armée russe, les troupes cantonnées dans les vastes foyers
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Dans l'armée russe, les troupes cantonnées dans les vastes foyers palustres du gouvernement du Caucase, ont pris journellement et pendant longtemps de faibles doses de quinine, sans en avoir non plus retiré le moindre avantage<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=2}})</sup>.
palustres du gouvernement du Caucase, ont pris journellement et
 
pendant longtemps de faibles doses de quinine, sans en avoir non
 
plus retiré le moindre avantage (2).
 
  
Nous voyons au contraire l'action préservatrice évidente de
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Nous voyons au contraire l'action préservatrice évidente de fortes doses de quinine administrées à des individus soumis aux émanations palustres les plus dangereuses. Bryson rapporte que les Anglais emploient ainsi, avec succès, ce médicament dans leurs expéditions sur la côte occidentale d'Afrique ; Gestin à observé un fait extrêmement démonstratif à cet égard dans cette même région : « À Assinie (côte ouest d’Afrique), les officiers de ''la Pénélope'' firent une excursion dans la [[a pour localité citée::Tano|rivière marécageuse le Tanoé]], qui vient se jeter dans le lac d'Ahy ; tous avaient pris, par précaution, du sulfate de quinine ; un seul, commissaire de marine,
fortes doses de quinine administrées à des individus soumis aux
 
émanations palustres les plus dangereuses. Bryson rapporte que
 
les Anglais emploient ainsi, avec succès -, ce médicament dans
 
leurs expéditions sur la côte occidentale d'Afrique ; Gestin à ob-
 
servé un fait extrêmement démonstratif à cet égard dans cette
 
même région : la Pénélope firent une excursion dans la rivière marécageuse le
 
Tanoë, qui vient se jeter dans le lac d'Ahy ; tous avaient pris, par
 
précaution, du sulfate de quinine ; un seul» commissaire de marine,
 
  
(1) Le ministre de la guerre de l'empiré d'Àtitriche arrêta que chaque sol-
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dat en garnison à Pola et à Komorn, recevrait par jour une dose de 12 cen-
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tigrammes de quinine, et qu'à Peterwardein on distribuerait, par homme, une
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|texte=Le ministre de la guerre de l'empiré d'Autriche arrêta que chaque soldat en garnison à Pola et à Komorn, recevrait par jour une dose de 12 centigrammes de quinine, et qu'à Peterwardein on distribuerait, par homme, une dose quotidienne de 3 milligrammes d'extrait de noix vomique. Ce dernier médicament fut accepté très-volontiers parles soldats qui ne prenaient qu'avec répugnance et refusaient souvent la solution de quinine. La valeur des résultats est atténuée par cette considération qu'en cette année (1869) les fièvres furent, en général, moins communes que d'habitude ; mais elles furent aussi fréquentes chez ceux qui avaient pris de la quinine que chez les autres. Si l'extrait de noix vomique n'empêcha pas non plus le développement de la fièvre, il en diminua la gravité, et sembla modérer surtout le trouble des organes digestifs. (''Wiener Allg. militararztl. Zeitung'', 10-13, 1870.}}
dose quotidienne de 5 milligrammes d'extrait de noix vomique. Ce dernier
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médicament fut accepié très-volontiers parles soldats qui ne prenaient qu'avec
 
répugnance et refusaient souvent la solution de quinine. La valeur des résul-
 
tats est atténuée par cette considéralion qu'en cette année (1869) lès fièvres
 
furent, en général, moins communes que d'habitude; mais elles furent aussi
 
fréquentes chez ceux qui avaient pris de la quinine que chez les autres. Si
 
l'extrait de noix vomique n'empêcha pas non plus le développement de la
 
fièvre, il en diminua la gravité, et sembla modérer surtout le trouble des or-
 
ganes digeslifs. {Wiener Allg. militararztl. Zeilûng, 10-13, 1870.
 
  
(2) Toropoff, Das Chinin in den Sumpffiebern, in Goschen's Deittscher Kli-
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nik, n° o, 1872.
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se fiant à son immunité habituelle, s'en abstint ; huit jours après,
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se fiant à son immunité habituelle, s'en abstint ; huit jours après, il fut pris de violents accès de fièvre intermittente bilieuse ; deux seulement, parmi les autres, éprouvèrent un léger malaise<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=1}})</sup>. » [[A pour personnalité citée::Clovis Thorel|Thorel]] raconte que pendant, son voyage d'exploration en [[A pour localité citée::Cochinchine]], il put impunément parcourir les localités les plus insalubres, lui et ses compagnons, en s'astreignant à prendre environ chaque semaine, de 60 à 80 centigrammes de sulfate de quinine<sup>({{Gallica page|fonction=Appel de note|ref=2}})</sup>.
il fut pris de violents accès de fièvre intermittente bilieuse ; deux
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seulement, parmi les autres, éprouvèrent un léger malaise (1). »
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Pourquoi ici une semblable préservation alors que nous venons de constater l'inutilité de l'emploi préventif de la quinine dans les armées russe et autrichienne ? Cette différence tient, suivant nous, à ce que ces armées, séjournant en somme dans les climats où les exhalaisons du sol sont relativement peu dangereuses, n'y prennent le médicament qu'à des doses minimes et quotidiennes, c'est-à-dire suivant la méthode qui est la moins efficace contre les accès, mais qui cependant devrait préserver à la longue l'organisme, si réellement ce remède était antimiasmatique. Dans les faits, au contraire, cités par [[A pour personnalité citée::Clovis Thorel|M. Thorel]], les prises de quinine, plus espacées, sont données à des doses efficaces contre les accès, et comme en ces régions tropicales l'intensité des exhalaisons telluriques rend ces accès toujours imminents, le remède y est toujours tout aussi indiqué que chez un fiévreux pour lequel on redoute une récidive. Ce n'est pas contre le miasme qu'agit le médicament, c'est contre la manifestation morbide qui va se produire.
Thorel raconte que pendant, son voyage d'exploration en Cochin-
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chine, il put impunément parcourir les localités les plus insalubres,
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''Conclusions.'' — En résumé, de ces trois ordres de preuves, tirées et de la clinique, et de la pathologie expérimentale, et de l'action directe de la quinine sur les substances végétales en décomposition, il résulte que l'action thérapeutique de ce médicament contre la fièvre intermittente semble complétement indépendante de sa puissance antiseptique et antizymotique, et surtout de son influence immédiate sur le miasme fébrifère.
lui et ses compagnons, en s'astreignanl à prendre environ chaque
 
semaine, de 60 à 80 centigrammes de sulfate de quinine (2).
 
  
Pourquoi ici une semblable préservation alors que nous venons
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de constater l'inutilité de l'emploi préventif de la quinine dans lés
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armées russe et autrichienne ? Cette différence tient, suivant nous,
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|texte=Fonssagrives, ''Hygiène navale'', p. 224.}}
à ce que ces armées, séjournant en somme dans les climats où les
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exhalaisons du sol sont relativement peu dangereuses, n'y prennent
 
le médicament qu'à des doses minimes et quotidiennes, c'est-à-
 
dire suivant la méthode qui est la moins efficace contre les accès,
 
mais qui cependant devrait préserver à la longue l'organisme, si
 
réellement ce remède était antimiasiriatique. Dans lès faits, au
 
contraire, cités par M. Thorel, les prises de quiriine, plus espa-
 
cées, sont données à des doses efficaces contre les accès, et comme
 
en ces régions tropicales l'intensité des exhalaisons tëîluriques
 
rend ces accès toujours imminents, le remède y est toujours tout
 
aussi indiqué que chez un fiévreux pour lequel on redoute une ré-
 
cidive. Ce n'est pas contre le miasme qu'agit le médicament, c'est
 
contre la manifestation morbide qui va se produire.
 
  
Conclusions. — En résumé, de ces trois ordres de preuves,
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tirées et de la clinique, et de la pathologie expérimentale, et de
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l'action directe de la quinine sur les substances végétales en dé-
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|texte=[[A pour personnalité citée::Clovis Thorel|Thorel]], ''Notes médicales du voyage d'exploration du Mékong'', Paris, 1870.}}
composition, il résulte que l'action thérapeutique de ce médica-
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ment contre la fièvre intermittente semble complètement indépen-
 
dante de sa puissance antiseptique et antizymotique, et surtout de
 
son influence immédiate sur le miasme fébrifère.
 
  
 
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Version actuelle datée du 17 juin 2020 à 16:58

De l'influence spécifique de la quinine dans les fièvres intermittentes


 
 

logo travaux Document en cours de réédition numérique
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Chapitre
De l'influence spécifique de la quinine dans les fièvres intermittentes
Auteur
Léon Colin
Extrait de
Les sels de quinine (1872)
Visible en ligne
Sur Gallica
Chapitre suivant
De l'influence antifébrile de la quinine dans les pyrexies et les maladies inflammatoires

Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage Les sels de quinine, rédigé en 1872 par le docteur Léon Colin.

De l'influence spécifique de la quinine dans les fièvres intermittentes


- 7 (G) -

L'action spécifique du quinquina contre les fièvres intermittentes a semblé de tout temps devoir être rapportée à l'influence du médicament sur la cause même de l'affection, sur le miasme palustre ; suivant Torti, l’écorce du Pérou atteignait le ferment fébrifère dans l'intestin, et le neutralisait avant son absorption par les vaisseaux chylifères. Les recherches modernes ont eu spécialement pour objet de mieux déterminer cette action directe du remède sur le poison ; mentionnons d'abord les expériences faites sur les substances putrides, considérées comme le point de départ de ce


- 8 (G) -

miasme, puis nous indiquerons les données qui peuvent être fournies par la pathologie expérimentale et enfin par la clinique.

§ I. — Expériences sur les matières putrides

Plusieurs expérimentateurs ont confirmé les observations de Pringle, relatives à l'action antiputride du quinquina et de ses dérivés sur les substances animales exposées au contact de l'air ; le champ même de ces observations a été fort agrandi, et l'on a pu établir que la quinine entravait, à un degré très marqué, la plupart des modifications subies à ce contact par les matières organiques, privées de vie, d'origine animale ou végétale ; les phénomènes d'oxydation sont spécialement empêchés et ralentis sous l'influence d'une minime quantité de cet alcaloïde ; les muscles, le sang, l'albumine, l'urine, le lait, le beurre ne subissent plus que lentement ou partiellement leurs transformations accoutumées, fermentation ou putréfaction ; et l'on voit se ralentir également l'action de la diastase sur l'amidon, de l'amygdaline sur l'émulsine, de la pepsine sur la viande, etc. Les cadavres des animaux empoisonnés par la quinine résistent aussi plus longtemps à la putréfaction. Ces faits ont engagé des praticiens à l'emploi topique du médicament contre certaines affections ulcéro-gangréneuses, spécialement contre le noma ; telle a été également la base d'une prétendue médication prophylactique de la septicémie, les solutions de quinine pouvant, par leur application locale, empêcher l'altération du pus au contact de l'atmosphère. D'après Klebs(1),le pus possède, à ce contact, la même propriété que la plupart des matières organiques, celle de se charger d'ozone, comme on peut s'en assurer au moyen du réactif indiqué par Schœnbein, la teinture de gaïac ; or, une faible quantité de quinine empêche l'ozonisation du pus ; est-ce à ce titre que l'altération de ce liquide serait prévenue ?

Ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, c'est l'action de l'alcaloïde sur certains produits de décomposition organique que l'on a considérés comme le point de départ spécial des miasmes fébrifères, les matières végétales en putréfaction. Il y a plusieurs années déjà que le professeur C. Binz a consacré une série de recherches à démontrer de nouveau la vertu antiputride de la quinine


(1) Klebs, Centralb. für die medic. Wissenschaften, 1868.


- 9 (G) -

sur les sucs végétaux, dont elle arrête d'une manière remarquable la décomposition à l'air libre ; Pavesi a prouvé, également par des expériences sur les matières organiques, animales ou végétales, cette puissance antiseptique et antizymotique du médicament.

C. Binz a cherché en outre à rapprocher ces faits des théories modernes sur la nature animée des ferments ; pour lui, la quinine suspendrait la transformation des matières végétales, fermentation ou putréfaction, non pas seulement par son action chimique anti-oxydante, mais plus encore par son influence toxique sur les organismes inférieurs qui abondent dans ces substances. Il constata d'abord cette influence sur différents prototypes d'organisation élémentaire, l’amœba diffluens, l’euglena viridis, la vorticella campanula, et autres infusoires caractérisés par l'activité de leurs mouvements browniens au sein du protoplasme des cellules végétales.

Ces recherches forment l'objet d'un intéressant mémoire(1) ; de plus, elles ont été répétées soit par l'auteur, soit par d'autres expérimentateurs, en s'appliquant plus spécialement aux organismes considérés comme agents de la fermentation ; que l'on place sous l'objectif une goutte de macération végétale, on y voit une masse de grandes bactéries, des paramécies, des vibrions, des spirilles qui se meuvent avec la plus grande rapidité. Il suffit d'y ajouter une quantité minime de quinine (une goutte d'une solution de chlorhydrate de quinine au deux-centième) pour supprimer tous ces mouvements, instantanément chez les plus gros de ces corps, un peu moins rapidement chez les plus petits.

Cette action parasiticide de la quinine aurait été utilisée par Helmholtz ; atteint depuis plusieurs années de fièvre de foin, ce physiologiste aurait, par l'emploi topique du médicament, détruit les vibrions dont fourmille le mucus nasal dans cette affection, et obtenu ainsi une rapide guérison(2). Il y a quelques années, un médecin français, Poulet, signalait dans un mémoire présenté à l'Académie des sciences(3) la quantité considérable d'infusoires renfermés dans les vapeurs de l'exhalation pulmonaire des enfants atteints de coqueluche. Depuis lors, quelques observateurs(4) ont


(1) C. Binz, Ueber die Einwirkung des Chinin auf Protoplasmabewegungen in M. Schullze's Arrhiv, B. 3, 1867.


(2) Virchow's Archiv, B. 46, 1869.


(3) Comptes rendus, 5 août 1867.


(4) W. Jansen, Klinische Beitrœge zur Kenntniss und Heilung des Keuchhusten, Bonn, 1868.


- 10 (G) -

rapporté à la nature parasitaire de cette dernière affection, les avantages que l'on aurait retirés contre elle de la médication quinique ; bornons-nous à remarquer que les infusoires signalés ici par Poulet (monas et bacterium termo) n'ont certainement rien de spécifique, vu leur abondance dans tant de maladies et dans certaines sécrétions non pathologiques ; nous verrons plus loin qu'on a expliqué autrement l'action de la quinine sur les muqueuses atteintes d'inflammations soit profondes, soit simplement catarrhales.

Pour en revenir au miasme palustre, faut-il, des expériences précédentes sur les matières végétales, conclure qu'il puisse être détruit directement par la quinine ? Nous ne le pensons pas ; nous avons dit ailleurs(1) que beaucoup de substances, d'ordre minéral ou organique, partagent avec la quinine ces propriétés antiseptiques ou antizymotiques, sans pouvoir lui être comparées comme fébrifuges : l'alcool, l'acide phénique, la créosote, un grand nombre de bases alcalines et d'acides, entraveront la putréfaction végétale sans être d'aucune valeur contre les symptômes de l'intoxication palustre ; les sulfites même dont Polli a voulu faire un succédané de la quinine, n'ont en somme, contre la fièvre intermittente, qu'une influence fort contestable, malgré l'énergie de leur vertu antiseptique.

§ II. — Données fournies par la pathologie expérimentale

Peut-on créer sur les animaux un ensemble de symptômes comparables à ceux de la fièvre palustre, afin de se placer en condition de reproduire également chez eux et d'analyser l'action thérapeutique de la quinine contre cette maladie ? Si la pathologie expérimentale arrive facilement à produire chez les animaux


(1) Il nous suffit de rappeler ici que le marais n'est dangereux lui-même qu'à certains moments non-seulement de l'année, mais encore de la période nyctémérale, quoique la putréfaction organique y règne presque en permanence, pour établir qu'il ne suffit pas de faire pourrir des végétaux pour engendrer le miasme fébrigène. Nous avons indiqué dans notre livre la fréquente innocuité de ces putréfactions, au point de vue du moins de l'étiologie des fièvres, et démontré combien il fallait tenir compte de deux éléments négligés par ceux qui comparent les substances putrides au marais lui-même : nous voulons parler de l'influence du sol et de celle de l'atmosphère. Quant à la théorie parasitaire du développement de la malaria, elle ne repose encore que sur de pures hypothèses auxquelles se complaît l'imagination sans que la science y ait trouvé rien de certain jusqu'à ce jour.


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certains éléments morbides, communs à la plupart des affections fébriles, augment ou diminution de la température, de la circulation, des sécrétions, il est bien difficile, en revanche, d'obtenir par son moyen, l'évolution complète d'une maladie déterminée, à moins que celle-ci ait pour base étiologique un principe toxique doué d'une puissance analogue sur l'homme et sur les animaux. Or, tel n'est point le cas pour le poison palustre ; nous avons longuement établi l'immunité des diverses races animales au milieu des foyers les plus intenses de malaria, et prouvé que les exemples allégués par Montfalcon, par Bailly, d'épizooties survenant dans ces milieux, doivent être rapportés à des affections d'une nature et d'une origine entièrement différentes de celles de la fièvre intermittente(1). Les chiens, qui ont été précisément choisis récemment pour des expériences, accompagnent impunément, à travers les marais, les bergers, les chasseurs qui sont si fréquemment atteints de toutes les formes, bénignes ou pernicieuses, de l'intoxication. Aussi devait-on prévoir à priori qu'en injectant dans les veines de ces animaux, ou en leur faisant avaler des matières putrides végétales, lors même que ces matières eussent réellement renfermé le germe de la fièvre intermittente, on ne verrait cependant se produire rien de comparable à cette dernière affection. Les expériences faites par C. Binz, en ce sens(2), n'ont développé, suivant nous, que les symptômes habituels de la septicémie ; nous n'y voyons aucun phénomène comparable à ceux de l'intoxication palustre ;


(1) Bailly avait contribué largement à accréditer l'opinion de l'influence pernicieuse de la malaria sur les animaux ; il cite en particulier les épizooties qui, parfois, ont décimé et presque entièrement détruit les grands troupeaux de la campagne romaine. Au moment même où nous arrivions à Rome, en 1864, une épidémie de ce genre venait de détruire presque tous les bœufs qui constituent l'une des richesses principales de ce pays. Mais ces désastres ne sont que des épisodes locaux de l'invasion de la peste bovine, de celte maladie née dans les steppes du sud-est de l'Europe et que nous voyons aujourd'hui se propager également sur une grande partie de notre continent.
Tous les voyageurs qui ont parcouru la campagne romaine et même la zone palustre de son littoral, ont pu admirer le magnifique développement des bœufs et des buffles qui habitent ces milieux insalubres.
Bailly cite, en outre, comme épizooties dues au miasme, le sang de rate des moutons en Sologne, la clavelée en Hongrie, affections mieux connues aujourd'hui, ayant leur virus spécial et n'offrant aucun rapport avec les fièvres intermittentes.


(2) Pharmakologische Studien über Chinin, in Virchow's Archiv, 1869.


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et si, chez ces animaux, la quinine a semblé diminuer l'intensité du mouvement fébrile, et la rapidité de la terminaison fatale, ce n'est nullement à nos yeux par sa vertu spécifique contre le miasme, mais par son action hyposthénisante sur les appareils circulatoires et pyrogènes. Faisons remarquer, en passant, combien jusqu'à ce jour, la pathologie expérimentale a été impuissante à reproduire des affections nettement distinctes suivant leurs sources ; les injections de sang varioleux ou scarlatineux dans les veines des animaux(1) n'ont donné lieu jamais qu'à une même affection septique, analogue à celle que l'on produirait par l'emploi de pus altéré ou de matières organiques en décomposition ; tandis que, chez l'homme, les miasmes de provenance animale développent des affections différentes de celles qu'engendrent les végétaux, l'expérimentation ne maintient nullement ces caractères distinctifs, et, quelle que soit l'origine de la putridité, animale ou végétale, le résultat obtenu est en général identique ; il est même remarquable que le principe toxique des matières animales en décomposition, la sepsine(2), isolée et fixée sous forme de sulfate de sepsine par Bergmann et Schmiedelberg, se trouve à son maximum non dans le sang, la fibrine ou les muscles altérés, mais dans un produit végétal, très-azoté il est vrai, la levûre de bière. S'il n'est donc que trop vrai que les substances organiques putréfiées, introduites dans l'organisme, y déterminent la combustion fébrile, aucune recherche, comme l'a dit le professeur Hirtz(3), n'a permis encore de constater dans le sang la spécialité des combustions pour chaque espèce virulente.

On n'est donc pas parvenu à développer chez les animaux rien qui ressemble aux formes morbides produites sur l'homme par la malaria ; on n'y serait certainement pas mieux arrivé en leur inoculant le sang d'un fébricitant, l'affection n'étant jamais contagieuse, ni même inoculable de l'homme à l'homme(4), c'est-à-dire dans les conditions de réceptivité les plus complètes. L'idée de contagion des fièvres intermittentes est une erreur récemment admise par quelques partisans de la nature parasitaire de ces affections,


(1) Coze et Feltz.


(2) Voir Hénocque, in Gazette hebdomadaire, 1871, p. 276[NDLR 1] et 527.


(3) Hirtz, Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, article FIÈVRE.


(4) Armand, Algérie médicale, p. 77.


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qui ont pensé pouvoir ainsi confirmer leur doctrine sans tenir compte des faits que leur oppose chaque jour la clinique(1).

En résumé, l'expérimentation sur les animaux ne peut rien prouver en faveur de l'influence de la quinine sur le miasme palustre lui-même.

§ III. — Données fournies par la clinique

Serons-nous plus heureux en étudiant cette même question d'après les observations recueillies sur l'homme lui-même ? On peut dire sans exagération que, chaque jour, des milliers d'exemples viennent affirmer de nouveau la spécificité d'action de la quinine contre les manifestations aiguës de l'intoxication palustre, contre toutes les formes de la fièvre intermittente. Mais, de ces faits si imposants par leur évidence et par leur nombre, peut-on arriver à conclure que cette spécificité s'adresse à la cause morbide elle-même, au miasme, et non pas simplement au symptôme ? Non, malheureusement. Si la quinine avait la puissance, non-seulement d'enrayer les manifestations aiguës de l'empoisonnement, mais encore de détruire le principe miasmatique absorbé par l'organisme, on ne constaterait pas une telle fréquence des récidives chez les individus qui en ont pris d'énormes doses, après avoir été soustraits, par leur changement de résidence, à de nouvelles conditions d'infection ; l'administration prolongée du médicament suffirait non-seulement à les garantir de toute rechute ultérieure, mais les préserverait encore du développement de la cachexie palustre. La quinine guérit donc ou empêche la manifestation actuelle ou imminente, mais son action thérapeutique ne s'étend pas à la cause morbide, au miasme dont l'impression pèse longuement sur l'organisme.

Il est une condition dans laquelle il semble plus facile de déterminer la réalité de la prétendue action antimiasmatique du médicament ; c'est lorsqu'on l'administre préventivement à des individus, indemnes ou non d'accès antérieurs, mais obligés de séjourner dans une contrée palustre. Or, d'après nos observations, et en tenant compte des faits recueillis par Lind, Griesinger, Morehead, Valéry Meunier, nous avons établi que cette médication ne présentait pas d'avantage beaucoup plus marqué que certains moyens


(1) Voir L. Colin, Traité des fièvres intermittentes, p. 12.


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plus vulgaires ; et aux soldats en expédition soit en Algérie, soit en Italie, il nous a semblé plus avantageux de faire prendre du thé, du café, ou même un repas ; avant de traverser une surface marécageuse, que de leur administrer de la quinine. Un fait remarquable et qu'une étude plus récente de cette question nous a permis de constater, c'est la nature contradictoire des résultats mentionnés à cet égard par différents observateurs.

Les médecins militaires autrichiens démontrent que l'emploi préventif de la quinine dans certaines garnisons exposées aux miasmes palustres, notamment à Pola, à Komorn, et dans plusieurs localités de la Hongrie, n'a donné aucun avantage appréciable(1), et a paru même inférieure à l'extrait de noix vomique.

Dans l'armée russe, les troupes cantonnées dans les vastes foyers palustres du gouvernement du Caucase, ont pris journellement et pendant longtemps de faibles doses de quinine, sans en avoir non plus retiré le moindre avantage(2).

Nous voyons au contraire l'action préservatrice évidente de fortes doses de quinine administrées à des individus soumis aux émanations palustres les plus dangereuses. Bryson rapporte que les Anglais emploient ainsi, avec succès, ce médicament dans leurs expéditions sur la côte occidentale d'Afrique ; Gestin à observé un fait extrêmement démonstratif à cet égard dans cette même région : « À Assinie (côte ouest d’Afrique), les officiers de la Pénélope firent une excursion dans la rivière marécageuse le Tanoé, qui vient se jeter dans le lac d'Ahy ; tous avaient pris, par précaution, du sulfate de quinine ; un seul, commissaire de marine,


(1) Le ministre de la guerre de l'empiré d'Autriche arrêta que chaque soldat en garnison à Pola et à Komorn, recevrait par jour une dose de 12 centigrammes de quinine, et qu'à Peterwardein on distribuerait, par homme, une dose quotidienne de 3 milligrammes d'extrait de noix vomique. Ce dernier médicament fut accepté très-volontiers parles soldats qui ne prenaient qu'avec répugnance et refusaient souvent la solution de quinine. La valeur des résultats est atténuée par cette considération qu'en cette année (1869) les fièvres furent, en général, moins communes que d'habitude ; mais elles furent aussi fréquentes chez ceux qui avaient pris de la quinine que chez les autres. Si l'extrait de noix vomique n'empêcha pas non plus le développement de la fièvre, il en diminua la gravité, et sembla modérer surtout le trouble des organes digestifs. (Wiener Allg. militararztl. Zeitung, 10-13, 1870.


(2) Toropoff, Das Chinin in den Sumpffiebern, in Goschen's Deittscher Klinik, n° 5, 1872.


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se fiant à son immunité habituelle, s'en abstint ; huit jours après, il fut pris de violents accès de fièvre intermittente bilieuse ; deux seulement, parmi les autres, éprouvèrent un léger malaise(1). » Thorel raconte que pendant, son voyage d'exploration en Cochinchine, il put impunément parcourir les localités les plus insalubres, lui et ses compagnons, en s'astreignant à prendre environ chaque semaine, de 60 à 80 centigrammes de sulfate de quinine(2).

Pourquoi ici une semblable préservation alors que nous venons de constater l'inutilité de l'emploi préventif de la quinine dans les armées russe et autrichienne ? Cette différence tient, suivant nous, à ce que ces armées, séjournant en somme dans les climats où les exhalaisons du sol sont relativement peu dangereuses, n'y prennent le médicament qu'à des doses minimes et quotidiennes, c'est-à-dire suivant la méthode qui est la moins efficace contre les accès, mais qui cependant devrait préserver à la longue l'organisme, si réellement ce remède était antimiasmatique. Dans les faits, au contraire, cités par M. Thorel, les prises de quinine, plus espacées, sont données à des doses efficaces contre les accès, et comme en ces régions tropicales l'intensité des exhalaisons telluriques rend ces accès toujours imminents, le remède y est toujours tout aussi indiqué que chez un fiévreux pour lequel on redoute une récidive. Ce n'est pas contre le miasme qu'agit le médicament, c'est contre la manifestation morbide qui va se produire.

Conclusions. — En résumé, de ces trois ordres de preuves, tirées et de la clinique, et de la pathologie expérimentale, et de l'action directe de la quinine sur les substances végétales en décomposition, il résulte que l'action thérapeutique de ce médicament contre la fièvre intermittente semble complétement indépendante de sa puissance antiseptique et antizymotique, et surtout de son influence immédiate sur le miasme fébrifère.


(1) Fonssagrives, Hygiène navale, p. 224.


(2) Thorel, Notes médicales du voyage d'exploration du Mékong, Paris, 1870.


Voir aussi

Notes