La grippe ou influenza (1908) André/Complications/Autres
Autres complications
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Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage La grippe ou influenza, rédigé en 1908 par Gustave André.
Sommaire
Avant propos
Autres complications
Appareil urinaire
Lés urines renferment souvent de l'albuminé dans le cours de la grippe. Il se produit parfois
une hématurie prémonitoire d'une néphrite catary rhale,ou indiquant tout au moins une congestion rénale. Cette congestion initiale du rein.a été ob- servée par Le Gendre qui en a publié une impor- tante observation. Quand la grippe s'accompagne de pneumonie, l'albuminurie est presque toujours abondante. Les abcès miliaires des reins figurent dans les complications suppuratives de la grippe (Ménétrier). Dans les angines infectieuses de môme origine, la généralisation, dont elles cons-t tituent les foyers primitifs, peuvent déterminer une néphrite aiguë capable de passer à la chroni- cité. Chez les brightiques, nous avons vu quelque- fois une grippe légère faire éclater des accidents urémiques. D'après le Dr Tuvache, la néphrite grippale est souvent Ignorée; c'est pendant le» convalescences traînantes que la localisation ré- nale se prépare sans bruit. Les symptômes sont surtout respiratoires, avec une toux quinteuse et une dyspnée qui fait songer a l'asthme. On peut constater des douleurs lombaires, prises quelque* fois pour un simple lumbago, de la céphalée, des bourdonnements d'oreille, la bouffissure des pau- pières, la pâleur de la face et des fourmillements aux extrémités. Parfois, après de l'hématurie et des éptslaxis» surviennent des accès de suffoca- tion. Le pronostic est assez sévère et, môme après la guérison» lo rein reste toujours un or- gane de moindre résistance. Parfois, la néphrite
aiguô se manifesté par des troubles urémiquès soudains. l
- Dans un cas du Dr Breton, il existait une né^
phrite chronique associée à une aortito. Mais ces complications, au lieu d'être précoces et à marche rapide, ne se manifestèrent que longtemps après les premiers phénomènes grippaux. L'aortite fit éclosion dans la convalescence, au bout de trois semaines, mais ce ne fut que trois ans plus tard, après un refroidissement, que surgirent l'oedème des jambes, puis une anasarquo totale; un peu plus tard, apparurent tous les signes du brlgh- tisme, avec six grammes d'albumine.
Juhel-Rônoy a vu un malade chez qui l'infec- tion grippale s'attaqua au rein, à l'endopéricarde, au poumon» à la plèvre, aux amygdales et aux veines du membre inférieur gauche. Cette mali- gnité n'est pas rare, comme nous le savons, dans les épidémies d'influenza,
Dans son étude sur cette affection, le D* G. Sto- wart mentionne l'albuminurie et l'hématurie comme complications possibles. Le D* Soumari- pas» de la Canéo, a étudié la néphrite grippale chez les enfants. Les formes symptomatlques de la lé- sion rénale apparaissent sous des aspects fort dissemblables. Parfois, la maladie débute d'une façon insidieuse et peut rester longtemps latente, ne se traduisant que par des signes d'anémie. Dans des cas rares» les petits malades présentent
outes les variétés de phénomènes urémiquesavec cedômeplus ou moins étendu. Chez, quelques-uns, tout se borne à de la céphalée, à quelques épis- taxis, quelques douleurs lombaires et un peu de bouffissure de la face. Chez quelques petits mala- des, ce sont des convulsions éclamptiques ou du coma. Chez des enfants un peu plus grands, on peut voir surgir des manifestations psychiques, telles que anorexie nerveuse, mélancolie, abatte- ment, délire avec cris perçants. D'après notre savant confrère Cretois, la fréquence de cette néphrite grippale chez l'enfant serait de 5% en- viron des cas. La durée serait de trois à cinq se- maines. La guérison aurait lieu assez fréquem- ment.
Desnos a cité un cas de pyonêphrose consécuti- vement a une violente attaque de grippe. 11 exista d'abord des douleurs lombaires vives exaspérées par la pression. Au bout de deux
- mois, apparition d'une tumeur rénale et émission
d'urines purulentes. Après la néphrotomie lom- baire, il s'écoula un litre de pus crémeux renfer- mant de.nombreux streptocoques; un calcul vo- lumineux, rameux, était enclavé dans la cavité du bassinet ; il existait, en outre, une tuméfaction du rein droit. L'état général devint rapidement mauvais. En résumé, rinfection d'origine grip- pale avait agi autour d'un calcul préexistant.
Le même clinicien a décrit aussi des uréthrites
et des prostatites de même origine. Dans uno pre- mière catégorie, sans maladies urinaires anté- rieures, il y eut des frissons violents, des dou- leurs prostatiques et de la rétention d'urine. La prostate avait le volume d'Une mandarine avec des bosselures qui persistèrent ; pas d'abcès. On peut, dans ces cas, songer un instant à de la tu- berculose locale, mais la résolution se fait pro- gressivement. Dans une deuxième forme, IL s'agit d'une ancienne uréthrite ravivée par la grippe, avec propagation à la prostate et suppu- ration possible. Dans une troisième catégorie enfin, une vieille uréthrite se réveille, mais sans- participation de la prostate.
Le Df Divaris a publié une observation de pros- tatite phlegmoneuse à la suite d'une pneumonie grippale. Le malade se plaignait d'une sensation de pesanteur du côté du rectum et du périnée, ainsi que de douleurs vives pendant la miction. Au toucher rectal» la prostate était sensible et vo- lumineuse avec une forme carrée. Plus tard, on constata un pouls prostatique très net, marqué par les battements des artères de la paroi an- térieure du rectum. Le Dr Divaris prescrivit avec succès des bains et des lavements très chauds ainsi qu'une application de sangsues et pratiqua le cathélérlsme avec une sonde à béquille n° 16\ Le malade conserva pendant quelque temps une petite fistule.
Çastaigne [Manuel des Maladies des Reins) range la grippe parmi les maladies générales qui peu- vent provoqueras lésions rénales et pyôlitiqUes.. La pyôio-néphrite, en particulier, est, dans ce cas, un accident de la convalescence. D'après l'auteur, les décharges bactériennes et l'élimina- tion de substances toxiques, au moment de la crise, provoquent un excès de fonctionnement du rein et doivent être incriminées comme causes des lésions du bassinet.
Ces infections qui sont d'origine sanguine don- nent lieu parfois à des abcès rénaux multiples sans altération du bassinet.
On sait que les pyélo-néphrltcs primitives ont été divisées par Albert Robin en caiarrhale» flbrl- neuse et purulente. Mais la grippe est susceptible surtout do créer une pyélo-néphrite suppurée d'origine bématogène. 11 faut mentionner surtout la violence de la douleur lombaire, la fièvre et les vomissements. L'examen des urines, après cen- trlfugation, décèle des globules de pus et de nom- breux microbes. Le pronostic de cette compli- cation, d'après Çastaigne, n'est pas dénué do gravité; la convalescence est souvent fort longue et la mort peut survenir de plusieurs façons : rupture du bassinet, abcès pôrlnéph relique, anurle, urémie, hecticlté, etc. Si nous voulons résumer l'action de la grippe sur les reins, nous pouvons dire, avec Çastaigne (toc. dt.), qu'elle
doit êtro rangée, par ordre de gravité, aussitôt après la scarlatine.
Leyden, Brault, Dieulafoy, Teissier ont remar- quablement étudié la néphrite grippale ; le Pro- fesseur de Lyon, en particulier, admet que la grippe vient en seconde ligne, représentée qu'elle est par 30% des cas, tandis que la scarlatine compte pour 38%.
La cystite grippale est une manifestation rare. Comby, en 1894, avait eu l'occasion de Voir un cocher de cinquante-cinq ans présentant, au dé- cours d'une grippe à forme nerveuse et gastrique, une cystite des plus douloureuses et des plus re- belles. En 1895, il put observer, dans son service de l'hôpital Trousseau, un enfant de treize ans frappé de la même localisation insolite. Cet en- fant fut pris simultanément de congestion pul- monaire gauche et de cystite du col avec urines sanglantes ; il n'y avait pas eu d'application de vésicatoire ; le petit malade présentait d'ailleurs cette langue grippale si bien décrite par Faisans. Vers la même époque, Comby vit également un enfant du même âge, atteint de grippe avec cour- bature, langue grippale, etc. L'enfant malade ren- •dait des urines troubles analogues à du marc de café clair. A propos de phénomènes de même or- dre, Le Gendre cite le fait d'un homme de soixante ans qui fut brusquement pris, un soir, d'une dou- leur lombaire d'une extrême violence, avec fièvre
et brisement des membres, céphalalgio frontale
et douleurs orbitaires. Les premières urines émi-
ses après cette invasion brutale étaient presque
noires par mélange intime de sang; en même
temps que la douleur lombaire disparaissait,
se montrait un catarrhe grippal typique, d'abord
oculo-nasal, puis laryngo-trachéal, enfin, une
bronchite congestive tenace.
Fiessinger signale la cystite comme une com- plication assez fréquente ; Dubrulle et Marrotte en ont observé chez des militaires.
Le Dr Trdssat, de Chalon-sur-Saône, a publié aussi deux cas de cystite chez des femmes n'ayant jamais rien présenté d'anormal du côté, de la vessie. La cystite avait coïncidé avec le début brusque de la grippe.
D'après le Professeur Albarran [Journal des Pra- ticiens, 1907), la cystite grippale guérit en quel- ques jours, mais il faut compter avec l'apparition d'hématuries, parfois abondantes; dans certains cas, on a pu croire à une tumeur vésicale. L'exa- men cystoscopique fait découvrir quelquefois l'existencede petites exulcérations en coup d'ongle. et un oedème du bas-fond de la vessie. Albarran a rencontré un grand nombre de germes infec- tieux, sauf le bacille de Pfeilïer, dans l'uriné de ces malades. C'est surtout par la voie rénale que se fait l'infection, au moyen de décharges bacté- riennes. L'éminent chirurgien proteste contre
l'application des vésicatoires chez les grippés. Quelques lavages de nitratod'argent à l/1000°suf- fisent d'ordinaire pour obtenir là guérison do cette complication, en somme bénigne.
Le DrM.-P. Colin [Deutsche med.Wochensch., juil- let 1905) relate dans un mémoire intéressant le cas d'un malade atteint d'uréthrite primitive, sans gonocoques; mais avec de très nombreux bacilles de la grippe. L'écoulement rappelait l'as- pect des crachats muco-purulents; l'examen mi- croscopique et divers ensemencements révélèrent l'existence de deux microbes prédominants, l'un appartenant au groupe des bacilles encapsulés, l'autre constitué par des bacilles de Pfeïiïer extrê- mement abondants. L'auteur est disposé à attri- buer à ce dernier l'action essentielle dans la production de celte uréthrite.
Organes génitaux
La grippe, semble-t-il, toiit comme la fièvre ourlienne, pourrait exercer une action fâcheuse sur le testicule ou l'épidh dyme. En 1890, Dubrulle et Mariette, que nous citions tout à l'heure, ont observé une orchite chez un soldat, pendant la convalescence de la grippe; mais, malgré une augmentation notable de vo- lume, la manifestation fut de courte durée. Fies- singer rapporte aussi le cas d'un enfant de neuf ans qui, dans le cours d'une grippe à forme ty- phoïde, eut trois poussées de vaginali te ; il resta uno
induration de l'ôpididyme. Ces deux observations peuvent, à la rigueur, laisser quelques doutes dans l'esprit; la première peut faire supposer l'exis- tence de quelque uréthrite antérieure ; la seconde peut cadrer avec une tuberculose épididymaire. Mais, il faut le dire, Desmonts a vu des orchites survenant dans la convalescence do la grippe, sans oreillons ni blennorragie antérieure, sans ofiorts, sans contusions et disparaissant assez vite.
Au cours de l'épidémie do 1890, A. Robin et Dalché ont soigné plusieurs femmes dont les règles furent avancées ou augmentées par les phénomènes d'invasion brusque de l'influenza. Pozzi, à la suite de la même infection, a observé des poussées de péri métro-salpingite,et il rapporte que Gottschalk et Goldberg ont vu la métrite hé- morragique succéder à la grippe et au scorbut. Le mauvais état général de l'organisme, après les fièvres graves, laisserait la matrice plus vul- nérable à l'action des microbes pathogènes.
Les névralgies pelviennes, la névralgie utérine,, l'hystéralgie, l'ovaralgie ne sont pas rares et les troubles menstruels sont fréquents. E. Mûller, sur 157 femmes grippées qu'il a eues à traiter, a relevé chez 138 d'entre elies, non gravides, des troubles génitaux divers : métrorragies, ménor- ragies, règles avancées ; sur 21 femmes enceintes, 17 ont avorté ou accouché prématurément. L'avor- tement serait dû, d'après Labadie-Lagrave.à l'en-
dométrite aiguë grippale. Le même observateur a signalé la fréquence des hémorragies et des suppurations chez les nouvelles accouchées.
Dans les tableaux dressés par J. Bertillon, en décembre 1889 et janvier 1890, on peut consta- ter que le nombre des avortements déclarés était resté absolument stationnaire. Or, comme les avortements des premiers mois échappent seuls à la vigilance de l'administration munici- pale, c'est vraisemblablement avant le cinquième mois de la grossesse que ces accidents ont pu être relevés par les praticiens. Nous avons déjà exposé les résultats des recherches de Demelin concernant les rapports de l'influenza et de la grossesse.
Vinay a étudié la marche de la grippe chez un certain nombre de femmes en état de puerpéra- lité [Lyon médical, 1892). Jacquemier, dont il cite les travaux, n'a pas constaté de troubles sérieux pendant la gestation, mais Càzeaux a, au con- traire, signalé la fréquence des avortements, par suite de quintes de toux violentes. Dans l'épidé- mie de 1675, particulièrement meurtrière pour les femmes enceintes, rapporte Vinay, Peu, maître chirurgien, affirme que la maladie catar- rhale épidémique « donna d'une telle force » sur les femmes enceintes, que la plupart en mouru- rent, les unes par fluxion de poitrine, les autres à la suite d'un avortement accompagné de nié-
trorragie. Dans une observation personnelle de Vinay, une broncho-pneumonie grippale survint au huitième niois d'une grossesse chez une femme atteinte d'emphysème et d'un léger rétrécisse- ment mitral. La dyspnée extrême et l'asphyxie provoquèrent l'accouchement. L'enfant vécut, mais la mère succomba le septième jour des couches.
Corps thyroïde
Nous avons déjà cité, dans une observation complexe, des troubles base- downiens consécutifs à la grippe. Galliard a pré- senté à ia Société médicale des Hôpitaux, en 1895, une très intéressante observation de thyroldito' aiguë, d'origine grippale, terminée par résolution. 11 s'agissait d'une femme de quarante ans qui, lors, de la perte de son mari, éprouva du tremblement, un peu d'irritabilité, quelques palpitations, mais», cela sans exophtalmie ni tuméfaction thy- roïdienne. C'est une semaine environ après la guérison d'une grippe, que la malade éprouva une douleur vive à la région cervicale, de la gêne de la déglutition et de la; fièvre; elle s'aperçut alors d'une tuméfaction évidente du cou. La peau qui la recouvrait était rouge, tendue et luisante ; pas d'angine, pas d'engorgement ganglionnaire. La guérison eut lieu complètement.
Parotide
A propos de l'anatomie pathologique, nous avons cité quelques observations de
parotidiles. Nous rappellerons, à ce propos, que Jarre (Thèse Paris, 1890) mentionne cette manifes- tation parmi les complications suppuratives de la grippe. Kundrat la signale aussi; Fiessinger a noté la tuméfaction parotidienne n'aboutissant pas à la suppuration. Dans trois observations de Lemoine concernant des soldats, la parotidite suppurée est expressément mentionnée parmi d'autres complications et notamment deux cas d'érysipèle. La parotidite, toujours bilatérale, ne suppurait pas fatalement. C'est ainsi que Comby a vu la parotidite se terminer par résolution chez un vieillard.
Articulations
On a noté certaines hydar- throses et l'inflammation des gaines tendineu- ses. C'est dans le cours de grippes, à manifes- tations septicémiques diverses, qu'on,a vu éclater parfois le pseudo-rhumatisme infectieux. Le Dr Ollivier, de Rouen, a observé de véritables douleurs rhumatismales, sans tendance à la sup- puration ni à l'ankylpse. Les quatre faits qu'il cite ont une singulière analogie avec le rhuma- tisme articulaire vrai, jusques clans l'apparition de complications cardiaques, jusques à l'action favorable du salicylate de soude. Dans la forme pyohémique de la grippe, l'extension se fait par localisations successives et peut arriver ainsi à l'endocarde ou au péricarde, après plusieurs loca-