Principes de médecine expérimentale (1877) Claude Bernard/Chapitre XIV

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But de la médecine expérimentale


 
 

Portrait of Claude Bernard (1813-1878), French physiologist Wellcome V0026035.jpg      
Principes de médecine expérimentale
Auteur
Claude Bernard
Chapitre
But de la médecine expérimentale
=> Chapitre XV - Des écueils que rencontre la médecine expérimentale
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But de la médecine expérimentale

Le but de la médecine expérimentale ainsi que celui de toutes les sciences expérimentales, est de parvenir au déterminisme des phénomènes afin de pouvoir agir sur eux  ; sans cela il n'y a pas de science, il n'y a que de l'empirisme.

A) La médecine expérimentale comme toutes les sciences expérimentales tend à l'action ; son but est pratique.

La médecine expérimentale, en tant que science expérimentale, a un but qui se traduit par l'action. Par son essence même, elle est donc active ou pratique. Elle répond directement au problème que se sont posé les médecins de tous les temps : agir sur le malade, c'est-à-dire sur la santé et sur la maladie.

La médecine expérimentale ne séparant pas l'étude de l'état normal de l'état anormal, elle voudra conserver l'un (la santé et détruire l'autre (la maladie). L'hygiène et la thérapeutique ressortent donc comme deux corollai¬res nécessaires de la médecine expérimentale. Par son but même, la médecine donne donc une réponse directe à ceux qui la traitent de médecine idéale, impossible, utopiste...

B) La médecine expérimentale peut atteindre le but qu'elle poursuit.

La médecine expérimentale peut atteindre le but qu'elle poursuit, c'est-à-dire qu'elle peut avoir la prétention d'être une science expérimentale. En effet, elle n'est pas, comme l'astronomie, condamnée à observer des phénomènes qui sont hors de sa portée et sur lesquels elle ne pourra jamais avoir d'action. La médecine expérimentale existe virtuellement, par cela seul qu'elle peut modifier empiriquement l'organisme vivant de l'homme et des animaux. Or, personne ne conteste cette puissance actuelle de la médecine ; on peut tuer, empoisonner des êtres vivants avec des agents d'une énergie épouvantable ; on peut modifier les phénomènes vitaux en diminuant les doses ou en employant des modificateurs moins violents. Le médecin expérimentateur possède donc les armes avec lesquelles il devra agir ; il n'a qu'une chose à faire, c'est de sortir de l'usage empirique qu'il en a fait jusqu'à présent et d'arriver à donner des bases scientifiques à la thérapeutique. En un mot, il a les armes ; il n'a qu'à apprendre par la science à s'en servir.

Nous ne poursuivons donc pas un but chimérique en voulant fonder la médecine expérimentale. En voulant déterminer à l'aide des modificateurs (poisons) les lois des phénomènes de la vie, nous attaquons directement le problème de la thérapeutique.

Du but que se propose la médecine expérimentale

le même que dans toutes les sciences expérimentales ; connaître les causes prochaines des phénomènes, c'est-à-dire leurs conditions d'existence.

Le but de la méthode expérimentale appliquée à la médecine est le même que celui qu'elle se propose dans toutes les autres sciences. Partout cette méthode a pour objet de remonter expérimentalement aux causes prochaines des phénomènes, c'est-à-dire à faire connaître leurs conditions d'existence.

Dans toutes les sciences, cette connaissance, qui est le fruit de la méthode expérimentale, conduit aux mêmes résultats. Elle nous permet de provoquer ou d'empêcher, suivant notre volonté, l'apparition des phénomènes ; elle nous permet de les prévoir, de nous y soustraire ou de les rechercher suivant notre intérêt. Nous sommes alors, comme nous le disons, maîtres de ces phéno-mènes ; nous en avons trouvé la loi et nous étendons ainsi notre puissance sur la nature. Les conquêtes modernes des sciences physico-chimiques ne sont pas autre chose que l'application des lois trouvées par la méthode expérimentale.

La médecine expérimentale devra donc nous amener à connaître expéri-mentalement les conditions d'existence des phénomènes de la vie soit à l'état physiologique, soit à l'état pathologique. Quand nous serons parvenus à connaître ces conditions et leur loi, il nous sera seulement permis d'espérer de diriger ces phénomènes eux-mêmes suivant notre volonté et notre intérêt.

Mais, pour arriver à cette connaissance des conditions d'existence des phénomènes vitaux, est-il nécessaire de connaître le principe de la vie dans son essence, de saisir la cause première de la vie ? Non, sans aucun doute. Pas plus que pour connaître les lois de la vapeur, et se rendre maître des phéno¬mènes qui en dépendent, il n'a fallu connaître l'essence de la flamme et du feu. Dans les sciences biologiques aussi bien que dans les sciences physico-chimiques, l'a connaissance de la cause première ou métaphysique n'est pas nécessaire. C'est la cause prochaine ou physique qu'il importe de connaître. C'est par elle seule que nous pouvons atteindre les phénomènes naturels et les diriger.

En effet, quelle que soit la cause première du monde, ne voyons-nous pas à sa surface que tout se passe suivant certaines conditions matérielles déterminées qui, si elles ne sont pas la cause du phénomène en lui-même, sont certainement les conditions de sa manifestation. Or, c'est tout ce qu'il nous en faut, dès que nous avons le pouvoir de régler le phénomène, sinon en l'attei¬gnant dans sa cause première, immatérielle, au moins en agissant sur les conditions matérielles de sa manifestation. Les phénomènes de la vie, aussi bien que tous les autres, sont enchaînés à des conditions matérielles que nous devons chercher à connaître et sur lesquelles nous devons chercher à agir.

En un mot, tout se réduit, dans toute science, à connaître expérimentale¬ment les conditions matérielles de manifestation des phénomènes. Ce sont ces conditions seules qu'il faut étudier. Ce sont les lois d'action de ces causes qu'il faut rechercher parce qu'elles nous donnent le rapport ou la loi qui existe entre la cause et l'effet.

On concevra que dans les sciences les plus simples, le but que se propose la méthode expérimentale soit plus parfaitement atteint que dans les sciences plus complexes. C'est en astronomie ou en mécanique que les lois générales sont le mieux connues. Mais cela n'empêche pas qu'on puisse, en physique et en chimie, avec des lois moins générales, régir et prévoir un grand nombre de phénomènes. C'est sans contredit en biologie que les phénomènes sont le plus complexes et que leurs conditions ou causes prochaine a sont le plus difficiles à déterminer ; mais cela n'empêche pas que ces conditions soient toutes matérielles, soit qu'elles tiennent à l'organisme, soit qu'elles tiennent à cer¬taines conditions extérieures. Seulement il y a une complexité immense dans toutes ces conditions, ainsi que nous le verrons plus loin. Ce n'est que par une analyse encore entourée des plus grandes difficultés qu'on peut arriver à comprendre qu'il y a des éléments histologiques sur les propriétés desquels on pourra établir les lois futures de la biologie. Ces éléments vivent dans un milieu spécial à l'être vivant (sang). Or, nous pouvons espérer modifier ce milieu par J'alimentation et par les fonctions des premières voies et, par suite, les manifestations biologiques des éléments. C'est sur ce principe et cette possibilité que se trouve fondée, comme nous le verrons plus tard, toute la médecine expérimentale.

Le médecin savant doit donc avoir en vue le même but que tous les autres savants. Il doit rechercher les causes prochaines des conditions d'existence des phénomènes vitaux et avoir pour objet d'arriver à déterminer les lois de ces phénomènes afin de les prévoir et de les diriger, soit en les soustrayant aux causes perturbatrices, soit en les plaçant dans des conditions réparatrices, quand ils ont été troublés ou altérés.

Le médecin peut aussi bien se rendre maître de la nature vivante que le physicien et le chimiste se rendent maîtres de la nature morte. La vie n'est pas un empêchement à cette connaissance et à cette possibilité d'influence, car ce n'est pas elle qu'il s'agit de connaître

il s'agit seulement de déterminer quelles sont ces conditions matérielles de manifestation, soit à l'état physiologique, soit à l'étai pathologique. Or, quelle que soit la nature de la force vitale, on peut dire qu'elle ne diffère pas des forces brutes, en ce sens qu'elle est enchaînée comme elles, dans ses mani¬festations, à des conditions matérielles fatales ou déterminées par des lois. Il n'y a pas de doute à conserver à cet égard. Ne pouvons-nous pas déjà arrêter, détruire, suspendre ou modifier les phénomènes de la vie à l'aide de divers agents ? Seulement il nous manque de connaître les lois de ces phénomènes, ce qui nous empêche de prévoir avec certitude toutes les modifications que les phénomènes peuvent éprouver à l'état physiologique et pathologique. C'est donc le même but que poursuit la médecine expérimentale aussi bien que la physique et la chimie : c'est de prévoir les phénomènes, afin de s'y soustraire ou de les diriger par la connaissance de leurs lois.

Ce n'est que par une locution qui flatte notre orgueil que nous arrivons à dire qu'alors nous maîtrisons la nature. Nous ne sommes pas en effet les maîtres ; nous ne faisons qu'obéir en croyant commander. Le mécanicien, qui est sur sa locomotive, ne dirige la matière qu'autant qu'il se soumet servile¬ment et scrupuleusement aux lois de la vapeur que la science expérimentale lui a appris à connaître. S'il voulait s'écarter de cette loi et faire agir autrement les phénomènes naturels, immédiatement il serait victime de son audace. Un chimiste qui fait un corps composé nouveau ne commande pas à la matière de se grouper suivant sa volonté. Il ne fait que se placer dans les conditions où l'expérience lui a appris que ces corps pouvaient se combiner et produire le composé qu'il veut obtenir. De même, le médecin et le physiologiste n'arrive¬ront à se rendre maîtres des phénomènes de la vie qu'en connaissant les lois de la santé et de la maladie et en plaçant l'organisme dans les conditions où les phénomènes morbides ne pourront pas survenir ou dans des conditions où ils pourraient disparaître une fois produits.

De même que le physicien et le chimiste, le médecin, dans ces cas, ne maîtrisera pas la nature, mais lui obéira servilement, s'il peut avoir le bonheur de découvrir la loi.

Le médecin, comme on le voit, ne commandera ni plus ni moins aux lois de la vie, que le physicien ne commande à la nature brute.

Cette idée est ancienne dans la médecine

Le médecin doit connaître trois choses

Les trois parties constituantes de la médecine expérimentale reposent sur la même base ; rapports de l'organisation et de l'action.

B) Classification des maladies