La grippe ou influenza (1908) André/Enfants

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La grippe épidémique chez les enfants


 
 

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Chapitre
La grippe épidémique chez les enfants
Auteur
Gustave André
Extrait de
La grippe ou influenza (1908)
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Les complications de la grippe

Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage La grippe ou influenza, rédigé en 1908 par Gustave André.

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La grippe épidémique chez les enfants


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J. Comby, dès 1890, a publié une importante étude sur la grippe infantile, étude basée sur la statistique clinique.

Nous résumons de notre mieux ce travail devenu classique.

La population infantile de Paris, prise en bloc, fut atteinte dans la proportion de 40 %, la morbidité de la population adulte ayant été de 60%. Dans notre région méridionale, à la même époque, lo morbidité chez les enfants atteignit un chiffre analogue. Comme à Paris, d'ailleurs, on ne songea guère à invoquer, parmi les causes occasionnelles, l'influence banale du refroidissement. La contagion très discutée, comme on le sait, surtout au début de l'épidémie, était en réalité le facteur étiologique le plus vraisemblable.

La symptomatologie est, d'après l'éminent clinicien, d'une netteté et d'une uniformité remarquables, sauf peut-être pour les nouveaux nés qu'il faut examiner minutieusement et qui sont d'ailleurs rarement infectés.

Chez les enfants très jeunes, les symptômes nerveux se réduisent à l'abattement et à la somnolence. La céphalalgie, d'une durée variable, arrache


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des cris et des pleurs aux petits malades ; il n'en faut pas davantage pour faire penser à la méningite, les médecins les mieux intentionnés faisant alors chorus avec la famille.

Dans les premières heures, un délire nocturne peut se manifester à des degrés divers; les convulsions se montrent rarement et elles sont aussi un symptôme de début.

Les algies grippales, assez fréquentes, occupent des sièges variés.

La rachialgie, chez les jeunes garçons, est quelquefois intolérable; le torticolis est fort rare. Tous ces désordres sont heureusement de courte durée, grâce à la force de réaction de ces petits sujets.

Les troubles digestifs se sont montrés, lors de l'épidémie étudiée par Comby, dans près de la moitié des cas; les vomissements alimentaires, bilieux ou glaireux, furent fréquents. A noter l'état saburral de la langue et une pharyngite érythémateuse compliquée d'une toux quinteuse. Les piliers du voile du palais et les amygdales présentaient aussi une inflammation superficielle.

H. Gillet, dans la variété angineuse ou gutturale chez les enfants, parle d'un certain degré d'adénopathie cervicalo concomitante.

La constipation fut la règle; rarement, on constata une diarrhée abondante et fétide. Dans un cas de grippe ambulatoire, la diarrhée s'accompagna de moelena. L'hypertrophie de la rate


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fit toujours défaut, et cette affirmation s'appuya sur cinq autopsies pratiquées par Comby.

La fièvresurvint presque toujours d'emblée, précédée quelquefois par de petits frissons ; les sueurs furent rares. Cette fièvre, qui pouvait atteindre 40°, était essentiellement rémittente, et le cycle fébrile, d'une durée variable, ne présenta rien de défini. Le pouls était d'ordinaire d'une grande fréquence, même avec une fièvre modérée et sans participation apparente du myocarde.

Les troubles respiratoires, chose imprévue, man quèrent dans la grande majorité des cas. La toux, assez fréquente pourtant et quelquefois quinteuse ou coqueluchoïde, s'expliquait par la pharyngite érylhémateuse. La bronchite, absente dans la grippe simple, est considérée par Comby comme une véritable cpmplication. Le coryza, qui ne manquait jamais, donnait lieu à un écoulement fluide, rarement à de l'enchifrènement ou à des éternuements.

H. Gillet, L. d'AsIros déclarent que chez l'enfant jeune la poussée laryngée se décèle par des accès striduleux (faux croup grippal).

L'épistaxis, phénomène initial et d'abondance médiocre, fut observée chez dix-huit petits sujets du service de Comby. Dans vingt-trois cas, les conjonctives et l'appareil lacrymal furent atteints d'une façon très légère.

Les éruptions, assez rares, consistaient en herpès



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labialis, urticaire, érythème, miliaire sudorale, roséole, érythème scarlatiniforme, érythème morbilliforme.

La broncho-pneumonie no se montra qu'une fois, avec de la dyspnée et Un souffle doux, sans râles ni matité. Un cas d'hémoptysie survint chez un garçon de quatorze ans.

Le D r L.d'Astros parle d'accidents pseudo-typhiques chez les enfants. La langue est rouge aux bords, blanche au centre; la diarrhée, le ballonnement du ventre, la somnolence, une fièvre do moyenne intensité complètent le tableau. D'ailleurs, cet état n'est pas de longue durée et l'incertitude se dissipe bientôt. Ces symptômes coexistent parfois avec une broncho-pneumonie.

Les complications oculairesfurent les suivantes: conjonctivite simple avec sécrétion muco-purulente, kératite double dans trois cas, alors qu'il existait déjà des taies sur les cornées.

Les complications auriculaires furent relativement rares. A signaler enfin un pseudo-rhumatisme infectieux, pendant la convalescence, chez un garçon de quatorze ans. Gellé, à cette époque, observa fréquemment des otites bilatérales d'une bénignité relative, l'imperméabilité de la trompe d'Eustache, la rougeur avec opacité de la membrane dû tympan. En résumé, l'oreille moyenne ne fut le théâtre d'aucune de ces complications graves dont la grippe est coutumière chez les adultes.


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Il résulte de cet excellent travail que le pronostic de l'affection chez les enfants, fut réellement favorable. Les petits coquelucheux, les petits bronchitiques n'éprouvèrent pas de sérieuses complications dans leur état, malgré l'épidémie. Comby affirme, en revanche, que la convalescence fut, en général, longue et pénible Chose assez remarquable, les cas, en apparence légers, évoluaient souvent avec une durée insolite. A noter aussi que l'invasion fut brusque avec des symptômes inquiétants, tels que céphalalgie et vomissements.

Cet éminent praticien admet trois formes 1° l'influenza ambulatoria, où les enfants, tout en ne gardant pas le lit, avaient un facies altéré et amaigri, la langue, fortement saburrale et une, fièvre très modérée; 2° une forme moyenne, avec fièvre vive, prostration nerveuse et propension aux complications énumérées plus haut; 3° la forme grave, avec céphalée violente, délire et allures inquiétantes.

Ce tableau, si bien tracé par Comby et que nous avons essayé de résumer brièvement, est à peu près superposable à ceux d'autres auteurs, notamment Dauchez, Hochstelter, etc. (Revue des Maladies de l'Enfance), Il faut dire que, dans des épidémies ultérieures, les enfants paraissent avoir par un tribut plus lourd. L, Furts (Scalpel, 1897) a vu des complications graves, notamment des broncho-



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pneumonies, des néphrites infectieuses, des cas d'otite moyenne avec perforation du tympan, un abcès mastoïdien avec phlegmon des tissus voisins.

Stoos, de Berne, a observé une petite épidémie de grippe à pneumocoques, chez des enfants, dans l'hiver de 1898. Dans certains cas de bronchite descendante et de broncho-pneumonie, l'examen bactériologique décela l'existence du pneumocoque, du staphylocoque et du streptocoque, mais pas celle du bacille de Pfeiffer. En résumé, il s'agissait pour l'auteur d'une forme particulière de grippe, mais pas l'influenza, à proprement parler.

Il ressort d'un certain nombre de statistiques (Dr, Gillet, Traité des Mal, de l'Enf.) que les enfants, même à un âge très tendre, peuvent subir assez fréquemment les atteintes de la grippe. Il est rare pourtant que l'affection atteigne les nourrissons au-dessous de six mois.

D'après le Dr Chambrelent, de Bordeaux, l'enfant peut être tué par la grippe dans le sein maternel. D'autres, Flesch et d'Astros, cités par H. Gillet, ont remarqué que des nourrices infectées avaient pu continuer l'allaitement sans transmettre l'affection à leurs nourrissons.

H. Gillet se demande si cette immunité relative ne résulterait pas de l'absorption d'une antitoxine grippale par le lait, comme on l'a signalé pour le



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tétanos, la fièvre typhoïde, la diphtérie, la coqueluche. Goldsehniddt aussi invoqué l'action protectrice du vaccin animal.

Nous relevons dans cette excellente description quelques faits intéressants ou insolites. Dans une observation de Bristowe, il aurait existé une hématémèse vraie avec sang écarlate.

Pour ce qui concerne la fièvre, il faudrait distinguer, d'après d'Astros, de Marseille, une forme écourtée, et un type à fièvre prolongée. Dans cette dernière, il n'existerait pas de cycle régulier, de périodicité analogue à celle du paludisme.

Au point de vue. thoracique, H. Gillet a pu. constater, dans quelques cas, une dyspnée toxémique avec orthopnée, sine materia en quelque sorte.

Dans la variété grave, le même auteur rappelle des faits de Flesch se rapportant à des lésions intestinales avec perforation. Il admet aussi, comme d'Astros, une variété pseudo-typhique ou muqueuse.

Pour ce qui concerne le méningisme grippal, il reconnait avec Sevestre, Comby, etc., que le tableau clinique se calque sur celui de la méningite et particulièrement sur celui de la méningite tuberculeuse.

Comme complications se produisant dans le système nerveux, outre les pseudo-méningites, on peut voir apparaitre des méningites vraies, la



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chorée, l'hystérie, des paralysies et des psoudo- paralysies, la sclérose en plaques, etc.

En ce qui regarde le pronostic; d'accord en cela avec la plupart des auteurs, H. Gillet admet que la grippe, chez les enfants, revêt une certaine bénignité.

Schvaz, en 1899, a signalé douze cas de fièvre ganglionnaire chez des enfants entourés de personnes grippées. Cela pouvait être, d'après lui, une formé ganglionnaire de la maladie.

Rousseau-Saint-Philippe, en 1902, a décrit une grippe gastro-intestinale chez des enfants de un jour à quinze mois. Chez certains, il exista des vomissements incoercibles pondant vingt-quatre heures quelquefois, des cris perpétuels, un abattement profond, Chez des garçons de huit à quinze ans, T'embarre gastrique prit les allures d'une fièvre typhoïde. Cela faisait songer à l'état ty- phoïde présenté par certaines maladies, telles que des pneumonies spéciales, des érysipèles, le phlegmon diffus,l'ostéomyélite aiguë, la pèriotite phlegmoneuse diffuse, Dans cette grippe typhoïde, les complications broncho-pulmonaires et cérébrales furent fréquentes. Chez dés enfants de deux à huit ans, le même auteur constata des vomissements avec douleurs çoecales et péricoecales faisant penser à l'appendicite, à l'obstruction intestinale, à la péritonite, La fièvre était Vive; le foie et la rate étaient augmentés de


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volume. Malgré ces symptômes alarmants, l'apaisement s'établissait le plus souvent, Dans une forme aiguë à allures moins dramatiques, après un embarras gastrique à début insidieux, se répétant à deux ou trois reprises, il survenait du catarrhe bronchique, puis une fièvre continue faisant inévitablement songer à la dothiénentérie; mais il n'existait pas d'épistaxis, pas de taches rosées, pas de fuliginosités; la constipation était la règle; la température était plus capricieuse, les poussées congestives plus brusques et plus mobiles. Les phénomènes cérébraux étaient, en outre, plus marqués et le délire précoce faisait redouter le méningisme. Les suites, d'ailleurs, furent toujours favorables.

L. Ballin a décrit une épidémie de grippe avec coryza infectieux dans un asile d'enfants. L'examen bactériologique des sécrétions nasales chez vingt nourrissons décela onze fois la présence du bacille de Loefler. Dans deux cas, les inoculations démontrèrent qu'il s'agissait du bacille pseudo- diphtérique. Vu l'absence de ce bacille chez les parents, frères et soeurs, on ne pouvait invoquer que l'influence du séjour dans une salle commune.

Roger-Voisin (Revue des Malad, de l'Enf,1904) a étudié, dans trente-huit observations prises dans le service du Professeur Hutinel, les troubles méningés au cours des infections aiguës de l'appareil respiratoire (pneumonies et broncho-



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pneumonies), Les symptômes relevés furent les suivants : convulsions partielles ou généralisées, raideur de la nuque et des jambes, opisthotonos, demi-coma, parésies diverses, ptosis, etc. On nota aussi quelquefois le Cheyne-Stokes, de l'arythmie, la raie méningitique, la mydriase, du nystagmus, le signode Kernig. La mort, heureusement, n'était pas certaine. A l'autopsie, on trouva, dans quelques cas, des couches de pus ou des plaques purulentes sur la convexité. Le plus souvent, il n'existait pas trace de pus, mais une infiltration de la pie-mère par un liquide clair (oedème). Il n'y avait parfois que de la simple congestion. Le désaccord entre la clinique et l'anatomie pathologique était flagrant,

Comme on l'a vu plus haut, il n'est fait mention dans ce travail important que d'infections aiguës de l'appareil respiratoire, consistant surtout en pneumonies et en broncho-pneumonies. Il n'est pas excessif de supposer que, dans d'assez nombreux cas, il s'agissait, peut-être, d'infections grippales.

L, Jundell (même Revue, 1904) a publié deux cas de méningite grippale. Chez une fillette de Huit mois, il s'agissait plutôt d'une méningite cérébrospinale. L'ensemencement du liquide obtenu par la ponction lombaire décela le bacille de Pfeiffer.

Dans la deuxième observation, concernant un



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nourrisson, au cours d'une broncho-pneumonie, des symptômes cérébraux très accentués entrainèrent la mort. Les méninges présentaient de la suppuration et on rencontra encore le coccobaeille,

Le Dr Laumonier, dans un intéressant travail publié dans la Revue de Thérapeutique (1903), important surtout par les recherches hématologiques et urologiques, donne de la symptomatologie de la grippe infantile une description qui se rapproche par bien des points de celle des auteurs précédents. Un fait lui paraît acquis : c'est que les nourrissons sont un peu moins fréquemment frappés que les enfants plus âgés.

L'auteur signale des douleurs diverses, des névralgies, surtout une céphalalgie frontale qui peut être assez intense pour arracher des cris aux petits malades et faire redouter l'avènement d'une méningite.

L'anorexie est complète et l'enduit opalin de la langue rappelle très bien la langue grippale,de Faisans ; la diarrhée est fort rare, L'amygdalite est fréquente, accompagnée parfois d'une légère tuméfaction des ganglions du cou.

Les troubles de l'appareil respiratoire, non

constants d'ailleurs, rappellent exactement ceux

qu'a décrits Comby.

Dans la période d'état, Laumonier signale les

rash scarlatiniformes et morbilliformes surve-



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mant surtout dans les épidémies graves, les sueurs surtout nocturnes accompagnées de miliaire sudorale.

L'auteur, résumant l'évolution clinique de la maladie, adopte la tétrade suivante : abattement douleur, fièvre. Nous avons résumé par ailleurs ses recherches importantes sur la fièvre, l'urologie et l'hématologie dans la grippe infantile.


Voir aussi