La grippe ou influenza (1908) André/Définition

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Définitions, considérations générales


 
 

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Définitions, considérations générales
Auteur
Gustave André
Extrait de
La grippe ou influenza (1908)
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Historique

Cette page introduit la premier chapitre de l'ouvrage La grippe ou influenza, rédigé en 1908 par Gustave André.


Avant-propos

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Définition, considérations générales


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La grippe, a dit le Professeur Potain (Union médicale, 1898),

« est une maladie fébrile, épidémique, caractérisée par un catarrhe des voies respiratoires, accessoirement par un catarrhe des voies digestives et présentant des phénomènes généraux et des troubles nerveux hors de proportion avec la gravité réelle de cette affection ».

Ce petit tableau, dans sa concision et dans sa simplicité cliniques, nous parait très acceptable. A remarquer qu'il n'est pas question de la contagion.

Suivant le Professeur Dieulafoy,

« la grippe ou influenza est une affection épidémique, contagieuse, microbienne, qui intéresse surtout l'appareil »

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respiratoire et qui présente, en outre, une foule de localisations et de symptômes dont les caractères et l'intensité sont variables suivant les épidémies ».

Pour le Professeur J. Teissier, la grippe est non seulement une maladie infectieuse, mais encore une pyrexie spécifique. 11 ne s'agit pas d'une maladie d'ordre météorologique ou cosmique, mais d'une maladie toujours adéquate à elle-même, se reproduisant sous des manifestations variées et devant avoir un germe spécifique.

Donner de la grippe une définition claire et concise est, en somme, chose subtile et délicate.

Le Dr Émile Boix, qui a écrit tout récemment (Pratique médico-chirurgicale et Archives générales de Médecine) sur cette affection des articles vraiment intéressants et originaux, propose une sorte de définition peut-être un peu longue, mais qui a le mérite de ne rien laisser dans l'ombre. Pour cet auteur, la grippe ou influenza

« est une maladie toxi-infectieusc générale qui est a la fois épidémique, pandémique, endémique et contagieuse, qui peut ne se traduire que par une sorte de fièvre essentielle à seuls symptômes généraux, sans aucune localisation appréciable, véritable septicémie, mais qui se manifeste le plus souvent sur tel ou tel organe, ou sur plusieurs a la fois, ou successivement ».

Le DR. Boix met ensuite en relief le caractère protéiforme de la maladie,


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son polymorphisme et surtout l'intoxication immédiate plus ou moins profonde, mais durable, qu'elle provoque sur le système nerveux.

Ajoutons que, pour lui, la grippe est une maladie spécifique duo à un micro-organisme jouissant, vis-à-vis des microbes saprophytes vulgaires, d'une propriété d'exaltation remarquable.


Synonymie

À travers les siècles, cette maladie a reçu des dénominations variées, tant en France qu'à l'étranger: grippe, grippette, coqueluche, coquette, générale, baraguette, petite poste, horion, tac, dando, ladendo, allure, petit courrier, cocotte, rhume épidémique, fièvre catarrhale, fièvre catarrhale épidémique, catarrhe épidémique, synoque catarrhale, bronchite épidémique, catarro russo, morbo russo (Italie), intluencia russa, catarro epidemico (Espagne), épidémie catarrh (Angleterre), Epidemischer llustcn, russiche Krankheit (Allemagne), Zinkinggkooris (Hollande), Smiezyge-Douein, Snufsjuka, Snuffeber (Suède). C'était le rheuma epidomicum, de Sauvages ; le catarrhus à conlagio, de Cullen ; le febris catarrhalis epidemica ou anginôsa, de Huxham. C'est ce dernier qui, dit-on, aurait vulgarisé le terme d'influenza déjà inventé dans l'épidémie de Milan de 1702.

Le nom de grippe donné, croit-on, par Sauvages, vient sans doute, dit Landouzy, de Reims,


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de l'expression vulgaire agripper, qui veut dire saisir brusquement et avec violence. Selon J. Franck, il vient du mot polonais chrypka, enrouement.

Au début de ce travail, avant même d'aborder l'historique de la maladie, et pour acquérir, si possible, des idées arrêtées sur sa nature, se pose une question d'une importance clinique de premier ordre et qu'il n'est point prématuré, pensons-nous, de discuter avec toute l'ampleur nécessaire : Est-ce vraiment commettre une erreur nôsologique que d'assimiler la grippe à ces traehéo-bronchites vulgaires qui sévissent endémiquement pendant l'hiver?

F. Widal, dans son remarquable article du Traité de Médecine, considère que c'est là un abus du langage vulgaire et même médical. Andral décrivait la grippe comme une variété de la bronchite aiguë. C'est une opinion analogue que paraît professer le Dr Fiessinger (Revue de Médecine, 1892). Pour lui, la grippe endémique do nos montagnes est devenue la grippe épidémique.

« Tout au plus trouve-ton, dit-il, un cortège plus dense de formes abortives et d'éruptions cuta nées. »

La similitude clinique s'imposerait dans la majorité des cas ; d'ailleurs, celle grippe endémique serait très peu contagieuse.

Voki ce que nous écrivions, nous-même, naguère, dans la Gazette médico-chirurgicale de Toulouse :

« Les états fébriles, désignés dans nos contrées »

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« sous le nom de fièvre catarrhale, peuvent se décomposer de la façon suivante : ::1° état catarrhe! proprement dit, ou si l'on veut, à la rigueur, fièvre catarrhale ;
2° fièvre éphémère au synoque ;
3° embarras gastrique fébrile ;
4° fièvre gastrique proprement dite ;
5° fièvre gastrique bilieuse. »

Et plus loin, reproduisant les idées du Professeur Monnerct, nous ajoutions :

« La grippe doit être considérée comme une forme grave de la fièvre catarrhale. Au début, elle affecte les allures dune bronchite ou d'une broncho-pneumonie, ou pouvant présenter une symptomatologie variable : état d'enchifrènement bronchique considérable, point de côté, suffocation, crachais gommeux, fièvre vive avec faiblesse et fréquence modérée du pouls, état sudoral. Ensuite, les localisations s'affaiblissent, mais sans se terminer franchement : durée longue, rechutes faciles et graves... »

Beaucoup plus tard, revenu quelque peu de cette opinion, nous crûmes devoir différencier la grippe épidémique avec ce que l'on peut appeler la grippe nostras. C'est ainsi que, dans un rapport adressé, il y a quelques années, à l'Académie de Médecine, sur les maladies épidémiques de l'arrondissement de Toulouse, nous nous exprimions en ces termes :

« Les manifestations cliniques de la grippe, »

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« dans notre région, m'ont paru différer, celte année, par certains points, de celles qui éclatèrent si violemment dans l'épidémie de 1889-1890. Je les distingue, d'après ma pratique et mes impressions personnelles, en formes atténuées, en formes sévères et en formes très graves. Parmi les formes bénignes, j'ai relevé des affections de courte durée, s'annonçant par un frisson initial intense et prolongé, faisant redouter l'avènement d'une pneumonie cl se terminant au bout de vingt-quatre ou trente-six heures par une abondante éruption d'herpès labial ou, buccal. »
« A signaler encore des formes apyrétiques, consistant surtout en courbature, douleurs musculaires, quelquefois en névralgies faciales et suivies d'une dépression générale plus ou moins intense avec asthénie nerveuse. »
« Cette forme nerveuse m'a paru d'ailleurs beaucoup moins fréquente que dans l'épidémie de 1890. Quant aux coryzas, laryngites, trachéites, qui ont été d'une grande fréquence au début de l'épidémie, cela n'a pas différé des petites maladies similaires qui apparaissent tous les ans à la saison froide : c'est la grippe nostras, servant en quelque sorlc de prélude à la grippe dite infectieuse. »

Après avoir énuméré, parmi les formes sévères et très graves, les congestions pulmonaires, les


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bronchites aiguës diffuses, souvent inquiétantes, les pneumonies lobaires, les spléno-pneumonies, les embarras gastriques infectieux, les phénomènes urémiques chez des artério-scléreux ou des gouteux, nous terminions ainsi ce paragraphe de la grippe de 1899 :

« En résumé, l'infection grippale, dans l'épidémie actuelle, s'est surtout localisée dans les reins, fréquemment et d'une façon intensive dans le tube digestif, enfin, avec une sévérité relative, dans l'appareil respiraloire. Je n'ai pas observé, comme dans l'épidémie de 1890, ces troubles des nerfs périphôriqueset de la moelle, celte forme nerveuse, en un mot, qui caractérisa la grippe à cette époque. La contagion ne m'a pas paru non plus sévir avec la même rigueur, cl la maladie n'a pas revêtu cette forme familiale et pandémique qui fut si manifeste dans l'épidémie en question. »

Aujourd'hui, en reproduisant ces lignes et en reportant nos souvenirs dans notre pratique passée, nous devons convenir que nous avons assisté à de nombreuses constitutions médicales de ce genre, avant la grippe de 1889-1890.

Récemment, des doutes analogues ont été émis au sein de la Société médicale des Hôpitaux de Paris (mars 1903) sur la spécificité de la grippe. Après avoir retrouvé le cocco-bacille de Pfeiffer dans l'expectoration de malades atteints de


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coqueluche, de bronchite emphysémateuse, de tuberculose pulmonaire, de bronchite et de broncho-pneumonie banale ; après avoir constaté son absence, d'autre part, dans les cas qui, cliniquement, pouvaient être étiquetés grippe à juste litre, le Dr F. Bezançon affirme que le problème bactériologique de la grippe reste entier. Nous aurons à revenir plus tard sur les savantes recherches de ce dernier auteur, mais nous tenons dès maintenant à reproduire sa principale conclusion :

« On est en droit, dit-il, de se demander si la grippe, ou tout au moins la variété de grippe qui revêt les allures de la petite épidémie qui sévit en ce moment, au lieu d'être considérée comme une maladie spécifique, ne devrait pas être rangée simplement parmi les affections catarrhales saisonnières, et si ce qu'on appuie la grippe n'est pas seulement un.état morbide correspondant à une exaltation momentanée, saisonnière, de certains microbes commensaux de la cavité bucco-pharyngée, dont la virulence s'est exaltée par passages successifs et qui ont ainsi momentanément acquis une certaine tendance à faire des localisalions et des déterminations si milaires. »

Le Dr Ménétrier, dans une thèse classique, avait émis déjà des idées semblables, à propos de l'accroissement de virulence du pneumocoque et de son association avec les streptocoques,


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les strepto-bacilles, les tétrades et tétragènes, etc. Cette opinion, il l'avait tirée, non seulement des faits par lui observés, mais aussi de l'histoire de la maladie et de l'étude des épidémies antérieures. La grippe est constituée, pour lui aussi, par l'exaltation de la virulence des microbes commensaux, et surtout par le pneumocoque. Ce dernier microbe d'ailleurs, d'après F. Bezançon, n'existerait pas à l'état de pureté, mais toujours associé à d'autres espèces microbiennes, le cocco-bacille de Pfoiffcr, le catarrhalis, le para-tétragèno enzooglée, etc., sur lesquels nous aurons à revenir plus tard.

Le Dr Bergé, plus absolu encore, professe que la grippe n'existe plus à titre d'espèce morbide digne de ce rang dans le cadre nosologique. Un rôle des plus importants devrait être attribué, d'après lui, à ce qu'il appelle la rhino-pharyngo-bronchitc catarrhale aiguë.

« Celte afffection, à localisations respiratoires multiples, à éclosion surtout saisonnière, à contagion certaine, à diffusion variable jusqu'à l'épidémicité, à complicalions multiples et diverses, aurait une intensité non moins variable et une gamme de gravité s'échelonnant de la plus ridicule bénignité à une malignité. 1res élevée, sill-

et vaut la nature de ses agents causaux, leurdegré de virulence, leur association, les infec lions secondaires surajoutées, la qualité du



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« terrain, la prédominance du siège, etc., etc. »

Voilà certainement une opinion quelque peu intransigeante; car,en se reportant à l'extraordi- naire épidémie de 1890, on sent fort bien qu'il s'est passé là quelque chose d'insolite, de non vu, de déconcertant pour les praticiens. Aussi le Dr Barié, protestant au nom de la clinique pure, trouve cet ostracisme injustifié, en reconnaissant d'ailleurs, comme A. Siredey, que l'on abuse singulièrement du diagnostic grippe, les gens du monde cl un grand nombre de praticiens appliquant ce nom aux plus simples catarrhes saisonniers.

Pour établir cette spécificité de la grippe, des arguments sérieux ont été mis en avant dans la discussion remarquable que nous cherchons à résumer. C'est ainsi que Barié, Le Gendre, A. Si- redey, Lermoyez et Léon Bernard ont mis en relief des particularités bien significatives : la brutalité de l'invasion, l'envahissement rapide des voies respiratoires, la soudaineté de l'apparition, le caractère que nous avons nous-mème appelé planétaire, la mortalité considérable, la dépression nerveuse précoce, la lenteur de la convalescence, la facilité des rechutes, etc.

Pour ce qui concerne la critique des récentes recherches microbiennes qui paraissent plaider en faveur d'une affection non spécialisée, banale, pt qui mettent en désaccord la clinique et le l



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laboratoire, Appert interprète les infections secondaires variables de la grippe, par les variations quantitatives et qualitatives de virulence du microbe spécifique hypothétique. Il compare volontiers ces faits à ceux que Nocard a relevés dans les affections animales groupées aujourd'hui sous le nom de septicémies hémorragiques ou pasteurelloses ; ces affections sont actionnées par des microbes spécifiques, bactéries ovoïdes, douées d'une virulence particulièrement variable.

Pour Léon Bernard, la notion d'épidémicité n'implique pas celle de spécificité. Peut-on incorporer dans la grippe les formes dites nerveuses ou abdominales, en l'absence d'un critérium bactériologique ou clinique?

C'est, en effet, l'absence de ce critérium bactériologique qui rendra pour longtemps encore peut-être le problème insoluble.

Après avoir mis en relief l'importance un peu trop méconnue du streptocoque dans certaines épidémies, Raymond Bernard se demande s'il ne faudrait pas admettre l'existence d'un certain nombre de microbes grippogènes. C'est ainsi que la grippe-inflnenza a peut-être un germe spécial, comme la coqueluche et la rougeole. A celle grippe exotique, pourrait s'opposer la grippe nostras actionnée soit par le pneumocoque, soit pur le streptocoque. Le bacille de Pfeiffer. presque renié aujourd'hui, no pourrait-il pas jouer, lui



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aussi, un rôle subalterne dans certaines épidémies? Il y aurait enfin les grippes indéterminées, causées par le microbe de Friedlander, les tétragènes, etc. En résumé, d'après R. Bernard, la fonction grippogène serait éventuelle et aléatoire, son déterminisme étant sans doule très compliqué.

On ne peut méconnaître, croyons-nous, les difficultés inextricables auxquelles se heurtent les cliniciens devant le tableau des grandes épidémies, en regard de celui des petites. On sent bien qu'il existe entre ces deux types des différences radicales dont la bactériologie ne nous a pas encore donné le secret. F. Bezançon explique très ingénieusement l'allure de quasi-spécificité que peuvent prendre des épidémies dues à des microbes quelconques, en invoquant certaines lois de pathologie générale, notamment la loi d'exaltalion des virus par passages successifs et la loi d'accoutumance des microbes. Il y a peut-être dans celle hypothèse bien scientifique une grande part de vérité.

Décolle remarquable et intéressante discussion que nous aurons d'ailleurs à épuiser dans le chapitre bactériologique, peut-on, dès maintenant, déduire quelque conclusion pratique? Nous ne le pensons pas et notre perplexité est grande,quand nous songeons à la ressemblance qui peut exister parfois entre les deux variétés de grippe, la grippe nostros et la grippe influenza. Tout



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récomment (27 octobre 1900), nous avons pu observer un cas bien suggestif à ce point de vue : une dame d'une trentaine d'années, après avoir présenté du coryza, de la trachéite, de la courbature, de la fièvre, etc., bref, pour employer sa propre expression, des phénomènes de grippe vraie, fut tourmentée par des douleurs erratiques intenses, myodynies et névralgies, empêchant le sommeil et accompagnées d'une asthénie extrême ; cela dure encore et la malade est très fâcheusement impressionnée au point de vue psychique. Or, au moment où nous écrivons ces lignes, il règne dans notre région une épidémie incontestable de fièvre catarrhale, de grippe saisonnière. L'état de cette jeune malade rappelle pourtant, d'une façon saisissante, ces cas de grippe avec algies diverses et asthénie profonde, cas qui ont été si fréquemment observés dans la pandémie de 1889-1890. Il n'est certainement venu à l'esprit d'aucun de nos confrères d'assimiler notre petite épidémie actuelle à l'influcnza.

11 existe encore dans la région, au moment où nous rédigeons ces pages (octobre 1906), des embarras gastriques intenses, des entériles aiguës qui pourraient faire penser à la grippe abdominale. On peut supposer, sans crainte de se tromper, que les recherches bactériologiques, si on daignait les pratiquer pour ces infimes manifestations, ne décèleraient guère que les microbes



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vulgaires et habituels contenus dans certaines cavités.


Voir aussi