La grippe ou influenza (1908) André/Complications/Système nerveux/Psychoses

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Psychoses grippales


 
 

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Section
Psychoses grippales
Chapitre
Grippe et maladies du système nerveux (complications)
Auteur
Gustave André
Extrait de
La grippe ou influenza (1908)
Visible en ligne
Sur Gallica


Cette page introduit une section de l'ouvrage La grippe ou influenza, rédigé en 1908 par Gustave André.

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Avant propos

Notes de la rédaction

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L'expression « psychose grippale » (différente de psychose de la grippe) ne semble plus utilisée. Elle n'est pas attestée dans le Trésor de la Langue française (voir l'article psychose dans le TLF).

Psychoses grippales


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La tendance manifeste de la grippe à porter son action sur le myélencéphale explique le grand nombre d'affections mentales qui se développent sous son influence.

Nous avons déjà parlé du délire fébrile simple apparaissant au moment de la fièvre, disparaissant après elle et qui peut revêtir, comme dans le cas de Joffroy, l'intensité de l'agitation maniaque. Séglas, G. Ballet, Kroepelln, Malret, etc., ont rencontré, après la période fébrile, des états de


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dépression mélancolique. J. Voisin a cité des cas de confusion mentale, de vagues systématisations délirantes. Le plus souvent, la toxine grippale ne fait qu'éveiller une prédisposition latente, comme cela a lieu pour certains cas de mélancolie ou de délires systématisés.

Camia a observé deux fois une psychose consécutive à l'influenza. Il s'agissait de deux femmes exemptes d'hérédité et qui succombèrent après avoir présenté des symptômes de. confusion mentale. Il existait des lésions chromatolytlques de l'écorce.

D'après H. Fehr, qui a observé en Danemark cinquante-quatre cas d'aliénation mentale causés par la grippe, les individus, en raison de la qualité particulière de la toxine et des points faibles résidant en eux, ne contractent pas telle où telle maladie mentale, mais celle à laquelle leur organisme se trouve lo plus prédisposé, Le Docteur Toulouse admet que la confusion mentale post-grippale revêt trois formes : l'état démentiel, la stupeur, l'agitation avec hallucinations.

J, Séglas a eu l'occasion d'observer, à la suite d'une grippe munie légère, des troubles intellectuels très nets de nature dépressive. Dans les cas les plus simples, il existait de la paresse des facultés Intellectuelles, de la mémoire, de l'attention et surtout de la volonté. La durée fût toujours assez courte. Chez une dame, après une grippe



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des plus bénignes, Séglas constata un accès de délire mélancolique avec anxiété, idées de ruine et craintes de mort, Chez un malade atteint d'obsessions avec conscience, la grippe suscita un abcès de folie du doute. Certains obsédés ont vu leur psychose s'exagérer considérablement par le fait do l'infection épidémique. G. Ballet a cité le cas d'une jeune fille qui, pendant l'épidémie de 1890, fut prise d'un accès de délire mélancolique très accusé.

E. Régis (Précis de Psychiatrie, 3° édit.) étudie dans la grippe les psychoses do la période fébrile ou psychoses per-grippales et les psychoses do la convalescence ou psychoses post-grippales, Il peut exister, d'après Kiru cité dans ce remarquable ouvrage, des délires fébriles ou psychoses transitoires aiguës avec hallucinations, cris, parfois symptômes de méningite ou des psychoses proprement dites avec agitation ou dépression, idées mélancoliques, idées de grandeur ressemblant parfois au délire alcoolique, et se terminant d'ordinaire favorablement. D'après Régis, ce qu'il importe surtout d'indiquer, c'est que les psychoses grippales de la période fébrile se traduisent par de la confusion mentale, en particulier, par du délire hallucinatoire aigu ou du délire aigu. Ce délire grippal se termine rarement par la mort,

Les psychoses de la convalescence ou post-infectieuses


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sont divisées par Kroepelin, cité par Régis, en délire de collapsus, démence ou délire hallucinatoire avec stupeur, délire asthénique et démence aiguë ou stupidité. Il s'agirait là en somme, de certaines variétés de confusion mentale. L'éminent Professeur de Bordeaux insiste, lui aussi, sur la ténacité de cette asthénie physique et mentale de la grippe résultant de la dénutrition et do l'épuisement de l'organisme. 11 fait une place à part à la paralysie générale. Souvent, rien ne manque au tableau clinique, mais les symptômes peuvent varier d'un jour à l'autre et, fort heureusement, au bout do quelques semaines, ces troubles, si graves en apparence, se dissipent complètement. Il ne s'agirait donc pas d'une pseudo-paralysie générale, mais d'une forme régressive ou.temporaire.

Les lésions anatomhiucsde ces psychoses, étudiées par Pierrot et Camia et résumées par Régis, sont celles des méningo-encéphalites aiguës dif- fuses d'origine infectieuse. 11 s'aglt do stase globulaire dans les vaisseaux, do dlapédèse avec accumulation de globules blancs dans les gaines, d'émigrations lointaines dé globules blancs dans tous les espaces disponibles; ils se réunissent, pleins de vitalité, autour des cellules nerveuses les plus altérées. Ces cellules elles-mêmes présentent un proloplasma trop clair et un noyau dé- formé plus ou moins excentrique. Pierrot a cru


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distinguer des bacilles très petits dans le voisinage de quelques cellules nerveuses.,

Les polynévrites grippales ont été étudiées par un certain nombre d'auteurs, notamment par Raymond, J. Teissier, Diemer, R. Cestan et Bardonneix. Ces deux derniers, à propos de trois observations personnelles, ont publié sur cette question une vue d'ensemble très intéressante (Gaz. des Hopit., 1900). C'est encore l'hérédité faut invoquer dans l'apparition de ces localisations nerveuses. En général^ la polynévrite post-grippale est une complication tardive. Dans un cas de Breton, il s'écoula trois mois ayant que les nerfs périphériques fussent définitivement frappés. La face est rarement prise, et ce sont surtout les fonctions motrices qui sont altérées. Les troublés de la sensibilité sont pourtant cons- tants, mais faibles, et cèdent le pas à l'asthénie. On constate les troubles trophiques habituels, notamment l'amyotrophie ; les sphincters, suivant la règle, sont respectés. Dans les trois cas de Cestan et Berdonneix, la polynévrite tardive présenta les caractères suivants : irrégularité do la marche, prédilection pour les extrémités des membres et pour les muscles interosseux, adjonction de phénomènes ataxiques aux troubles paralytiques; il existait peu de troubles de la sensibilité ; c'était surtout la paralysie motrice qui dominait.



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Dans Un cas deWeil et Regaud, de Lyon, où la grippe fut de moyenne intensité, tous les symptô- mes d'une polynévrite évoluèrent en moins d'un mois et emportèrent le malade* A l'autopsie, les lésions dès nerfs étaient extrêmement accusées et exactement superposables $ la distribution des symptômes. Les lésions portaient sUr la myéline et le cylindre-axe. La moelle était saine; les cul- tures du sang furent négatives. Nous avons déjà relaté une autopsie de môme nature résumée dans la thèse de Diemer.

Leyden a observé deux cas de névrite et de pai. ralysie ascendante aiguë à la suite do l'influenza. Le premier consistait en une névrite périphéri- que avec tous les signes classiques. : Dans le deuxième, le malade avait été emporté par lo syndrome de Landry et, à l'autopsie, on trouva un gonflement des cylindres-axes de la moelle, ainsi qu'une tuméfaction avec aspect arrondi des cel- lules ganglionnaires. Pour Leyden, la paralysie ascendante aiguë présenterait deux formes ana- tomiques : 1° une lésion des nerfs périphériques (polynévrite); 2» une lésion bulbaire avec propa- gation, soit par en haut, soit par en bas.

D'après Diemer, la symptomatologle a quelque chose de spécial ; il s'agit surtout de troubles mo- teurs consistant en paralysies de siège très varia- ble. Les quatre membres peuvent être atteints, mais le plus souvent la paralysie envahit les mem-


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bres inférieurs ou les membres supérieurs, avec prédominance d'un côté, C'est surtout'le pneumo- gastrique qui est affecté, et c'est ainsi qu'on s'ex- plique la fréquence et la gravité des troubles cardio-pulmonaires. On a observé des paralysies du nerf moteur oculaire commun, du moteur oculaire externe, du nerf optique. En général, la paralysie est surtout accentuée aux extrémités des membres. Nous n'insisterons pas sur la réac- tion de dégénérescence qui, bien entendu, est un signo constant.

Le Professeur Raymond a insisté sur l'irrégularité de la marche de ces polynévrites, certaines paralysies disparaissant rapidement, tandis que d'autres sont d'une ténacité désespérante. Aux troubles paralytiques s'adjoignent fréquemment des phénomènes ataxlques, La flaccidité est la règle, et les troubles de la sensibilité sont peu accusés (fourmillements, sensations de froid). Signalons encore le peu do gravité des troubles trophiques et vaso-moteurs ; l'atrophie n'est jamais très accusée et ne survient que lorsque là paralysie a cessé de s'accroître. Grasset a re- levé l'apparition des escarres fessières, Huchard des éruptions de zona et Bidon des crises sudo- raies. Les réflexes cutanés sont affaiblis et les ré- flexes tendineux abolis dans la plupart des cas. Les sphincters sont le plus souvent intacts.

Dans un Important travail que nous résumons



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(Congrès de Médecine do Bordeaux, 1895), le Pro- fesseur Mossé a étudié la myélite et la polynévrite grippales. L'auteur rappelle très justement com- bien il est difficile d'établir, au lit du malade, lo diagnostic diflérentiel entre les polynévrites et certains syndromes myélopathiques. Dans le pre- mier cas, il s'agissait d'une polynévrite des mem- bres inférieurs; dans le second, d'accidents de mêningo-myélite, à début bulbo-spinal ; dans le troisième, d'une paralysie ascendante progres- sive à type mixte polynévritique et spinal ayant abouti à la paralysie générale spinale.

Dans l'observation I, l'impotence des membres inférieurs associée à un certain degré d'incoordi- nation et à quelques douleurs put faire songer un instant au tabès, mois les réflexes patellaires étaient conservés, et il n'existait ni signe de Rombcrg, ni signe d'Argyll-Robertson. L'évolu- tion de la maladie prouva qu'il s'agissait d'une polynévrite périphérique ayant pu simuler un nervo-tabes. 11 existait sur plusieurs points de la réaction de dégénérescence. La guérison se pro- duisit assez rapidement.

L'observation II concerne un homme de qua- rante-neuf ans atteint d'une grippe à allures graves, chez qui se produisit d'abord de la rai- deur do la nuque, puis survinrent des crampes dans les jambes et des douleurs spontanées dans les membres inférieurs ; plus tard, météorisme*



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parôsio vésjcale, paralysie des membres infé- rieurs sans contractures,, avec conservation des réflexes pafelïaires.' Après des péripéties diverses, ^malade obtint uneguérisoncomplèto à Lamalou. L'observation III a trait à une dame de trente- d( AX ans, rhumatisante et quelque peu hystéri- qUInUne attaque de grippe aiguë franche entraîna desf Jluleursdans les jambes, puis une impotenèe du h mbre inférieur gauche ; les phénomènes parai/ îques envahirent le membre inférieur, droit. I agressivement, apparurent de l'impuis- sance musculaire de la masse sacro-lombaire, de la difficulté de la miction et une constipation opiniâtre', un peu plus tard, successivement, parésio du membre supérieur gauche et du bras' droit; douleurs spontanées très vives, amyotro- phio des membres supérieurs, avec déformation en griffe de la main gaucho. Tous ces phéno- mènes s'accentuèrent en se compliquant de trou- bles sérieux de la sensibilité (paresthésie, anal- gésie incomplète, thermanesthésie, etc.). On put se demander tout d bord si l'hystérie n'était point le facteur priiif oal, mais un oxamen attentif démontra qu'il. agissait d'une paralysie ascendante, infectieuse, pist-grippale, paraissant susceptible de régression. Ln effet, l'amélioration sembla s'affirmer, mats, quelques semaines aptes, l'état s'aggrava pour s'amender de nouveau et lo pronostic dut être réservé.. En résumé, Pensemble


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des symptômes rappelait la paralysie' générale spinale de puchenne.

Mossé*' après avoir présenté l'histoire très dé- taillée de ces trois cas -—et nous avons été obligé, à notre grand regret» de résumer très brièvement, ce remarquable exposé, -^ Mossô se demande quelle est la raison.prochaine de la production, de l'évolution et de la localisation do ces acci- dents. Sa conclusion principale, qui nous parait fort rationnelle, c'est qu'il est impossible d'éta- blir des séparations tranchées entre lès polyné- vrites et les myélites développées sous l'influence, des maladies infectieuses générales.

Le LV Jacobson a cité le cas curieux d'une jeune fille de vingt-trots ans atteinte déjà de gigantophytlo congénitale et partielle (doigts en baguette de tambour) chez qui se produisit une polynévrite toxique, après une pneumonie grippale. On put assister alors à une accentuation do la ma- ladie. Il survint un affaiblissement croissant de la musculature et une difformité des mains pur: gigantisme ; les dernières phalanges étalent en forme de crosse et les ongles étaient, très recourbés. Par suite de l'atrophie des muscles inter- osseux, la main était molle, comme cartilagineuse. Une difformité analogue existait aux pieds avec grossissement des genoux et de l'extrémité inférieure du tibia, Le bord alvéolaire de la mâchoire supérieure était épaissi et saillant ; le


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menton était très fort; les lèvres, très volumineuses, étulonl débordantes; il existait enfin uno cyphose dorso-lombaire. Lo Dr Jacobson émit l'hypothèse d'uno pslëo-arthroputhio hyportrophiante pneumique. A la giganlophylio partielle congénitale s'étaient associées des paralysies dues ft dos névrites périphériques, résultant de l'infection grippale.


Compléments

Voir aussi