Grippe aviaire et transmission chez l'homme (2006) Delvallée/Epidémiologie

De Wicri Santé

Epidémiologie des virus influenza de type A


 
 

Delvallée page 2.png
Rapport
Actualités sur la grippe aviaire et sa transmission chez l’homme
Chapitre
Epidémiologie des virus influenza de type A
Auteur
Thérèse Delvallée (INIST)
Date
2006
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Caractéristiques des virus influenza
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Grippe humaine d'origine aviaire.

Cette page wiki introduit le deuxième chapitre d'un rapport sur la grippe aviaire et sa transmission chez l'homme.

Epidémiologie des virus influenza de type A

Hôtes principaux

Les virus influenza A ont été isolés chez un grand nombre d’espèces aviaires et chez les mammifères.

  • Les oiseaux sauvages sont considérés comme le réservoir naturel des virus influenza A. Ils hébergent des virus porteurs de tous les types d’hémagglutinine (HA) et de neuraminidase (NA) connus, même si l’on n’a pu isoler toutes les combinaisons possibles de sous-types. La plupart de ces virus apparaissent adaptés à leurs hôtes naturels et sont rarement responsables d’infections dans les populations aviaires sauvages  ; ils peuvent par contre disséminer à grande échelle dans l’environnement par élimination fécale. On suppose qu’en raison de leur large distribution, les virus influenza A quittent de façon ponctuelle cet état d’équilibre et vont coloniser d’autres espèces de vertébrés. L’hypothèse selon laquelle les virus influenza aviaires sont les précurseurs des virus grippaux adaptés et circulants chez le cheval, le porc et l’homme, prévaut actuellement (Perdue, Suarez et al. 2000 [157]).
  • Il en est différemment des mammifères, pour lesquels on ne connaît qu’un nombre limité de sous-types viraux. Seulement trois sous-types de l’HA (H1, H2, H3) et deux sous-types de la NA (N1 et N2) ont été identifiés à ce jour chez l’homme. Les combinaisons A (H1N1) et A (H3N2) sont responsables actuellement des épidémies saisonnières annuelles dans la majorité des régions du globe. Les mammifères sont en fait des hôtes accidentels au même titre que les oiseaux d’élevage.
    En raison de sa capacité à héberger et à permettre la réplication des virus influenza d’origine humaine et d’origine aviaire, le porc a été impliqué comme hôte intermédiaire servant de «  creuset  » à l’émergence de nouvelles souches virales à potentiel pandémique (Taubenberger, Reid et al. 1997 [189]) (Zhou, Heet al. 1996 [214]) (Castrucci, Donatelli et al. 1993 [35]) (Kida, Ito et al. 1994 [104]). A ce titre, le porc jouerait un rôle particulier dans le franchissement de la barrière d’espèces.

On qualifie de « virus influenza A aviaire », un virus isolé chez un oiseau ou dont les séquences de gènes sont semblables à celles qui circulent habituellement chez les oiseaux et référencées comme telles dans les banques de données.

Transmission

Transmission des virus grippaux de type A

D’une façon générale chez les oiseaux, le virus est excrété au niveau des voies respiratoires, de la conjonctive et des excréments  ; la transmission se fait par contact direct avec d’autres animaux infectés, ou indirect dans un environnement contaminé par les fientes, les plumes. La transmission verticale n’est pas établie, même si l’on a pu mettre en évidence la contamination d’œufs au cours d’une épidémie de grippe aviaire en Pennsylvanie (Cappucci, Johnson et al. 1985 [33]). Récemment, un virus A (H5N1) proche antigénétiquement du virus de Hong Kong de 1997 a été isolé dans des œufs de canard et d’oie sauvages (Li, Lin et al. 2006 [116]).

La transmission interhumaine des virus influenza de type A se fait par inhalation d’aérosol de particules infectieuses, par contact direct ou peut-être indirect, par autoinoculation au niveau de la conjonctive et des voies respiratoires. Elle est d’autant plus efficace en milieu confiné ou clos.

Transmission des virus aviaires aux mammifères

Habituellement, les virus grippaux aviaires n’infectent pas l’homme. Cependant, le 20e siècle a connu trois pandémies de grippe, toutes dues à des virus grippaux émergents d’origine aviaire. Les souches virales responsables des pandémies de 1957 et 1968 sont apparues en Asie du sud-est, à l’occasion d’un réassortiment entre des gènes d’origine aviaire et ceux de la souche humaine circulante, responsable des épidémies saisonnières. Il en serait différent pour la souche responsable de la grippe espagnole de 1918  : des études ont suggéré la transmission directe à l’homme d’un virus aviaire avec adaptation chez l’homme ou d’autres mammifères (le porc par exemple qui peut héberger des virus humains et des virus aviaires et servir d’hôte intermédiaire (Taubenberger, Reid et al. 2005 [190]) (Taubenberger, Reid et al. 1997 [189]).

Depuis 1997, on a régulièrement mis en évidence des cas de contamination humaine directe et indirecte (Capua and Alexander 2002 [34]) (Banks, Speidel et al.1998 [19]). Les premières études virologiques menées dans le cadre de l’épidémie de grippe du poulet de Hong Kong, en 1997 (Claas, De et al. 1998 [44]), ont clairement établi le passage direct à l’homme du virus A (H5N1), totalement d’origine aviaire.

Chez d’autres mammifères, l’infection naturelle par les virus influenza aviaires est peu connue. Des études antérieures datant des années 70-80 chez le chat, le furet et le porc, ont démontré la capacité des virus d’origine aviaire à se répliquer dans les tissus pulmonaires, sans manifestation de virulence  : l’administration intranasale de virus influenza de type A et B est responsable d’une infection asymptomatique, avec sécrétion d’anticorps et présence de virus grippal au niveau des voies respiratoires (Hinshaw, Webster et al. 1981 [84]).

Par contre, le pouvoir pathogène du virus influenza A (H5N1) est documenté chez le singe (Kuiken, Rimmelzwaan et al. 2003 [110]), la souris (Bright, Cho et al. 2003 [30]), le porc (Choi, Nguyen et al. 2005 [41]), le furet (Govorkova, Rehg et al. 2005 [75]) ; ils sont utilisés comme modèles expérimentaux dans l’étude de la pathogénie chez l’homme (Rimmelzwaan, Kuiken et al. 2003 [163]). Les félidés étaient jusqu’ici considérés comme résistants aux virus influenza A (Keawcharoen, Oraveerakul et al. 2004 [103]).

Les premiers cas connus d’infection naturelle chez le tigre et le léopard datent du début 2004. Ils concernent quatre animaux d’un zoo de Thaïlande chez lesquels le virus influenza A (H5N1) a pu être isolé des tissus pulmonaires. Les séquences génétiques des isolats, hormis une modification au niveau de la position 627 de la protéine PB2, ne sont pas significativement différentes de la souche responsable des épizooties concomitantes dans les élevages de volaille (Keawcharoen, Oraveerakul et al. 2004 [103]). En octobre 2004, une seconde flambée de pneumopathies sévères causa la mort de 45 tigres (sur 102 cas officiellement répertoriés (Quirk 2004 [161])) dans un autre zoo de Thaïlande. L’analyse du génome viral de deux isolats révèle une proximité génétique (99,9 à 100%) avec les virus isolés en Asie du sud-est, chez des mammifères (tigres, léopards et hommes) et les volailles infectées. On y retrouve la substitution par la lysine de l’acide aminé en position 627, présente dans le génome des virus isolés chez l’homme et absente du virus A (H5N1), responsable actuellement des épizooties (Amonsin, Payungporn et al. 2005 [12]) (Thanawongnuwech, Amonsin et al. 2005 [191]) (Thornley 2004 [192]).

L’enquête épidémiologique a conclu à une contamination par ingestion de carcasses de poulet cru infectées par le virus A (H5N1).

De même, des cas mortels d’infection naturelle par le virus A (H5N1) ont été reportés à plusieurs reprises chez des chats domestiques, pendant les épizooties de grippe aviaire dans le sud-est asiatique, et plus récemment en février 2006 en Allemagne et mars 2006 en Autriche, enfin, chez la fouine en mars 2006, en Allemagne, pays indemne d’épizootie aviaire.

L’infection expérimentale par inoculation intratrachéale d’une souche virale prélevée chez un patient décédé de grippe aviaire au Vietnam (A/Vietnam/1194/04) ou par ingestion de viande de poulet infectée par ce même virus, provoque une pneumopathie sévère voire mortelle, une excrétion du virus au niveau des voies respiratoires, la contamination des chats sentinelles qui présentent le même tableau clinique (Kuiken, Rimmelzwaan et al. 2004 [109]) (Enserink and Kaiser 2004 [60]).

Références bibliographiques du chapitre

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Voir aussi