Chansons de J.-B. Clément(1887) Paris/Le Temps des cerises

De Wicri Musique

Cette page présente les paroles de la chanson « le Temps des cerises » de Jean Baptiste Clément, éditée en 1887, soit, bien après la Commune de Paris.

L'auteur la dédicace explicitement à la vaillante citoyenne Louise. Dans un complément, il précise les circonstance de sa disparition.

L'original est accessible sur Gallica.

Les paroles et la dédicace

A la vaillante citoyenne Louise,
l'ambulancière de la rue Fontaine-au-Roi,
le dimanche 28 mai 1871.

Quand nous en serons au temps des cerises,
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête.
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au coeur.
Quand nous en serons au temps des cerises,
Sifflera bien mieux le merle moqueur.

Mais il est bien court le temps des cerises,
Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d'oreilles,
Cerises d'amour aux robes pareilles
Tombant sous la feuille en gouttes de sang.
Mais il est bien court le temps des cerises,
Pendants de corail qu'on cueille en rêvant.

Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d'amour
Évitez les belles.
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrais pas sans souffrir un jour.
Quand vous en serez au temps des cerises,
Vous aurez aussi des chagrins d'amour.

J'aimerai toujours le temps des cerises :
C'est de ce temps-là que je garde au cœur
Une plaie ouverte,
Et dame Fortune, en m'étant offerte,
Ne saurait jamais calmer ma douleur.
J'aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au cœur.


Paris-Montmartre, 1866.
Musique de Renard. — Éditeur : M. Egrot, 25, boulevard de Strasbourg, Paris.

Compléments par Jean-Baptiste Clément

Puisque cette chanson a couru les rues, j'ai ténu à là dédier, à titre do souvenir et de sympathie, à une vaillante fille qui, elle aussi, a couru les rues à une époque où il fallait un grand dévouement et un fier courage !

Le fait suivant est de ceux qu'on n'oublie jamais :

Le dimanche, 28 mai 1871, alors que tout Paris était au pouvoir de la réaction victorieuse, quelques hommes luttaient encore dans la rue Fontaine-au-Roi.

Il y avait là, mal retranchés derrière une barricade, une vingtaine de combattants, parmi lesquels se trouvaient les deux frères Ferré, le citoyen Gambon, des jeunes gens de dix-huit à vingt ans et des barbes grises qui avaient déjà échappé aux fusillades de 48 et aux massacres du coup d'État.

Entre onze heures et midi, nous vîmes venir à nous une jeune fille de vingt à vingt-deux ans qui tenait un panier à la main.

Nous lui demandâmes d'où elle venait, ce qu'elle venait faire et pourquoi elle s'exposait ainsi?

Elle nous répondit avec la plus grande simplicité qu'elle était ambulancière et que la barricade de la rue Saint-Maur étant prise, elle venait voir si nous n'avions pas besoin de ses services.

Un vieux de 48, qui n'a pas survécu à 71, la prit par le cou et l'embrassa.

C'était en effet admirable de dévouement !

Malgré notre refus motivé de la garder avec nous, elle insista et ne voulut pas nous quitter.

Du reste, cinq minutes plus tard, elle nous était utile.

Deux de nos camarades tombaient frappés l'un, d'une balle dans l'épaule, l'autre au milieu du front.

J'en passe ! !...

Quand nous décidâmes de nous retirer, s'il en était temps encore, il fallut supplier la vaillante fille pour qu'elle consentît à quitter la place.

Nous sûmes seulement qu'elle s'appelait Louise et qu'elle était ouvrière.

Naturellement, elle devait être avec les révoltés et les las-de-vivre

Qu'est-elle devenue?

A-t-elle été, avec tant d'autres, fusillée par les Versaillais ?

N'était-ce pas à cette héroïne obscure que je devais dédier la chanson la plus populaire de toutes celles que contient ce volume?