Carnets du voyage d'étude au Brésil - Introduction
Pour asseoir ces relations privilégiées, la France et le Brésil ont signé en décembre 2008 un partenariat stratégique qui fait à la coopération scientifique et technique une place centrale. La France est la deuxième destination d’accueil des étudiants brésiliens après les USA (avec plus de 2 700 visas de longue durée en 2008), des collaborations scientifiques fructueuses se sont nouées et certaines initiatives françaises (les lois sur l’innovation, par exemple) sont suivies avec attention, voire adaptées, par nos partenaires brésiliens.
Mais symétriquement, le Brésil a lancé une politique ambitieuse de développement fondée sur ses ressources économiques et intellectuelles propres, qui est moins bien connue en France alors même qu’elle a participé à la croissance économique spectaculaire du pays depuis 10 ans et à un développement scientifique et technologique qui force l’admiration. Ayant placé cette année le cycle national sous le thème des frontières, l’IHEST a trouvé au Brésil un terrain très riche pour alimenter les réflexions de la promotion sur les frontières du développement et le rôle que l’éducation, l’environnement, la politique scientifique et le soutien à l’innovation jouent dans leur évolution. La présence constante à nos côtés d’Hervé Théry et de Neli Aparecida, accompagnateurs scientifiques du voyage, a permis de préciser et de mettre en contexte les rencontres et les découvertes faites par les auditeurs : nous les remercions du temps qu’ils nous ont consacré et des éclaircissements précieux qu’ils ont su apporter.
Le déplacement d’une semaine au Brésil s’est partagé entre Brasilia et São Paulo, c’est-à-dire entre la capitale fédérale et celle de l’état le plus peuplé et le plus riche du Brésil. Accueillir une délégation de 50 personnes n’est pas chose aisée et la délégation a été extrêmement touchée de l’accueil chaleureux de l’Ambassadeur de France, Yves Saint-Geours, que nous remercions infiniment du temps qu’il nous a consacré et des éclairages qu’il a su apporter sur la réalité brésilienne. Le programme a été construit avec le soutien constant et l’aide efficace du service de coopération scientifique et d’action culturelle de l’Ambassade de France, de Pierre Collombier, et tout particulièrement des attachés scientifiques à Brasilia et à São Paulo, Eric Bourland et Christophe de Beauvais, à qui va toute notre gratitude. Il s’agissait, en ce temps très court, de donner un aperçu général des grands enjeux du pays en insistant sur leur inscription dans le territoire brésilien, marqué par l’immensité, la profusion de ressources naturelles mais aussi de profondes inégalités sociales et territoriales. Comme le faisait remarquer le Sénateur Cristovam Buarque dans sa présentation sur la dimension sociale de l’éducation au Brésil, « peut-on avoir une grande puissance où 10% de la population est analphabète ? ».
Brasilia de la ville au symbole
Le séjour à Brasilia a d’abord permis de découvrir la ville et ses alentours : l’IHEST est arrivé dans la ville quelques jours avant la célébration de son cinquantième anniversaire. Catherine Aubertin, a présenté son film, Brasilia, ville rêvée, aux auditeurs en présence l’Ambassadeur de France Yves Saint-Geours venu accueillir la délégation. Le film montre à la fois la prégnance de Brasilia dans l’imaginaire du Brésil et des Brésiliens, et la réalité concrète d’une ville toujours en train de se développer à ses marges.
Le dimanche a été consacré à l’exploration de la ville elle-même (visite de l’Itamaraty, de l’église Dom Bosco), des villes-satellites (non planifiées) qui abritent l’essentiel de la population du district fédéral et qui gagnent toujours de la population, et enfin de la savane arborée des hauts plateaux, le cerrado. Réalisée en compagnie de chercheurs du CIRAD, la visite d’une station expérimentale de caféiculture de l’EMBRAPA (organisme brésilien de recherche agronomique) a montré l’importance des innovations en matière de techniques agricoles au Brésil : le cerrado, réputé stérile jusque dans les années 1960, fournit aujourd’hui 40% de la production agricole brésilienne grâce à l’introduction de techniques d’amendement des sols développées avec la coopération technique japonaise. Ses milieux s’en ressentent et la forêt tropicale sèche du cerrado, à la biodiversité unique, connaît aujourd’hui des rythmes de déboisement supérieurs à ceux de l’Amazonie, ce qui ne manque pas d’inquiéter les Brésiliens.
La construction du Brésil-puissance : éléments de contexte
Brasilia est un symbole de la modernité brésilienne, qui jusque récemment, était essentiellement tournée sur elle-même. Les présentations introductives faites par l’Ambassade de France ont permis de comprendre comment le Brésil était en train de s’affirmer sur la scène internationale et en Amérique latine. Au cours de deux interventions – l’une diplomatique, l’autre historique — Yves Saint-Geours a analysé la place du Brésil dans le sous-continent et expliqué les tenants et les aboutissants du partenariat stratégique signé par le Brésil et la France : si les intérêts des deux pays ne sont pas toujours similaires (voire parfois opposés, comme sur les questions agricoles), ils partagent un certain nombre de principes – notamment la volonté d’autonomie politique et militaire et le souci de préserver une forme de « multipolarité » au niveau international. Le partenariat, délibérément très pragmatique, est un ensemble de projets stratégiques sur le nucléaire, le militaire, le spatial, la forêt équatoriale, le climat, la biodiversité…. Il bénéficie des excellentes relations personnelles entre le président Lula et le président Sarkozy (qui a fait quatre visites au Brésil depuis 2007).
L’économie n’est bien sûr pas absente de ce partenariat, comme l’a rappelé Hervé Le Roy : en dix ans de croissance forte et de politiques de redistribution de la richesse, le Brésil est devenu un géant économique. Sa classe moyenne se compose aujourd’hui de 92 millions de personnes et la disponibilité du crédit dans le pays permet à la consommation intérieure d’être très vigoureuse. La démographie est favorable, puisque le taux de dépendance démographique atteindra un plancher dans les années 2050 : la population active devrait donc continuer à augmenter d’ici là. L’évolution économique du Brésil n’a pas seulement des aspects quantitatifs : les sources de la richesse ont changé, et ne sont plus aujourd’hui strictement conditionnée à l’exportation de matières premières minérales ou agricoles. Le Brésil a développé des filières industrielles de très bon niveau (dans l’aéronautique par exemple). Ce qui est manifeste, dans ce secteur comme dans d’autres secteurs dynamiques (l’énergie, par exemple), c’est que le pouvoir politique n’a pas renoncé à tout interventionnisme : le marché brésilien reste protégé et l’Etat intervient directement dans la politique industrielle (récemment, en créant de toute pièce un champion national dans la production d’engrais). Ce volontarisme public – assez gaullien dans son inspiration – a étonné et impressionné la délégation : la Banque brésilienne d’investissements a une puissance financière supérieure à celle de la Banque mondiale. Et le Brésil a entrepris de créer un réseau de partenariats avec d’autres pays du sud, notamment les pays africains lusophones.
Fabien Ballet a rappelé, quant à lui, la part prise par les dépenses militaires dans la rénovation des forces armées brésiliennes, qui ont pour but de renforcer le dispositif de défense mais surtout, en l’absence d’ennemis clairement identifiés, de construire un secteur militaro-industriel de premier plan.
Pierre Collombier, conseiller culturel et de coopération, a rappelé la transformation radicale qui a touché le monde de la recherche brésilienne depuis une dizaine d’années et qui conduit le pays à vouer une part croissante de son PIB à la recherche (0,9%). Si cet effort de recherche reste en-dessous de la moyenne de l’OCDE, il commence néanmoins à produire des fruits : la production scientifique brésilienne a décuplé en vingt ans et le pays publie aujourd’hui 1,83% des articles publiés à l’échelle mondiale. Les points forts traditionnels de la recherche brésilienne restent les sciences du vivant et la médecine (notamment tropicale : le pays produit à lui seul 19% des articles publiés sur ce sujet à l’échelle mondiale), mais d’autres secteurs scientifiques profitent des collaborations engagées avec les USA et les pays de l’UE pour se développer – notamment les mathématiques, la physique et la chimie. La France a pris la mesure de ce développement et se trouve parmi les trois premiers partenaires scientifiques du pays. Les instruments de coopération sont variés : échanges d’étudiants, création de structures de recherches mutualisées, programmes bilatéraux de recherche. Les institutions de recherche françaises (notamment le CIRAD et l’IRD) sont présentes de longue date dans le pays.
Cette orientation du Brésil vers la recherche de haut niveau a été confirmée lors d’une table ronde organisée à l’Ambassade et rassemblant Livio Amaral (directeur de l’évaluation à la direction de l’enseignement supérieur - CAPES), Sueli Felipe (directrice du département des politiques et des programmes au Ministère de la Science et de la Technologie) et le professeur Wilton Barroso, de l’université de Brasilia. La stratégie de l’évaluation, la sélection impitoyable, la communication très ouverte sur les activités et les recherches en cours dans la base de données nationale LATTES ont notamment été présentées ainsi que la stratégie de soutien à la recherche à travers les fonds thématiques.
La journée a particulièrement été marquée par la venue de Cristovam Buarque, ancien ministre de l’enseignement supérieur de Lula et ancien gouverneur du district fédéral de Brasilia. Dans son intervention il a rappelé qu’un facteur potentiellement limitant à la croissance harmonieuse du pays est l’éducation, ou plus exactement, ses déficiences et les inégalités qui s’y manifestent. Tout l’enjeu est d’améliorer le système public primaire et secondaire et de transformer la vision même de l’éducation au Brésil. Aujourd’hui, les meilleures universités du pays sont publiques et gratuites, mais leur public vient essentiellement des écoles privées – aboutissant à la situation paradoxale que le secteur public subventionne les étudiants suffisamment riches pour avoir fréquenté les écoles privées.
Agriculture, environnement, développement
La journée du mardi s’est déroulée à l’université de Brasilia et a porté sur les questions de développement durable et de protection de l’environnement. Dans son accueil, Marcel Bursztyn, du Centre de développement durable de l’université de Brasilia, a évoqué les paradoxes et les difficultés que rencontrent les approches interdisciplinaires – en particulier le développement durable - et la spécificité du Centre qui forme non seulement les étudiants mais aussi les fonctionnaires en poste.
La question agricole, fondamentale au Brésil, a été abordée dans une première table ronde. Le Brésil a deux secteurs agricoles et deux ministères de l’agriculture : l’un pour l’agrobusiness (500 000 agriculteurs, très exportateur et réactif), l’autre pour l’agriculture familiale (4 millions d’agriculteurs, dont les 2/3 sont pauvres). Tout l’enjeu est de concilier les intérêts économiques de chaque type d’agriculture pour soutenir le développement rural, tout en protégeant l’environnement (et particulièrement les zones forestières) de l’expansion de la surface agricole. L’innovation technologique, mais aussi organisationnelle et infrastructurelle, est amenée à jouer un rôle dans ce développement agricole durable, comme l’ont rappelé Diana Coutinho, du Service d’analyse stratégique de la Présidence de la République, et Derli Dossa, chef de la gestion stratégique au ministère de l’Agriculture.
Une seconde table ronde, sur les politiques forestières et les services environnementaux, a permis de comprendre les enjeux complexes qui s’attachent à la préservation et à la valorisation des ressources forestières au Brésil, tels qu’ils apparaissent dans la loi de gestion de la forêt publique. La forêt amazonienne représente une surface de plus de 5 millions de kilomètres carrés au Brésil et le rythme de déforestation a décru dans les années récentes. Les intervenants (José Natalino Silva, directeur du service forestier brésilien – SFB ; Plinio Sist, chercheur au CIRAD ; Antoine Grimaud, de l’AFD et Frédérique Seyler, chercheuse à l’IRD) se sont accordés sur le fait qu’il y avait nécessité de mieux comprendre les dynamiques sociales et environnementales des milieux forestiers au Brésil, de manière à pouvoir agir au mieux : un défi particulier est d’accorder les types de propriété foncière (public, privé, collectif,…) avec les usages effectifs de la forêt. Enfin, la journée du mardi s’est achevée sur une dernière rencontre autour du thème de la propriété intellectuelle et des brevets sur le vivant. La position du Brésil sur ce sujet a récemment évolué : alors que le pays avait entrepris de ne respecter que sélectivement la propriété intellectuelle (par exemple, en choisissant de développer précocement les versions génériques de médicaments brevetés par les multinationales de la pharmacie), la protection des ressources génétiques présentes dans les milieux naturels a conduit le pays à modifier sa doctrine et ses pratiques. Par ailleurs, autre aspect de ces questions, la loi sur l’innovation, adoptée en 2004 et inspirée de la loi française, apporte un cadre précis aux scientifiques et universités pour gérer la valorisation de leurs recherches et les relations avec les entreprises.
São Paulo<br\> L’innovation au Brésil : aspects économiques, éducatifs et sociaux
Après l’arrivée de la délégation à São Paulo le mardi soir, la journée du mercredi a été consacrée à une série de rencontres autour de l’innovation au Brésil, tandis que les déplacements étaient faits à pieds, pour prendre la mesure du gigantisme urbain de la métropole pauliste. La délégation a tout d’abord été reçue à la Fédération des industries de l’état de São Paulo (FIESP) pour un dialogue avec ses dirigeants et le gérant du département sur les relations entre l’innovation et les entreprises, également directeur du plus grand incubateur du Brésil. Pour Renato Corona, l’innovation au Brésil est le fait d’un petit nombre de très grandes entreprises, compétitives au niveau international. L’innovation, malgré ses conséquences positives sur l’emploi et les salaires, ne fait pas partie de la culture d’entreprise au Brésil, même si l’atmosphère est en train de changer. C’est tout l’écosystème d’innovation qu’il s’agit de repenser – et notamment, les liens entre la recherche et l’innovation. Cette discussion faisait écho à la rencontre à Brasilia de la veille, à laquelle avaient contribué les représentants du gouvernement et de la confédération nationale de l’industrie.
Deux exemples de ces relations nous ont été présentés dans la suite de la journée : à l’Institut Butantan d’abord, haut lieu de la recherche et de la production de sérums et de vaccins au Brésil, fondé il y a plus d’un siècle dans la tradition pasteurienne. Le surintendant de la Fondation Butantan, Hernan Chaimovich, a exposé à la délégation les stratégies de recherche et développement que cette institution avait mises en place, en particulier les relations entre la Fondation et l’Institut Butantan lui-même. Le directeur de la division vaccin de Sanofi Pasteur au Brésil, Patrice Lebrun, a présenté l’importance de la coopération engagée avec l’Institut et le transfert de technologie.
En fin d’après-midi, la délégation a été reçue à l’Ecole polytechnique de l’université de São Paulo : cette rencontre a permis de réfléchir à la place de l’éducation technique de haut niveau dans le développement innovant du Brésil et aux relations avec la France. Le constat fait par José Roberto Cardoso, directeur de la Poli, était clair : le Brésil manque de main d’œuvre qualifiée, et le pays doit réfléchir à la manière d’attirer des étudiants étrangers de haut niveau – qu’ils viennent des Amériques ou d’ailleurs. L’innovation doit faire le pari de la jeunesse et des dynamiques culturelles croisées. Avec la France, les doubles diplômes sont encouragés, des programmes d’échanges nourris existent et un souhait de développement a été exprimé.
Les relations universités-entreprises dans le domaine de la recherche – innovation sont complexes : longtemps inexistantes, elles ont commencé à se développer à la faveur d’initiatives législatives (loi sur les brevets, 1996 ; lois sur l’innovation, 2004 et 2005), relayées au niveau des états – notamment à São Paulo, qui a favorisé la constitution d’incubateurs d’entreprises sur les campus (CIETEC à la Poli, par exemple, présenté par son directeur Sergio Risola) et les collaborations de recherche entre entreprises et laboratoires de recherche (présentées par le directeur de l’agence de l’université de São Paulo pour l’innovation). Au milieu de la journée s’était tenue une rencontre à la Fondation Getulio Vargas, qui forme les futurs administrateurs civils brésiliens : le thème en était l’exclusion sociale au Brésil – que Peter Spink, de manière provocante, a rapproché des questions raciales dans un pays qui se veut aveugle à la couleur. À cette occasion a été rappelé le but que le pays s’est fixé de réintégrer plus de 50% de la population, marginalisée économiquement et socialement, au cœur de la vie nationale – ce que P. Spink appellait la « vulnérabilité invisible » dans la société brésilienne.
Visites industrielles
Le jeudi 15 avril a été consacré à une série de visites industrielles et de rencontres avec des acteurs scientifiques à São José dos Campos et à Taubaté. La visite de l’usine de turbines d’Alstom à Taubaté fut passionnante et en prise avec l’actualité : l’usine construit actuellement les gigantesques turbines nécessaires aux nouveaux barrages en Amazonie, mais aussi à celui des Trois Gorges en Chine. Celle de l’Embraer, très stimulante aussi, a fait émerger des questions sur la notion de progrès et de stratégie d’innovation dans l’industrie aéronautique : selon Denis Balaguer, conseiller en chef recherche et technologie de l’Embraer, l’aéronautique de demain se construira sur des progrès en termes de respect de l’environnement, de coûts énergétiques mais aussi de confort et d’organisation logistique des déplacements. Le lien de l’Embraer avec l’État a été souligné – puisque dans le cas des recherches sur les technologies précompétitives, le financement est public.
Plus tard dans la journée, la délégation a pu visiter l’Institut national de recherche spatiale et assister à des présentations sur le monitoring de l’Amazonie par télédétection et les développements technologiques liés aux satellites et aux lanceurs dans le pays (en collaboration avec la Chine). Cette présentation, en écho à la table ronde de Brasilia, a bien montré que le gouvernement disposait dorénavant d’un instrument de surveillance de la déforestation « en temps réel » extrêmement performant. Recherche, énergie et biodiversité : sous les arbres
Le séjour au Brésil s’est conclu le 16 avril par une journée consacrée à la recherche, à l’énergie et à la biodiversité. Dans la matinée, la Fondation d’Appui à la recherche de l’état de São Paulo (FAPESP) est venu présenter son rôle et sa stratégie : l’état de São Paulo dépense environ 10% de son budget pour l’enseignement supérieur et la recherche – et 1% du budget de l’état est constitutionnellement attribué à la Fondation – ce qui est tout à fait considérable. La Fondation fonctionne dans une logique « bottom-up », de réponse aux demandes des laboratoires. Elle cherche aujourd’hui à favoriser l’insertion de chercheurs et de docteurs dans les entreprises, où ils sont très peu nombreux. À suivi une présentation faite par la mission économique sur les enjeux énergétiques au Brésil - devenu en quelques années autosuffisant en hydrocarbures (sauf en gaz) et surtout très en pointe dans le marché mondial des biocarburants.
Enfin, l’après-midi a été consacré à l’exploration de la thématique de la biodiversité dans le cadre du Jardin Botanique de São Paulo, présenté par sa directrice, Lilian Zaidan et visité avec elle. Ceci a été l’occasion de découvrir la forêt de la Mata Atlântica, sa flore et sa faune. Une présentation des premiers développements de la numérisation de l’herbier d’Augustin de Saint Hilaire sur la flore du Brésil a permis d’apprécier la collaboration entre l’Institut botanique de São Paulo et le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris.
Cette visite avait été précédée le matin par une présentation du président des Amis de la Terre du Brésil, Robert Smeraldi, sur la biodiversité, la déforestation et plus globalement l’action pour l’environnement de cette ONG. Ceci a permis à la promotion de prendre la mesure de l’ampleur des activités des ONG au Brésil, reconnues comme interlocuteurs de poids par les pouvoirs publics. R. Smeraldi, constatant l’impuissante relative de l’Etat à faire appliquer son propre arsenal législatif, militait pour l’introduction de nouveaux modes de régulation des territoires et des filières commerciales (certification environnementale, appellations d’origine pour lutter contre les « produits anonymes », politiques d’éducation locale et de développement de mouvements consuméristes). Liant la déforestation avec la pauvreté et confiant dans le développement d’une agriculture « écologiquement intensive », il concluait, optimiste : « dans dix ans, la déforestation sera devenue résiduelle ». Pour R. Smeraldi, le problème de fond demeure la capacité du pays à développer une économie verte.
On trouvera dans les pages qui suivent, écrites par les auditeurs de l’IHEST, des développements plus fouillés sur leurs rencontres, leurs visites et leurs dialogues au cours de cette semaine très dense. Les carnets de voyage des auditeurs constituent la trace de leurs étonnements : face à l’immensité et à la complexité d’un pays comme le Brésil, à la diversité des enjeux auxquels il fait face, ces carnets proposent une vision des rapports science-société qui va au-delà de la sécheresse des indicateurs statistiques et interrogent intimement le mode de développement brésilien. Les thèmes qui ont été proposés à la réflexion des auditeurs n’ont pas, bien sûr, l’ambition de couvrir la totalité des choses qu’ils ont pu voir ou apprendre, ni a fortiori celle de constituer une exploration exhaustive et formelle de la réalité brésilienne : la forme très libre des carnets permet au contraire de permettre la réflexion subjective, l’appropriation mutuelle et l’intelligence partagée qui sont au cœur de la mission et des méthodes de l’IHEST.
Marie-Françoise Chevallier-Le Guyader Directrice de l’IHEST