Chronologie des événements initiés en juin 2013 au Brésil

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Le Monde publie une carte d'Hervé Théry (CREDA) et Aurélien Reys (SEDET) : Rio de Janeiro, métropole inégalitaire

Le Monde publie une carte d'Hervé Théry (CREDA) et Aurélien Reys(SEDET) : Rio de Janeiro, métropole inégalitaire

La mobilisation des Brésiliens dépasse toutes les prédictions

Par Hervé Théry. Article publié sur Journalism On line.



Les Brésiliens en ont assez. Dans la rue, ils ont manifesté contre la hausse du tarif des transports en commun, contre les dépenses engendrées pour le Mondial 2014. Mais aujourd’hui, leurs revendications vont plus loin. Corruption, mauvaise gestion des services sociaux, c’est toute la politique des dirigeants brésiliens qui est remise en cause. Explications d’Hervé Thery, chercheur au CNRS-Creda, professeur invité à l'Université de São Paulo.


Face à la mobilisation des Brésiliens, la présidente Dilma Rousseff a tenté d’apaiser l’ardeur populaire en promettant notamment un grand plan d’amélioration des services publics.

Cette main tendue, les manifestants brésiliens ne l’ont pas acceptée et, en réponse, ont promis une grève générale le 1er juillet prochain.

Ce qui n’était à l’origine qu’une mobilisation contre la hausse des prix des transports en commun et contre la facture exorbitante de l’accueil de la Coupe du monde de football 2014 s’est transformé en une vaste réunion de toutes les colères populaires.

Le pouvoir et les autorités sont aujourd’hui remis en cause et pour Hervé Thery, chercheur au CNRS-Creda et professeur invité à l'Université de São Paulo, cette mobilisation nouvelle et inattendue des Brésiliens pourrait bien être un élément déclencheur d’un renouveau politique de la sixième puissance économique mondiale. Malgré les promesses de Dilma Rousseff de travailler à l’amélioration des services publics, et en particulier des transports, une des revendications principales, les manifestants brésiliens poursuivent leur mobilisation. Comment expliquez-vous cette dynamique ?


Hervé Thery : Si les manifestations ont commencé sur la base de la hausse du prix des transports en commun, il me semble qu’elles ont désormais leur propre élan.

Bien que satisfaction ait été obtenue, il y a encore beaucoup de sujets de mécontentement dans la population qui se traduiront dans la rue mais également lors de la grève générale prévue le 1er juillet.

Ce mécontentement général qui secoue le pays depuis plusieurs jours était prédit à une espérance de vie limitée par de nombreux spécialistes de la question. Mais aujourd’hui, force est de constater qu’ils se sont trompés. Peut-on alors parler de « printemps tropical » ?


Hervé Théry : Je ne pense pas. Le Brésil est un pays qui se porte plutôt bien. La population n’est pas malheureuse mais certains points l’agacent et c’est ce qui explique cette mobilisation.

Cet énervement est notamment lié au ras-le-bol vis-à-vis de la classe politique au pouvoir. Cette classe politique accusée de tous les maux et dont les défauts ne sont désormais plus à prouver. Que reprochent les Brésiliens à leurs dirigeants politiques ?


Hervé Théry : L’éducation, la santé et la sécurité sont devenus trop chers pour la classe moyenne au Brésil; ils la paient deux fois, par les impôts et par un système privé pour compenser les défaillances du système public.

A cela se sont ajoutées les dépenses effectuées pour l’accueil de la Coupe du monde 2014. Il faut dire que le Mondial 2014 va coûter 33 milliards de réais lorsque le budget de l’éducation nationale est de 38 milliards.

Pour aller plus loin, les Brésiliens s’insurgent désormais contre la corruption généralisée des élus. Si le Brésil est aujourd’hui une des grandes puissances au monde, il demeure également un pays de grandes inégalités.

S’il y a un léger mieux depuis trente ans, cette inégalité frappe une très grande catégorie de la population qui constate, de la même manière que les classes moyennes, les défauts des services sociaux en termes d´éducation, de santé, de transports.

Les millions de Brésiliens qui sont sortis de la misère sont devenus exigeants et ne veulent plus se laisser berner par la corruption généralisée. Comment se manifeste cette corruption ?


Hervé Thery : Dans les milieux d’affaires comme au sein même de l’Assemblée, la corruption est monnaie courante et institutionnalisée.

Sur les 500 députés du Parlement, on peut estimer que seuls 200 n’ont rien à se reprocher et font leur travail. Divers scandales font régulièrement la Une des médias mais l’impunité reste de mise.

Il y a quelques années, un député brésilien accusé d’enrichissement suspect n’a pas hésité à justifier sa fortune en affirmant avoir gagné 27 fois d’affilée à la loterie. C’est un bon exemple de cette corruption tout à fait normalisée que refusent désormais les Brésiliens. C’est notamment pour cela que les manifestants focalisent leur attention sur la Coupe du monde de football, qui ne peut être pour eux qu’une vaste opération de dessous de table et de détournements de fonds publics. Dans ce contexte, que peut désormais faire la présidente Dilma Rousseff ?


Hervé Thery : Pas grand-chose. Elle a fait tout ce qu’elle pouvait faire. Cette mobilisation qui a fait descendre un million de personnes dans les rues, des citadins des grandes villes jusqu’aux habitants des villages les plus reculés d’Amazonie, est très composite et n’a pas de leaders définis.

La classe moyenne qui avait élu le président Lula – lors de son premier mandat – et les plus pauvres qui l'ont élus à son second mandat puis, à sa suite, la présidente Dilma Rousseff, avaient été séduits par leurs programmes en faveur des gens défavorisés. Aujourd’hui, ils se sentent floués.

Face à cela, Dilma Rousseff a fait ce qu’on attendait d’elle et son discours n’a d’ailleurs rien apporté d’original. Elle n’avait pas d’autres choix que de tenter de calmer les esprits en annonçant notamment une réduction du prix des transports en commun, alors même que ce recul était déjà acquis.

Lorsqu’un mouvement n’a pas d’objectif, il n’y a pas grand-chose à attendre du côté des autorités. Dilma Rousseff a promis ce qu’elle a pu promettre, et les manifestants sont toujours dans la rue. Estimez-vous alors que le pouvoir brésilien soit en danger ?


Hervé Théry : Ce serait une bonne chose ! La constitution, écrite en 1988, est très permissive, elle a déjà été amendée plus de trente fois et il en faudrait une autre pour le Brésil d’aujourd’hui.

C’est aux députés et aux sénateurs de prendre l’initiative d’instituer une nouvelle assemblée constituante mais bien entendu, cela ne va absolument pas dans leur intérêt et ils ne prendront jamais le risque de la mettre en place. Face à cette situation bloquée, seul un vaste mouvement populaire pourrait peser dans la balance. Ces manifestations seront-elles l’élément déclencheur ? Personne ne peut le dire aujourd’hui.

Brésil : "Les villes concentrent toutes les inégalités"

Brésil : "Les villes concentrent toutes les inégalités". Hervé Théry. Le Monde.fr 20.06.2013.

Débat : Brésil, crise de croissance ou révolution ? Le Monde 27 juin 2013

Dilma Rousseff contrainte de réformer dans l'urgence

Par Stéphane Monclaire (enseignant à l'université Paris-I et chercheur au Centre de recherche et de documentation des Amériques (Creda))

Pour calmer la rue et dans l'espoir de stabiliser une situation qui lui échappe, la présidente Dilma Rousseff multiplie les initiatives. Plusieurs d'entre elles consistent à recevoir les dirigeants des collectifs militants qui ont initié les récentes mobilisations. La présidente du Brésil veut ainsi montrer qu'elle est à l'écoute des manifestants. Mais ces brèves réunions, pour l'instant, ont plus écorné son image qu'elles ne l'ont magnifiée.

Car les jeunes apprentis leaders du mouvement confient à la presse combien Mme Rousseff semble peu au fait des problèmes concrets sur lesquels ils voulaient attirer son attention et qu'affrontent des millions de Brésiliens. Ce genre de critiques entame d'autant plus la représentation habituelle et légitimatrice d'une Dilma Rousseff compétente et compatissante, qu'elle émane de personnalités jouissant d'un fort capital de sympathie parmi les manifestants. Ces rencontres ont aussi l'inconvénient d'objectiver et d'aggraver la faible représentativité des partis, puisque la présidente n'a pas jugé bon de consulter publiquement leurs chefs depuis le début de la crise. Les manifestants ont beau ne pas se reconnaître dans les partis existants, dévaloriser ceux-ci, comme tend à le faire Dilma Rousseff, n'est guère habile alors qu'elle a besoin de l'appui du Congrès.

Elle vient de promettre une vaste "réforme politique", appellation aussi vieille que l'actuelle Constitution promulguée en 1988, recouvrant tous les toilettages constitutionnels et législatifs susceptibles d'endiguer et de réprimer davantage la corruption, d'assainir le financement des campagnes électorales, d'accroître la légitimité des élus, de rendre les partis plus consistants et le régime plus démocratique. Pour les Brésiliens, leur personnel politique bénéficie d'une relative impunité en matière de corruption.

En outre, ils imputent à ce fléau la plupart des dépassements dans le financement des préparatifs de la Coupe du monde de football qui aura lieu en 2014. Et s'ils méconnaissent la myriade de dispositifs électoraux ou de règles régissant les partis politiques, qui, par avance, nuisent à une bonne représentativité des élus, ils ne s'identifient guère aux formations politiques et peinent à les différencier les unes des autres. Déjà en 1992, l'impeachment du président Fernando Affonso Collor de Mello, poursuivi pour corruption, était censé devoir donner naissance à une grande réforme politique. Il n'y en eut point, car l'essentiel des dispositifs à réformer sont énoncés dans la loi ou la Constitution, et requièrent donc pour être modifiés ou supprimés l'assentiment du Congrès – députés et sénateurs réunis, lesquels doivent leur siège à l'existence de ces dispositifs pernicieux.

Les groupes parlementaires sont trop indisciplinés et le système partisan trop fragmenté pour que des changements significatifs puisent être introduits. Sous la présidence Cardoso (1995-2002), diverses minorités de blocage ont empêché toute avancée. L'ex-président Lula (2003-2010) n'a pas cherché à concrétiser la réforme politique qu'il engagea en 2005, peu après que la direction du Parti des travailleurs (PT) eut été décapitée par un scandale de corruption, dont le feuilleton judiciaire s'éternise aujourd'hui encore. Bref, sans la grave crise sociale et politique actuelle et la nécessité de devoir reprendre la main – ou au moins d'en donner l'impression –, Dilma Rousseff n'aurait pas pris le risque de mettre la réforme politique à son agenda.

Le 24 juin, elle a annoncé la convocation par référendum d'une assemblée constituante restreinte, c'est-à-dire seulement chargée de traiter des questions de réforme politique. Beaucoup sur les réseaux sociaux se sont réjouis que le peuple soit consulté. Mais face au tollé que l'évocation de cette procédure contestable a aussitôt provoqué parmi les plus éminents juristes et jusque dans son propre camp, face aussi aux incertitudes portant sur la composition de cette mini-constituante et sur l'issue possible de ses travaux, Mme Rousseff dut, dès le lendemain, renoncer à cette manoeuvre pour le moins précipitée.

Ne voulant pas se dédire complètement, ni décevoir les partisans d'un vote référendaire, la présidente et ses proches conseillers ont donc opté pour un scénario de sortie de crise plus réaliste : le Congrès établira une liste de modifications qui seront, ensemble, soumises à référendum. Toutefois, les rivalités intra- et inter-partisanes, déjà attisées par la perspective des élections de l'automne 2014 (législatives, présidentielle, et des gouverneurs de province), sont à la fois accrues et modifiées par le flot des manifestations pacifiques et violentes, par les lectures qu'en font les médias et par les phénomènes de politisation que génère cette crise au sein de l'électorat. Tout cela, combiné à la dégradation des indicateurs économiques, laisse mal augurer du plein succès de l'opération. D'autant que toute nouvelle règle électorale, pour être en vigueur lors des scrutins de 2014, devra être promulguée avant la fin septembre 2013. C'est bien court pour dégager des compromis satisfaisants.

Si le Congrès n'y parvenait pas ou si le peuple ne ratifiait pas les changements préconisés, les cadres du PT, adossés aux prébendes de l'Etat, douteraient des chances de réélection de Mme Rousseff et s'inquiéteraient pour leur avenir. Lula leur paraîtrait alors comme le candidat du recours. Il s'y prépare.

Au Brésil, la population doit tirer profit du Mondial

Par Romario de Souza Faria (député brésilien, membre de la majorité, ex-international de football)


La Coupe des confédérations, qui a lieu actuellement au Brésil, événement préparatoire à la Coupe du monde de football de 2014, partage l'espace médiatique avec les grandes manifestations qui exigent du gouvernement fédéral qu'il donne une nouvelle direction à sa politique économique.

Derrière des banderoles sans mot d'ordre partisan, la population demande que soit mis fin à la corruption et au gaspillage de l'argent public. C'est dans la rue que naît l'appel au renforcement de la justice. Du fait d'une législation fragile, il est courant de voir repousser l'exécution des décisions de la Cour suprême, ce qui contribue à pérenniser la corruption et l'impunité dont jouissent les voleurs de l'argent public.

J'étais avec le gouvernement fédéral lorsque le Brésil a obtenu l'organisation de la Coupe du monde. A ce moment, l'espoir que le Mondial soit un instrument efficace pour créer des emplois, promouvoir le tourisme et renforcer l'image du Brésil dans le monde m'ont encouragé à appuyer notre candidature. Comme champion du monde, je sais l'importance de cet événement pour les villes hôtes. Mais nous avons été rattrapés par les turbulences de l'économie mondiale, chose qui aurait dû amener le gouvernement à revoir sa politique de dépenses et d'investissements.

Or, des crédits ont été attribués aux travaux de construction ou de réaménagement des stades au détriment de l'éducation, de la santé et de la sécurité. Les problèmes de ces trois secteurs viennent des gouvernements antérieurs, mettant le pays en situation de vulnérabilité sociale, malgré le renforcement des indices de notre économie. Le pays se trouve parmi les dix plus grandes puissances mondiales, mais comment comprendre ce classement honorable face aux besoins extrêmes de la population, lesquels entraînent des préjudices humains évidents ?

Je ne crois pas que le Mondial résolve tous nos problèmes. Ce méga-événement risque même de les aggraver. Sous le régime de Lula, la proposition était celle d'un Mondial s'appuyant sur la participation massive de l'initiative privée et la transparence des dépenses publiques. Le contraire s'est produit. D'un budget initial de 8,23 milliards d'euros pour la construction de stades, de mobilier urbain, la rénovation des ports et des aéroports, nous en sommes aujourd'hui à 9,7 milliards d'euros, d'après les déclarations du secrétaire d'Etat au ministère des sports, Luis Fernandes. Pour quoi sommes-nous en train d'organiser la plus chère des dernières Coupes ? Cela a déjà coûté trois fois les budgets engagés par l'Allemagne en 2006 et par le Japon en 2002. Et que dire de l'Afrique du Sud, qui a dépensé quatre fois moins que le Brésil, soit 2,43 milliards d'euros ?

Quant aux transports, des 82 travaux initiaux, vingt-cinq n'ont pas respecté le calendrier et trois seulement ont respecté le budget et les délais prévus. Une honte pour le gouvernement et d'excellents motifs de protestation pour la population. Ce sont ces dysfonctionnements qui nous indignent et contribuent à ce que nous soutenions les manifestants. Ce n'est pas dans un stade de football que les Brésiliens iront chercher la réponse à leurs problèmes de santé.

Pendant ce temps, la Fédération internationale de football (FIFA) annonce un bénéfice de 4 milliards de reais libres d'impôts grâce à ce Mondial 2014. Cet excès de profits faciles contraste avec l'absence totale de legs effectifs, comme celui de la mobilité urbaine. La présidente Dilma Rousseff reprend les termes de l'ex-président Lula, en affirmant : "Nous aurons le meilleur Mondial de tous les temps." Je ne le crois pas, car nous avons failli sur le plan des principes, qui supposaient que l'organisation du Mondial laisse à la population un héritage qui soit un véritable motif d'orgueil pour nous tous. Jusqu'ici, seule la FIFA engrange des bénéfices et c'est aussi pour cela que la population descend, à juste titre, dans la rue pour protester.

Traduction du portugais (Brésil) par Danielle Schramm


Le Parti des travailleurs peut satisfaire les aspirations du mouvement

Par Marco Aurélio Garcia (Conseiller spécial de Dilma Rousseff)

Les Français ont compris, il y a quarante-cinq ans, que des faits apparemment anodins pouvaient être à l'origine d'événements aux proportions historiques. Un événement mineur, à Nanterre, a été l'étincelle qui a donné lieu à l'une des plus grandes explosions sociales et politiques de la seconde moitié du siècle dernier : Mai 68. Il ne s'agit évidemment pas d'expliquer l'ampleur de cette "déflagration" par son "détonateur", bien que le lien entre les deux phénomènes soit évident.

A São Paulo, il y a un peu plus d'une semaine, l'augmentation de 20 cents du tarif des bus a déclenché une vague de protestations qui s'est propagée rapidement à des centaines de villes brésiliennes, pour devenir ce qui pourrait être la plus grande mobilisation sociale qu'a connue le pays depuis la fin de la dictature militaire.

Ce qui, à première vue, semblait correspondre à une demande spécifique, s'est vite transformé en un mouvement dans lequel cohabitent d'innombrables – et parfois contradictoires – revendications.

Tout porte à croire que, en dépit de la grande transformation économique et sociale qu'a vécue le Brésil dans les dix dernières années, en conséquence des réformes mises en place par les gouvernements de M. Lula da Silva et de Mme Dilma Rousseff, le pays "s'ennuyait", comme l'avait pensé Pierre Viansson-Ponté à propos de la France, à la veille de Mai 68.

"L'ennui" brésilien peut paraître paradoxal. En effet, ces dix dernières années, le pays a repris le chemin de la croissance, après plus de vingt ans de stagnation. Il a réussi à allier cette croissance à la sortie de plus de 40 millions d'hommes et de femmes de la pauvreté, sans sacrifier pour autant l'équilibre macroéconomique. Le Brésil vit aujourd'hui une situation de quasi plein emploi, avec l'augmentation significative du revenu des travailleurs. La vulnérabilité externe de l'économie a été maîtrisée. Le pays est passé d'une situation de débiteur à celle de créancier international.

Même les problèmes conjoncturels auxquels l'économie brésilienne doit faire face aujourd'hui ne remettent pas en question les perspectives de son développement futur. Pour la première fois dans l'histoire du pays, un gouvernement s'est attaqué au principal problème de sa formation sociale : l'inégalité. Ce changement a été réalisé – un exploit en soi – alors que les libertés démocratiques se sont approfondies. La présidente Rousseff a salué la "voix des rues", a condamné les excès des forces de l'ordre et a convoqué à Brasilia les principaux porte-parole des mouvements pour un débat franc. Nous ne nous trouvons donc pas face à un mouvement contre l'autoritarisme.

LES RAISONS D'UN MALAISE

Néanmoins, il est impossible de nier l'existence d'un malaise dans la société brésilienne, qui concerne toutes les institutions à leurs différents niveaux. Ce sentiment découle de problèmes de deux ordres. Premièrement, malgré les grandes avancées des dix dernières années, les conditions de vie de millions de Brésiliens restent difficiles, y compris pour les millions de personnes qui ont vécu récemment une ascension économique et sociale. La démocratisation de l'accès à l'éducation n'a pas été accompagnée partout dans le pays d'une amélioration équivalente de la qualité.

Dans les services de santé, des domaines d'excellence côtoient des secteurs extrêmement déficients. L'urbanisation accélérée de ce pays, qui compte près de 200 millions d'habitants, a mis en évidence la situation précaire du transport dans nos villes, où un travailleur perd des heures de sa journée pour se rendre de son domicile à son lieu de travail. La référence à ces trois thèmes, évoqués maintes fois sur les affiches des manifestants, est pertinente. Elle fait état de problèmes qui touchent à la vie quotidienne de millions de Brésiliens.