L’avenir énergétique du Brésil
Extrait des Carnets du voyage d'études au Brésil de la promotion Claude Lévi-Strauss, 2009-2010, de l'IHEST
Introduction <br\><br\>
Le Brésil fait partie des grands pays émergents aux côtés de la Chine et de l'Inde. C'est un pays englobant l'Europe dans les deux tiers de sa superficie, au développement inégal : le 10ème pays en termes de PIB, une bordure sud-est au standard européen, mais comptant aussi encore 25 millions de personnes qui n'ont pas accès à l'électricité.<br\><br\>
Sous l'impulsion du Président Lula, le Brésil entreprend de gommer ses disparités au prix d'une croissance soutenue de l'ordre de 5% par an, annulée passagèrement en 2009 du fait de la crise financière internationale.<br\><br\> Pour soutenir cette croissance, le pays a besoin d'énergie pour électrifier le pays et fournir l'énergie nécessaire au développement de son secteur industriel.<br\><br\> L'avenir énergétique du Brésil semble radieux tant les ressources du pays sont multiples et importantes :<br\>
- des réserves pétrolières et gazières portées à plus de 50 milliards de barils du fait des découvertes offshore récentes sous le sel, assurant au Brésil son autosuffisance, et le positionnant comme exportateur net de pétrole,
- des ressources hydroélectriques considérables,
- des conditions climatiques favorables à la production de biomasse: canne à sucre surtout (mais aussi jatropha, soja, eucalyptus, palmiers à huile…) faisant du Brésil le deuxième exportateur
mondial de bioéthanol après les États-Unis.<br\><br\> Les ressources considérables du Brésil devraient par conséquent lui permettre de soutenir sa croissance mais également, fait nouveau, de devenir exportateur d'énergie, si pour autant les filières sur lesquelles il a misé se révèlent les plus concurrentielles. <br\><br\><br\> Quels besoins énergétiques pour le Brésil pour soutenir sa croissance ? <br\><br\> L'électricité <br\><br\> Les énergies renouvelables: hydroélectricité, éolien onshore et offshore, la bioénergie<br\><br\> Le Brésil bénéficie d’une puissance potentielle hydroélectrique exceptionnelle, aussi bien grâce à l’installation de barrages (Itaipu par exemple, partagé avec l’Argentine et le Paraguay) que de centrales « au fil de l’eau ». Au total 90% de l’électricité produite au Brésil est d’origine renouvelable,essentiellement hydroélectrique.<br\><br\>
L’éolien ne représente que 0.4% de la production d’électricité mais présente une forte potentialité d’augmentation. Quant à la biomasse, elle fournit environ 10% de l’électricité.<br\><br\> Le principal problème de l’hydroélectrique et de l’éolien tient à la localisation géographique, éloignée des principales régions consommatrices (São Paulo, Rio, Nordeste). Une grande production d’électricité dans le bassin amazonien implique de transporter l’électricité sur des milliers de kilomètres. L’installation de barrages mais aussi d’éoliennes est souvent mal perçue par la population, ce qui freine le développement.<br\><br\> On note la présence d’une seule centrale nucléaire dans ce pays exportateur d’uranium. <br\><br\> Les énergies fossiles : centrales au fuel et au gaz<br\><br\>
Bien que l'avenir du Brésil en matière de production d'électricité semble coloré en vert, la construction de centrales thermiques est toujours d'actualité. Distance des sites de production aux grands lieux de consommation que sont São Paulo ou Rio de Janeiro, fragilité de l'environnement des sites de production, acceptabilité sociale freine le déploiement des centrales hydroélectriques ou éoliennes. Pour faire face à la croissance de sa demande domestique, le Brésil est donc conduit à planifier la construction de centrales thermiques, en privilégiant sans doute les centrales au gaz en raison de leurs émissions de CO2 limitées. <br\><br\><br\> Le transport et les biocarburants <br\><br\> Suite au choc pétrolier de 1973, le Brésil avait lancé en 1975 son programme Proalcool de production de bioéthanol obtenu à partir de la canne à sucre. Ce carburant nécessitant l'adaptation des moteurs de véhicules, dès 1979 un premier modèle fonctionnant uniquement à l'alcool avait été construit par FIAT. Cette évolution des véhicules, stoppée du fait du contre-choc pétrolier, a repris en 2003, suite à la hausse du prix du baril, conduisant à la fabrication de véhicules disposant d'un moteur (baptisé Flexfuel) pouvant fonctionner avec une part variable d'éthanol allant jusqu'à 100%. Ce sont aujourd'hui plus de 10 millions de véhicules flexfuel, représentant 37% du parc des véhicules légers (plus de 90% des ventes), 80 modèles différents, et qui s'approvisionnent à un réseau de 37 000 stations service.<br\><br\> Les biocarburants au Brésil sont principalement issus de la simple fermentation de la canne à sucre,(biocarburant de 1ère génération). Avec une production de 588 millions de tonnes de canne à sucre fournissant,28 milliards de litres d'alcool par an, le Brésil est devenu le deuxième producteur au monde de,bioéthanol après les États-Unis (34 milliards de barils, ex maïs).<br\><br\> Cette culture ne semble pas présenter d'inconvénients majeurs :
- selon les cours, la canne à sucre peut être cultivée à des fins de production de sucre ou de
biocarburants,
- du fait des surfaces disponibles, il n'y a pas de conflit d'usage des terres,
- l'irrigation de la canne à sucre ne pose guère de difficultés compte tenu de la richesse hydrique
du Brésil. Enfin, l'utilisation de la bagasse fournit l'appoint d'énergie nécessaire à la transformation de la canne à sucre, permettant d'améliorer le rendement de la production de bioéthanol et d'obtenir une réduction significative des émissions de CO2 en comparaison avec l'essence.<br\><br\> Pourtant le Brésil engage des procédés de production de bioéthanol de deuxième génération s'appuyant sur des transformations thermochimiques de la biomasse ligneuse. Leur rendement supérieur mais étant beaucoup plus capitalistiques on peut s'interroger sur le réel intérêt pour le Brésil de les développer.<br\><br\> Le Brésil se lance également dans la production de biodiésel par trans-éstérification du soja, voire de l'huile de palme afin d'alimenter son parc de véhicules utilitaires. Le Brésil importe en effet 10% de sa consommation de diésel pour une facture de l'ordre du milliard d'euros. C'est près de 2 milliards de litres de biodiésel que le Brésil produit aujourd'hui ce qui lui permet de satisfaire une incorporation de biocarburant de 2% dans le diésel, celle-ci ayant été rendue obligatoire depuis le 1er janvier 2008 et devant atteindre 5% en 2013.<br\><br\> La production de biodiésel a un rendement sur la filière bien supérieur à la production de bioéthanol. Cependant la filière, quand elle s'appuie notamment sur l'huile de palme pose des problèmes environnementaux et soulève quelques interrogations. Il existe en effet pour le Brésil des alternatives à la production de biodiésel: d'une part il est possible de transformer de l'éthanol en oléfines et d'aller vers une incorporation dans le pool diésel, d'autre part le Brésil pourrait investir dans des raffineries disposant de procédés de raffinage dédiés diésel. Le choix de développer une filière biodiésel est sans doute guidé par le souci d'accompagner une diésélisation progressive du parc automobile tout en maximisant l'export de produits pétroliers, de créer davantage d'emplois en comparaison avec la filière pétrole, d'assurer une indépendance énergétique, voire de réduire l'empreinte CO2 de son secteur transport.<br\><br\> La production de biocarburants représente donc pour le Brésil un triple dividende:
- il lui permet de minimiser sa consommation de pétrole et de conforter le Brésil dans sa position
d'exportateur,
- il lui permet d'être exportateur de bioéthanol,
- il lui permet de réduire ses émissions de CO2, notamment dans le secteur des transports
<br\><br\><br\> Quelles opportunités à l'international ? <br\><br\> Les biocarburants : le marché européen <br\><br\> L’objectif avoué du Brésil est de se placer en principal exportateur de bioéthanol vers le marché européen. La forte potentialité de croissance de la production d’éthanol rend cet objectif réaliste. Toutefois, on constate en Europe une importante diésélisation du parc, ce qui pourrait à terme réduire ce potentiel.<br\><br\> Le Brésil envisage de développer une filière biodiesel, à partir de soja mais surtout d'huile de palme. Sous condition d'une part d'un déploiement suffisant pour répondre à sa demande domestique et dégager un surplus pour l'export, et d'autre part d'une compétitivité suffisante vis-à-vis des filières européennes (bien plus concurrentielles que la filière bioéthanol) le biodiesel pourrait lui permettre de prendre le relais de l’éthanol à l’exportation. <br\><br\> Le pétrole : vers une adhésion à l’OPEP ? <br\><br\>
Les découvertes pré-salifères ont radicalement accru les réserves de pétrole du Brésil, les portant à plus de 50 milliards de barils, les amenant au niveau de celles du Venezuela. Avec de telles réserves, le Brésil pourrait devenir rapidement exportateur net de pétrole et prétendre à rejoindre le cartel des pays de l'OPEP. Cette hypothèse agitée depuis plusieurs années a été plusieurs fois démentie par Lula lui-même. <br\><br\>
Pour les pays de l'OCDE, l'adhésion du Brésil à l'OPEP pourrait représenter en effet un certain contrepoids aux pays du Golfe et aurait une crédibilité sans comparaison avec celle du Venezuela. Par son refus de s'engager pour l'instant le Brésil entend sans doute privilégier le déploiement de son industrie pétrolière particulièrement performante (la compagnie brésilienne Petrobras est une des compagnies les plus portées sur la technologie au monde comme ses succès en offshore profond le montrent) sans être contraint par des négociations sur des quotas de production.<br\><br\><br\>
Quel impact environnemental ?<br\><br\>
Avec un territoire de plus de 16 millions de kilomètres carrés, et un accès facile à une ressource en eau globalement abondante, qu’elle soit d’origine pluviale ou continentale, le Brésil dispose d’un énorme potentiel de production de matière végétale.<br\><br\>
Le développement de cultures à des fins énergétiques, - cultures qui contribuent pour près de 23% à la couverture des besoins en énergie globaux du Brésil, soit par le biais de transformation chimique, pour produire des carburants, soit par simple combustion, dans un procédé de production de charbon de bois, utilisé en particulier dans le Minas Gerais, dans le secteur de la sidérurgie, pose néanmoins de sérieuses questions en matière de gestion durable des res- sources naturelles.<br\><br\>
Le territoire brésilien comprend 3.7 millions de kilomètres carrés de forêt amazonienne, soit près de 90% de la superficie totale du massif. Cette forêt est un réservoir unique de biodiversité animale : 1 300 espèces d’oiseaux, plus de 2 millions d’espèces d’insectes ; et végétale, avec plus de 40 000 espèces végétales et 300 essences différentes d’arbres sur deux hectares, avec en outre un indice d’endémisme très élevé. Si grâce à une politique de mise en valeur précisant clairement les termes d’une exploitation durable des soles forestières, imposant notamment la préservation de réserves pouvant représenter jusqu’à 80 % de la surface des exploitations il est possible de contenir les effets négatifs de ces dernières, il n’en demeure pas moins que la plupart des activités sont conduites encore trop souvent en-dehors de tout cadre réglementaire.<br\><br\> La déforestation est intense (évaluée à plus de 11 000 km² par an et en accroissement ces dernières années), génératrice d’un revenu annuel estimé à 2.3 milliards $ et fournissant du travail à environ 380.000 personnes. Outre l’exploitation directe du bois, y compris dans des usines thermo-électriques, le principal secteur d’activité agricole à l’origine de ce phénomène est le développement des zones de pâturages pour l’élevage extensif, mais l’impact des productions agricoles est en net accroissement.<br\><br\> Les orientations prises par les pouvoirs publics en faveur de cultures agro-industrielles destinées à la production d’énergie ne peuvent que consolider cette tendance.<br\><br\>
Au-delà de l’impact sur la biodiversité, la déforestation engendre une érosion accrue des terres avec comme conséquence une baisse tendancielle de la fertilité se traduisant, pour maintenir les niveaux de productivité dans le court terme, par un accroissement de l’utilisation des intrants et par suite une augmentation des coûts de production, et dans le moyen terme par une stérilisation des sols et un abandon de la zone pour la culture.<br\><br\> Enfin, il est tentant de rechercher dans cette déforestation la cause des sécheresses qui ont pu affecter le bassin de l'Amazone au cours de la dernière décennie.<br\><br\><br\>
Conclusions <br\><br\> Le Brésil du point de vue énergétique dispose de beaucoup d'atouts et en quelque sorte présente la même abondance et la même diversité que sa population. C'est à la fois un géant noir, par les ressources fossiles dont il dispose et un géant vert par ses ressources en eau et en biomasse.<br\> La situation du Brésil bien que très favorable présente cependant quelques difficultés :<br\><br\>
- L'hydroélectricité, certes abondante, est produite dans un environnement fragile (bassin de
l'Amazone), rencontre de la part de la population des résistances quant à son développement, en raison de son impact environnemental et se trouve à distance de l'arc sud-est du pays qui concentre de Sao Paulo à Rio de Janeiro une grande partie de la consommation domestique.<br\><br\>
- De même la production de biocarburants et notamment celle du bioéthanol tournée vers l'export
notamment l'Europe et les États-Unis pourrait ne pas rencontrer le marché escompté du fait de la diésélisation croissante du parc automobile et la production de biodiésel n'est qu'en phase de décollage et se heurtera à plus de concurrence à l'international.<br\><br\>
- Enfin, les découvertes récentes de pétrole et de gaz se trouvent en offshore ultra profond. Pour
être exploitées, elles nécessitent des technologies de production particulièrement sophistiquées, onéreuses et on l'a vu récemment dans le Golfe du Mexique, risquées.<br\><br\> Le Brésil a donc des défis à la fois technologiques et environnementaux à surmonter pour accompagner une demande énergétique intérieure fortement croissante et amener le Brésil à jouer un rôle majeur sur la scène énergétique internationale.<br\><br\> Il dispose cependant par son excellence scientifique et technologique de tous les atouts nécessaires pour les relever.