Conférence de préparation au voyage d’études au Brésil. Jeudi 11 mars 2010
Par Hervé Théry. Conférence de préparation au voyage d’études au Brésil. Jeudi 11 mars 2010
Hervé Théry est professeur associé à l’Universidade de Sao Paulo-USP, premier titulaire de la chaire Pierre Monbeig, et directeur de recherche au Centre de recherche et de documentation sur l’Amérique latine (CREDAL, UMR 7150 Cnrs-université Paris III).
Ancien élève de l’Ecole normale supérieure (ENS), docteur en géographie, Hervé Théry a commencé sa carrière comme chercheur au CREDAL. Il a été chargé des fonctions de maître- assistant de géographie, responsable de la section de géographie à l’ENS (1982-84), puis fondateur et animateur de l’Equipe de développement et d’enseignement de la cartographie informatisée des données (EDECID) de 1984 à 1989.
Délégué général puis directeur du GIP RECLUS (1989-94), Hervé Théry a été expert sectoriel de l’Environnement au Ministère des affaires étrangères au sein de la mission de l’appui scientifique et technique de la Direction de la coopération scientifique et technique (1994-96). De 1998 à 2002, il a été professeur, responsable de la section de géographie à l’ENS.
Membre de nombreuses commissions scientifiques, Hervé Théry a publié de nombreux ouvrages et articles parmi lesquels figure un Atlas du Brésil (en collaboration avec Neli de Mello), 2004, La Documentation française. Ses biographie et bibliographie plus complètes sont consultables sur l’intranet.
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Sommaire
Le Brésil, un pays-continent
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Quelques chiffres : Par la taille, le Brésil est le 5e pays du monde. Ramené sur l’Europe, le Brésil s’étendrait de la latitude de la Suède à celle du Tchad et de la longitude de l’Islande à celle de la mer Noire. C’est donc un pays largement continental. La superficie du Brésil fait le double de celle de l’Union européenne.
Quelques équivalences de distances :
- Chui - Joao Pessoa = Lisbonne - Moscou
- Cruzeiro do Sul - Chui = Cap nord - Nauplie
- Oiapoque - Chui = Lisbonne - Bakou
- Pacarama - Joao Pessoa = Lisbonne - Vorkuta
Les échelles de grandeur sont donc totalement différentes de celles auxquelles nous sommes habitués. La France fait environ 1000 km sur 1000 km tandis que le Brésil fait 4000 km sur 4000 km. Le Brésil a donc une superficie 16 fois supérieure à celle de la France.
Les dynamiques démographiques
Les dynamiques économiques
Même si l’on entend souvent parler du Brésil pour des raisons agricoles, l’agriculture ne pèse plus grand chose dans l’économie du pays comme le montrent les 4 cartes ci-dessus.<br\> Dans le domaine agricole, l’État de Sao Paulo se détache (carte en haut à gauche). L’industrie (en haut à droite) et le commerce (en bas à gauche) représentent clairement plus que l’agriculture. Mais, on voit que ce sont les services (en bas à droite) qui représentent la majeure partie du PIB brésilien (pratiquement les 2/3 soit une situation presque comparable à celle de la France). L’activité économique principale se passe dans le Sud/Sud-est et dans les grandes villes, notamment Rio et São Paulo.<br\> Bien que l’activité industrielle soit concentrée autour des grandes villes, on trouve des foyers industriels sur des niches assez précises ailleurs (terminal pétrolier de Salvador de Bahia, fabrication d’avions à Bahia, etc.). |
Ressources en matières premières
Le gisement de fer de Carajas est le plus important du monde. En 2008, un premier milliard de tonnes avait été extrait. Le fer est acheminé par un chemin de fer spécialement construit, qui fait 900 km de long et s’étend de l’Amazonie à la mer. Découvert en 1960 par des géologues, ce gisement contient encore 17 milliards de tonnes de fer à exploiter. |
Dans la sierra de Carajas, on trouve également du cuivre (le Brésil est en train de devenir un des gros producteurs de cuivre), du manganèse et du nickel. |
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La déferlante du soja
Avec la crise de la vache folle et l’interdiction d’utiliser des protéines animales, le besoin en protéines végétales a explosé. Le Brésil est devenu l’un des principaux producteurs mondiaux de soja. |
Ces cartes permettent de voir que la culture du soja s’est déplacée au fil du temps. |
Sur cette carte, les cercles sont proportionnels à la quantité de soja produite. En bleu, la production décroît, en jaune, elle augmente. Les cultures de soja sont remontées de plus de 2 500 km vers le nord en 30 ans. |
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1/ Défrichage pour cultiver le soja à Santarem 2/ Pont par lesquels le soja est sorti des champs 3/ File d’attente des camions pour décharger le soja |
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Y Question : Que deviennent les terres où la culture du soja est arrêtée ? Sont-elles arides ? Le soja est une plante annuelle qui n’épuise pas spécialement les sols. On la cultive en rotation avec du maïs, du riz ou du blé selon les régions. Dans l’État du Mato Grosso, les agriculteurs sèment du maïs et de l’herbe juste après le soja (qui reste 3 mois en terre). Quand le maïs est récolté, ils laissent les chaumes pour faire pâturer le bétail.
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<br\> Les biocombustibles <br\>
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Le Brésil se détache également dans le domaine des biocombustibles. Suite à une étude, le Brésil a établi qu’il disposait de 18 plantes susceptibles de donner des biocombustibles. Les principales sont le soja, la canne à sucre dans l’État de Sao Paulo mais aussi dans le Nord-est, le palmier à huile en Amazonie, le ricin dans le Nord-est et le tournesol dans le Sud. Cultivées dans de nombreuses régions du Brésil, ces plantes permettent de produire de grandes quantités de biocombustibles d’ores et déjà utilisées. Toutes les stations brésiliennes sont équipées de pompes à alcool (elles avaient été implantées de façon autoritaire sous le régime militaire et ont permis de disposer de l’équipement nécessaire dès 2002 lorsque les voitures à biocombustibles sont apparues sur le marché).Toutes les voitures roulent à l’alcool puisque même l’essence est additionnée de 20 à 25 % d’alcool. Les brésiliens possèdent des voitures qu’on appelle flex où l’on peut mettre de l’essence, un biocombustible ou un mélange des deux. La règle qui prévaut est que lorsque le prix de l’alcool atteint 70 % du prix de l’essence, il vaut mieux mettre de l’essence. Mais, la plupart du temps le prix de l’alcool reste inférieur à 50 % du prix de l’essence. La rentabilité de l’alcool remplaçant l’essence est assurée depuis longtemps et celle du biodiesel est en passe de l’être.
<br\><br\> Les autres grandes cultures commerciales <br\>
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Le Brésil est le premier producteur mondial de café (25 à 30 %) et de canne à sucre. Si la production de riz est beaucoup moins importante, il est intéressant de remarquer qu’elle est localisée en deux régions : au Sud pour le riz alimentaire et sur l’axe du front pionnier car le riz sert à ouvrir les terres. Le manioc est présent un peu partout parce qu’il constitue la base de l’alimentation. Il constitue un bon indicateur de l’agriculture familiale concentrée dans trois régions principales. La culture des oranges est très concentrée dans l’État de Sao Paulo (3 communes de l’État de Sao Paulo et 3 communes de Floride produisent à elles seules 90 % de l’orange mondiale).
rang | Brésil | Argentine |
1 | Café, canne à sucre, oranges, haricots, maté, papayes | |
2 | Viande de bœuf, viande de poulet, soja, bananes, manioc, tabac | Maté, viande de cheval |
3 | Maïs, noix de cajou, ricin, poivre, mandarines | Viande de bœuf, soja, tournesol, citrons, artichauts, miel, |
4 | Viande de porc, noix de coco, cocons, ananas, | |
5 | Fèves de cacao, avocats, citrons | Maïs, poires |
6 | Jute | Sorgho, haricots verts, laine |
7 | Lait, œufs | Pamplemousses |
8 | Mangues | Ail, raisins, tabac |
9 | Riz | Thé, arachides |
10 | Caoutchouc, figues, oignons, sorgho | Lin |
Tableau récapitulant les diverses productions (tropicales ou non) du Brésil
La presse affirme souvent que la Chine est l’usine du monde, l’Inde, le bureau du monde et le Brésil la ferme du monde. Le Brésil se classe au 7e rang mondial pour les céréales, au 3e rang pour les viandes (c’est même le 1er exportateur de viande) et au 4e rang pour les fruits et légumes.
Y Question : A quoi est du le fait que l’on puisse faire trois cultures par an sur une même surface ?
C’est en raison du climat tropical. Trois cultures n’est pas la règle générale. Le plus souvent, il y a
deux cultures puisqu’il n’y a pas d’hiver.
Inégalités sociales et territoriales
PIB par États et microrégions
Représentation en 3D du PIB des États brésiliens. L’état de Sao Paulo se détache. |
Représentation en 3D du PIB par microrégion. Ce sont les microrégions des capitales qui concentrent une forte proportion de la richesse produite et consommée. |
Parmi les villes satellites, Nucleo Bandeirante est originale, car née des logements des ouvriers qui ont construit Brasilia. Quand le chantier a été fini, ils ont refusé de partir et on les a laissés s’installer. Avec le temps, d’autres villes se sont consolidées et sont aujourd’hui tout à fait convenables. Plus à distance de Brasilia, on trouve les endroits où s’accumulent les derniers arrivés, attirés par le mirage de Brasilia alors qu’il n’y a pas vraiment d’emplois pour eux. Ils viennent tout de même car ils savent que l’on va leur donner de la terre et des aliments.
Salvador de Bahia
Les inégalités sociales que l’on trouve entre les régions, les Etats et les microrégions, se retrouvent donc au cœur même des villes.
São Paulo, images de la croissance et des disparités
![]() | La zone en vert correspond aux terrains dépeuplés en 1886. La conquête pionnière dans l’État de São Paulo a donc 120 ans. |
Répartition du sol par revenus
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La carte met clairement en évidence une structure centre-périphérie. |
Répartition des types de logement
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1/ Les favelas entourent le centre | 2/ IDH par quartier |
Hiérarchies urbaines et hiérarchies du football
Le football étant primordial au Brésil, je me suis interrogé sur le lien possible entre hiérarchie des résultats au football et hiérarchie urbaine. On constate effectivement que les grandes villes du Sud ont de meilleurs résultats dans les championnats.
Peu de villes (excepté dans le Sud ou dans le cas de Santos qui héberge le club de Pelé) ont des résultats supérieurs à leur poids. On peut en revanche établir certaines corrélations :
J’ai poussé plus loin mon analyse car le regroupement des résultats par ville ne tenaient pas compte du fait que dans chaque ville, il existe plusieurs clubs. Il existe une corrélation entre la qualité des résultats et le nombre de clubs (excepté dans le cas de Brasilia qui héberge 15 clubs mais sans résultats). |
![]() | A Rio et São Paulo, il y a des équipes assez bien définies régionalement et socialement. Il y a donc une saine rivalité entre les supporters en fonction de leur origine et de leur classe sociale. |
Le travail esclave
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1/ Exemple de logement | 2/ Carnet qui permet de définir le statut d’esclave |
L’Organisation Internationale du Travail ne peut s’ingérer dans les affaires d’un État que s’il y a crime. Or, le crime est défini dans la législation internationale et dans la législation brésilienne par le fait de retenir des gens contre leur gré. L’esclavage est avéré quand on peut établir que les personnes sont retenues par la force ou la dette. Les « carnets » attestent donc de l’esclavage et lorsqu’une patrouille mobile en trouve, les personnes retenues sont immédiatement libérées.
![]() | A partir de ces données, on a donc pu établir que les « esclaves » sont principalement originaires des régions du Nord-est et sont retenus dans les régions de l’Amazonie orientale et du Mato Grosso. |
Corrélation des cas d’esclavage connus par dénonciation avec des facteurs exogènes
Y Question : Y a-t-il un racisme en fonction de la couleur de peau ou du niveau économique ?
Il existe une corrélation très précise entre la couleur de peau et les revenus. Je trouve personnellement que se lancer dans une politique fondée sur la couleur de peau est inquiétant. On commence en effet à établir des quotas. Pour le concours d’entrée, l’université où je travaille a décidé de donner des points d’avance aux gens qui ont étudié à l’école publique (école des pauvres au Brésil). Elle s’appuie donc sur un fait incontestable. Prendre la couleur de peau comme critère me semblerait plus discutable.
Au Brésil, il n’y a pas de lois racistes voire plutôt de la discrimination positive. Il existe néanmoins des préjugés très forts. Le niveau social et la couleur de peau sont tellement imbriqués qu’il est difficile de les séparer.
voir aussi :
- L'Atlas do Trabalho Escravo. Hervé Théry, Neli Aparecida de Mello Théry, Eduardo Girardi et Julio Hato. [1]
- Géographies du travail esclave au Brésil des mêmes auteurs publiée dans la revue Cybergeo : [2] * Une présentation de ce travail sur le site de Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS [3]
Comment citer cette page / Como citar esta página : Théry, Hervé, "Conférence de préparation au voyage d’études au Brésil. Jeudi 11 mars 2010", Wiki France-Brésil de l'IHEST, http://france-bresil.ihest.eu/Conférence de préparation au voyage d’études au Brésil. Jeudi 11 mars 2010 (Page consultée le 21/08/2025) |