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Annales de l'Est (2-2003) Laurent Jalabert

De Wicri Lorraine
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Des confins aux limites : la construction frontalière entre la France et le Saint-Empire du XVIIe au début du XIXe siècle


 
 

 
Annales de l'Est - 2003 - numéro 2
Titre
Des confins aux limites : la construction frontalière entre la France et le Saint-Empire du XVIIe au début du XIXe siècle
Auteur(s)
Laurent Jalabert
Affiliation(s) 
Centre de recherche universitaire lorrain d'histoire, Université Nancy 2, Nancy, Lorraine, France


Note : cet article ne traite pas de la mise en place de la frontière dans l'espace alsacien. Nous ferons tout de même des rappels qui nous sont apparus nécessaires.

L'intérêt pour les relations entre la France et le Saint-Empire n'est pas nouveau. Nombre de travaux d'histoire diplomatique traitent de la politique française à l'égard de l'espace germanique. Deux axes ont été privilégiés : l'étude des politiques d'alliances avec des princes d'Empire, catholiques ou protestants, ainsi que l'étude des traités, en particulier ceux du XVIIe siècle. On peut noter cependant que les historiens se sont davantage penchés sur les modifications territoriales de l'espace alsacien que sur celles de la région sarroise. De même, l'absorption de l'espace lorrain par la France est présentée par de nombreux travaux[1].

Pourtant, la mise en place progressive de la frontière nord-est, la politique des échanges frontaliers entre la France et les princes allemands, la disparition des enclaves étrangères semblent moins connues. Les publications sur ces sujets existent cependant, mais elles datent pour un grand nombre d'entre elles de plus d'un demi-siècle, voire d'un siècle ! Ce constat ne remet pas en cause la valeur de ces travaux, mais force est de constater que le contexte de publication - l'après-guerre franco-allemande[2][R 1] et l'entre-deux-guerres - n'est pas à négliger.

C'est dans ce climat passionnel que paraît la première vague de publications des historiens des deux nations sur la question des frontières[3] et que les premiers efforts de cartographie historique sont effectués[4].

Jean-François Noël a déjà souligné les problèmes historiographiques liés à ce contexte[5] : le principal reproche concernant ces publications est que les interprétations de la politique française sur la Sarre et le Rhin sont élaborées à travers le prisme du culte de la Nation. Maurice Fallex[6] constate, en comparaison avec la politique menée par Louis XIV, que « la politique de Louis XV et de Louis XVI fut molle, apathique, effacée. La tradition nationale se perdait (…) ». Au contraire les historiens allemands voient dans la politique extérieure française du XVIIIe siècle « la poursuite du séculaire expansionnisme de la France aux dépens de l'Empire »[7]. Or, ces deux interprétations ne tiennent pas compte des nouvelles orientations de la politique française avec l'Empire, en particulier après la guerre de Succession d'Autriche. À la fin des années 1960, il semble y avoir eu un renouveau dans les études concernant les frontières, avec un intérêt plus particulier pour les questions d'échanges frontaliers, alors que la période précédente avait davantage mis l'accent sur les entreprises armées du roi de France[8]. Ce n'est que depuis quelques années, peut être stimulés par les modifications territoriales en Europe, que les historiens travaillent à nouveau sur les frontières, en effectuant des recherches sur l'évolution de la cartographie frontalière et sur la notion de frontière[9] à travers les siècles[10].

L'observation simultanée de deux cartes de la frontière nord-est de la France – l'une datée de 1648, l'autre de 1815 ou de 1829 – pose des interrogations. Comment est-on passé d'une extrême imbrication territoriale, juridique, économique et religieuse à la définition d'une « ligne » ? Les changements frontaliers sont-ils seulement le fait d'un État – le royaume de France – qui aurait cherché à « rationaliser » son espace national ? Les princes allemands ont-ils contribué volontairement à l'élaboration des nouvelles frontières ? La frontière n'est-elle qu'un espace subit, fruit des aléas militaires et diplomatiques ou est-elle un espace construit, aboutissement d'ententes bilatérales ? Il s'agit de montrer les différentes étapes de la mise en place d'une frontière que nous connaissons aujourd'hui, en présentant l'évolution des politiques territoriales et les conséquences liées aux modifications frontalières.

LE TEMPS DES ENTREPRISES MILITAIRES : LE JEU DES ANNEXIONS.

La frontière Nord-Est, un espace incontrôlé.

À la fin du XVIe siècle, l'espace Lorraine-Sarre reflète une profonde imbrication territoriale et politique, donc juridique et religieuse. En effet, les terres du duc de Lorraine - l'État lorrain -, sont perclues d'enclaves. Des enclaves françaises constituées des villes de Metz, Toul et Verdun et du temporel des Trois-Evêchés ; des enclaves attachées au Saint-Empire : les comtés de Sarrewerden (possession Nassau-Sarrebrück), de Créhange (possession Wied-Runkel)[11] et de Salm ; à 3 km à l'ouest de Sarreguemines, se situent des terres de chevaliers d'Empire (Lixingen, Ruhlingen) appartenant aux von Kerpen, des terres de l'ordre teutonique (Hundlingen). Enfin, au nord des États du duc de Lorraine, on rencontre les terres hispano-luxembourgeoises, en particulier Thionville sur la Moselle. Il faut ajouter à cela les possessions seigneuriales lorraines (Beuren, Kirf, etc) dans les terres du Saint-Empire où le duc est co-seigneur avec l'évêque de Trêves… Par conséquent, des sujets lorrains vivent dans des enclaves en terre d'Empire. Ce rapide survol des frontières montre qu'il y a au Nord-Est du royaume de France un imbroglio territorial tel – auquel il faudrait ajouter celui de l'Alsace ! – qu'il « encourage toutes les intrigues »[12]. Comme celle par exemple de ces « lorrains » de Kirf qui ont si bien su jouer de l'ambiguïté seigneuriale que l'on n'a « jamais pu distinguer les sujets du Roi [nous sommes en 1789] qui, à leur gré, se sont déclarés tantôt Lorrains, tantôt Trévirois »[13]. L'objectif était bien entendu d'échapper au système d'imposition lorrain sur certains produits comme le sel. Cet espace n'est pourtant pas un espace de non-droit, bien au contraire. Les gens restent attachés aux droits qui définissent leur appartenance juridique et ses caractères. Pourtant, en cas de litige entre sujets de seigneurs frontaliers, devant quelle cour de justice porter sa plainte ? Son appel ?[14]. À la carte des juridictions lorraine et française se mêle celle des juridictions d'Empire. La carte confessionnelle est également largement tributaire de la carte politique : en terre lorraine, le protestantisme n'est pas toléré, alors qu'en terre nassauienne il est la religion officielle. Enfin, la circulation des biens reste difficile dans cette région : il y a de nombreux péages à franchir et de nombreux droits à honorer.

C'est à ce conglomérat de droits, de coutumes, de langues[15] et de religions que la monarchie française prête intérêt au XVIIe siècle. Cet intérêt n'est cependant pas nouveau. Après le mirage italien, la France regarde à nouveau de plus près ces terres d'Empire secouées par les agitations religieuses. Henri II s'empare en 1552 de Metz, Toul et Verdun jetant ainsi de solides bases à de futures conquêtes : « Henri II, sans qu'il l'eût voulu dans un premier temps, fut ainsi amené, et ses successeurs après lui, à tout faire pour garder Metz et à porter plus d'attention aux pays et aux problèmes d'entre Meuse et Rhin, en dehors de toute idée de « frontières naturelles » »[16].

Avec les débuts de la guerre de Trente Ans, les conditions sont peu à peu réunies pour favoriser les entreprises françaises. Le premier obstacle à surmonter est lorrain. Le rôle joué par la famille de Lorraine dans la seconde moitié du XVIe siècle, alors que le royaume est déchiré par les guerres de religion, inquiète la monarchie ; de plus, les ducs se livrent à « une politique de balançoire » entre la France et l'Empire dans le but d'affirmer leur indépendance, en se mettant sous la protection d'un empereur lointain[17] et du droit d'Empire pour se garantir du puissant voisin français, tout en refusant de vraiment participer à la réforme de l'Empire[18]. Or, dans la sphère d'influence française, avec l'affirmation progressive de l'absolutisme, le temps n'est plus aux petites unités territoriales qui exercent sur les frontières des forces centrifuges.

L'objectif des Français est de se constituer un système frontalier cohérent, sans que l'on puisse toutefois parler d'une limite bien déterminée. Il s'agit avant tout de repousser la frontière militaire plus à l'Est. L'espace lorrain constitue une menace pour la France car c'est une zone de passage entre les terres des Habsbourg et il peut éventuellement servir de base d'attaque pour ces derniers ; il faut donc assurer la frontière nord-est, libérer la Champagne (et Paris) d'un danger omniprésent. Dans le contexte de la guerre de Trente ans, Richelieu jette les bases d'une politique rhénane où l'objectif n'est pas d'annexer les terres jusqu'au Rhin mais seulement « des passages pour s'y rendre »[19], « conception stratégique et non territoriale »[20]. Ce n'est qu'après 1640 que l'annexion des terres alsaciennes est peu à peu envisagée. En fait, au-delà des préoccupations stratégiques, il est difficile de déterminer une politique annexionniste suivant un plan d'ensemble bien conçu. Au contraire, les événements semblent montrer que les annexions territoriales sont davantage tributaires du sort des armes et que la monarchie française est peu à peu passée de la volonté de créer une zone d'influence fiable à celle de s'annexer des territoires. Il n'y a donc pas eu de véritable politique expansionniste française comme certains historiens allemands de l'entre-deux guerres ont eu tendance à le dire, ni de volonté farouche des Français d'atteindre des « frontières naturelles »[21].

« De la souveraineté du Roy… » (Charles Hersant) ou la justification des entreprises royales.

Toutefois, on peut parler d'une véritable politique interventionniste dans les espaces lorrain, sarrois et alsacien à partir de la première moitié du XVIIe siècle. Sous Louis XIII, l'essor de cette politique s'inscrit dans la continuité de celle entreprise par Henri II. Celui-ci a établi un système de protection permettant à la France de s'engager plus avant dans des territoires qui ne sont pas de son ressort.

Ce système « chevaleresque » recèle cependant dans son fonctionnement les éléments d'une politique moins noble : en effet, cette protection est mise en application en cas de danger ; elle implique donc une intervention armée du protecteur qui doit par la suite se retirer… Or, la tentation de rester est grande surtout lorsque l'on est convaincu de recouvrer ses droits. Déjà Sully estimait que pour rendre à la France son ancienne splendeur, il fallait lui rendre les pays « qui lui ont autrefois appartenu et semble être de la bienséance de ses limites, la Savoie, la Franche-Comté, la Lorraine, l'Artois, le Hainaut, les provinces des Pays-Bas, et enfin le Roussillon » et Richelieu pensait qu'il fallait « mettre la France en tous lieux où fut l'ancienne Gaule.[22] » Voilà des paroles suffisamment vagues pour permettre de multiples interprétations ! Bienheureux celui qui connaissait les limites de « l'ancienne Gaule » ! En dépit de ces affirmations, il ne faut pas voir là un programme comme le pensait Ernest Lavisse. C'est la guerre qui a bâti la politique des frontières. À partir des années 1630 et du passage progressif de la guerre couverte à la guerre ouverte, l'objectif est d' « arrêter les entreprises continuelles du duc de Lorraine, veiller aux droits du Roy, établir entièrement son autorité en ces pays (…), y établir une bonne justice (…)[23] » (Richelieu). La monarchie française favorise alors le développement d'une littérature destinée à justifier les droits du roi sur les régions sises entre Meuse et Rhin. En 1632, Charles Hersant, chanoine de Metz, publie un traité intitulé De la souveraineté du Roy à Metz, pays messin, et autres villes et pays circonvoisins qui étaient de l'ancien royaume d'Austrasie ou Lorraine. Contre les prétentions de l'Empire, de l'Espagne et de la Lorraine et contre les maximes des habitants de Metz qui ne tiennent le Roy que pour leur protecteur. Cardin Le Bret, intendant des Trois-Evêchés depuis 1624, publie également en 1632 un autre plaidoyer en faveur des intérêts du roi[24]. Dans De la souveraineté du Roy, Le Bret en appelle au souvenir de l'ancienne Austrasie franque, justifiant ainsi les droits du roi sur les Trois-Evêchés, « reléguant le duc de Lorraine au rang d'usurpateur[25] ». Reste que l'Austrasie franque possède des frontières bien mouvantes : « L'Austrasie qui est la Lorraine, s'estendait jusques au Rhin, et ce Roy là avait sa maison royale à Metz, quelque fois à Aix, et comme ont dit aucuns, à Cologne. L'Austrasie comprenoit la Lorraine, le Brabant et toute la terre qui est enfermée de ces deux fleuves, le Rhin et la Meuse, depuis Cologne jusques au pays d'Alsace[26]. » Il est du bon droit du roi de France de revendiquer les terres à l'Est de son royaume actuel car il en est resté le suzerain, ce que démontre Jacques de Cassan par des pirouettes argumentatives : « la vieillesse de ces droits si anciens ne peut affaiblir ou diminuer leur vigueur ; au contraire cette profonde antiquité en augmente la force. Car les couronnes de France ne sont pas hommagères de la vicissitude du temps, mais la dignité royale (…) conserve sa prérogative malgré la révolution des années[27]. » Il est ainsi juste que le roi entreprenne la reprise en main de ses terres afin d'y faire régner à nouveau une « bonne justice » (Richelieu).

Les interventions françaises sur la frontière nord-est sont ainsi justifiées, en partie grâce au travail de juristes, par de bonnes causes : la reconquête des droits perdus et la protection des plus faibles. À cela, il faut ajouter la volonté du roi de France d'utiliser les possibilités du droit d'Empire et de se présenter comme le défenseur des « libertés germaniques », même si cet argument ne leurre plus personne dans l'Empire après la guerre de Trente ans. Tous les arguments pour entreprendre s'il le faut une « guerre juste » sont donc élaborés en cette première moitié du XVIIe siècle. Le souverain français peut ainsi « reconquérir son pays par les mêmes moyens dont on s'est servi pour l'usurper sur lui.[28]. »

Premières interventions dans l'espace lorrain.

Henri II s'est emparé en 1552 des Trois-Evêchés par la politique de protection. La reconnaissance de ce rattachement à la France ne se fait officiellement que lors des traités de paix de Westphalie, en 1648. Or depuis l'intervention de Henri II, les Français ont entrepris la conquête juridique de ces territoires en faisant glisser les appels de la chambre impériale de justice (Reichskammergericht) à un procureur du roi établi dans la cité de Metz (à partir de 1607). Par ce biais, le temporel des Trois-Evêchés a progressivement été administré par les Français ; toutefois, cela a pris du temps en raison des fortes réticences des chapitres cathédraux et des menées de Charles de Lorraine, évêque de Verdun. Les événements politiques poussent le roi Louis XIII à aller plus loin. L'attitude du bouillonnant duc de Lorraine, Charles IV, inquiète la France. Au début de l'été 1632, les troupes de Louis XIII entrent dans les duchés afin de s'assurer de la Lorraine. En janvier 1633, le Parlement de Metz est créé : les Français possèdent alors « un instrument redoutable » dont ils se servent d'abord comme juridiction d'appel des tribunaux urbains et épiscopaux[29]. Une intendance des Trois-Evêchés est mise en place fin 1634 et le temporel des évêchés est structuré en bailliages soumis au parlement de Metz. Le conseil souverain de Nancy est supprimé en juillet 1637, provoquant l'extension du ressort du parlement de Metz. Le duc Charles IV, grâce au traité de Saint-Germain du 29 mars 1641, retrouve pour peu de temps ses duchés. Ceux-ci sont en effet réoccupés par les Français dès la fin de 1641. Au traité de Münster, l'Empire reconnaît la souveraineté française sur les Trois-Evêchés (art. 72-73), mais la question lorraine reste attachée au règlement du conflit entre la France et l'Espagne. Le traité des Pyrénées (8 novembre 1659) permet à la France de s'assurer de points d'appuis sérieux au nord des duchés de Lorraine : elle obtient de l'Espagne les prévôtés de Montmédy, Yvois, Damvillers, Marville (en partie seulement) et Thionville sur la Moselle. Après un dernier sursaut, Charles IV accepte enfin un accord avec la France : le traité de Vincennes (28 février 1661) lui permet de retrouver ses duchés mais amputés des prévôtés de Sierck, de Sarrebourg, de Phalsbourg et de la Terre de Gorze ; de plus, un chenal de 2 km de large est prévu pour permettre de relier Metz à Phalsbourg.

En 1661, les premières avancées françaises vers l'est sont sensibles. Certes, les duchés de Lorraine sont toujours en place, mais ils ont été ébranlés par la guerre, les raids et les occupations de troupes ; ils appartiennent dorénavant à la sphère d'influence directe de la France. Influence qui se renforce peu à peu à partir de 1664 lorsque le roi de France obtient du pape la nomination des évêques de Metz, Toul et Verdun, et donc la possibilité de s'immiscer davantage dans les duchés par le biais des juridictions spirituelles. De plus, la France s'octroie des places de choix dans l'espace lorrain par l'affirmation de l'annexion des Trois-Evêchés et la possession de verrous sur la Moselle (Thionville, Sierck et trente villages qui permettent la liaison terrestre continue entre Metz et Sierck) : « la monarchie dispose ainsi de trois chenaux d'orientation complémentaire qui lui permettent, outre l'accès direct aux duchés en tous points, l'action à revers sur les Pays-Bas et au cœur de l'Empire – les électorats rhénans – par la Moselle, ou en Alsace[30]. » La maîtrise de l'axe mosellan est complétée par les premières acquisitions françaises sur la Sarre. Avec la cession de Sierck, le duc de Lorraine a également cédé Montclair et Fremersdorf, sur la Sarre, ainsi que Siersdorf sur la Nied (carte 1). Ce sont là des acquisitions importantes pour la France car le château de Montclair contrôle le transport fluvial de bois destiné aux Provinces-Unies et en retour le commerce des produits coloniaux. Siersdorf constitue d'autre part un point de passage essentiel sur la Nied pour la route Haut-Rhin - Luxembourg - Pays-Bas espagnols[31]. En 1661, la monarchie française maîtrise ainsi des points et des couloirs de passages stratégiques aux portes du Saint Empire[32].

Le développement d'une politique territoriale : les réunions.

Pendant plus de dix ans les conquêtes françaises connaissent une longue pause qui « précède l'élargissement des conquêtes (1674-1684) au sein de ce Nouvel Est encore vacuolaire[34]. » Au cours de cette pause, Louis XIV ne reste cependant pas inactif, comme nous l'avons vu avec le droit de nomination des évêques lorrains, bien qu'il soit engagé dans la guerre de Dévolution avec l'Espagne (1666-1668). Les traités des publicistes royaux du règne précédent ne sont pas restés lettres mortes. Déjà à partir de 1656, le Parlement de Metz est chargé de rechercher les droits et les territoires ayant appartenu autrefois aux seigneuries des terres cédées à la France aux traités de Westphalie. En 1663, Colbert de Croissy, chargé de cette recherche en Alsace et pour la généralité de Metz, présente un rapport où il montre les « usurpations faites par les ducs de Lorraine et de Bar et autres puissants du Verdunois[35] » sur les temporels des Trois-Evêchés. En 1667, Aubéry publie à Paris un nouveau traité : les Justes prétentions du Roi sur l'Empire, une dissertation historico-juridique qui tente de montrer que le roi de France peut revendiquer nombre d'États du Saint-Empire considérés comme « le patrimoine de l'ancien héritage des princes français, ayant été possédés par Charlemagne en tant que roi de France et non point en tant qu'empereur »[36]. Enfin, en 1668, Denis Godefroy dresse, par ordre du roi, un inventaire des chartes qui pouvaient servir à étayer les revendications françaises. Sur le terrain, les partisans de la France ne restent pas non plus inactifs. Après la paix d'Aix-la-Chapelle, l'évêque de Metz, Monseigneur de La Feuillade, entreprend une visite de son diocèse qui a la particularité de recouvrir des possessions lorraines et allemandes, dans l'archidiaconé de Sarrebourg. Les princes allemands voisins ne se trompent pas quant au caractère de cette visite[37] : derrière la volonté de visiter les fidèles du diocèse, ils devinent une arrière-pensée politique qui vise à « prendre la température » de la population. Le rapport dressé semble aller en partie dans ce sens[38].

Avant de songer à de possibles interventions plus au Nord, il faut régler la question lorraine. Le roi envisage dans un avenir proche une guerre avec la Hollande : il ne peut laisser sur sa frontière est Charles IV qui continue d'entretenir des troupes. Fin août 1670, les soldats du Roi-Soleil occupent à nouveau la Lorraine. Comme lors de l'occupation des années 1630, la France installe un intendant et rattache les duchés à la juridiction du Parlement de Metz « avec la volonté d'abolir la « mémoire » lorraine (transfert des archives ducales à Metz)[39]. » À partir de ce moment, la volonté de rattachement des duchés au royaume paraît évidente. Reste cependant que la France doit compter avec le sort des armes. La guerre de Hollande (1672-1679) n'apporte pas de gains territoriaux pour la France au Nord-Est, en-dehors bien sûr de la cession par l'Espagne de la Franche Comté (traité du 17 septembre 1678). Lors du traité avec l'empereur le 5 février 1679, la France promet de rendre les duchés à Charles V, moins Longwy et Nancy. Charles V rejette ce traité et les Français continuent à occuper ses terres et peuvent ainsi poursuivre la politique de francisation.

Les traités de Nimègue marquent la fin de la « longue pause ». Le climat politique pour entreprendre les réunions paraît favorable : les relations avec certains princes de l'Empire, la Bavière ainsi que les Électeurs de Brandebourg et de Saxe entre autre, garantissent au roi une paralysie relative du côté du Saint-Empire et en particulier de l'empereur. Les instruments des réunions sont alors mis en œuvre : il faut rendre justice au roi en le faisant rentrer en possession de ses biens usurpés. La diplomatie française utilise alors les faiblesses rédactionnelles du traité de Münster dont Colbert de Croissy « eut soin de faire respecter le galimatias[40] » à Nimègue. La rédaction du traité reste en effet suffisamment floue pour permettre plusieurs interprétations : les territoires cédés à la France le sont avec « dépendances et annexes » sans autre précision de lieux. En 1678, Denis Godefroy dresse à nouveau un inventaire des chartes prouvant les droits du roi. Il s'agit à présent d'user du vieux droit féodal pour s'emparer de nouvelles terres. En 1679, les évêques de Metz, Toul et Verdun, appelés à renouveler leur hommage au roi, prétendent ne pouvoir présenter des dénombrements de leurs fiefs, leurs vassaux ayant bafoué leurs droits ; ils en appellent alors au roi comme arbitre. En septembre 1679, la chambre de réunion de Metz est instituée, avec un serviteur royal zélé à sa tête, Ravaulx[41]. Avec les réunions de la chambre royale de Metz se constitue en quatre années une nouvelle province, la province de la Sarre avec à sa tête un intendant en la personne d'Antoine Bergeron de La Goupillière. Toutefois, il ne semble pas que les limites de cette province aient été définies par un plan préalable, même si sa constitution « ne se fit pas tout à fait au hasard des chartes retrouvées[42]. » Des reconnaissances ont eu lieu sur le terrain, mais guidées par des considérations militaires ; la connaissance des lieux restait somme toute approximative, en partie par l'absence de cartes précises.

Jusqu'au traité de Ryswick, en 1697, les frontières du royaume de France pénètrent l'espace germanique en profondeur, au-delà de la Sarre (carte 1). La frontière nord du royaume, matérialisée en partie par des péages sur les rivières, suit alors le cours de la Moselle, tout en longeant les terres de l'Électorat de Trêves puis le cours de la Nahe ; elle s'approche du Rhin à l'ouest de Worms. Le morcellement frontalier est repoussé vers le Nord mais ce tracé complexe ne dure pas[43]. Le bilan peut apparaître mitigé si l'on oublie que l'essentiel pour les Français consiste en la formation d'une ligne de défense solide. De plus, avec la politique des réunions, la France a permis le renforcement du catholicisme dans des terres où il en était absent parfois depuis plus d'un siècle. La clause 4 du traité de Ryswick permet en effet à la religion catholique de subsister là où elle existe au moment du traité. Si les innovations religieuses ouvrent une période de querelles dans l'Empire sur la validité ou non de cette clause, il n'empêche que le roi de France s'offre ainsi la possibilité d'intervenir dans les affaires allemandes : il est le défenseur des catholiques à la Diète et, comme garant du traité, il peut intervenir au-delà de la frontière pour maintenir leurs droits. La frontière reste un espace perméable.

La frontière militaire.

L'objectif premier de la politique des années 1680 est militaire[44]. Si la frontière administrative reste complexe et parfois diffuse, la frontière militaire doit s'articuler sur de solides bases car elle défend les nouvelles conquêtes et le royaume ; en même temps, cette ligne défensive peut servir de base à des opérations militaires. Les territoires annexés au royaume ont donc une importance militaire que ne néglige pas la monarchie, bien au contraire. Il a cependant fallu tenir compte de certaines données politiques. La volonté de préserver des alliances et un certain équilibre politique a modéré les investigations françaises : les possessions des Princes-Electeurs ecclésiastiques ont globalement été préservées. Le réalisme stratégique domine la politique française de conquête. Déjà au traité des Pyrénées, elle a su acquérir des passages importants sur la Moselle et la Sarre. Dès la fin de l'année 1679, Thomas de Choisy inspecte la région de la Sarre ; les hommes de Vauban sont déjà à l'œuvre sur le terrain pour reconnaître les meilleures places stratégiques, esquisser les plans des futures places fortifiées. Le but est bien de consolider une frontière militaire dans le système du pré carré. La ligne fortifiée du Nord-Est ne cesse de progresser au cœur du Saint Empire de 1663 à 1684 (carte 1) : en une vingtaine d'années, la ligne Montmédy-Thionville-Metz-Marsal-Phalsbourg-Brisach est doublée par celle Thionville-Sarrelouis-Hombourg-Bitche-Strasbourg après la guerre de Hollande ; pendant les réunions, le système fortifié français s'appuie sur de nouvelles places, Luxembourg, Mont-Royal et Landau. Derrière cette ligne se dessine un terrain pour les manœuvres et les opérations militaires, ainsi que le contrôle du Rhin supérieur, de la Sarre et de la Moselle. En 1697, la ligne fortifiée française est ramenée hors des terres de l'Empire : la plupart des places fortes sont détruites mais Sarrelouis et Landau subsistent, formant ainsi deux points d'appui.

LE TEMPS DES LIMITES[45].

Avec la guerre de Succession d'Espagne et la fin du règne de Louis XIV l'époque des conquêtes frontalières s'achève. Les traités de Rastadt (6 mars 1714) et de Baden (7 septembre 1714) reprennent le traité de Ryswick et n'apportent aucune modification importante de la frontière entre la France et le Saint Empire. Il reste cependant à clarifier l'espace de contact.

Les affaires lorraines.

Depuis les années 1660, l'espace lorrain est de plus en plus sous l'influence de la France. Les occupations militaires, les interventions des évêques dévoués à la France, les changements de juridiction et le rôle du Parlement de Metz ont miné le pouvoir ducal. Le duc Léopold cherche à faire valoir la neutralité lorraine afin d'assurer la survie de ses États face à la France. Au traité de Paris, le 21 janvier 1718, Léopold doit faire des concessions : Sarrelouis, Phalsbourg, Sarrebourg et Longwy restent françaises[46]. Le territoire de Sarrelouis est agrandi des villages de Lisdorf, Ensdorf, Fraulautern, Roden, Beaumarais, Vaudrevange[47]. Longwy voit également son territoire se compléter de nouveaux villages[48]. Ce traité confirme à la France des points d'appui fortifiés essentiels ainsi que la maîtrise de la route vers l'Alsace avec Phalsbourg. En échange, le duc Léopold obtient la châtellenie de Rambervillers et le titre d'Altesse Royale.

Comme l'a si bien dit François-Yves Lemoigne, « Les années 1730 scellent le destin des duchés[49] ». Les duchés sont à nouveau occupés par les Français sous les ordres de comte de Belle-Isle de 1733 à 1736. La frontière lorraine reste incertaine. Au cours des années 1720, le duc recherche un rapprochement avec la cour de Vienne qui est concrétisé par le mariage en 1736 de l'héritier lorrain, François, avec l'héritière autrichienne, Marie-Thérèse. Par ce mariage, la maison d'Autriche devient un voisin bien trop proche pour la France. Les diplomates français exploitent les cartes du jeu politique de lEmpire pour mettre la main sur la Lorraine : la France reconnaît à l'empereur Charles VI la Pragmatique Sanction, le mariage lorrain en échange d'un « arrangement ». Au traité de Vienne (18 novembre 1738), le roi de Pologne déchu et beau-père de Louis XV, Stanislas Leszcinski, obtient à titre viager les duchés de Bar et de Lorraine. Lorsque Stanislas meurt, le 23 février 1766, les duchés deviennent officiellement français. Dans les faits, l'annexion est déjà chose accomplie car l'administration territoriale des duchés est exercée par des Français[50] (convention de Meudon, 11 avril 1736) et Cormontaigne œuvre depuis 1727 à consolider la frontière militaire sur la Moselle[51].

Les rectifications de frontières de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

L'esprit de la politique française a changé au cours du XVIIIe siècle[52], n'en déplaise à certains historiens allemands qui ont par le passé développé la thèse de la « pénétration pacifique » (friedliche Durchdringung). Signe de cet esprit nouveau, le transfert des affaires des provinces frontalières du Secrétariat d'État à la guerre à celui des Affaires étrangères. À la convention de Meudon, la volonté de régler les ambiguïtés propices aux querelles frontalières est affirmée : « Par rapport aux différentes enclaves et terres meslées avec differens Princes de l'Empire il sera pris, de concert avec Sa Majesté Imperiale de telles mesures et arrangemens, que l'on ne laisse subsister aucune occasion ou pretexte qui pourroit donner lieu à troubler le repos et la bonne intelligence réciproque[53]. » Les travaux commencent dès le traité de Vienne mais la guerre de Succession d'Autriche paralyse les négociations jusqu'en 1763 ; les objectifs restent cependant identiques comme le précisent les instructions au comte de Montmorin, envoyé à Trèves, en 1775 : il lui est conseillé de « 1° terminer les contestations qui subsistent entre les deux États par rapport à de certains territoires litigieux ; 2° de partager quelques territoires indivis (…) 3° d'échanger quelques territoires frontaliers conformément aux convenances réciproques[54]. » Au-delà des préoccupations frontalières, la France désire affirmer ses positions dans l'Empire en nouant des alliances : au comte de Montmorin, il est précisé « qu'on fait servir l'arrangement des limites, déjà utile en lui même, de prétexte à un sistème d'union dont il seroit bien important de donner l'exemple aux Princes d'Allemagne[55] ».

De 1769 à 1786, de multiples traités entre la France et les Princes d'Empire régularisent peu à peu le tracé de la frontière (carte 2). La motivation première est de « purger »[56] une frontière où les imbrications sont propices à tous les désordres et les abus. D'ailleurs, lorsque cela est nécessaire, ces accords stipulent dans le détail la renonciation de chacune des parties à de prétendus droits sur des terres enclavées. Il s'agit de ne pas récréer ce que l'on tente de défaire. Les enclaves françaises dans l'Empire, comme Castel, sont de véritables « eldorado » pour les trafiquants de tabac et de sel, le prix de ces produits étant moins onéreux en Allemagne[57]. L'une des sources d'abus est l'existence de possessions en indivis auxquelles sont inévitablement liés les « vices inséparables de la forme d'administration qu'on y avait introduits (…)[58]. » Des sujets français se trouvent à Kirf, Beuren et Altscheuren, villages en indivis avec l'Électeur de Trêves : la France souhaite se débarrasser de droits sur des villages enclavés à deux ou trois lieues de la frontière et qui « sont à peu près perdus pour la France qui n'en retire point d'autre avantage qu'une très modique imposition[59]. » D'autres considérations économiques apparaissent, en particulier le désir de mieux maîtriser le commerce national qui dépend partiellement de puissances étrangères. Entre Thionville et Trêves, il y avait douze lieues sous dépendance autrichienne à franchir[60]. Le cours de la Sarre est entravé par de nombreux péages relevant du comte de La Leyen[61]. Les considérations stratégiques ne sont pas à négliger. Alors qu'il est question en 1778 de l'établissement d'une route reliant Trêves à Metz, passant par Konz (rive gauche de la Sarre) - Saarburg – Orscholz – Sierck – Thionville et évitant le territoire luxembourgeois, Moutier précise : « Si l'on veut la considérer sous un point de vue militaire, il me semble qu'il peut être important dans un événement d'avoir à porter promptement des troupes sur différentes parties du Rhin. La nouvelle route qui doit communiquer directement avec Thionville et Metz offre un moyen de plus de faciliter la marche des troupes qu'on pourrait faire partir de ces deux villes de guerre[62]. » La France souhaite créer un espace viable pour les mouvements de troupes sur une ligne Meuse-Queich qui s'articulerait sur la Sarre moyenne. Pour Jean-François Nöel, il faut également tenir compte du facteur confessionnel dans les régularisations de frontières[63]. Il convient de nuancer cette idée car il semble difficile de déterminer le rôle du catholicisme et de la carte confessionnelle dans les échanges de lieux. Il paraît plus probable que les motivations confessionnelles se soient arrêtées aux intérêts politiques ; en cas contraire, étant donné l'imbrication religieuse, le tracé de la frontière n'eût été en rien simplifié… Toutefois, il s'agit d'approfondir la question par une analyse, village après village, afin de véritablement peser le poids de ce facteur religieux.

Les négociations pour fixer les limites s'effectuent sur des renseignements que l'on veut les plus fidèles possible à la réalité. Au Secrétariat d'État des Affaires étrangères sont constitués des bureaux dont le travail consiste à l'élaboration des nouvelles limites, notamment à l'aide du service cartographique qui se développe. En 1746, un fonds des limites est créé aux Affaires étrangères à partir des archives de Jean-Baptiste Duché, auparavant chargé au Secrétariat d'État à la guerre des limites avec le Saint-Empire[64]. Sur le terrain, des commissaires suppléés par des arpenteurs travaillent au bornage. En Lorraine, Joseph Mathis, commissaire général des limites en 1766, et son fils Charles-Alexandre, secrétaire interprète, travaillent aux règlements des limites entre la France et les petites principautés de Lorraine[65]. Des enquêtes ont lieu afin d'établir des dénombrements destinés à fixer la valeur des territoires à échanger et donc le montant des compensations à verser pour qu'aucune des parties ne soit lésée.

La frontière à la veille de la Révolution française.

La France, dans les échanges frontaliers, s'est efforcée « de faire coïncider la frontière avec des obstacles naturels, notamment avec les fleuves » Jean-François Noël comme le confirme l'article 3 du traité avec Trêves de 1778 pour la Sarre[66]. Cet objectif est-il atteint à la veille de la Révolution française ?

Les principales négociations, en ce qui concerne notre région, se déroulent avec les comtes de Nassau, le duc de Deux-Ponts et l'Électeur de Trêves. Dans les traités avec Nassau-Sarrebrück (15 février 1766 et 16 novembre 1770), le roi cède Püttlingen, et des morceaux de l'office de Schaumbourg situés dans l'Empire ; ils apportent au roi dix villages et hameaux au sud de Sarrelouis dont Wadgassen (avec l'abbaye et ses dépendances), Überherrn, Carling ; dans le comté de Sarrewerden, il obtient Postrof (ou Posdorf) contre la cession de Wolfskirchen[67]. La France consolide ses positions sur la Sarre, en particulier avec l'acquisition de Carling qui assure la continuité de la route militaire Saint-Avold – Sarrelouis. Grâce aux échanges de quelques localités avec Nassau-Weilbourg (24 janvier 1776), le pont de la Sarre fait la frontière entre Bouquenom et Neusaarwerden ; toutefois, l'enclave de Sarrewerden subsiste. La Blies et la Sarre servent de limite entre la France et le comté de La Leyen (22 septembre 1781) ; la France reçoit Schweigen, Welferding, Wüstweiler, et Freyming. Plus à l'ouest, le traité avec l'impératrice (16 mai 1769) octroie à la France vingt-deux villages situés dans le duché du Luxembourg : la frontière se fixe sur le ruisseau de Frisange. Au duc de Deux-Ponts (traités des 3 avril 1784 et 15 novembre 1786), la France cède le bailliage de Schaumbourg enclave en terre d’Empire. Enfin, avec l'Électorat de Trèves, l'accord du 1er juillet 1778 met fin au condominium entre les deux États sur le Saargau et Merzig ; la France renonce à Merzig et à ses droits sur la rive droite de la Sarre et entre en pleine possession du Saargau. La rivière de la Sarre forme ainsi la frontière[68].

À la veille de la Révolution française, le tracé de la frontière au Nord de la Lorraine semble un peu plus régulier : en plusieurs endroits, les cours d'eau indiquent la limite ; nombre d'enclaves françaises ont disparu. La frontière existante ne donne plus lieu à des revendications sérieuses[69], mais elle ne consiste toujours pas en une seule limite. En 1789, la France possède encore des enclaves en terre d'Empire : Castel, Kirf, Beuren, Oberleuken et, sur la Queich, Landau. Les enclaves d'Empire ne sont pas des moindres : le comté de Créhange, le comté de Sarrewerden qui contient lui-même l'enclave française de Bouquenom, Manderen et la principauté de Salm. Toutefois, la France est parvenue à remplir une partie de ses objectifs car elle maîtrise mieux les routes stratégiques et commerciales et ses rapports avec le Saint-Empire se sont clarifiés sur la Sarre.

La régularisation du tracé de la frontière dans la première moitié du XIXesiècle.

Les deux premières années de la Révolution française n'ont pas de conséquences sur le tracé de la frontière. À partir de l'été 1792, les troupes de la coalition franchissent la frontière : il s'ensuit des opérations militaires à l'avantage des Français qui en profitent pour annexer de nouveaux territoires et créer le département de la Sarre. En 1793, les enclaves d'Empire subsistent cependant toujours alors que les habitants de certaines d'entre elles émettent le désir d'être rattachés à la France, au nom de la fraternité des peuples. Dans une séance à la Convention, le 14 février 1793, Carnot propose d'accéder à la requête de ces habitants : « De semblables pétitions vous ont été adressées par la majorité des habitants des communes de Saarwerden et du bailliage de Harskirchen (…). Votre comité diplomatique vous propose également la réunion de ces contrées à la France[70] ». Par un décret du même jour, les comtés de Créhange et de Sarrewerden[71] ainsi que le Bas-office de Schaumbourg (cédé à Deux-Ponts en 1786) sont rattachés à la République française.

Les Cent-Jours remettent en cause les négociations entreprises en 1814 concernant les modifications frontalières. En avril 1815, les enclaves d'Empire de Hundling, Rouhling, Lixing, Zetting et Diding, situées près de Sarreguemines, sont annexées à la France. Ce n'est que la convention des limites du traité de Paris du 20 novembre 1815 qui fixe clairement les choses : « les frontières de la France seront telles qu'elles étaient en 1790, sauf pour les modifications [suivantes]. » La frontière, à partir de la Moselle, passe à Perl, puis par Launsdorff, Waldwisse, Schwerdorf, Niederweiling, Berweiler (villages français) ; elle suit alors l'ancienne limite du comté de Sarrebrück et se dirige vers la Lauter. Ainsi, la France voit sa frontière revenir en deçà de celle existante en 1790 : désormais, les deux rives de la Sarre sont allemandes. Sarrelouis est située à présent à environ 5 km de la France qui a également perdu le Saargau. Le tracé de la limite est en fait précisé par des conventions entre la France, la Prusse et la Bavière[72] au cours des quinze années suivantes. Par la convention avec la Prusse du 23 octobre 1829, la France renonce définitivement au district de La Leyen situé entre la Sarre et la Blies ; les deux puissances s'échangent des villages avec le souci, semble-t-il, de régulariser le tracé de la frontière[73]. Celle-ci est à présent bien délimitée par des bornes et chaque convention précise le tracé de la limite en dressant la liste des villages français et allemands entre lesquels elle passe. Le temps des ambiguïtés tatillonnes est révolu.

CONCLUSION.

Il a fallu deux longs siècles d'entreprises militaires et diplomatiques à la France pour construire sa frontière au Nord-Est. L'intérêt de la France pour cette région a été continu, mais les méthodes ont changé progressivement à partir de la fin du XVIIe siècle. Le règlement de la guerre de la Ligue d'Augsbourg, à Ryswick, en 1697, a révélé les limites d'une politique annexionniste. Après la mort de Louis XIV, la Régence a fait de la patience une carte maîtresse du jeu diplomatique : concernant les affaires frontalières, la négociation prime. La guerre n'est plus à l'origine du règlement des frontières. Celui-ci est devenu progressivement, au cours du XVIIIe siècle, une affaire de techniciens. Les motivations françaises consistent alors à créer une frontière viable, tant d'un point de vue administratif qu'économique. Les aménagements frontaliers durables dans l'espace Lorraine-Sarre sont les fruits d'accords entre États. Si les annexions révolutionnaires ont pu être interprétées comme la preuve du désir perpétuel de la France de pénétrer plus avant l'espace allemand, il est préférable de les comprendre comme un épiphénomène inhérent à la dynamique révolutionnaire.

De 1648 à 1829, les principaux gains territoriaux de la France consistent en l'annexion des duchés lorrains, ainsi qu'en la réduction des enclaves appartenant aux princes d'Empire. La frontière du Saint-Empire, du XVIe au XIXe siècle, a été déportée de la Meuse à la Sarre. À bien y regarder, la construction de la frontière s'est également effectuée au prix d'une contraction de l'espace français, principalement après la période révolutionnaire et impériale où c'est un pays vaincu qui a accepté le règlement de la paix avec ses cessions territoriales.

La mise en place de la frontière n'est pas sans conséquence pour les communautés qui changent définitivement d'État. Quel est le choix qui s'offre à leurs membres ? Partir ? Rester et vivre dans la sujétion d'un prince d'une autre confession ? Et sous quelles conditions ? Cette dernière question mériterait des éclaircissements et contribuerait à améliorer nos connaissances sur l'histoire confessionnelle de la seconde moitié du XVIIIe siècle et du XIXe siècle.


NOTES

  1. Nous ne citerons ici que les principaux ouvrages. La Lorraine au siècle des Lumières, Nancy, 1968 ; Robert Parisot, Histoire de Lorraine, 4 tomes, Paris, 1919-1924 ; Michel Parisse (dir.), Histoire de la Lorraine, Toulouse, 1977 ; Guy Cabourdin, Encyclopédie illustrée de la Lorraine. Les temps modernes, 2 tomes, Nancy, 1991. Un article synthétique qui fait une bonne synthèse sur le sujet, Stéphane Gaber, « L'évolution territoriale de l'espace lorrain, 1477-1789 », Lotharingia, III, 1991, p.251-296.
  2. À partir des années 1880, les travaux sur les relations entre la France et l'Empire apparaissent. Citons par exemple Alexandre Tratchevesky, « La France et l'Allemagne sous Louis XVI », Revue historique, 14, 1880, pp.241-285, et 15, 1881, pp.1-46 ou encore Bertrand Auerbach, La France et le Saint Empire romain germanique depuis la paix de Westphalie jusqu'à la Révolution française, Paris, 1912. De nombreux travaux sur les entités territoriales contestées par les deux nations sont également publiés.
  3. Parmi les travaux des historiens français, il faut en particulier relever les Travaux du Comité d'études qui débutèrent en 1917 et sur lesquels se sont en partie appuyés les négociateurs français du traité de paix de 1919. Le tome 1 de ces Travaux, L'Alsace-Lorraine et la frontière du Nord-Est, Paris, 1918, contient en particulier un article de Paul Vidal de la Blache sur la frontière de la Sarre, ainsi que des contributions de Maurice Fallex qui paraîtront après la guerre : La question de la Queich et la question de Schaumbourg, Paris, 1919 ; L'Alsace, la Lorraine et les Trois-Evêchés du début du XVIIe à 1789, Paris, 1921. Enfin, il ne faut pas omettre les travaux de Gaston Zeller, en particulier La réunion de Metz à la France (1552-1648), 2 vol., Paris, 1926. Les travaux des historiens allemands datent davantage des années 1930… voire des années 1940. Nous pouvons citer : Bernhard Josef Kreuzberg, « Zur Saarpolitik Frankreichs in den letzten Jahrzehnten vor der französichen Revolution », Rheinische Vierteljahrsblätter, 2, 1932, pp.97-116 ; du même, Die politischen und wirtschaftlischen Beziehungen des Kurstaates Trier zu Frankreich in der zweiten hälfte des 18. Jahrhunderts bis zum Ausbruch der französischen Revolution, Bonn, 1932 ; J.V. Volxem, « Die Konferenz zu Nancy 1737-1741. Zur Reichsgrenzpolitik im Mosel-Saarraum nach dem Verlust Lothringens », Rheinische Vierteljahrsblätter, 6, 1936, pp.244-279 ; du même, Die Ardennen als Grenzland des Reiches im 18. Jahrhundert, Bonn, 1932 (Rheinisches Archiv 3) ; Martin Herold, Josef Niessen, Franz Steinbach, Geschichte der franzôsichen Saarpolitik, Bonn, 1934 ; Martin Herold, « Von Saarlouis zum Montroyal, von der mittleren Saar zur unteren Mosel ! Ein Wegstück französischer Rheinpolitik der Vergangenheit und Gegenwart », Rheinische Vierteljahresblätter, 3, 1933, pp.355-368 ; F. Textor, « Die französische « Saarprovinz » 1680-1697. Ein Beitrag zur Geschichte der Reunionen », Rheinische Vierteljahresblätter, 10-12, 1940-1942, pp.1-76.
  4. Il faut rappeler l'apport indéniable des travaux de Wilhelm Fabricius, Geschichtlicher Atlas der Rheinprovinz, Bonn, 1909-1913, ainsi que de M. Kirchner, Das Reichsland Elsass-Lothringen nach seiner territorial Gestaltung con 1648 bis 1789 (1/150000), 1878 ; Elsass im Jahre 1648 (1/320000), 1878 ; Elsass im Jahre 1789 (1/320000), 1880 ; Das Reichsland Lothringen am 1. Februar dem Jahres 1766, 1882.
  5. Jean-François Noël, « Les problèmes de frontières entre la France et l'Empire dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », Revue historique, 235, 1966, pp.333-346.
  6. Maurice Fallex, La question de la Queich et la question de Schombourg au XVIIIe siècle, Paris, 1919, p.25.
  7. Jean-François Noël, op. cit., p.334.
  8. Il y a les travaux de Jean-François Noël, déjà cités, auxquels il faut ajouter des publications surtout allemandes : une réédition d'un article de Franz Steinbach : Martin Herold, Josef Niessen, Franz Steinbach, « Geschichte der französische Saarpolitik », in: F. Petri, G. Droege (dir.), Collectanea Franz Steinbach, Bonn, 1967, pp.267-343 ; Hermann Weber, « Richelieu et le Rhin », Revue historique, 239, 1968, pp. 265-280. On trouve des exemples d'échanges frontaliers dans : H. Ammerich, « Die Grenzverhandlungen zwischen Frankreich und Pfalz-Zweibrücken in der zweiten hälfte des 18. Jahrhunderts. Ein Beitrag zur französischen Grenzregulierungspolitik gegenüber den kleinen Reichständen am Ende des Ancien Régime », Mitteilungen des historischen Vereins der Pfalz, 24, 1979, pp.231-252 ; Hans Walter Hermann, « Beiträge zu den nassau-saarbrückischen Austauschverhandlungen mit Frankreich 1737-1768 », Zeitschrif für die Geschichte der Saargegend, 16, 1968, pp.313-380 ; Wolfgang Krämer, « Wie entstand die heutige saarländische Grenze zwischen Reinheim und Blittersdorf gegen Lothringen ? Ein Beitrag zur der Geschichte der frazösich-deutscen Grenzverhandlungen im 18. Jahrhundert », Zeitschrif für die Geschichte der Saargegend, 8,1958, pp.133-141. Du côté français, V. Villers, « La Sarre et la France avant la Révolution française », Revue historique de l'armée, 1955-3, pp.25-33 et François-Yves Lemoigne, « Le royaume de France et « les marches de l'Est », Revue historique de l'armée, 1973-1, pp.9-18 ainsi que Francis André Maure, « La Régence et le traité de Paris », Annales de l'Est, 1966/2, pp.181-220. Sur la politique de réunion, Marie-Odile Piquet-Marchal, La chambre de réunion de Metz, Paris, 1969.
  9. Par exemple, Monique Pelletier, « Cartographie et pouvoir sous les règnes de Louis XIV et Louis XV », Bulletin du Comité français de cartographie, 141, 1994, pp.5-19 ; Marcel Watelet, Paysages de frontières. Tracé de limites et levés topographiques XVIIe-XIXe siècles, Paris-Louvain, 1992.
  10. Citons en particulier les travaux de Daniel Nordmann sur les frontières de la France à l'époque moderne, ainsi que des publications communes : Guy Paul Marchal (dir.), Grenzen und Raumvorstellungen (11. – 20.JH.). Frontières et conceptions de l'espace (XIe – XXe siècles), Zürich, 1996, pp.267-283 ; Wolfgang Haubrichs, Reinhard Schneider (dir.), Grenzen und Grenzregionen. Frontières et régions frontalières. Borders and Border Regions, Saarbrücken, 1994 ; Wolfgang Schmale, Reinhard Stauber (dir.), Menschen und Grenzen in der frühen Neuzeit, Berlin, 1998.
  11. En allemand, Grafschaft Kriechingen.
  12. Michel Parisse (dir.), Histoire de la Lorraine, Toulouse, 1977, p.272.
  13. Armand Brette, Atlas des bailliages ou juridictions assimilées ayant formé unité électorale en 1789, Paris, 1904, p.4.
  14. Un traité de 1661 entre la France et le Prince-Électeur de Trêves instaure une procédure d'arbitrage en cas de litige frontalier : « Et pour pouvoir mieux doresnavant entretenir une bonne intelligence et observer un bon voisinage entre les sujets de S.M. et ceux dudit prince électeur, S.M. et le dit Prince sont demeurés d'accord tant pour eux que pour leurs successeurs, que les differens qui pourront naistre entre les dits sujets seront décidés, s'il se peut, à l'amiable, et s'il viennent à intenter un procès les uns contre les autres, les demandeurs seront obligés de procéder en justice devant les juges ordinaires des deffendeurs, sans qu'ils puissent estre au préalable arrestés de part et d'autre corporellement, ny leurs biens saisis. » Cité par Georges Livet, Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France depuis les traités de Westphalie jusqu'à la Révolution française. XXVIII. États allemands. Tome 3 : l'Électorat de Trèves, Paris, 1966, p.58. Il serait intéressant de faire une étude des rapports juridiques des communautés situées sur les frontières, en particulier celles des enclaves en terre allemande ou française.
  15. Il ne sera pas fait mention dans cet article de l'évolution de la frontière linguistique. Nous renvoyons le lecteur à la bibliographie, en grande partie allemande, sur ce thème.
  16. Guy Cabourdin, Histoire de la Lorraine. Les temps modernes. 1. De la Renaissance à la guerre de Trente ans, Nancy, 1991, p.79.
  17. Rappelons que depuis le traité de Nuremberg de 1542, la Lorraine n'est plus membre du Saint-Empire mais elle est placée sous la protection de l'empereur.
  18. Horst Rabe,Reich und Glaubensspaltung. Deutschland 1500-1600, München, 1989 (Neue Deutsche Geschichte, Band 4), pp.406-407.
  19. H. Weber ; « Richelieu et le Rhin », Revue historique, 239, 1968, pp.265-280, cit.p.269.
  20. François-Yves Lemoigne, « Le royaume de France et « Les marches de l'Est », Revue historique de l'armée, 1973-1, pp.9-18, cit. p.12.
  21. Il n'est pas question ici de soulever à nouveau le débat sur les « frontières naturelles » dont les fondements sont avant tout anachroniques : il s'agit en grande partie d'une réinterprétation de l'histoire des XVIIe et XVIIIe à l'aune des passions territoriales du XIXe siècle. Voir à ce propos Daniel Nordmann, « Des limites d'État aux frontières nationales », in. Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire. Tome 1 : la République, la Nation, Quarto-Gallimard, Paris, p.1139, et Gaston Zeller, « La monarchie d'Ancien régime et les frontières naturelles », Revue d'histoire moderne, 8, 1933, pp.305-333.
  22. Cité par Ernest Lavisse, Louis XIV. Histoire d'un grand règne (1643-1715), Paris, Collection Bouquins, 1989, p.561.
  23. Gaston Zeller, La réunion de Metz à la France (1552-1648), tome 2, p.273.
  24. Le travail de Le Bret s'appuie en partie sur l'enquête menée dans les Trois-Evêchés par Pierre Dupuy, lequel écrit également un traité paru en 1655, Traité touchant les droicts du roi très chrétien sur plusieurs Etats et seigneuries possédées par divers princes voisins et pour prouver qu'il tient à juste titre plusieurs provinces contestées par les princes étrangers…
  25. Joël Cornette, Le roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Paris, 2000 (2e éd.), p.139.
  26. Définition tirée du Dictionnaire théologique, historique, poétique, cosmographique et chronologique, édition de 1672, et citée par Joël Cornette, op. cit., n.91 pp.379-380. Il serait d'ailleurs intéressant de voir si cette définition n'a pas bénéficié de précisions géographiques induites par les nouvelles conquêtes entre la première édition et cette huitième édition (1672).
  27. Cité par Marie-Odile Piquet-Marchal, La chambre de réunion de Metz, Paris, 1969, p.37.
  28. Cardin le Bret, cité par Marie-Odile Piquet-Marchal, op. cit., p.35.
  29. Cardin le Bret, cité par Marie-Odile Piquet-Marchal, op. cit., p.35.
  30. Michel Parisse (dit.), ibid., p.297.
  31. Martin Herold, Josef Niessen, Franz Steinbach, « Geschichte der französische Saarpolitik », p.282, in : F. Petri, G. Droege (dir.), Collectanea Franz Steinbach, Bonn, 1967, pp.267-343.
  32. À cette date l'Alsace est déjà en partie française. Aux traités de Westphalie, le roi a reçu les droits de l'empereur et de la maison d'Autriche : le Sundgau, Brisach, la préfecture de la Décapole, etc. Les villes libres de Mulhouse et de Strasbourg, ainsi qu'une mosaïque de possessions échappent encore au contrôle de la France, principalement dans le Bas-Rhin où se mêlent les terres palatines, des Fleckenstein, des Hanau-Lichtemberg et de l'évêché de Spire. Pour plus de détails concernant les investigations françaises en Alsace, il convient de se reporter à la thèse du doyen Georges Livet, L'intendance d'Alsace sous Louis XIV, Paris, 1956.
  33. Carte établie d'après M.Herold, J.Niessen, F.Steinbach, Geschichte des französiche Saarpolitik , in: F. Pietri, G.Droege (dir), Collectanea Franz Steinbach, Bonn, 1967, p.293.
  34. François-Yves Lemoigne, op. cit., p.14.
  35. Cité par Ernest Lavisse, op. cit., p.673.
  36. Cité par Joël Cornette, op. cit., p.142.
  37. Martin Herold, Josef Niessen, Franz Steinbach, op. cit., p.288.
  38. Voir Nicolas Dorvaux, Les anciens pouillés du diocèse de Metz, Paris, 1902, p.198 et suiv.
  39. Michel Parisse (dir), op. cit., p.298.
  40. Ernest Lavisse, op. cit.,p.673. Ce traité indiquait que les villes cédées au roi l'étaient « avec leurs bailliages, chastellenies, gouvernances, prévôtés, territoires, domaines, seigneuries, appartenances, dépendances, et annexes, avec tous les hommes, vassaux, sujets, villes bourgs, villages ; hameaux, forêts, rivières, plats pays et autres choses quelconques qui en dépendent. » Joël Cornette, op. cit., p.144 .
  41. Roland Ravaulx était auparavant conseiller au parlement de Metz et depuis 1670, il avait dressé des rapports sur l'étendue des droits des évêques et du roi.
  42. André Corvisier, Louvois, Paris, 1983, p.439.
  43. D'ailleurs, cette province était-elle destinée à durer ? Rappelons que Louis XIV proposa par l'intermédiaire de Chamoy, envoyé à la Diète, « de rendre aux Princes d'Allemagne les terres réunies à la Couronne depuis le traité de Nimègue. » Cité par Bertrand Auerbach, Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France depuis les traités de Westphalie jusqu'à la Révolution française. Tome XVIII. Diète germanique, Paris, 1912, p.72. Ces restitutions concernaient les réunions en-dehors de l'Alsace.
  44. L'expression est employée par Daniel Nordman pour caractériser la frontière à l'époque de Louis XIV : « La frontière est avant tout une armature militaire et c'est de la guerre, en cours ou passée, que naissent les confins. », Daniel Nordmann, « Délimitation, État et société dans le Nord de la France (XVIIe – XVIIIe siècles) », p. 272, in : G. P. Marchal (dir.), Grenzen und Raumvorstellung (11.- 20. Jh.). Frontières et conceptions de l'espace (XIe - XXe siècles), Zürich, 1996, pp. 267-283.
  45. Pour Daniel Nordmann,in : Pierre Nora (dir.), op. cit., p.1137, « si la frontière appartient au registre de l'agression, la limite appartient à celui de la paix. Du XVIe au XVIIIe siècle, un État repousse ses frontières (…). Mais deux États fixent, entre eux, leurs limites.
  46. Maurice Fallex, L'Alsace, la Lorraine et les Trois-Evêchés du début du XVIIe à 1789, Paris, 1921,p.24.
  47. Vaudrevange (Wallerfangen) était l'ancien siège du bailliage d'Allemagne.
  48. À Longwy s'ajoutent les villages de Mexi, Hersange, Longlaville, Mont-Saint-Martin, Autrux, Piedmont, Tomain, Lexy et Réhon.
  49. Michel Parisse, op. cit., p. 325.
  50. Martin Herold, Josef Niessen, Franz Steinbach, op. cit., p.304.
  51. Voir Michel Parisse, op. cit., pp.333-335.
  52. Daniel Nordmann dit à ce propos qu' « il est, désormais, question de préciser l'appartenance de quelques villages (…), de pratiquer une politique d'échange dans un esprit de conciliation (…). Le compromis et la volonté de paix l'emporte. », cité in. Pierre Nora (dir), op. cit., p.1134.
  53. Cité par Jean-François Noël, « Les problèmes de frontières entre la France et l'Empire dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », Revue historique, 235, 1966, pp. 335-336.
  54. Cité dans le Mémoire pour servir d'instruction à M. le comte de Montmorin sur la matière des limites (avril 1775), in : Georges Livet, Recueil des instructions…, p.266.
  55. Cité in : Georges Livet, ibid, p.255.
  56. Jean-François Noël, op. cit., p.337.
  57. Bernhard Josef Kreuzberg, « Zur Saarpolitik Frankreichs in en letzten Jahrzehnten vor der französichen Revolution », Rheinische Vierteljahrsblätter, 2, 1932, pp.97-116, p.100.
  58. Cité dans Convention avec l'Électeur de Trèves, in : Georges Livet, op. cit., p.277.
  59. Rapport du Chevalier d'Aigremont concernant le traité des limites avec Trèves (1773), cité in : Georges Livet, op. cit., p.236.
  60. Bernhard Josef Kreuzberg, op. cit., p.109.
  61. Jean-François Noël, op. cit., p.338.
  62. Cité par Bernhard Josef Kreuzberg, op. cit., p.114.
  63. Jean-François Noël, op. cit., p.338.
  64. Daniel Nordmann, « Délimitation, État et société… », p.277.
  65. Daniel Nordmann, ibid., p.278.
  66. Bernhard Josef Kreuzberg, op. cit., p.115.
  67. Le détail des échanges pour la région mosellane a été établi par M. De Chastellux, Le territoire du département de la Moselle. Historique et statistique, Metz, 1860. La plupart des informations figurent dans Maurice Fallex, L'Alsace, la Lorraine et les trois Évêchés. Pour une étude plus détaillée, il faut se référer aux textes des traités eux-mêmes : Archives du Ministère des Affaires étrangères Paris, série Correspondance politique aux rubriques Allemagne, Petites Principautés, Deux-Ponts, Nassau, Trêves, etc.
  68. « Il s'agissait de couvrir notre frontière par la Sarre et par les ravins impénétrables qui ont fait la force du fameux camp de Sierk, d'établir la chaîne des fermes le long de la Sarre où il est presque impossible à la fraude de la franchir, et de débarrasser le bailliage de Bousonville d'une enclave très incommode et très dangereuse à toutes sortes d'égards. Le Mertzig d'ailleurs est un pays absolument stérile et dénué de ressources (…). » Chevalier d'Aigremont, in Georges Livet, op. cit., p.234.
  69. Cette constatation est valable pour notre zone d'étude uniquement. Il faut en effet préciser que la frontière nord de l'Alsace n'est pas encore bien fixée, en partie à cause de l'occupation par la France de terres d'Empire.
  70. Cité par M. de Chastellux, op. cit., p.103.
  71. Pour le comté de Sarrewerden, le congrès de Rastadt, en 1798, décide de son absorption définitive par la France.
  72. Avec la Bavière, la convention du 5 juillet 1825 fixe la frontière à celle du 1er janvier 1792.
  73. Avec ces échanges disparaissent notamment les dernières enclaves, comme celle de Manderen qui devient française.
  74. Carte établie d'après M.Herold, J.Niessen, F.Steinbach, Geschichte der französiche Saarpolitik , in: F. Pietri, G.Droege (dir), Collectanea Franz Steinbach, Bonn, 1967, p.293.

Notes complémentaires et ressources additionnelles

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  1. L'article d'Alexandre Tratchevsky est consultable librement en ligne, sur JStor (compte gratuit à créer).