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Annales de l'Est (2-2003) Jean-François Pernot

De Wicri Lorraine
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L'évolution de la fortification en Europe (XVIIe-XIXe siècle).


 
 

 
Annales de l'Est - 2003 - numéro 2
Titre
L'évolution de la fortification en Europe (XVIIe-XIXe siècle).
Auteur(s)
Jean-François Pernot

Nous, Français, avons trop souvent l'habitude fâcheuse de tout considérer par rapport à ce que nous croyons connaître et exister dans notre hexagone et, en particulier en matière de fortification, de tout ramener à Vauban du fait de la prépondérance des fronts bastionnés du milieu du XVIe siècle au fort-modèle 1874. Effectivement notre ingénieur emblématique avec Besançon[1] et Belfort[2] avait réussi, pour des villes-places-fortes fondamentales pour nos frontières du nord-est, à régulariser au mieux, à établir un type de défense complète rationnelle et ce au minimum des coûts, en la fondant sur les tours bastionnées permettant ainsi déjà une "seconde frappe" par le tir des casemates qui avaient résisté au bombardement, protégées par des voûtes à l'épreuve et dans le second cas cité, le verrou de la Porte de Bourgogne, celles-ci étaient précédées par des contre-gardes assurant ainsi une enceinte intermédiaire efficace, multipliant sensiblement la profondeur du dispositif (ce que certains appellent trop rapidement "second système") et donc augmentant grandement la durée de résistance lors d'un siège.

En réalisant Neuf-Brisach, par cette création ex nihilo à partir de 1698, Vauban avait concrétisé en une synthèse magistrale (avec ses trois enceintes concentriques : combat, défense, sûreté) toute l'ingénierie issue des expériences européennes, en particulier en Italie des torrioni de Sarzanello (1493-1510) aux bastions de Palmanova (1593) en passant par les enceintes évolutives de Lucca, Ferrara (des tours aux bastions en passant par la naissance du cavalier), pour ne citer ici que quelques exemples et en soulignant l'importance de l'établissement de citadelles passant de la rocca médiévale modernisée pour l'artillerie (par exemple Brescia) à la forteresse à 5 bastions (l'anthropomorphique de Pietro Cataneo, dessinée au milieu du XVIe siècle dans sa Città del Principe, inspirant par la suite les réalisations de Paciotto). Celles donc réalisées à Turin puis à Anvers seront le fondement de celles de Lille et de Tournai que Vauban érigera dès la conquête (1668), fondant ainsi sa renommée face au Commissaire en place le chevalier de Clerville technologiquement dépassé[3]. Il ne faut jamais oublier également l'influence réelle par référence des fronts de combat contre les Ottomans, laboratoires féconds d'inventions et de pratiques, ne citons que Valletta la cité idéale des Hospitaliers, Ragusa (Dubrovnik), Candie (Héraclion en Crète) ou encore Corfou et Nauplie dans le cadre de la mouvance vénitienne.

Au milieu du XVIIe siècle, s'est installé un équilibre dans les formes des constructions qui sont réellement dissuasives (Malte où, après l'échec de 1565, plus jamais les Turcs n'oseront revenir jusqu'à la décomposition interne de 1798 en partie franco-française) ou opératives (malgré la prise de Lille et de sa citadelle en 1708 et de nombreuses places de 3 lignes sur 4, le Prince Eugène et Marlborough devront se replier après n'avoir qu'écorné le pré carré du Nord et subi la défaite de Denain en 1712). Les remparts compensent bien le différentiel en hommes et permettent, par la résistance du réseau des places, l'affaiblissement des envahisseurs, justifiant ainsi leur grand nombre et donc l'important budget consacré car dans le cas de la fin de la Guerre de Succession d'Espagne, malgré les défaites primitives, Louis XIV ayant rompu la force de pénétration de ses adversaires "répandus" entre les lignes de places, récupérait tout son potentiel dans le rapport de forces lors de la négociation finale. Les campagnes n'ont d'autres buts que de donner de bons atouts lors de la rédaction de la paix…

UN XVIIIe SIÈCLE DE CONTINUITÉ.

La France de la Régence et du cardinal de Fleury.

Il y eut continuité sur la lancée de Vauban (décédé en 1707) malgré le passage de la Direction des fortifications du conseiller d'État Michel Le Pelletier de Souzy, en place depuis la création du Département à la mort de Louvois, à un cavalier le lieutenant-général marquis, futur maréchal d'Asfeld (1667-1743).

C'est ainsi qu'il convient d'analyser le travail précis et efficace de la pyramide des ingénieurs depuis les particuliers dans les petites places ou une fraction des grandes, les responsables des chefferies pour les grandes et leur pays environnant, encadrés par les 21 Provinciaux. Le "règne" de M. d'Asfeld, selon l'expression d'Anne Blanchard[4], de la Polysynodie mise en place par la Régence (1715) à son décès (1743), la même année que le cardinal-principal ministre) fut caractérisé par peu de nouveautés. Lui-même extérieur au corps des ingénieurs ne fut jamais accompagné par un véritable ingénieur exerçant comme Vauban la charge de Commissaire général, l'expert technique de contrôle et d'arbitrage. D'autre part les fonds n'étaient plus aussi abondants, car du fait de la nouvelle situation stratégique la guerre redevenait mobile avec le succès de la sanctuarisation du territoire du royaume à l'abri derrière la ceinture de fer édifiée par celui qui reste la référence : les crédits étaient destinés d'abord aux opérations extérieures. Le travail du nouveau Directeur était en premier lieu d'encadrer fermement personnels et dépenses. Il gagna cependant en indépendance vis-à-vis des intendants, alors que depuis les guerres de Louis XIV et avec les ordres de Colbert, ceux-ci étaient très présents lors de tous les marchés. Pour le marquis, comme directeur, il ne se considérait responsable que devant le roi seul mais en revanche tous les ingénieurs l'étaient directement vis-à-vis de lui-même. Militaire avant tout, il établit une véritable chaîne de commandement entre les ingénieurs même si son personnel central (Versailles-Paris) était encore plus limité que sous Le Pelletier. Par contre seigneurial, supervisant activement la carrière de ses "gens", il tint table ouverte en son hôtel parisien car il désirait les échanges personnels qui développaient aussi son influence "paternelle". Quant au volume du Corps des ingénieurs, il doit, pour le maintien de l'effectif des ordinaires, donc jouer - facteur négatif - sur une certaine absence de recrutement, puisant principalement les quelques nouveaux parmi les fils de ceux qui ne pouvaient plus accomplir leur mission. Les directeurs provinciaux qui proposent à l'approbation des projets sont alors des hommes de 60 ans de moyenne d'âge. Le vieillissement est l'un des dangers, l'autre étant l'obligation administrative de proposer des chantiers chaque année afin de préparer et de maintenir les budgets[5]. C'est ainsi que l'on peut y trouver la cause de certaines dérives : la multiplication d'ouvrages externes ou la refonte d'enceinte impossible avec les crédits envisageables. C'est ainsi que s'expliquent les propositions iconoclastes du cavalier converti à l'artillerie Montalembert découvrant, lors de ses séjours en Europe centrale, des réalisations différentes sur les terres de Marie-Thérèse. En réaction contre la prépondérance française, fondée sur une certaine simplicité très efficace héritée du rustique seigneur morvandiau et perdurant avec le marquis économe, les ingénieurs successeurs de Coehoorn se lancèrent quant à eux dans des réalisations de dehors prolifiques, complexes et emboîtés qui sont un contresens par rapport à la première loi de la guerre laquelle suppose, pour tenir le plus longtemps possible et répondre à toute nouvelle situation, de n'utiliser pour chaque opération ou place que le minimum de forces mais en les concentrant bien afin de conserver toujours une réserve conséquente permettant le dégagement et la manœuvre. Si la défense en profondeur doit être un facteur décisif en attirant longtemps une masse importante des forces ennemies, il devient ridicule et contre-productif, du fait des coûts et des effectifs immobilisés pour la défense, de multiplier les dehors comme on peut le constater au XVIIIe siècle avec les fameuses "Lignes Du Moulin" à Maastricht où attaquants et défenseurs s'épuisent et se perdent dans des ouvrages secondaires…

C'est ainsi que l'exemple de la place de Briançon[6] devient tout à fait caractéristique de cette période. Le pont remarquable justement connu sous le nom de "Pont d'Asfeld" (non conçu mais réalisé durant son directorat) est le point focal d'un aménagement stratégique et tactique d'une "porte" fondamentale du royaume (accès à Turin) en continuité parfaite avec ce que Vauban avait lui-même établi et prévu comme extension, selon les possibilités budgétaires, en réponse aux améliorations en portée et mobilité de l'artillerie et ce en particulier en montagne où les trajectoires et donc les sites doivent tenir compte à la fois du vu et du non vu et surtout des tirs en site négatif pour atteindre l'ennemi en contrebas des remparts. En un mot, Briançon est une excellente démonstration de la réalité du terrain, assumé totalement au sens militaire par sa valorisation.

L'importance et le déploiement des forts détachés, qui occupent préventivement toutes les hauteurs pouvant être utilisées pour l'artillerie de l'envahisseur, sont un modèle illustrant comment à la fin on contraint l'adversaire, obligatoirement très nombreux à se diviser devant les multiples ouvrages en lui imposant des conditions de logistiques parfois insurmontables et d'autre part, on protège le cœur du dispositif, réserves et populations, contre les bombardements. Par l'étendue de la surface organisée, à bonne distance des sites bâtis, le potentiel militaire est ainsi préservé et le moral maintenu. La leçon sera retenue par Denfert-Rochereau dirigeant une défense active durant le siège de Belfort en 1870-1871. Nous sommes en présence d'un camp retranché modèle, ici en montagne intégrant parfaitement profondeur, altitudes et communications dans l'interdépendance des différents ouvrages.

Ce pont est dans sa conception et sa réalisation l'un des sommets de l'ingénierie militaire maçonnée tout comme la "Communication Y". Unique en son genre, ce couloir à l'épreuve des bombes permettant le passage de front de charrois et d'hommes entre le Fort des Têtes (parc à munitions et des troupes de réserve au centre du dispositif, le pont lui assurant la liaison avec la cité et son château) et celui du Randouillet (la plate-forme d'artillerie à longue portée vis-à­ vis des pentes alpines). Mais ce qui est totalement militaire, la marque de l'intelligence de défense, c'est que cet ouvrage n'est pas seulement ce qui fait vivre en reliant toute la défense, il est aussi un organe de combat efficace avec ses deux côtés. En effet le couloir est encadré latéralement par une courtine flanquée de demi-bastions. Ainsi que l'ennemi descende de l'Infernet ou qu'ayant tourné la place par le sud tentant à revers de couper cette partie du dispositif français, il sera arrêté dans le vallon de Fontchristianne. Ce barrage au creux du thalweg est la charnière assurant la continuité (commandement et ravitaillement) entre la ville contrôlant directement la route du col du Mont-Genèvre et ces forts détachés qui en recoupant leurs tirs couvrent l'ensemble de la zone (en avant le Fort Dauphin, vers le nord au-dessus de la route la redoute des Salettes, à l'extrémité sud le Fort d'Anjou et la tour-redoute du Point-du-jour). Les échec des Alliés en 1814 et 1815 concrétisent la pertinence du dispositif construit patiemment par Vauban et ses successeurs.

La pratique vit alors des moments de sérénité avec les sièges "réglés" qui font, comme sur un échiquier préparé d'avance, s'affronter des ingénieurs formés par ces manuels dont celui de l'abbé Deiber[7], le Parfait ingénieur françois peut être considéré comme l'un des plus représentatifs. Ce traité intègre les méthodes des écoles européennes en les confrontant avec les principes français issus de Vauban. Dans cette première moitié du XVIIIe siècle qui reprend à but pédagogique tout ce qui a été écrit au cours du siècle précédent, le formalisme l'emporte car les portées des canons ont peu varié. Il n'y eut en France que la réforme en 1732 du lieutenant-général Jean Florent de Vallière (1667-1759) qui avec 5 calibres de pièces, 3 mortiers et un obusier assurait une portée efficace de 1500 m. Avec le milieu du siècle les conditions vont sensiblement évoluer[8] avec la création du système Gribeauval (1764-1776).

Cormontaigne et l'École de Mézières.

Le maréchal de camp Louis de Cormontaigne (1696-1752)[9] est la figure emblématique de cette période car il fut utilisé en soutien ou au contraire comme objet de critique encore avant 1870. Lieutenant volontaire en 1713, c'est un natif de Strasbourg qui connut un temps Fort Barraux en Dauphiné, exemple de construction italienne au service de la Savoie, repris légitimement par la France et transformé par Vauban. Une telle place à la frontière dauphinoise si disputée, de forme irrégulière et qui sera si transformée (la dernière époque étant au XIXe siècle avec une batterie Haxo) fut avec les campagnes en Europe, une excellente formation "artisanale" pour un homme qui, s'il n'avait pas connu directement le temps de Vauban, fut intégré au corps avant l'arrivée de M. d'Asfeld. Nommé à Metz à partir de 1728, tout en accédant aux grades successifs de la hiérarchie militaire, il conserva une passion pour son travail en Lorraine (Directeur en 1745) et dans les deux Bourgognes[10]. Augmentant les ouvrages de la place de Thionville, améliorant Longwy et Bitche, il réalisa ce qui fut son "grand œuvre" : les deux couronnés de "Bellecroix" et de "Moselle" à Metz[11] à tel point que ses bastions et les dehors qui les accompagnent, deviendront les modèles dans l'enseignement des écoles qui vont être créées et se succéder ainsi que dans les publications encyclopédiques des XIXe et XXe siècles (par exemple le Larousse). Les larges proportions des organes permettaient un service de place aisé dans le cadre de l'artillerie d'alors tout en assurant que le bombardement ennemi ne puisse atteindre les maisons civiles. Cette solution évitait la construction d'une nouvelle et trop vaste enceinte dont le coût était impossible à soutenir.

Il faut souligner que cet ingénieur avait la plume facile. Il fut l'auteur de nombreux manuscrits encore conservés aux archives du Génie[12]. C'est ainsi qu'il imposa l'abandon des tours bastionnées, qu'il s'opposa à Belidor et que l'École de Mézières le considéra comme la norme : ses travaux correspondaient à l'apogée des plans-reliefs, moyens remarquables d'études et de formation[13]. À la suite de Vauban, il imposa une gestion précise et rigoureuse par l'établissement des mémoires annuels avec exposé systématique des travaux d'entretien ou d'amélioration des places, allant même comme son modèle à faire établir un recueil avec cotes des différents outils de parc à utiliser lors des chantiers et des opérations car il ne fut pas qu'un bâtisseur en participant honorablement à des opérations. Devenu officier général, mort en service 15 ans après le M. d'Asfeld alors que l'École fêtait ses dix ans, on comprend mieux son influence par ses écrits et sa position dans la ville qui devint le siège de l'École d'application de l'Artillerie et du Génie (1794-1870).

L'École du Génie[14], créée quant à elle en 1748 à Mézières, résulte d'un concours de circonstances. La mortalité parmi des ingénieurs en campagne avait augmenté d'une manière inquiétante pour le Corps (l/6ème avait perdu la vie de 1744 à 1748), Trudaine venait en 1747 de doter les Ponts et Chaussées d'une École, la 1ère civile, le Comte d'Argenson Secrétaire d'État à la Guerre, sous l'influence de l'ingénieur civil Noël de Regemorte, décida en réaction de former les ingénieurs du roi en école militaire. Il n'en existait plus pour l'armée depuis la fermeture en 1685 de l'Académie des exercices à Sedan car huguenote. À l'origine chaque zone frontière devait avoir la sienne pour former les ingénieurs nécessaires. Celle proposée par Pierre de Bourcet à Grenoble[15] fut d'emblée plus tournée vers la cartographie et le service d'État-Major. Celle créée au centre de la frontière du nord et du nord-est de la France, par l'ingénieur en chef local le chevalier de Chastillon[16], à la fois perdura et surtout fut conçue comme un équilibre intelligent entre des études théoriques scientifiques de haut niveau (dont la géométrie descriptive de Monge, fondatrice comme regard sur la géographie réelle, préparant ainsi constructions et actions des batteries) et des exercices pratiques sur le terrain. Après le concours (créé par Vauban) maintenu et ses années académiques, les récipiendaires du brevet nouvelle formule savaient appréhender la zone des combats avec les portées, les levées qui avaient permis d'établir en travaux pratiques des plans-reliefs, lesquels ne sont plus objets de collection mais ancêtres des "caisses à sable" des kriegspiel, démontrant ainsi que théories de base et pratiques concrètes sont indispensables et indissociables dans la formation initiale d'un officier.

Avec le succès pédagogique et méthodologique, ce fut alors le temps où, du fait du développement scientifique entraînant la naissance du système cohérent de Gribeauval, la négation du rôle de la fortification dans la guerre devient l'un des sports favoris de la part de nombre d'officiers non ingénieurs. Choderlos de Laclos en est l'illustration par son texte tendancieux[17] Lettre à MM. de l'Académie française (1787) sur l'éloge de Vauban qu'il dit respecter tout en le dénigrant avec erreurs. Le capitaine du génie Lazare Carnot[18], issu de Mézières, par sa réponse manifesta ce bon sens si présent dans l'arme savante, car si l'artillerie de l'époque touche parfois juste, elle "arrose" le plus souvent et les cadences de tirs ne peuvent à ce moment du siècle servir de barrage efficace. Les murs sont à la fois un obstacle souvent insurmontable et permettent ce rétablissement d'équilibre entre les armées en présence. La prise d'une ville suppose du temps et le respect de phases précises. La défaite de La Feuillade à Turin en 1706 provient du fait qu'il avait voulu forcer le destin en allant plus vite, pour faire mieux, que le prudent M. de Vauban. Bilan : le roi n'avait pas pris la ville, avait perdu tout son parc d'artillerie et de matériel, et, plus grave, les possessions de la France en Piémont, achevant dans la déroute une présence datant du début du XVIe siècle. Si au XVIIIe siècle, les sièges ne sont plus les seules actions des souverains, la décision de leurs victoires par la possession de villes, les fortifications de campagne (la valorisation du terrain par quelques levées de terre à redans, d'abatis d'arbres et l'établissement de redoutes pour la protection des pièces de l'artillerie) sont bien perçues comme indispensables. C'est ainsi qu'à Fontenoy (1745), opérèrent les Français devant le pont axe de retraite, mettant en défense le village : aussi, après avoir eu leur centre enfoncé par la masse de la colonne des Anglo-Hanovriens, ils purent répliquer victorieusement par le tir de canons décimant l'assaut et soutenant la contre-attaque[19].

Ces réalités sont celles des combats en Europe germanique et centrale. Si Frédéric II est un maître de campagnes et de batailles, il consacra parallèlement à la Prusse moyens et temps pour développer nombre de places afin de marquer son territoire, tout comme les premiers Hohenzollern avec Spandau[20]. Marie-Thérèse et Joseph II pour les Habsbourg face à l'Empire Ottoman non encore totalement éliminé érigèrent force ouvrages en Hongrie et dans les confins, et devant le rival prussien les places de Josefov (Josephstadt ou encore connue sous le nom de Plès, à partir de 1764, construite de 1780 à 1789)[21] et de Terezin (de 1780 à 1788, Theresienstadt) qui par leurs bastions, garnisons et munitions étaient créées proches de la frontière pour interdire toute entrée vers Prague, Linz puis Wien par les routes du Nord de la Bohème, devenue maintenant la République tchèque.

Quant aux Ibériques, ils continuent sur leur lancée de défendre leurs positions tant en Italie qu'en Espagne même en particulier en arrière des Pyrénées, face au passage depuis Hannibal gardé côté français par le Fort de Bellegarde, ils établirent au nord de Figuères la citadelle de Saint-Ferran qui, outre sa garnison, hébergeait pour éclairer les "avenues" une brigade de cavalerie dans ses vastes écuries, poursuivant la mission autre fois assurée par le Fort de Salses durant sa période espagnole du XVe siècle à 1642.

Les créations méconnues.

Alors que la France s'engageait dans le soutien des Insurgents d'Amérique afin de se venger de la défaite et du traité de 1763, Brest devait être mis en défense pour parer toute tentative de débarquement (il y avait le précédent de la descente et de la prise de la citadelle de Belle-Île en 1761)[22] puis de siège du principal port militaire de l'ouest. Les travaux de l'ingénieur Sainte-Colombe dataient de Vaubann (1681). Hélas, comme toujours, les crédits furent très limités, au lieu d'une enceinte continue à l'ouest de Brest, était conçu le camp Saint­ Pierre par le marquis de Langeron[23], protection de l'arsenal en avant de Recouvrance. Si pour le port, des batteries furent soit créées, soit améliorées, pour le camp il ne sera réalisé que 5 forts qui devaient être lors de l'imminence de l'attaque anglaise reliés entre eux par des lignes de campagne. Ce qui est à souligner ce sont les formes et les conceptions de ces forts. Nous sommes un siècle avant le modèle de 1874, pourtant la forme polygonale est employée avec des défenses rapprochées qui annoncent les futures caponnières avec l'abandon du système bastionné. La défense rapprochée se fait non par tirs de flanquement mais par action directe latérale ou/et frontale (tirs qui seront dits, à la suite des géométriciens et de Montalembert, perpendiculaires aux remparts). L'action à longue portée se déploie à partir d'un ou plusieurs cavaliers, des réseaux de contre-mines et de sorties complètent le dispositif à partir des abords. Ces fort sont carrés avec cavalier central (Fort Saint-Pierre ou Montbarrey) ou pentagonal annonçant l'avenir (Fort de Penfeld) avec flanquement aux épaules. Tout ce travail côtier restera inconnu des élèves de Mézières puis ensuite de ceux de Metz comme étant marqué du sceau de la précipitation, de l'inachèvement d'autant que situé dans des zones jugées alors (en contradiction avec la pensée de Colbert et Vauban) de moindre importance car situées dans la périphérie bretonne alors que le fondamental de tout temps est considéré implanté en Flandres ou en Lorraine. Ce sont donc de grosses batteries. La dotation totale est théoriquement de 160 pièces alors que Brest n'en a que 77 en propre. Brest est bien le lieu d'un débat entre "anciens" favorables aux bastions (Bourguen et Quélern), aux ouvrages à cornes traditionnels (Quéliverzan) soutenus par le Directeur du génie Pierre Jean de Caux[24] (1720-1792) contre les "modernes" détachés, aux formes simplifiées et proposées par le commandant militaire de Bretagne le Marquis de Langeron, lequel était un officier non ingénieur ayant participé à des campagnes en Europe centrale, ayant connu Frédéric II et débattu très certainement avec lui de ses idées en la matière.

Le fort de Châteauneuf-d'Ille-et-Vilaine est aussi un maillon oublié mais annonciateur. Il fut construit sous la responsabilité du même Directeur de Bretagne, P.-J. de Caux en liaison avec le même commandant militaire. Ce site de contrôle des routes au sud de Saint-Malo (encore actuellement la voie rapide Rennes-Saint-Malo longe son glacis ouest) avait été remarqué par Vauban au cours d'une inspection en 1695. Le Commissaire général y conçoit la défense arrière de la cité malouine sur cette ancienne motte médiévale car elle permet à la fois de bloquer toute invasion dans la Bretagne intérieure et par ses capacités d'hébergement la constitution d'un corps de dégagement de ce port indispensable, celui des corsaires. Pourtant pour sa construction, après les descentes anglaises de 1758, il faudra attendre 1777, la guerre d'Amérique et malgré les nouvelles menaces le chantier durera 8 ans. C'est un rectangle irrégulier à 4 fronts droits reliés par des bastions pleins constituant 4 plates­ formes d'artillerie à longue distance. La défense rapprochée est formée du chemin couvert élargi par 4 places d'armes au centre des fronts et d'un ravelin ou lunette pour éclairer l'angle sud-ouest (disparu lors de l'élargissement de la route nationale), la large courtine sud (de gorge) reçut 24 casemates pour loger une garnison d'environ 600 hommes avec les magasins nécessaires. La grande cour centrale devait recevoir un pavillon d'officiers qui ne fut pas réalisé. La large surface restante devait permettre d'y établir les tentes de troupes de complément qui viendraient s'y rassembler en vue d'une contre-attaque pour libérer la presqu'île de Cancale à Saint-Malo, mais ne furent construites que 2 poudrières (l'une au XVIIIe siècle et l'autre au XIXe). Cette structure (défenses simplifiées, casemates dans les courtines, large cour centrale pour pavillons, poudrières et place de rassemblement) annonce les forts de 1841 à Paris, en particulier ceux de Vanves et de Montrouge. Ce verrou naturel, au centre de deux petits cours d'eau fermant la presqu'île, fut le lieu d'âpres combats contre les nazis en 1944, soulignant encore une fois la pertinence du choix surprenant - en pleine campagne, à plus de 15 km de la mer - mais opératif si l'on prend la mesure de l'ensemble stratégique de la zone de Saint-Malo de 1777 à 1945.

Les réalisations coloniales sont pour diverses raisons oubliées, négligées devant l'omniprésence de la ligne du Rhin ou des Vosges selon les périodes, depuis la défaite de Pavie (1525), date à laquelle on oublia la mer, objet des réflexions et actions de Claude de Syssel[25], de Jean Ango et de Jacques Cartier, pour se focaliser sur les Trois-Évêchés à partir de 1552. Pourtant dès les tentatives outremer, les différents colonisateurs ont toujours établi, aussi bien dans les comptoirs que dans les peuplement, des forts qui à la fois étaient la marque de la possession souveraine et le lieu de refuge pour les ressortissants. En ce domaine, également marqué par la mort de Montcalm et la perte du Canada, les établissements caraïbes ne sont jamais pris au sérieux, et surtout ceux de Louisiane et d'Inde orientale. Deux publications récentes, les archives du CAOM[26] concernant le dépôt des fortifications des colonies et dans cette édition ceux de nos anciens 5 comptoirs de l'Inde et l'ouvrage collectif Les villes françaises du nouveau monde[27] ouvrent des perspectives nouvelles. Dans ces terres lointaines où les contrôles et les présences sont distendus, les ingénieurs parfois innovent. À côté de forts archaïques pour l'Europe mais peut-être suffisants dans leur situation (exemple, le fort carré de Trinquebar [pl.1] rappelant ceux du XVIIe du Fort Vallières proche de Bergues à la citadelle de Saint-Martin-de-Ré), de villes dont les plans reprennent ceux peu novateurs de Brouage ou de Rochefort comme à Mobile, La Nouvelle Orléans en Louisiane, voire Biloxy (1721), il existe à l'origine la réalisation d'un petit fort triangulaire en bois (Fort Caroline, 1591 en Floride) puis le projet en 1752, sur la rive droite de la rivière de Demerari, de la batterie polygonale (à 8 côtés) lors de la conquête française d'une partie de la Guyanne[28] laquelle fait le lien - entre une fortification du "moment" et ici le signe, même en terre, d'une volonté de présence permanente - avec les forts autrichiens autour de Vérone avant 1866, cités en exemple par E. Viollet-le-Duc dans Histoire d'une forteresse (1874) qui ont encore 7 côtés, avant la simplification à 5 côtés du modèle 1874 du Comité des Fortifications. Les plus grandes nouveautés viennent de Pondichéry où, effectivement dans cette contrée lointaine, Montalembert proposa des forts en "aile de papillon" associant par des murs courbes des ouvrages à canons circulaires pour la défense du comptoir (1776)[29]. Les défenses de Cherbourg étaient ainsi préfigurées (Fort Napoléon ou Central) tout comme la construction du fameux et absurde fort Boyard entre l'île d'Aix et l'île d'Oléron du Ier au IIème Empire.

1789-1815 : DE NOUVELLES PRATIQUES PRÉFIGURANT LA RUPTURE.

C'est avec le création du Comité des fortifications (10 juillet 1791) que Montalembert fut intégré à l'équipe de membres issus de Mézières, dominée par Le Michaud d'Arçon (1733-1800) où siège aussi le frère du directeur de Bretagne déjà cité. La situation devient rapidement grave car ce sont 2/3 des ingénieurs du Corps qui se retirent ou passent dans le camp adverse du fait de l'émigration. Si le modèle de l'École du Génie reste prestigieux tant en France du fait de son niveau et de ses professeurs qu'à l'extérieur car il a servi à créer West Point dans les nouveaux États-Unis indépendants[30], à partir de 1793 il faudra assurer le recrutement par l'intégration d'ingénieurs civils issus du Corps des Ponts (à commencer par Ange Blein)[31] et d'artilleurs (comme Haxo)[32]. La mutation politique et les crises qui en résultèrent, entraînèrent la fermeture et le transfert à Metz des élèves subsistants (1794). La guerre qui s'ouvrit en 1792, déclencha des changements importants en France du fait de la perte de professionnels, de l'amalgame des bataillons de volontaires dans ce qui reste des troupes d'Ancien Régime. La crise des cadres est patente. La seule réponse, devant les invasions des armées royales étrangères manœuvrant à la prussienne, est le choc massif qui seul peut être exécuté avec un recrutement de levée en masse. Il y eut quelques sièges mais ils ne purent se dérouler selon les formes réglées, d'où les capitulations de Valenciennes (1793) et de Mayence (1795). Ce furent surtout des ouvrages du moment et le développement des moyens nouveaux d'aide à la manœuvre (télégraphe, aérostation).

Montalembert et ses rêves.

Ses propositions : pour le marquis Marc-René (1714-1800), à l'origine officier au Conti-Cavalerie (1730), la chute de la monarchie absolue rendait toute liberté pour l'exposé et la réalisation de ses idées[33]. Louis XV, aux prises avec la Guerre de Sept Ans, avait interdit à la suite de la diffusion du prospectus (1761) la publication des propositions au nom du secret-défense. Vu les revers de la France, il n'était question de répandre en Europe des solutions, qui, connues de tous les publics, pouvaient rendre prenables nos dispositifs. Lors de la Guerre d'Amérique, des succès Français et de leur artillerie, dans l'atmosphère des changements au début du règne de Louis XVI, il avait avec ses propres fonds, récupérés dans la session de sa fonderie de canons, commencé à publier à son compte (1776) les premiers des 11 volumes concernant ses propositions d'ouvrages nouveaux. À l'origine, il avait été remarqué par la mise en défense de l'île d'Oléron (fortifications de campagne) après la prise de Belle-Île (1761) car auparavant il avait fait campagne en Pologne, participé au sièges de Kehl (1733), de Philippsburg, servi en Autriche, Bohème, Italie où il avait remarqué les types de forts de barrage dans les vallées (à plusieurs étages d'artillerie) établis contre tout retour ottoman, entre autres le Fort Sainte-Elisabeth défendant les Portes de fer. Membre de l'Académie des Sciences (1747), il avait été envoyé auprès des Suédois (1757-1758) puis des Russes (1759-1760). Il possédait donc des informations européennes. Proche de Choiseul, il était convaincu de la supériorité de l'artillerie sur la fortification traditionnelle, aussi proposa-t-il sa fortification perpendiculaire : c'est-à-dire avec des tirs directs en direction de l'ennemi, orthogonaux à la ligne des remparts et non plus en oblique pour un flanquement réciproque par bastions. L'artillerie porte plus loin et donc il est très juste d'utiliser ce nouveau rapport pour s'opposer à toute attaque. Soulignons tout de suite que son titre annonce la supériorité de la défense sur l'attaque, car dans sa pensée avec de telles défenses les sièges ne sont plus aussi assurément victorieux. Alors que nombre de rédacteurs pour diminuer Vauban le mettent en avant comme inventeur d'avant-garde, lui-même tout en critiquant les bastions se met dans les pas du maréchal de Louis XIV. La guerre n'est considérée comme juste depuis les penseurs du XVIIe siècle (de Grotius aux constituants) que comme réponse à une agression, ceci afin de rétablir l'équilibre entre nations. Ses publications ne concernent en aucun cas l'artillerie en mouvement. Il ne propose que des réalisations statiques comme son Fort royal carré (1786) ou son fort "en fer à cheval" réalisé en bois pour tenir tête aux vaisseaux anglais (1779). La seule partie qui pourrait être considérée comme "offensive" est sa proposition d'un fort démontable (Fort Condé), formé de rondins de bois, pouvant être débarqué puis assemblé sur une côte, toujours pour contrer en se maintenant les troupes de sa Gracieuse Majesté. Qu'il ait observé que les constructions en blockhaus de bois (île d'Aix, après la tentative d'un fort triangulaire maçonné en 1774), tout comme les vaisseaux d'alors avaient une certaine résistance aux boulets, semble une réaction de bon sens et d'un coût moindre que nombre de grandes constructions en maçonnerie. Mais là où il n'est plus un militaire, c'est dans sa débauche d'organes emboîtés : de tours d'artillerie, de batteries casematées, des caponnières actives. Là encore il n'innove pas. L'Abbé Deidier dans son Parfait ingénieur françois[34] avait déjà décrit des systèmes de tours à canons (système de Sturmius, pl.25) et des ouvrages aux nombreuses embrasures (système à rebours de Rovescio, pl.21).

Valeur militaire : Montalembert veut supprimer le bastion, la réponse unique imposée par les ingénieurs à la suite de Cormontaigne se fondant sur Vauban. Dans l'absolu, on peut choisir d'utiliser l'artillerie de différentes manières, tout proposer n'est pas en soit ni nouveau, ni rationnel. Encore une fois, c'est la posture défensive qui est mise en avant, de fait à l'époque les assauts terminaux n'étaient pas rares aussi la défense rapprochée avait tout son sens vu la portée limitée des canons, mais proposer au moins 5 rangs de lignes de défense est anti­-militaire. La simplicité est facteur de succès car propice à la concentration et à l'utilisation optimum par le minimum de forces. Le coût de la construction de tels organes est supérieur à un simple tracé bastionné qui suppose seulement 2 canons pour un flanquement réciproque, un dans chacun des 2 bastions joints par une seule courtine. Cette solution née au XVIe siècle semble déjà dater, mais c'est la réponse d'efficacité opérationnelle. Montalembert se situe dans la continuité des successeurs de Coehoorn et il est déjà difficile d'être convaincu par la complexité des planches de projets de plus en plus complexes jointes à titre d'explicitation du texte de Deidier (de 22 à 24), nous retrouvons là un travers scientifique que nous avons déjà étudié avec Errard[35], ce que nous avons appelé le syndrome de "l'engrenage" avec des places à plus de 10 bastions (Neuf­-Brisach n'en ayant que 8 contre 9 à Palmanova et 11 à Nicosie tombée face aux Turcs). D'autre part, l'accumulation des canons suppose un coût et une immobilisation extrême de crédits sur un seul lieu. Enfin cela demande la réunion de masses considérables de poudres. Outre qu'il faut qu'elles soient sèches pour être utilisées par tant de canons, ce qui est toujours difficile, la masse rassemblée devient une menace interne peu contrôlable. Les défenseurs sont assis sur une bombe plus redoutable pour eux que n'importe quel bombardement adverse. L'exemple de ces déviances militaires est le Fort de Querqueville à Cherbourg débuté en 1787 : une batterie circulaire de 48 canons de 48 livres : pouvait-on avoir assez de poudre en stock ? Et cela supposait que le vaisseau ennemi défile devant la batterie pour que l'un des canons fasse mouche. Les canons n'ont même pas pu être tous livrés (difficultés de fabrication et de coût) et une fois l'ensemble terminé, les portées ayant changé, il fallut construire le Fort Chavagnac lequel fut déclassé bientôt avec les ouvrages de la grande digue… Il vaut mieux être prudent dans la mise en train d'un programme lourd et pour qu'une défense soit réelle, il faut que les chefs maîtrisent en permanence une vision claire de la situation, avec autant d'organes accumulés tout le monde peut se tromper de couloir ! La place est devenu un labyrinthe pour le commandement et encore plus pour la garnison de soldats simples qui ne sont pas sortis des Écoles. Il est coûteux et plus opérationnel de concevoir des postes de combat bien definis sur une enceinte bastionnée où les organes sont numérotés en continu, que ce type de constructions en échelons refusés. Cela peut être impressionnant sur le papier d'un rapport, en aucun cas au combat. Pour terminer, a-t-on besoin de décrire avec autant de détails - qui par définition ne peuvent que se répéter en 11 volumes­ - des solutions qui comme toutes les plus efficaces doivent se contenter de quelques schémas simples ? Ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement. Vauban ne construisait qu'un front, celui qui convenait à la place concernée comme l'a démontré Pierre Rocolle : il n'y a pas de véritables étapes dans les chantiers de 1668 à 1707[36]. Ce sont les éditeurs et les professeurs qui, pour faire sérieux, pédagogique, ont travesti une pensée, forte mais simple, en 3 systèmes dont le 3e tout théorique et régulier a existé en un seul exemplaire lors de la création de Neuf-Brisach car créé ex nihilo sur une surface plane. Toutes autres places sont des fractions de tel ou tel agencement unique d'organes, en réponse à la situation locale.

Son influence : marqué par les mutations techniques remarquables de la Marine[37], le "74 canons" puis les caronnades… il ne prend pas conscience que sur terre, on ne peut utiliser des structures en maçonnerie identiques à des coques. Les conditions de vie des garnisons dans ses projets ressemblaient à celles des faux-ponts des vaisseaux avec des nuits en hamacs, c'était une régression par rapport aux casernes modulaires de Vauban[38]. C'est pourquoi, il n'a de soutien que de la part des chantres de la puissance de l'artillerie en progrès, qui ne voient qu'un affrontement sans penser à la vie ordinaire "style vaisseau perdu dans les zones sans vent" par rapport au "désert des Tartares", qui ne mesurent pas que la concentration n'est possible économiquement qu'en peu de sites par rapport à l'ensemble du territoire. Avant 1789, Fourcroy de Ramecourt (1715-1791)[39], ingénieur en 1735, Directeur du Génie depuis 1776 et qui avait été commandant en 3ème de l'École d'Artillerie de Metz (1757), s'opposa à lui, malheureusement plus au nom des pratiques habituelles et du Corps vis-à-vis d'un étranger qu'au nom de raisonnements techniques et militaires dans ses Mémoires de 1776 et de 1786, car Montalembert ayant beaucoup trop de digressions, le débat s'en trouva brouillé. Seuls quelques esprits de système, à références géométriques se focalisèrent sur la tour à canons et autres réduits circulaires d'où la Rocca d'Anfo : des défenses "gouffre" sans utilité tactique et encore moins stratégique. La concentration d'une puissance de feux est utile mais tout ne doit pas en dépendre. C'est un carcan qui seulement parait plus moderne du fait du canon face aux remparts statiques. Il faudra attendre 1876 et les forts à massif central pour que la règle de la simplicité (bâti/batteries) soit enfin appliquée permettant les 300 chantiers, les forts à cavaliers coûtaient trop cher en crédits et en temps de construction.

La guerre révolutionnaire (1792-1799).

Le lieutenant général Le Michaud d'Arçon (1733-1800) ingénieur issu de Mézières (1755)[40] d'où Réflexion d'un ingénieur… (Amsterdam 1773), L'Art de la guerre (1774-1779), en service en sa Franche-Comté, ayant combattu en Allemagne, participé au siège de Gibraltar (batteries flottantes) et auteur de la carte du Jura, fut le seul à tenir tête à Montalembert son futur collègue du Comité avec un mémoire justifiant l'action du Génie (1790). Membre dès sa création du Comité des fortifications, Inspecteur Général, puis avec sa retraite en 1794 professeur de fortifications lors de la création de Polytechnique - d'où Considérations sur les fortifications (An III) -, il proposa une solution novatrice : sa lunette (dite depuis d'Arçon) dont, outre les 2 établies en avant du front de secours de Besançon (Toussey et Trois-Châtels) et le réduit subsistant au centre du Fort de Chaudanne, l'exemplaire intact se trouve en avant du front royal de Mont-Dauphin. Cette "sonnette" de glacis apporte plusieurs réponses : d'abord elle est surtout armée de fusils (peu de place pour de petites pièces d'accompagnement d'infanterie) mais surtout une longue galerie souterraine donc protégée pour en assurer l'accès depuis le fossé principal. Nous ne sommes pas encore à la liaison avec le corps de place, le progrès vient de la défense rapprochée de ce dehors actif par un coffre de contrescarpe relié au réduit central de la lunette par l'extrémité de la gaine : ceci est un net progrès de protection par rapport aux caponnières à l'air libre. Le réduit central est circulaire car l'obsession est toujours de réaliser des tirs sur 360° afin de tout couvrir, la géométrie et le compas sont toujours dans les têtes. Le positif réside dans la liaison entre ce réduit maçonné situé à la gorge et une vaste traverse creuse qui se développe jusqu'au saillant de la lunette. Cette traverse est à l'épreuve, elle sert à la fois d'abri, de magasin et de local d'habitat tout en assurant des tirs latéraux de mousqueterie. La limite se situe pour les canons tirant en barbette sur les deux faces et devant être alors encadrés de gabions lors de la mise en défense, quant à tout ce qui est sous voûte, la ventilation est rudimentaire. Il faut donc espérer un bon tirage par les évents. Le défilement de l'ensemble, la structure compacte de l'ouvrage en font une étape vers les solutions de la seconde moitié du siècle, mais le creusement de la gaine (coût et pratique peu ordinaire pour les ingénieurs français) explique le petit nombre de réalisations de ce modèle.

La période connut peu de sièges car les troupes françaises peu formées (le plus souvent entre 1792 et 1815 lors de brèves instructions lors des marches de concentrations avant le lieu du combat) ne pouvaient être utilisables qu'en colonnes compactes à la baïonnette. Il faut dire qu'en face, à sa décharge, l'ensemble des adversaires a fait le choix de ne pas s'endetter ni de s'alourdir d'un coûteux parc de siège. Aussi de Valmy à Waterloo, les décisions se sont faites selon des chocs et mouvements issus des expériences de la Guerre de Trente Ans, reprises totalement dans le creuset prussien. Seules sont prises en compte les mises en défense de villages[41], le creusement de lignes ou de redoutes de terre, cela résulte de l'influence de Guibert[42] et des conceptions de manœuvres qui n'acceptaient alors que des travaux "de circonstances".

Lazare Carnot (1753-1823), issu de Mézières (1771-1773)[43] après avoir été formé par les Oratoriens, jansénistes mais si ouverts aux sciences, devint capitaine (1783). Il défendit Vauban (1784) tout en appréciant Montalembert puis publia un Essai sur les machines en général (Dijon, 1786) et rédigea De la défense des places fortes (Paris, 1788). Au Comité de Salut Public, il réorganisa le Comité des Fortifications (1794) et fut à l'origine de la militarisation de l'École centrale des Travaux Publics qui devint Polytechnique. Responsable de la défense, il fut déclaré l'"Organisateur de la victoire" ayant permis la mise sur pied de 14 armées. Directeur lançant Bonaparte en Italie avant d'être écarté, il rompit avec lui après avoir été ministre de la Guerre (1800) et membre du Tribunat. Il ne fut réintégré véritablement qu'en 1814 où pour défendre Anvers, à titre de "rattrapage", il fut promu définitivement général de division. Devant la menace, il accepta le Ministère de l'Intérieur lors des Cent Jours d'où son décès en exil à Magdebourg. Il est l'exemple de l'excellence de la formation et de la motivation des ingénieurs du Génie. Comme Vauban, il fut un politique au sens plein du terme donc un organisateur[44]. Remarquable "ministre-chef d'État­ Major général", il savait mettre en synergie les forces disponibles afin d'atteindre le but recherché. Comprenant les progrès de l'artillerie, il laissera à la postérité comme amélioration le "mur à la carnot" : le revêtement, à son sommet, est percé de meurtrières créant ainsi un chemin de ronde et une défense rapprochée du fossé, tandis que l'escarpe en terre est en retrait afin qu'elle ne soit pas directement touchée et s'écroule dans le fossé facilitant ainsi la montée de l'attaquant. Cette disposition qui se trouvait déjà dans Errard, avait été souvent maintenue chez les Hollandais, préconisée - point positif - chez Montalembert, et généralisée dans toute l'Europe après la période impériale car nous la retrouvons aussi bien dans les forts anglais de la côte sud qu'en Pologne sous domination russe puis en France après 1830 (Fort Liédot à l'île d'Aix, les forts de Lyon) enfin dans les premiers forts modèle 1874. Mais c'est lors du colloque de 1988 (p.365-387) que le colonel J.-M. Goenaga aborda ses projets dit "de l'An III" et son Traité de la défense des places commandé pour l'École de Metz par l'empereur (1810) mais non distribué car trop favorable au système perpendiculaire auquel doivent être joints les apports postérieurs (Mémoire additionnel, 1811 et Discours préliminaire, 1812) donnant une pensée pratique cohérente sur le rôle des places développé dans le Mémoire sur la fortification primitive pour servir de suite au Traité sur la défense des places (publié en 1823). Si la date des planches du projet n'est pas connue réellement car placées dans les portefeuilles à titre de brouillon, sa démarche est celle d'une simplification selon les principes de Vauban des "bouillonnements" de Montalembert et elle fut expertisée par Tholozé et Noizet de Saint-Paul[45]. La crise de Fructidor, mettant Carnot hors jeu, ne donna pas à ces propositions des résultats concrets directs, mais Mandar et Gay de Vernon[46] les intégreront dans leurs écrits. Il s'agit d'un système en lignes de profondeur : 3 (nouveau car tenaillé) : un corps de place avec casemates de flancs, des couvrefaces, des places d'armes sur le chemin couvert ou 5 (amélioration du bastionné) : avec fortin avancé à réduit en saillant, des couvrefaces et demi-lunes, des "tenailles", des bastions et courtines, des batteries sous casemates et sur un massif central portant artillerie. Une pièce en capitale doit empêcher toute sape, des mortiers défilés sous abris blindés, ancêtres des "caves à canons", doivent assurer un arrêt de tout assaut en particulier sur les flancs.

La question, qui obsède les ingénieurs jusqu'aux cuirassements, est de conserver les moyens d'une "seconde frappe" après avoir subi le bombardement initial de l'ennemi qui touche les pièces qui se sont alors révélées par leurs actions de contre-batteries défensives sur les glacis et contrescarpes. Des accès par rampes doivent permettre également des contre-attaques sur le chemin couvert. La complexité des organes internes vise donc à masquer ces batteries de réserve qui sont décisives dans la résistance de la place. Il a également dans ce cas de conservation du système bastionné, construction devant la courtine d'une "tenaille" qui est reprise de la fortification à rebours. Cet ouvrage actif à tir perpendiculaire est l'ancêtre de la caponnière prussienne du XIXe siècle, de la pré-caponnière à Lyon (1841) préparant la caponnière 1874. Carnot, même membre très actif du Comité de Salut Public, restait bien un ingénieur du Génie poursuivant ses réflexions au cœur des débats du moment.

L'apport du génie Impérial[47] (1799-1815).

Pour la plupart de nos contemporains, Bonaparte artilleur n'a rien construit de 1799 à 1815. Ils oublient l'image d'Épinal le représentant commandant l'assaut ou la défense d'une redoute de neige érigée dans la cour de l'École de Brienne car jusqu'en 1880, la fortification dans les collèges depuis le XVIe siècle est synonyme de travaux pratiques de géométrie. S'il joua des puissances de feu sur les champs de bataille, il utilisa les défenses permanentes pour contrôler des axes, des accès et en particulier protéger les ports. La France n'était pas la zone immédiate de préoccupation, devaient être concernées d'abord les limites des terres sous influence (Pologne, Allemagne, Illyrie…). En 1811, il lança les 3 modèles de tours côtières-modèles (redoute n°1 Fort Liédot à l'île d'Aix, tour n°1 Fort Ruyter à Willemstadt à l'embouchure de la Meuse), afin d'assurer le blocus continental et prévenir les descentes anglaises en particulier en France (défense de Rochefort : à Châtelaillon, début de Fort Boyard…). Anvers constitué comme arsenal défensif fut l'un de ses grands travaux où s'illustrèrent Simon Bernard et Lazare Carnot pour le défendre en 1814.

Le creuset italien : ce fut dans la péninsule le local de ses premières campagnes, n'ayant pas de troupes pour des sièges ni surtout de ravitaillement de longue durée, pour lui la vitesse était alors essentielle face aux Autrichiens, néanmoins dès que la situation était stabilisée les officiers du génie intervenaient, pour prendre en charge les places qui étaient tombées comme des fruits mûrs car il savait bien qu'une ville c'est d'abord une concentration de moyens, de munitions et de vivres. Les Français n'ont jamais intégré ces faits dans leur mémoire collective, tout reposa sur le général Chasseloup-Laubat (1754-1833)[48] et sur une place Alessandria[49] au sud de Milan et de Turin. Ce site est stratégique, cœur des communications, étape entre les centres fondamentaux (outre ceux déjà cités, Gènes, Pavie, Plaisance, Bologne…), elle fut prise (1707) par le Prince Eugène. Devenue ville de la Savoie, il y fut implanté une citadelle à 6 bastions (projet dès 1566, construction œuvre de Bertola de 1726-1728 puis de l732-1745). Elle sera mise à niveau lors de la campagne d'Italie (1859) avec de nombreux magasins. La bataille de Marengo (1800) s'étant déroulée à proximité, le Premier Consul chargea Chasseloup-Laubat (de 1803 à 1814) de réaliser des fronts extérieurs casematés adaptation des lunettes d'Arçon, les "fronts d'Alexandrie" avec réduits défensifs modèles (projet en 1806 puis 1808) 50 et tour à canons. La place fut par ailleurs la base des sapeurs pour toute l'Italie et l'Adriatique avec une école de formation qui inspirera tant les Piémontais que les Italiens unifiés.

La Rocca d'Anfo fut édifiée pour contrôler les "avenues" de Brescia (avec Haxo, Liedot à partir de 1801). Le site était encore stratégique lors des combats en 1945) mais des dérochements emblématiques dans le paysage sont d'une efficacité tactiquement réduite. Peschiera del Garda, la cité nord-ouest du "quadrilatère lombard" en voie de constitution, fut remaniée par Chasseloup­ Laubat de 1802 à 1810 avec les forts Salvi et Mandella : batteries articulées non fermées à la gorge "sédentarisation" d'ouvrages de campagne. À Palmanova, l'enceinte de 1593 avait reçu des demi-lunes au XVIIe siècle, Chasseloup­ Laubat y ajouta à partir de 1807 avec des caponnières de liaison des lunettes inspirées de d'Arçon mais avec réduits rectangulaires, flanqués de chaque côté aux ailes de casemates pour fusilliers. Corfou (verrou de l'Adriatique face aux Anglais, réplique de Valletta, fut remaniée de 1807 à 1814 par Donzelot avec les premières armes du futur général helvétique Dufour le "Vauban suisse" qui ainsi se prépara à son œuvre nationale multiforme.

Les enjeux d'Anvers et du blocus : Philippe Prost détaille, dans ses recherches déjà citées, l'ensemble des travaux dans les Pays-Bas au sens large qui furent entrepris durant la période française d'Ostente, le delta (Walcheren, Flessingue, Fort Impérial à Cadzand…) à la Frise (arsenal-citadelle du Helder) afin de protéger l'arsenal anversois conçu comme capital pour toute la zone de la Mer du Nord face à l'Angleterre et ses ports de Plymouth à Hull. Si de nombreux forts furent bâtis sur la côte, Anvers reçut quelques petits forts détachés au-delà de l'enceinte ancienne principalement en direction des bouches de l'Escaut avec le projet d'une citadelle au nord sur la rive droite, tandis que la rive gauche était mise en chantier, s'appuyant sur un ouvrage appelé "Tête de Flandre" assurant la protection du franchissement, une ville nouvelle Marie-Louiseville flanquée de plusieurs forts sur le plat pays. Ceci étant dans la même ligne que la construction avec mise en défense de Cherbourg (batterie Napoléon reprenant le dessin des projets de Montalembert pour Pondichery) et de La Spézia.

Les sièges germaniques et ibériques : de fait, il n'y eut pas d'opérations durant la période qui ont pu marquer l'Histoire militaire comme les sièges de Vauban (le 1er "réglé" avec les 3 parallèles à Maastricht (1673), celui de Namur décrit par Racine et Boileau (1692) ou la magistrale prise de Luxembourg (1697)). L'événement le plus marquant fut la prise en 1807 puis la défense (1813) de Dantzig[50] où s'opposèrent des émigrés compétents au service des Prussiens (Bousmard auteur d'un Traité complet) et la jeune génération issue de la nouvelle École Polytechnique comme Haxo. C'est ainsi que sont nées dans les combats les batteries blindées de rondins et de terre qui deviendront maçonnées les batteries à l'épreuve connues sons le nom de "batteries Haxo". Les forts qui résulteront des combats et qui furent "solidifiés" par les Français après la prise ne sont pas fermés à la gorge (Fort du Bischofsberg et ouvrages de Holm). Ils participent des évolutions non régulières des couronnés déjà évoqués à Metz et qui pour répondre à la topographie seront composés de plusieurs échelons en profondeur : reprenant en partie la structure du fort vénitien de Palamède de Nauplie ? et annonçant les forts de Lyon de 1831 qui séparent le cavalier actif de la zone de vie. Ainsi fut bâti le réduit triangulaire Haxo du Hagelsberg qui annonce aussi bien les ouvrages de Sébastopol que les pré-caponnières du Fort de Sainte-Foy, mais déjà des structures (alors purement des magasins) amorçaient de tels ouvrages - maintenant actifs - au milieu des bastions de Saint-Ferran. Pour assurer le soutien au blocus continental, étaient aussi prévues une enceinte renouvelée et une citadelle irrégulière, plus trapézoïdale à 5 bastions à Hambourg. Sinon, il fallut prendre par combat de rues, maisons par maisons les villes espagnoles comme Saragosse et un peu moins durement Lérida, Mequinenza et Tortosa. Rogniat[51] futur général dans le prochain débat sur Paris y assura avec Haxo[52]des commandements. Ce furent moins des moments de constructions que des temps de travail de mineurs afin de maîtriser villes et populations. Pour Saragosse après une résistance acharnée, le chef malade et les épidémies ravageant les défenseurs, après 59 jours de tranchées ouverte, la Junta dût capituler. Ces événements expliqueront par la suite le Trocadero, Constantine, Sébastopol et les reprises de Paris (Juin 1848 et mai 1871).

Le seul fort qui est en direct selon les principes de Montalembert, car la mission correspond aussi avec le site, est la tour-caserne défensive de l'île du Large de l'archipel de St-Marcouf. Conçue pour empêcher le stationnement de contrebandiers et des anglais, la batterie circulaire fut ensuite enserrée dans une enceinte de 2 vastes bastions liés à la gorge occupée par la tour. Encore une fois les modèles traditionnels se réimposaient alors que les rochers suffisaient à constituer la défense rapprochée de la batterie. Le poids des enseignements et des pratiques…

LE PREMIER XIXe SIÈCLE : UN LABORATOIRE INVENTIF.

Les nouvelles conditions imposées en Europe par Wellington à l'issue de sa campagne victorieuse de 1815 fondèrent les dispositions du Traité de la Sainte­ Alliance. Seules quelques places de la barrière étaient conservées face à la France sous la responsabilité des Hollandais (Mons, Dinant…). Luxembourg possession personnelle du Roi des Pays-Bas était une place fédérale allemande avec garnison prussienne jusqu'en 1866. Jusqu'à la Guerre de Crimée, qui ouvrit la voie aux modifications de l'artillerie (rayée, puis sous coupole…), la prépondérance du fusil, par salves tirée par des compagnies entraînées dans la défense rapprochée, est incontestable vu le peu de rapidité des cadences des pièces (en France avec le système Valée en 1827 jusqu'aux essais sous le Second Empire).

La France.

De par les traités, il était interdit à la France toute construction nouvelle, que de l'entretien limité. Amputée des places de Philippeville, Marienbourg et Bouillon, elle devait recomposer sa défense frontalière, fragilisée par cette trouée de l'Oise maintenant ouverte. C'est pourquoi parallèlement à la recomposition d'une armée de métier (œuvre du ministre Gouvion Saint-Cyr, la création des 3 premiers régiments du Génie à Metz, Arras, Montpellier…) en 1818 avec la réintégration de l'inspecteur général Marescot[53], une analyse des places est entreprise déterminant un classement et la constitution de lignes de villes fortes pour protéger Paris, car elle fut sans défense tant en 1814 que faiblement mise en état en 1815. Le lieutenant-général Poitevin de Maureillan[54], un autre sapeur établissait, un plan de zones de concentration, de réserves et d'action des corps d'armée sur la frontière affaiblie. À part l'expédition des " fils de Saint-Louis " contre les Libéraux espagnols (1823, prise du Fort du Trocadero à Cadix), il n'y eut aucun chantier véritablement nouveau.

La Monarchie de juillet reposait sur la contestation de ce cadre-carcan international. Louis Philippe décida, dès sa prise de pouvoir, de mettre à niveau les places frontières. Ainsi Haxo inspecteur général établit au château de Belfort, outre un casernement à l'épreuve, une batterie couverte selon ses principes issus des batteries de sièges protégées qu'il avait connues lors du siège de Dantzig. À Grenoble, la citadelle de la Bastille reçut la même amélioration par des casemates à canons et des liaisons avec l'ensemble de la rive droite (porte Saint-Laurent, le Rabot…)[55]. À Briançon, face au Piémont [l'adversaire qui a établi en Maurienne pour se maintenir en Savoie l'Esseillon (1819-34), ensemble perpendiculaire (différent de Montalembert) de 5 fortifications de montagne découlant de l'expérience de Briançon et de Fenestrelle], le contrôle de la route fut complété à la redoute des Salettes par une enveloppe totale comportant une batterie Haxo pointée en direction du col du Mont-Genèvre et croisant ses tirs avec le Fort Dauphin.

Les hypothèses stratégiques d'Haxo étaient que les Alliés pouvaient attaquer la France dans 4 secteurs : en Alsace, peu probable car il fallait ensuite difficilement franchir les Vosges, le choix se porta donc sur Belfort ; par la vallée du Rhône à la suite des opérations en Suisse sous le Directoire puis de 1814 et 1815. Il fallait donc reconstruire le Fort l'Écluse, ce qui fut fait par Haxo et Belmas. Cet ouvrage coupait au sens propre la route de Genève, mais l'ennemi poussant sur Lyon pouvait aussi forcer le défilé de Pierre-Châtel d'où au-dessus du château-chartreuse-forteresse médiévale la construction du Fort des Bancs qui battait ainsi les portes du Bugey et interdisait la batellerie alors existante ; mais avec les Piémontais et alliés passant par le Mont-Cenis assuré par l'Esseillon, il fallait à la fois renforcer Grenoble ce qui fut fait et entretenir Fort Barraux pour fermer la route vers Lyon par le sud-est ; bientôt une autre hypothèse fut soulevée en Jura : il y avait le Fort de Joux devant Pontarlier mais il y avait aussi le passage de Salins (vers Beaune-Dijon, la Saône…) avec le Fort Saint-André (bâti par les Espagnols puis modifié par Vauban) lequel reçut son pendant le Fort Belin et au centre la Lunette de Bracon. Devant l'insuffisance des moyens de défense, il fut, décidé comme pour Pierre-Châtel une construction nouvelle : ce fut le Fort des Rousses flanqué d'ouvrages secondaires[56].

Si la frontière du nord était précédée de la neutralité belge, les derniers travaux concernèrent les Pyrénées. Aux deux extrémités, ce ne furent que quelques redoutes, au centre, fut réalisé le Fort du Portalet qui, lui aussi comme les ouvrages espagnols de Canfranc, reposait essentiellement sur des créneaux de fusillade. Outre la continuité du chantier de Cherbourg et quelques améliorations à Toulon, Brest et une nouvelle série de réduits défensifs côtiers, les deux chantiers fondamentaux furent Lyon puis Paris.

Durant les deux Restaurations, le débat porta sur le double choix : enceinte continue ou forts détachés polygonaux ou non ? : d'où des échanges vifs entre le général Rogniat (1776-1840) de la 2ème promotion de Metz en tant que Président du Comité des fortifications, le commandant Choumara et le futur général Noizet[57] alors cadre puis professeur de fortification à Metz défenseur systématique du tracé bastionné ; second problème quel type de troupes y affecter : Ligne ou Garde Nationale ?

Lyon un laboratoire méconnu : la frontière avec le Piémont très actif (l'Esseillon déjà cité) repose sur la solidité de Lyon. Dès 1831 le général Rohault de Fleury est nommé directeur supérieur et des travaux de Lyon[58] il dépasse le rapport d'Haxo rédigé en 1827. Pour lui toute la ville est à prendre en compte, non seulement la vieille ville à l'ouest mais aussi face à Piémont tous les abords du Rhône. Une enceinte en crémaillère est donc bâtie entourant Fourvière de la porte Saint-Georges à Vaise car comme en 1814 l'adversaire peu tourner la ville par le nord-ouest. Celle de la Croix-Rousse est rétablie et une première ceinture de forts est réalisée. Ils sont clos sauf celui très irrégulier de Loyasse du fait de la topographie. Soulignons deux caractéristiques fondamentales. Issus des expériences des campagnes de 1792 à 1815[59], leur partie active repose sur une ou plusieurs zones en cavalier issues des batteries et traverses-abris des sièges (Dantzig, Trocadero, Anvers) : en barbette ou en " casemate Haxo ", en fractions décalées pour " coller " au terrain et aux missions. La partie du casernement défensif se trouve en partie arrière et plus basse, il y a une nette recherche de défilement protecteur : le Fort de Saint-Irénée en est l'exemple le plus net. La défense rapprochée est assurée par des demi-bastions, des pré-caponnières couverte à 2 étages de casemates. Le niveau supérieur assure le tir, la tête, saillant angulaire est munie d'une galerie de fusillade préfigurant la caponnière de 1874. Deux types dans ces embryons de caponnières : simple couplée encore avec une demi-lune (Fort de Sainte-Foy) ; en éventail (type "oreille de chat" au Fort Saint-Irénée, influence autrichienne ?) mais toujours avec des créneaux à redans et des guérites en pierre aux angles saillants. Pour la défense du fossé, nous assistons aussi à la naissance des créneaux de pied (Fort Sainte-Foy, Fort de Montessuy…).

Le front est est traité, du fait de la plaine du Rhône, de manière quelque peu différente. Ce sont des ouvrages plus réguliers souvent à bastions, possédant un cavalier central constitué en réduit avec guérites d'angle dont le Fort Monluc en est l'exemple le plus caractéristique. Ces ouvrages sont reliés par un retranchement en terre avec parapet en pierre au sommet. Il était même prévu un fossé inondé par une capture du Rhône de la Vitriolerie au nord des Brotteaux. Tout cet ensemble comme la partie ouest est conçu selon des tracés souples liés aux missions et non selon des prototypes académiques. Croix-Rousse est protégée au nord par les 2 forts de Caluire et de Montessuy, irréguliers et adaptés comme point forts d'une défense qui sera organisée avec des retranchements "du moment" lors d'un conflit.

Jusqu'en 1837, date du départ de Rohault pour l'Algérie, Lyon reçoit ainsi une défense qui peut être critiquée dans le détail mais qui repose sur la prise en compte du siège de 1793 et de la tentative de défense de 1814. Malheureusement cette démarche positive fut abandonnée après 1837 avec le Fort de la Duchère lequel reprend le tracé théorique du fort à 5 bastions issu du XVIe siècle italien et du modèle de Lille enseigné à Metz par Noizet. Pourtant le siège de la citadelle d'Anvers par Haxo (1832) avait démontré que le type d'ouvrage était un "puits à bombes" inadapté aux tubes et aux pratiques de ce premier tiers du XIXe siècle, néanmoins les "classiques" de l'École d'application reprennent alors l'avantage tant dans les formes que dans les conceptions.

Le roi Louis-Philippe mais surtout son fils le duc d'Orléans et son instructeur Chabaud-Latour[60] désirent pour éviter en 1814 et 1815 que Paris dé-fortifié depuis le dernier quart du XVIIe siècle, soit de nouveau en état de s'imposer et de résister devant un envahisseur. Dès 1833 une série de redoutes et de têtes de pont en terre sur le mode "fortifications de campagne" sont réalisées de Saint-Denis à Vincennes sur les lieux des combats de la fin des Cent Jours et ainsi pour occuper les hauteurs de la Villette au confluent de la Marne. Tout ne sera pas réalisé car tant pour les tenants de l'enceinte continue (Valazé) que pour ceux qui voulaient une défense par des ouvrages détachés, les possibilités budgétaires imposaient l'adaptation par l'ajout de bastionnets au mur des Fermiers Généraux. Le général inconnu des Français Simon Bernard[61], ancien défenseur d'Anvers, aide de camp de l'empereur, exfiltré par La Fayette aux États-Unis comme adjoint au chef des ingénieurs, considéré comme le "Vauban du Nouveau Monde" (le constructeur des forts qui serviront lors de la Guerre de Sécession ainsi que des routes et canaux de la côte est) était revenu en 1831, proposant outre la mise à niveau du mur (la population de Paris n'ayant pas encore progressé de manière importante) la construction de forts en terre n'ayant que des réduits maçonnés. C'était une solution de bon sens permettant une évolution avec l'accroissement démographique sans tout bloquer (déplacer seulement les masses de terre), n'immobilisant pas des crédits importants fort utiles ailleurs. Mais il restait toujours le courant visant l'arrêt de la croissance urbaine et les pessimistes avec les souvenirs des échecs de l'Empire pour lesquels seule une enceinte constituée pouvait arrêter les envahisseurs en aucun cas des "murs de jardins". Le débat reposaient sur l'estimation du corps d'invasion possible. Les défenseurs du camp retranché considéraient que la circonférence créée par des ouvrages détachés (42 km) rendait tout encerclement impossible. Celui qui fut chargé de faire la synthèse le maréchal Maison décéda en 1840 après Haxo, Valazé, Rogniat et Simon Bernard. Il ne restait plus pour diriger les travaux que Dode de la Brunerie qui réalisa le compromis avec une enceinte bastionnée sans dehors de 94 bastions, précédée de 17 forts trop vastes, issus de dessins d'école, la moitié étant toujours à 5 bastions, sans dehors hormis quelques ouvrages pourvu de lunettes ou de retranchements externes du fait des escarpements à l'est. Avec une artillerie stockée à Bourges pour calmer les libéraux qui voyaient dans ces défenses un carcan anti-social assuré par la Ligne alors que les Gardes Nationaux ne devaient à l'origine que servir sur l'enceinte. En 1840, le compromis[62] et la rapidité de construction pouvait donner le change, mais très vite les forts se sont révélés placés trop près des murailles à peine achevées. Les débats parlementaires, les limites budgétaires et les querelles des spécialistes firent oublier les leçons des combats récents : l'encerclement de Paris était jugé peu plausible, Anvers n'était jugé que pour sa citadelle, la ville n'était pas prise en compte. Le siège de Sébastopol n'avait pas eu lieu. De fait Paris tombera plus par famine et choix politiques que par de réels affrontements militaires : il y eut les échecs des sorties mais aucunement un assaut prussien. Avec les canons de 1840, les hauteurs de Paris n'étaient encore un piège pour le gouvernement. On ferma ainsi les yeux durant 30 ans.

Peu d'autres chantiers seront ouverts par la suite, notons l'achèvement de Cherbourg, la seconde série des réduits-casernes sur les côtes à partir de 1846 (par exemple Marseille, Toulon, Belle-Ile et les côtes de Bretagne…)[63]. Un autre méconnu réalisa un très beau travail, il s'agit du général Bizot[64] issu d'une longue lignée de sapeurs depuis le XVIIIe siècle qui réalisa des travaux novateurs dans la mise en défense de sa ville natale de Bitche (Fort Saint­ Sébastien), il continua en polygonal la synthèse débutée par Carnot et poursuivie à Lyon. Malheureusement, il fut tué alors qu'il commandait le Génie devant Sébastopol. Peut-être, avec lui vivant, la réflexion et les réalisations aurait été plus intenses de 1860 à 1870, donc erreurs et défaites auraient pu alors être évitées ou moins dramatiques.

Les nouveautés dans les empires de la Sainte-Alliance.

La démesure Russe et le contrôle des franchissements de la Vistule : avec la défaite et le repli de Napoléon, les Russes reprirent les terres des partages de la Pologne. Ils concentrèrent leurs efforts principalement sur 3 sites :

  • Modlin l'entrepôt central de leurs armées assurant au confluent de la Vistule et du Bug, céréales et munitions dans une base pivot à proximité de la seule redoute carrée napoléonienne (1811) en brique encore en état[65]. Une caserne défensive fermée de près de 2500m de périmètre sert de réduit en alignant ses 3 niveaux de casemates (dortoirs-batteries) dominées par deux tours à canons­ observatoires (influence de Montalembert ? ou du Capitaine Laurent qui en 1803 proposa une caserne défensive circulaire à 6 bastions ?).
  • Varsovie avec sa citadelle de rive gauche qui contrôle aussi le franchissement de la Vistule par un pont de bateaux et un ouvrage de tête de pont triangulaire, tout en assurant la domination de la ville après son soulèvement de 1830-31 par des batteries sur cavalier défendues par des caponnières à deux étages plus vastes que la pré-caponnière de Lyon, au saillant arrondi et non angulaire sur un pourtour garni d'un "mur à la Carnot".
  • Deblin, le 3ème site est identique aux 2 premiers : contrôle du fleuve, caserne défensive à casemates d'artillerie (ici moindre développement, seulement plus de 1000m) mais trait caractéristique le décor est toujours inspiré des temples égyptiens (influence retour d'Égypte ou manifestation d'ancienneté et de force de l'Empire de toutes les Russies ?). Ce qui sera caractéristique jusqu'à la crise des nouveaux explosifs, c'est la démesure de ces constructions de briques pour des garnisons pléthoriques comment armer, nourrir, discipliner de telles masses d'hommes et de choses ? Autres organes, les redoutables batteries à 3 niveaux avec réduits concaves et préfiguration de caponnières de fossés (Zamosc). Le monde russe se dévoile : un colosse réel (hommes et places) mais aux pieds d'argile quant à l'organisation et la durée dans l'effort, d'autant que de nombreux forts détachés seront encore construits dans ces sites avant 1913. Il fallait impressionner les Polonais dominés et les Prussiens pour que les partages ne puissent être remis en cause, comme devant les Turcs avec Sébastopol (Tour de Malakoff)…

L'expérience autrichienne[66]: situés au cœur de l'Europe à la suite des Traités de 1815, les Habsbourg devaient faire face sur toutes leurs frontières. Ce fut un effort gigantesque de constructions durant le siècle d'existence de ce qui va devenir la double monarchie. Il lui fallait contrôler l'Italie, la Pologne, s'assurer en Adriatique, tenir à distance les Turcs tout en maintenant la circulation indispensable dans les cols et voies de chemin de fer ainsi que contenir toutes les différentes nationalités, sans oublier de se garder de la Prusse. Les Français ne s'étaient arrêtés que devant le col de Tarvis fortifié. Si à l'extérieur les "barrières" des Pays-Bas, des places fédérales de la Confédération germanique, du Piémont-Savoie maintenaient l'équilibre européen voulu, les Autrichiens se devaient de contrôler la marche constituée par le royaume Lombard-Vénitien afin de protéger leurs propres terres. C'est ainsi qu'il faut comprendre le plan de 1827 des 14 forteresses nouvelles et des 7 places à moderniser. Ce plan conçu par l'archiduc Maximilien d'Este comportait la réalisation de 387 tours et 23 observatoires selon les principes de Montalembert, lesquelles étaient justifiées du fait qu'à l'origine les Avars se défendaient en constituant des positions défensives circulaires (ring) qui s'étaient poursuivies par les projets de rondell de Dürer, les propositions de Cugnot (1778)… De fait, cette forme géométrique impressionnante par la force qui s'en dégageait et par la concentration des feux, outil du pouvoir autrichien permettant d'agir sur 360°, fut soutenue par la création d'un canon de 18 livres pour plate-forme avec 180° de gisement et 20° de hausse pour une cadence de tir qui passait pour être alors rapide. L'effort porta sur Linz : 32 tours dont 27 principales à 3 étages dont 2 niveaux de tirs (10 + 4 pièces), l'ensemble équipé pour 4 mois, auxquelles il faut ajouter 6 ouvrages de complément. Pour les autres lieux de telles tours maximiliennes citons: Cracovie (Fort Benedick), Vérone (Fort Sophia). Selon les mêmes principes une redoute circulaire fut bâtie parallèlement à Zamosc par l'ingénieur français Malet devenu Malevski car resté sur place après 1813 et passé au service du "Royaume de Pologne" fictif. À partir de 1858, ces tours furent considérées comme coûteuses et dépassées, seules 4 tours et un fort furent conservés jusqu'en 1897 à Linz. 35 tours de même type furent érigées pour la défense de Wien sur la rive droite et 22 sur la gauche du Danube, mais dès la mort de l'archiduc en 1863 tout fut abandonné. Wien sera dotée de noyaux de défense et de lignes de retranchement "de campagne" en 1866 devant la menace prussienne.

La défense de l'Italie fut l'autre grand chantier dès 1815 avec Plaisance, Venise qui sera le port civil et militaire "tête de mer" en Adriatique jusqu'en 1866, mais surtout avec la constitution structurée des 4 places du quadrilatère lombard à cheval sur le Mincio (Peschiara del Garda, Mantoue, Legnago et surtout Vérone[67]), regroupant plus d'une centaine d'ouvrages de toute sorte. Cette dernière ville sur l'Adige fut de 1827 à 1866 le verrou capital du dispositif d'où 4 cercles concentriques d'ouvrages de la tour maximilienne aux forts polygonaux. Dans ces 4 villes les formes ont évolué avec les progrès de l'artillerie : d'abord en installant à Vérone au saillant des bastions de Sanmichieli (XVIe siècle) des caponnières actives, puis en plaçant celles-ci aux épaules des ouvrages afin d'en assurer mieux le flanquement complété par des murs "à la Carnot" et des blocs constitués de plusieurs casemates en maçonnerie. Deux caractéristiques sont à retenir : le nombre de côtés diminue mais les forts d'avant 1866 conservent encore 7 côtés (exemple : Fort de Cà Vecchia cité comme Viollet-le-Duc dans Histoire d'une forteresse) et la quasi totalité des forts sera dotée de réduit assurant un cavalier pour l'artillerie à longue portée (toujours à la suite des batteries de campagne d'avant 1815) et une résistance interne en profondeur (exemple : réduit central de Borgoforte). Pour le flanquement, le choix fut celui des casemates traditore qui depuis la gorge (cachées du front : de tête, donc protégées contre les tirs directs : toujours la recherche de la "seconde frappe" après le bombardement initial) assuraient la liaison avec les ouvrages voisins (ébauchée depuis les forts de la République de Saint-Marc) et qui seront la base de la défense rapprochée et du flanquement hollandais.

Une place comme Cracovie reçut outre une reprise du château du Wavel ; comme citadelle, 2 ceintures de forts dont les réduits, à la suite de la présence française, subirent peut-être également l'influence du projet du Capitaine Laurent à propos d'une caserne défensive hexagonale flanquée de bastions annonçant les caponnières et dont les équipements internes se distribuaient sur un plan circulaire (butte Kosciuszko). Nous constatons qu'il existe des liens, des échanges d'idées avec les réalisations de la zone russe : primauté de l'artillerie, casernes défensives servant de casemates pour canonnades lors des combats, réduits bâtis en fraction de cercle, développement de caponnières qui à Cracovie pour une meilleure action dans le fossé seront en "oreille de chat". Il y a dans tous les cas débauche de constructions : longueur des casernes, nombre des casemates, alignement de canons, bref continuité dans le syndrome "vaisseau de guerre" (influence des succès de la Navy ?) et des accumulations type Montalembert. Ceci est aussi présent au centre de l'Empire avec la citadelle refuge (casemates pour 200 000 hommes) de Komàrom en Hongrie en cas de chute de Vienne.

Dernier domaine qui fut l'objet des efforts autrichiens : les verrous alpins. Il y a association entre ponts, passages obligés et barrage de vallée (Franzensfeste entre Trente et le Brenner, Barrage de Finstermünz-Nauders entre Tyrol et Grisons). Nous retrouvons la situation du Portalet mais avec des constructions plus imposantes et une artillerie plus développée issue des défenses sur le Danube, celles qui avaient été à l'origine des projets de Montalembert. Nous retrouvons les tours à canons (des torrioni du XVe siècle à Maximilien) et des blocs rectangulaires qui du fait de la topographie n'ont ni besoin de se cacher ni de se défiler aux coups. L'ennemi n'a que peu de place pour s'installer alors le choix fut celui d'impressionner par des murs, des embrasures qui devaient dissuader de les affronter. Après 1880 il y aura même implantation de coupoles cuirassées puis devant la force des nouveaux explosifs l'installation sous roc sera reconnue comme étant la meilleure protection.

Cette évolution marquera l'École helvétique. Le général Dufour réalisera murs de fusillade et tours sur le mode Montalembert, ses successeurs avec le fort Airolo (énorme tortue polygonale en blocs de granit) s'inspireront plus des solutions autrichiennes. Restaient trois questions : comment pouvaient vivre dans de tels "désert des Tartares" une garnison, heureusement soldats et officiers étaient de rustiques montagnards ; comment ventiler d'où de faibles cadences sous casemates ; comment conserver la poudre noire pour être utilisée sèche dans des zones par définition humide ? L'Autriche enserrée dans le mouvement des nationalités fut surtout marquée à première vue par des défaites et ruptures (1866) qui entraîneront sa disparition décidée en 1918, mais cet État, considéré par beaucoup comme repoussoir, fut un laboratoire technologique dont la cinquantaine de forts de la place de Przemysl témoignent dans leur évolution et les combats.

Les caponnières allemandes[68]: en prenant sa revanche sur Napoléon, la Prusse s'imposa à partir de 1815 dans le système germanique et occupa avec ses garnisons les principales villes fédérales de la Confédération (Ulm, Luxembourg). Ainsi afin de contrôler le Rhin, en particulier à Coblence avec le confluent de la Moselle qui est une voie vers la France (disputée de 1793 à 1815) de 1817 à 1832 fut édifiée la forteresse d'Erhenbrenstein qui prenait la place d'un site utilisé depuis l'an 1000. Ici les ingénieurs prussiens ont valorisé le site d'escarpement, toutes les défenses sont reportées sur le plateau vers le nord-est avec des défenses aux abords nord et surtout sud, la liaison avec le fleuve et la ville. Appliquant une synthèse des constructions du XVIIIe siècle et des expériences que Montalembert a utilisé pour ses projets, nous avons encore trois enceintes : la première de combat avec glacis, chemin couvert et un ouvrage amorce d'une caponnière active, puis en second rang un ravelin flanqué de contregardes qui présentent plusieurs niveaux de feu, enfin le corps du fort proprement dit (un bastion et un demi-bastion casematés à l'épreuve à la fois casernement et batteries de tir, reliés par une courtine structurée en trois niveaux de tirs mais seulement pour fusils). Nous avons là l'exemple même de cette trop grande concentration d'embrasures car si la courtine est touchée, elle offre avec toutes ses ouvertures peu de résistance. Les terrasses peuvent servir de formes pour des mortiers assurant des tirs moyens ou de défense rapprochée. II a bien là, l'un des traits caractéristique de l'ensemble de l'Europe : ces bâtiments terrassés à l'épreuve de la Russie au Fort de Penthièvre à Quiberon en passant le Rhin, Komàrom, le Mont-Valérien ou encore le Fort du Roule à Cherbourg. C'est la marque du premier XIXe siècle comme le fut le tracé bastionné du XVIe siècle à 1815. Lors de la mise à niveau des places d'Ulm et de Posen, les Prussiens établirent, précédées de contre-gardes, leurs caponnières détachées à 2 étages dans les fossés afin d'en assurer la défense, tandis que des batteries, dans les flancs de toutes les parties et en cavalier sur le corps de place, assurent le flanquement général. Le profil de la nouvelle manière de fortifier allemande était ainsi définie jusqu'aux modifications d'après 1871 ("casemates Haxo" sur tous les bastions). Si les premières caponnières actives furent à saillant angulaire, dans le second tiers du XIXe siècle tant en Russie qu'en Autriche de nombreuses caponnières furent à têtes arrondies (Ulm, Borgoforte…), solution anti-ricochet? Les maquettes du Musée de Rattstadt sur l'évolution du XIXe siècle en sont les parfaites illustrations. Le Fort de Friedrichsau (1850), réalisé par Moritz von Prittwitz entre Stuttgart et Munich devant Ulm, intègre des caponnières rondes, une grande traverse-abri donnant cette caractéristique allemande fondamentale : la symétrie parfaite (influences des lunettes d'Arçon ?), tandis que la gorge était dotée d'un réduit demi-circulaire avec une caponnière carrée battant le pont et la porte d'entrée : pentagonal il annonce ainsi les forts d'après 1871.

Les réalisations anglaises et belges.

Les Anglais ont une première urgence défendre leurs côtes. Guillaume en 1066 fut le seul à réussir la conquête. Les guerres Jacobites imposèrent l'organisation des côtes écossaises et irlandaises contre tout débarquement français. C'est ainsi que fut réalisé la citadelle au cœur de l'Écosse du Nord le Fort George (1747) par W. Adam pour assurer des magasins et une garnison permanente de 2000 hommes afin de contrôler la région-clé d'Inverness. Bastionné, il n'a de dehors que devant la porte nord et 2 demi-lunes sur les côtés ouest et est. Adapté au XIXe siècle avec affûts de place en bois puis métalliques, il possède différentes batteries au nord pour battre le front d'attaque (peu différent de Mont-Dauphin). Au front sud, il contrôle l'aber d'Inverness avec comme au Mont-Valérien une lourde pièce en capitale des bastions. Fort George avait été précédé par la construction en Irlande de Charles Fort (1678-1690) parfaitement bastionné et destiné à repousser aussi bien les Hollandais que les aides catholiques. Devant les menaces de Napoléon et de l'Armée de Boulogne, la côte sud et certaines embouchures ou zones propices à des débarquements furent dotées de Tours Martello : ces tours circulaires munies d'un seul canon au sommet, permettant par rotation de battre toute la zone. Elles prenaient les tours dites "génoises" qui sur tout le pourtour de la Méditerranée assuraient défense de signalisation face au danger musulman. Lors d'un combat en Corse (1794 Mortella, selon la tradition) un équipage de 5 hommes et un seul canon auraient repoussé une frégate anglaise. La solution devait être bonne contre les médiocres embarcations impériales : 196 furent réalisées de 1796 à 1815 de Plymouth à Hull et il en fut même implantées par la suite d'Irlande aux colonies jusqu'en 1860.

Afin de protéger les ports-bases navales, une série d'ouvrages furent réalisés selon 2 objectifs : éloigner les vaisseaux ennemis des bassins par des tirs directs et d'autre part se défendre sur terre de toute tentative de raids contre les arsenaux. Si depuis Henri VIII (Deal Castle) la défense côtière immédiate est la plus développée, la portée des canons est limitée depuis la terre. Mais avec les progrès de l'artillerie, les deux missions vont être menées de front. Douvres, Southampton et Plymouth vont être défendues par des forts ainsi que l'arsenal fondamental de Chatham. Douvres avec ses forts terrestres sur les hauteurs est le principal effort accompli avec l'introduction des améliorations en ce début du XIXe siècle("mur à la Carnot", casemates "Haxo" et caponnières couvertes de fond de fossé pour relier le corps de place aux dehors). Tous ces ouvrages se retrouveront également dans les étapes de la route des Indes : défenses de Gibraltar et de Malte (exemple : Fort Slima, Fort Saint-Lucian). Avec le cuirassement des navires, il sera mis au point sur la digue de Douvres la première tourelle blindée métallique pivotante par le Capitaine C. Coles en 1860, mue par la vapeur. Pour les embrasures fixes, les canonnades furent remplacées par des pièces à culasse mobile et la façade se couvrit de 3 épaisseurs de places d'acier (Fort Ricasoli) puis également les parties maçonnées face au large. Ainsi ont été protégés les forts du Soient, cette zone d'approche de l'île de Wight qui protège Southampon.

Des choix ciblés Anvers, aux débuts de Brialmont : la Belgique créée en 1830 sur un compromis Anglo-Français n'avait plus de véritables fortifications depuis 1815. Le choix du nouveau royaume, neutre en droit international, fut de protéger son unique "redoute nationale" le port d'Anvers par lequel tout convergeait. Il fut donc établi de 1859 à 1864 une nouvelle enceinte avec la destruction de l'ancienne, des vieux forts et de la citadelle du XVIe siècle (Paciotto), permettant l'édification de 8 forts identiques à 5,5km par le général Brialmont. Débutait ainsi une référence double. La Belgique, neutre protégée par l'Angleterre, possédait alors le système le plus moderne, car pour assurer la protection de Londres Victoria permettait pour ces nouveaux ouvrages l'établissement d'une tourelle Coles. D'autre part, elle inaugurait les consultations que les souverains d'Europe entretinrent avec cet ingénieur réputé. De l'empereur d'Allemagne après 1871 à la Roumanie, avec le général Brialmont nous étions jusqu'à la fin du XIXe siècle au cœur du processus à la fois techniques (simplification des formes et concentration des efforts et des feux) et l'affirmation que le progrès assurera (dans sa course aux armements ?) avec le tandem acier/béton l'avenir de l'Humanité. Jules Verne était présent, bientôt viendront le capitaine Danrit et ses textes prophétiques puis le drame des forts concentrés et bétonnés de Liège…

CONCLUSION.

Ce rapide survol permet de comprendre toute la radicale importance de l'apport des années 1871-1874 en France. Malgré leurs oppositions personnelles, les membres du Comité de Défense pour les conceptions générales pensés par Séré de Rivières et ceux du Comité du Génie sont arrivés parallèlement à la Loi de Juillet 1874 à mettre au point un cahier des charges pour le fort-modèle (1874) sous l'influence de Frossard et si le général Raymond Séré de Rivières fut celui qui proposa les ensembles stratégiques (rideaux-défensifs, forts d'arrêt) reposant sur ses observations, voyages d'études et lectures, il fit appliquer loyalement par ses collaborateurs les modèles et normes retenus. Il avait débuté la construction des forts détachés de Metz (Saint-Julien, Plappeville, Saint-Quentin…) qui ont encore des bastions avant 1868, mis en défense Lyon en 1870 avec des ouvrages en terre qui préfigureront ceux de 1874. Les combats de Paris avec le modèle de la redoute des Hautes-Bruyères et l'importance des sites occupés par les batteries allemandes dont témoigne Viollet-le-Duc[69], explique le fort du Mont-Verdun, le premier pérennisé au point le plus haut de la zone de Lyon, maçonné avant la loi aussi garde-t-il trace des ébauches : une gorge à demi-bastions à casemates à double étage (Vauban et/ou Montalembert ?) et surtout unique exemple de la pile de déviation de tir assurant la sécurité pour les défenseurs utilisant encore, pour la défense rapprochée de l'entrée, le flanquement réciproque né avec le bastionné du XVIe siècle…

D'autre part les rêveries ont une fin : l'archipel de Suomenlinna devant Helsinki fut écrasé par la flotte anglo-française lors de l'opération de diversion dans la Baltique durant la Guerre de Crimée. Il l'avait pourtant construite par les Suédois (avant 1809) avec de l'argent français des batteries étagées sous casemates, mais ce fut encore plus terrible au large d'Hamina. Le Fort Slava construit circulaire comme le Fort Boyard selon les principes de Montalembert fut littéralement effacé par les tirs de cette même escadre. Il y avait trop d'embrasures et ce n'était que des briques. Malgré sa concentration de canons, sa faiblesse était structurelle, il n'était que maçonnerie aussi les tirs le découpèrent selon le pointillé…

Il ne faut jamais oublier les fondamentaux, la Bosnie et le Kosovo sont là pour nous rappeler que depuis la plus haute Antiquité, il faut se bien placer, faire simple et ne jamais négliger ni le terrain, ni les masses de terre ensuite vient la maîtrise de l'artillerie…


NOTES

  1. Claude Folhen (sous la dir.), L'histoire de Besançon, t. 2, 1965, 2ème éd., 1981 ; Jean­ François Pernot, Une cité sous les armes aux XVIème-XVIIIème siècles, CRDP de Besançon, 1979 ; Maurice Gresset, Vauban et la Franche-Comté, 1996.
  2. Yvette Baradel, Belfort au XVIIIème siècle, 1983.
  3. Archives Départementales du Cher (A.D.18) : Portefeuilles de plans, Projets et dessins d'ingénieurs militaires en Europe (XVe-XXesiècles), 2001, p.141-146.
  4. Les Ingénieurs du Roi (1691-1791), p.139-180.
  5. Un exemple du temps de M. d'Asfeld, qui en arrête les projets, Strasbourg (1732), IV, art.s. sect. 1, cart : 2, n°25, cité dans Nicole Salat, Martin Barros (sous la dir.), Plans de fortifications de l'espace germanique, Catalogue de l'exposition du SHAT, septembre 2001, pl.6.
  6. Cf. les travaux de Pierre Boyer.
  7. Ouvrage révélateur car édité pour les artilleurs de l'École de La Fère.
  8. Ne pouvant développer ici toutes les questions relatives à l'artillerie, balistique et pyrotechnique (1665-1765), nous renvoyons aux travaux de Frédéric Naulet, Economica, 2002, lequel fait la synthèse avec les travaux antérieurs.
  9. Anne Blanchard, Dictionnaire des Ingénieurs, 1981, p.179-180.
  10. Cf. comme exemple, son mémoire, Le fort et le faible de Besançon (1746), SHAT, IV, art.8.
  11. Cf. Catalogue de l'exposition du SHAT, sept. 2001, op. cit., pl.4.
  12. Suivant la démarche de son maître Vauban, il rédigea un Mémorial pour l'attaque des places, un autre pour La défense des places, puis un sur La fortification permanente et passagère ainsi que sur La guerre souterraine avec 67 planches de sa main…
  13. Cf. Actes du colloque international, 1990, SEDES, 1993.
  14. Cahier du CEHD, n°11, 2000. Jean-François Pernot (sous la dir.).
  15. Anne Blanchard, op. cit,. p.100-101
  16. Ibid., p.154-155.
  17. Cf. l'édition de la Pléiade, 1979, p.570-600.
  18. Anne Blanchard, op.cit, p.129-130.
  19. Pour plus de détail, la lecture de Jean-Pierre Bois est indispensable, Economica, 1996.
  20. Ne prenons comme exemple que la place de Schweidnitz exposée en 2001 [planches 11 et 12], 1750 (art.14, n° 1), assiégée en 1757 par les Autrichiens (n° 2), les forts et ouvrages extérieurs n'ont pas été réalisés selon le 1er dessin et annoncent les formes du XIXe siècle.
  21. Cf. Catalogue de l'exposition du SHAT, septembre 2001, op. cit., p.57 et pl. 15 et 16.
  22. Cf. les actes du congrès de l'Association Vauban, 1989 et Philippe Truttmann, Les derniers châteaux-forts, 1993.
  23. Nous devons la mise à jour de cette mise en défense de Brest à la remarquable étude de Jean-Yves Besselièvre (maîtrise Brest, 1996) qui après avoir présenté ses recherches au Séminaire Bastion, en a publié un résumé dans le Cahier du CEHD, n°10, 1999, p.152-163.
  24. Anne Blanchard, op. cit., p.137-138. Reçu ingénieur en 1737, il reste antérieur à Mézières. Son frère Jean-Baptiste aussi ingénieur antérieur à l'École en 1740, sera pourtant en 1776 chargé de la direction de Mézières, c'est à dire au moment des travaux de Brest !
  25. Jean-François Pernot, "Les origines de notre pensée géostratégique", Bulletin d'études de la Marine, Décembre 2002.
  26. Inventaire établi par Alexis Rinckenbach, 1998.
  27. Laurent Vidal et Émilie d'Orgeix (sous la dir.), Somogy, 2000.
  28. Ibid.,. p. 134 (extrait du CAOM, DFC, Amérique méridionale, 170 [pl. 7A]).
  29. Archives du Génie, SHAT, série V, article 21 objets d'art, sect. 1, 1 (carton 6, n°II).
  30. Par le colonel français La Radière (1744-1779), ingénieur en 1765 sous les ordres du général du Portail (1743-1802), ingénieur également en 1765.
  31. Général Bernard Riche, Soldats ingénieurs, 1995, p. 110.
  32. Ibid., p. 124.
  33. Ne pouvant ici tout aborder, nous renvoyons à la communication de Janis Langins lors du colloque, Jean-Paul Charnay (sous la dir.), op. cit., p.350-364.
  34. Nous utilisons actuellement l'édition intermédiaire de 1736 conservée à l'ESAG.
  35. Cf. De l'oppidum à l'enfouissement, 1996, p.85-92
  36. 2000 ans de fortifications françaises, 2ème éd., 1989.
  37. Michel Vergé-Franceschi (sous la dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, 2002.
  38. François Dallemagne, Les casernes françaises, 1990.
  39. Anne Blanchard, op. cit., p.299-300.
  40. Ibid., p.464-465.
  41. Témoin, cet ouvrage sans auteur, ni date ni lieu, mais datant du Directoire par sa facture qui se trouve en tête de la documentation sur la fortification à la bibliothèque de l'École militaire de Paris.
  42. Jean-Paul Charnay, op. cit.
  43. Anne Blanchard, op. cit., p.129.
  44. Après les travaux pionniers de Marcel Reinhard (1950), la synthèse actuelle a été publiée par Jean-Paul Charnay, L. Carnot, Le Savant Citoyen, Colloque Sorbonne 1988, PUS, 1990, réalisée par de nombreux spécialistes dont des professeurs d'Histoire militaire et stagiaires de ESG.
  45. Anne Blanchard, op. cit., réciproquement p. 723-724 et 565.
  46. Le premier ingénieur P. et C. est l'auteur d'un traité comparatif de 120 systèmes en 1801, le second Colonel directeur des études à Polytechnique, y fut chargé du cours de fortification permanente, publié en 1803.
  47. Philippe Prost, Les forteresses de l'Empire, 1991.
  48. Bernard Riche, op. cit.
  49. Ville créée en 1168 par la Ligue Lombarde contre l'empereur Barberousse sous la protection du Pape Alexandre III avec des murs de pisé d'où son double vocable "Alexandrie de paille ".
  50. La synthèse récente pour débuter une étude est la communication d'Igor Z. Strzok lors du Colloque Haxo, Belfort 2000, actes éd. 2001, p.91-109.
  51. Bernard Riche, op. cit., p.132.
  52. Ibid., p.124.
  53. Ibid., p.98.
  54. Ibid., p.118.
  55. Cf. les travaux de Robert Bornecque.
  56. Il faudra attendre Séré de Rivières pour qu'il soit complété par le Fort du Risoux.
  57. Bernard Riche, op. cit., p.156.
  58. Cf. les travaux de Madeleine Mettey-Bunevod (Thèse et colloque Haxo, op. cit., p.139- 153), du Col. Bonijoly et les actes du colloque Vauban, 2003 (sous presse); Bernard Riche, op. cit., p.136 ; la note sous presse de Jean-François Pernot présentée à Lyon.
  59. Cf. Marie-France Sardain, La défense de Paris 1814-1914, Thèse de doctorat sous la dir. de Jean-Jacques Becker, Paris X-Nanterre 2001.
  60. Cf. Les enceintes de Paris, Act. artistique de la Ville de Paris, 2001 : en particulier les articles d'H. Robert et de Martin Barros ; Bernard Riche, op. cit., p.172.
  61. Cf. Thèse de Françoise Planchot-Mazel sous la dir. de Claude Folhen, Paris 1, 1988 ; Bernard Riche, op. cit., p.138.
  62. La situation jusqu'aux 20 arrondissements de 1860 n'était pas administrativement satisfaisante car les communes suburbaines se trouvaient coupées en deux avec une fraction intégrée à côté du périmètre des Fermiers Généraux par cette nouvelle enceinte.
  63. Philippe Truttmann, op. cit.
  64. Martin Barros, Colloque Haxo, op. cit., p.183-206.
  65. Philippe Prost, op. cit., p.119.
  66. Cf. la synthèse de Pierre Fournier à partir des travaux du Dr E. Hillbrand et de son épouse Frau Friedericke, Cahier du CEHD, n°10, p.215-245.
  67. Cf. les travaux de Perbellini, IIC, 1981, et l'inventaire général sur l'Italie en cours de publication réalisé par Marino Vigano.
  68. Cf. les travaux d'H. Neumann et de M. Bockling.
  69. Cf. Bernard Fouqueray, Revue historique des armées, n° spécial Génie, septembre 2001, p.29-36.