Mém. Soc. natl. antiq. Fr. (1817) Musset

De Wicri Chanson de Roland
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Légende du bienheureux Roland

Prince français


 
 

   
Titre
Légende du bienheureux Roland, Prince français
Auteur
Louis Alexandre Marie de Musset,
In
Mémoires et Dissertations sur les Antiquités nationales et étrangères, Tome I, 1817. pp. .
Source
Bayerische Staatsbibliothek,

Cet article est paru en 1817 soit plus de 15 ans avant la découverte du manuscrit d'Oxford en 1835.

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Le texte

Les grands auteurs que nous avons consultés ne nous permettent pas de douter que le bienheureux Roland ne soit issu de la princesse Berthe, sœur de saint Charlemagne ; mais les uns disent que Roland fut comte de Gastinois, et les autres qu'il succéda, en qualité de gouverneur d'Angers et du Mans, au comte Milon ou Miles.

Nous ne voulons point affliger les habitants du Gastinois en cherchant à prouver que le véritable Roland n'a pas été un de leurs comtes. Ce seigneur, étant jeune, a pu recevoir de Charlemagne le comté de Gastinois, et conserver cette seigneurie, en acquérant celles de Blaye et du Mans. Nous sommes même portés à croire, contre l'opinion de Jean Bourdigné[1], que Roland a été comte d'Angers. Eginhart nous apprend qu'il eut le commandement général de l'Armorique, et nous sommes persuadés qu'il était digne des premiers honneurs et des emplois les plus importants.

Entre les autres barons de la cour de saint Charlemagne, un des plus distingués, tant en conseil qu'en exécution de hautes entreprise, était le prince Milon. Aussi l'empereur lui donna sa sœur Berthe en mariage ; mais il n'est pas très - certain que Roland fut le fils de ces deux illustres époux. On croit entrevoir que Charlemagne aima trop la princesse sa sœur. Les héros ne sont pas à l'abri des tentations du diable, que les payens nommaient Amour.

Le saint empereur a péché... gardez-vous de croire qu'il n'ait pas fait pénitence ! Chacun sait qu'il appela saint Gilles à sa cour, et que, pendant la messe, un ange descendit du ciel, et déposa, sur l'autel où saint Gilles célébrait, une cédule qui contenait des indulgences pour certain gros péché que l'empereur n'osait avouer. Encouragé par l'apparition de l'ange, Charles se confessa et reçut l'absolution. Est-ce pour avoir donné le jour au plus brave des braves que l'empereur fut mis au nombre des pénitens ? L'histoire ne le dit pas ; mais il faut avouer qu'un guerrier aussi aimable, aussi courageux que le fils de Berthe, méritait bien de naître. Dès ses premières années, le jeune prince montra les plus heureuses dispositions. Miles , comte d'Angers et du Mans , le chérissait avec passion , et prit soin de l'instruire. Il en fit un chevalier accompli. Roland parut à la cour lorsque Charlemagne y fit venir deux moines écossais qui, nouvellement débarqués d'Irlande en France , allaient publiant par les cités qu'ils avaient science à vendre, et que qui en voudrait acheter vínt à eux. Ce fut en s'entretenant avec ces moines moult grands clercs et de sainte vie, que Roland perfectionna son éducation. Ses frères imitèrent son exemple. J. Bourdigné , dans ses très - véridiques Annales d'Anjou, les nomme tons les trois. L'aîné fut Thierry, qui, suivant l'annaliste , eut le comté d'Angers après leur père : le second, Geoffroy, occis jeune en une bataille vers Danemarck : le troisième, Beauldouin ; il assista le preux Roland à la bataille de Roncevaux .

Ces quatre seigneurs étaient soutiens de chrestienté et terreur des infidèles. Le très - éloquent et noble historiographe Nicole Gilles [2], indi ciaire et secrétaire du très - prudent et victorieux roi Louis XI , nous apprend qu'au temps de Miles et de ses fils,il n'y avait plus de livres en France ; ils avaient été perdus et bruslés par les grans guerres que les Gots Sarrasins avoient faites en la chrestienté  ; mais les deux moines écossais possédaient la scieņce par don de Dieu, et la communiquaient d'une manière facile presque miraculeuse et qui convenaię fort à des jeunes gens d'aussi grande qualité que les fils de la princesse Berthe.

Ce qui distinguait Roland de ses frères, ce qui l'élevait au-dessus de tous, c'était le vif désir qu'il apait de combattre les infidèles, et de sacrifier sa vie pour la défense de la foi. Il était bien jeune encore lorsqu'il partit , avec son frère Thierry, pour aller combattre les Huns, et cependant il fit dans cette guerre des prodiges de valeur. Il ne se distingua pas moins contre les Bretons qui, s'ils n'étaient pas des mécréans, étaient des rebelles.

Charlemagne avait vaincu leş Saxons , conquis toute l’Angleterre, porté secours au pape et à l'empereur de Constantinople, délivré Jérusalem de la servitude des Sarrasins [3] , et remporté de grands avantages sur ces mêmes Sarrasins en Espagne , lorsque se promenant pendant la nuit dans sa chambre, et considérant une grande voye blanche qui apparait au ciel entre les étoiles, tirant des marches de France vers Espagne et Gaļice , il aperçut en l'air uu homme de moult belle et vénérable stature. C'était saint Jacques. Après s'être fait connaître pour fils de Zébédée, pour frère de l'évangéliste saint Jean, pour cousin germain de Jésus-Christ , l'apôtre saint Jacques re présenta à l'empereur qu'on était moult esmerveille qu'il n'eút pas encore conquis la terre de Galice . « C'est dans cette terre , lui dit - il , qué mon corps git inconnu et sans être révèrré . Le signe qui t'apparoist au ciel , et que les tiens ý verront jusqu'à la fin des siècles , të montre le chemin que tu dois suivre sí , docile aux ordres de Dieu , tu prends la généretese résolution d'ex pulser tes Sarrasins , et d'offrir aux chrétiens des moyens sürs et faciles pour venir visiter mori corps et mon sé pulchre . »

Charlemagne , après avoir reçu par trois diffe rentés fois un avis de si grande importance , partit à la tête d'une nombreuse armée. Les murailles de Pampelune et des autres villes tonberent devátit lui . Il se rendit maître de Compostelle , y fonda ünë belle église en l'homeur de saint Jacques , et , arrivé aus dernières limites d'Espagne , ficha sa lancé en et rëvint en France .

Aygoland , très - puissant entre les Sarrasins , récon quit bientôt après l'Espagne , et y tyrannisait les chré tiens . L'empereur envoya contre ce mécréant l'illustre Miles , comte d'Anjou et du Mainė . Roland marcha sous ses ordres dans cette expédition , et eut la dou leur de l'y voir périr . Miles termina glorieusement sa carrière . Les prodiges ne furent pas moins multi pliés sous ce chef qu'ils ne l'avaient été lorsque Charlemagne commandait en personne . On vit sur la mer,

tout avec un saint respect les lances des chrétiens qui devaient , en combattant , obtenir la palme du martyre , prendre racine et se couvrir de feuilles et de fleurs . La bataille générale , précédée de combats particuliers de dix contre dix , de cent contre cent che valiers , fut très - meurtrière , et la victoire resta long temps indécise . Enfin , Aygoland abandonnale champ de bataille , et les Français , vainqueurs , s'en relour nèrent dans leur pays . Aygoland les voyant partis , leva une grande armée et s'avança d'abord jusqu'à Agen dont il s'empara ; Charles marcha contre lui et reprit Agen . Aygoland se rendit ensuite maître de Xaintes ; Charles le chassa de cette forteresse , le repoussa jusqu'en Espagne , et d'un coup de son espée Joyeuse , tua et occist cet ennemi des chrétiens . Roland , après la mort d’Ay goland , combatiit Ferrogut , géant de la race de Goliath . Ce géant , venu de Syrie , avait triomphé sans peine d'Ogier le Danois , et d'un grand nombre d'autres illustres chevaliers ; mais il succomba sous les coups du neveu de Charlemagne qui le frappa au nombril . Les Français eurent encore à combattre le roi de Sébille , Launatour de Cordes . Ils triomphèrent de ces redoutables ennemis , mais ils ne purent se préserver de la perfidie de l'infâme Ganelon ou Ganes , dont la mémoire sera éternellement en horreur à tous les chrétiens . Charles était prêt à retourner en France , lorsqu'il fit réflexion que Marsille et Balligant , qui tenaient
avait peu la cité de Saragosse , étaient encore Musulmans , et qu’ainsi il у à compter sur la foi qu'ils avaient jurée au vainqueur . Il voulut que ces deux rois renonçassent à toute alliance avec le souldan de Ba bylone , et se fissent chrétiens . Ganes ou Ganelon fut , par l'avis de Roland , député vers les deux rois de Saragosse . Quelques auteurs disent que , depuis la mort de Miles , la princesse Berthe avait épousé en secondes noces le perfide Ganes . La négociation dont il était chargé lui parut périlleuse ; il sut mauvais gré à son beau - fils Roland de l'avoir exposé à être mis à mort par les Sarrasins , et dans son ame il jura de se venger , faire périr Roland , perdre l'armée en tière du noble roi des Français . C'est ici que l'auteur du poème de Roncevals ( 1 ) commence sa narration : dût - il , pour Charles li Rois à la barbe grisaigne , Six ans tout pleios a été en Espaigne , a tout conquis , Fors Saragoze au chef d'une montaigne . La è Marsille . Ganes vient le trouver . Marsille et ses Sarrasins croient que Charlemagne est bien vieux , qu'il a plus ( 1 ) Le roman de Roncevals , manuscrit dont M. Guyot des Herbiers prépare une édition qui ne peut manquer d'être favorablement accueillie .
de deux cents ans . Ganės les détrompe , et les assure que si Roland , Olivier et les douze pairs n'existaient point , Charlemagne ne serait plus tenté de faire la guerre . On prend donc dans le conseil des Sarrasins , et de concert avec le perfide député , la résolution de préparer une embuscade à Roncevaux , et d'y faire périr l'élite de l'armée française , lorsque Charle magne , déçu par les feintes promesses de ses enne mis , aura passé les défilés des Pyrénées . Ganes , de retour auprès de Charlemagne , lui rend compte de son ambassade , et lui présente les clefs de la ville de Saragosse , en lui annonçant que Marsille se met à sa discrétion . Sur le rapport de l'envoyé , l'empereur ordonne que l'armée regagnera la noble France . Ganes demande pour Roland l'hon neur de commander l'arrière - garde . L'empressement qu'il montre pour faire obtenir cette espèce de fa veur à son beau - fils , le rend suspect : mais un cour magnanime , lors même qu'il se croirait trahi , ne reculerait et braverait tous les dangers , surtout s'il s'agissait de défendre son roi et sa patrie . Aussi Roland demande à l'empereur le commandement que Ganes a sollicité pas , pour lui . L'auteur du poème que nous avons cité lui fait dire : Domnez me l'arc , lo gant et lo baston ; Je vos plevis qn'il a fait traison . Li emperere en baisse le menton , Tire sa barbe dont blanc sunt li grenon , Plore , lui don ' l'arc , lo gant , lo baston .
Roland s'arme : Ceiat Darandau dont li poings fut dorez ; Hainte ol moult , li fert fu acerez ; Ses gonferons fa blancs a or lislez . Monte du cheval mult fu ben acermez . Bien sembla prince de bataille adurez , Gi de ses armes fu forment redotez . Sur Velatif , son cheval , est monté . 7 lorsqu'il voit venir contre lui les Sarrasins , Olivier l'engage à sonner du cor : Compaing Roland , car sonnet votre cor ; Quand lorra Charle retornera alor . Respond Rolant : trop fous seroie lor ; En douce France en perdroie m'onor : Ains y ferai grand cops de Durandor . 4 Mese veut mourir que France en soie blamée . on se prépare au combat ; l'archevêque Turpin donne la bénédiction : Por pénitence lors commande à ferirs . Olivier et les douze pairs font des prodiges de vail lance . Les Français sont vainqueurs ; mais leurs chefs triomphent en perdant la vie . Le brave Roland qui se désolait de la mort d'Olivier , Prit l'olifant , faiblement le sonna . Le roi l'entendit et résolut de revenir sur ses pas .
Cependant Roland rassembla auprès de l'archevêque Turpin les corps de ses frères d'armes ; le prélat blessé mortellement les bénit , et fit des prières pour eur . Roland étant près d'expirer , un Sarrasin s'avança pour lui enlever son épée . Le généreux guerrier , à la vue de l'infidèle , reprit ses forces : Dessus le tertre avait deux pins floris , Et deux perrons qui fut de marbre bis ; Là vint Roland . Le Sarrasin l'attaqua , et le paladin tua cet ennemi à coups de son cor d'olifant ; puis il essaya de briser son épée , et s'écria : 0 Durandal ! Ne vous ait hom ' qui port'autre . A mon vivant ne me serez tollue . Dex ne softrez que France en soit honnie . Les efforts de Roland sont vains , Dieu ne veut pas qu'il brise son épée . Alors le paladin enfonça cette arme redoutable en un marais : Si a coisi un fontenil rouant , Plein de venin et plein d'enteschement . Dedans la gete Est et sera de ci au finiment , L'auteur des très - élégantes et copieuses annales de France rapporte ces faits mémorables d'une manière un peu différente .
. Après avoir de son épée Durandal pourfendu un Sarrasin , de la tête jusqu'à la selle , tellement qu'il coupa tout outre l'homme , la selle et le cheval , le valeureux Roland se fit jour jusqu'au lieu où était Marsillon et le tua . « En cette bataille furent tous les compaignons de Roland tués , et lui navré de quatre lances et grièvement féru de perches et pierres ; mais toutefois par l'aide de Notre Seigneur , il échappa vif d'entre les Sarrasins . » » Quant Belligant sçut la mort de son frère Mar sillon , s'enfuit lui et ses Sarrasins . Beaudouin et Thierry et aucuns peu de chrestiens estaient dedans parmi le bois et se massaient pour la paour des Sarrasins , et Charlemaigne et ses gens qui rien ne sçavaient de l'occision des chrestiens , passaient les portes de Cesarée . Lors commença Roland , ainsi blessé qu'il était , à aller parmi le champ de ba taille , dolent de la mort de tant de nobles hommes qu'il voiait , et s'en alla droit à la voye tirant après Charlemaigne parmi le bois . Tant alla qu'il vint jusqu'au pied de la montaigne de Cesarée , au - dessous de la valée de Roncevaulx où il trouva un beau preau d'herbe vert ouquel avait un bel arbre et un grand perron de marbre . Là descendit de cheval et s'assit pour soy reposer ; car il estait si las des grans coups qu'il avait donnés et receus qu'il se trouva si malade que plus ne se pouvait soustenir , et se mist le visage vers Espaigne , en faisant de griefves complaintes , et surtout regrettait son oncle Charlemaigne , et dist que pour le reconforter , il voulait qu'il le trouvast
mort le visage devers ses ennemis , affin qu'il ne dit pas qu'il eût fui , et lors tira son espée Durandal toute nue ; et après qu'il l'eut longuement regardée , il commença à la regretter comme en plorant et disant : Espée très - belle , claire et flamboyante , remplie de biens et de vertus , celui qui te porterà ne sera deceu par fantósme ne illusion , àurä en son aide la divine vertu ; par toi ont été maibits Sarra sins vaincus , et la foi chrestienné exaulcée . O quantes fois ai - je par toi vengé le sang de J. C. ! et quantz ennemis de la foi ai - je par toi occis tant Sarrasins que Juifs ! J'aurai trop grant douleur se mauvais paresseux chevalier te possede après moi . Je seraye trop courroussé se Sarrasin , Juif ou autre ennemi de la foi de J. C. t'est en sa possession . Et en ce disant , la leva contrémont et en frappa trois coups sur le perron qui là estait pour la cuyder , briser et rompre de paour qu'elle ne vinst és mains des infidelles , et frappa de telle puissance qu'il brisa ledit perron de marbre tout au travers , et demoura son espée saine et entière . Quand il vist qu'il ne la peut briser , son cor d'yvoire mist en så bouché , et commença à corner de si grant force conime il peut , affin que s'il y avait ille près aucuns chrestiens mussez qui allassent à lui , et que ceux qui avaient jà passez les ports retournassent et prinssent son espée et son cheval , et sonna sondit cor de si grant force et vertu qu'il se fericit par la force du vent ; et tant s'efforça de souffler qu'il se rompit les nerfs et les veines du col . Le son ét là voix

Notes de l'article

  1. Annales des comtes d'Anjou, in-folio, 1529]]
  2. Cet auteur est mort en 1503. Son ouvrage a eu plusieurs éditions ; il a été traduit en latin.
  3. Le magnanime Charles , fils de Pepin , avait été conduit d'une manière miraculeuse à Jérusalem . Il faut en croire les conteurs du temps passé , plutôt que les critiques modernes .

Voir aussi

Notes
Source
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