Mém. Soc. natl. antiq. Fr. (1817) Musset

De Wicri Chanson de Roland

Légende du bienheureux Roland

Prince français


 
 

    ;Titre: Légende du bienheureux Roland, Prince français
Auteur
Louis Alexandre Marie de Musset,
In
Mémoires de la Société royale des antiquaires de France, Tome I, 1817. pp. .
Source
Bayerische Staatsbibliothek,
en ligne

Cet article est paru en 1817 soit plus de 15 ans avant la découverte du manuscrit d'Oxford en 1835.

logo travaux Document en cours d'importation
cliquez sur le document pour lire l'article dans son intégralité

Avant-propos

Pour une meilleure lecture numérique des titres ont été ajoutés.

Le texte

Sur l'origine et l'enfance de Roland

Les grands auteurs que nous avons consultés ne nous permettent pas de douter que le bienheureux Roland ne soit issu de la princesse Berthe, sœur de saint Charlemagne ; mais les uns disent que Roland fut comte de Gastinois, et les autres qu'il succéda, en qualité de gouverneur d'Angers et du Mans, au comte Milon ou Miles.

Nous ne voulons point affliger les habitants du Gastinois en cherchant à prouver que le véritable Roland n'a pas été un de leurs comtes. Ce seigneur, étant jeune, a pu recevoir de Charlemagne le comté de Gastinois, et conserver cette seigneurie, en acquérant celles de Blaye et du Mans. Nous sommes même portés à croire, contre l'opinion de Jean Bourdigné[1], que Roland a été comte d'Angers. Eginhart nous apprend qu'il eut le commandement général de l'Armorique, et nous sommes persuadés qu'il était digne des premiers honneurs et des emplois les plus importants.

Entre les autres barons de la cour de saint Charlemagne, un des plus distingués, tant en conseil qu'en exécution de hautes entreprise, était le prince Milon. Aussi l'empereur lui donna sa sœur Berthe en mariage ; mais il n'est pas très - certain que Roland fut le fils de ces deux illustres époux. On croit entrevoir que Charlemagne aima trop la princesse sa sœur. Les héros ne sont pas à l'abri des tentations du diable, que les payens nommaient Amour.

Le saint empereur a péché... gardez-vous de croire qu'il n'ait pas fait pénitence ! Chacun sait qu'il appela saint Gilles à sa cour, et que, pendant la messe, un ange descendit du ciel, et déposa, sur l'autel où saint Gilles célébrait, une cédule qui contenait des indulgences pour certain gros péché que l'empereur n'osait avouer. Encouragé par l'apparition de l'ange, Charles se confessa et reçut l'absolution. Est-ce pour avoir donné le jour au plus brave des braves que l'empereur fut mis au nombre des pénitens ? L'histoire ne le dit pas ; mais il faut avouer qu'un guerrier aussi aimable, aussi courageux que le fils de Berthe, méritait bien de naître. Dès ses premières années, le jeune prince montra les plus heureuses dispositions. Miles , comte d'Angers et du Mans , le chérissait avec passion , et prit soin de l'instruire. Il en fit un chevalier accompli. Roland parut à la cour lorsque Charlemagne y fit venir deux moines écossais qui, nouvellement débarqués d'Irlande en France , allaient publiant par les cités qu'ils avaient science à vendre, et que qui en voudrait acheter vínt à eux. Ce fut en s'entretenant avec ces moines moult grands clercs et de sainte vie, que Roland perfectionna son éducation. Ses frères imitèrent son exemple. J. Bourdigné , dans ses très - véridiques Annales d'Anjou, les nomme tons les trois. L'aîné fut Thierry, qui, suivant l'annaliste , eut le comté d'Angers après leur père : le second, Geoffroy, occis jeune en une bataille vers Danemarck : le troisième, Beauldouin ; il assista le preux Roland à la bataille de Roncevaux .

Ces quatre seigneurs étaient soutiens de chrestienté et terreur des infidèles. Le très - éloquent et noble historiographe Nicole Gilles [2], indi ciaire et secrétaire du très - prudent et victorieux roi Louis XI , nous apprend qu'au temps de Miles et de ses fils,il n'y avait plus de livres en France ; ils avaient été perdus et bruslés par les grans guerres que les Gots Sarrasins avoient faites en la chrestienté  ; mais les deux moines écossais possédaient la scieņce par don de Dieu, et la communiquaient d'une manière facile presque miraculeuse et qui convenaię fort à des jeunes gens d'aussi grande qualité que les fils de la princesse Berthe.

Ce qui distinguait Roland de ses frères, ce qui l'élevait au-dessus de tous, c'était le vif désir qu'il apait de combattre les infidèles, et de sacrifier sa vie pour la défense de la foi. Il était bien jeune encore lorsqu'il partit , avec son frère Thierry, pour aller combattre les Huns, et cependant il fit dans cette guerre des prodiges de valeur. Il ne se distingua pas moins contre les Bretons qui, s'ils n'étaient pas des mécréans, étaient des rebelles.

Sur Charlemagne en Espagne

Charlemagne avait vaincu leş Saxons, conquis toute l’Angleterre, porté secours au pape et à l'empereur de Constantinople, délivré Jérusalem de la servitude des Sarrasins [3] , et remporté de grands avantages sur ces mêmes Sarrasins en Espagne, lorsque se promenant pendant la nuit dans sa chambre, et considérant une grande voye blanche qui apparait au ciel entre les étoiles, tirant des marches de France vers Espagne et Gaļice , il aperçut en l'air uu homme de moult belle et vénérable stature. C'était saint Jacques.

Après s'être fait connaître pour fils de Zébédée, pour frère de l'évangéliste saint Jean, pour cousin germain de Jésus-Christ, l'apôtre saint Jacques représenta à l'empereur qu'on était moult esmerveille qu'il n'eút pas encore conquis la terre de Galice . « C'est dans cette terre, lui dit - il , que mon corps git inconnu et sans être révèrré . Le signe qui t'apparoist au ciel , et que les tiens ý verront jusqu'à la fin des siècles, te montre le chemin que tu dois suivre sí , docile aux ordres de Dieu , tu prends la généretese résolution d'ex pulser tes Sarrasins , et d'offrir aux chrétiens des moyens sürs et faciles pour venir visiter mon corps et mon sépulchre. »

Charlemagne, après avoir reçu par trois différentes fois un avis de si grande importance, partit à la tête d'une nombreuse armée. Les murailles de Pampelune et des autres villes tombèrent devant lui. Il se rendit maître de Compostelle, y fonda une belle église en l'honneur de saint Jacques, et, arrivé aux dernières limites d'Espagne, ficha sa lance en la mer et revint en France .

Aygoland, très-puissant entre les Sarrasins, reconquit bientôt après l'Espagne, et y tyrannisait les chrétiens. L'empereur envoya contre ce mécréant l'illustre Miles, comte d'Anjou et du Maine. Roland marcha sous ses ordres dans cette expédition, et eut la douleur de l'y voir périr. Miles termina glorieusement sa carrière. Les prodiges ne furent pas moins multipliés sous ce chef qu'ils ne l'avaient été lorsque Charlemagne commandait en personne. On vit tout avec un saint respect les lances des chrétiens qui devaient, en combattant, obtenir la palme du martyre, prendre racine et se couvrir de feuilles et de fleurs. La bataille générale, précédée de combats particuliers de dix contre dix, de cent contre cent chevaliers , fut très-meurtrière, et la victoire resta long temps indécise. Enfin, Aygoland abandonna le champ de bataille, et les Français, vainqueurs, s'en retournèrent dans leur pays.

Aygoland les voyant partis, leva une grande armée et s'avança d'abord jusqu'à Agen dont il s'empara ; Charles marcha contre lui et reprit Agen. Aygoland se rendit ensuite maître de Xaintes ; Charles le chassa de cette forteresse , le repoussa jusqu'en Espagne , et d'un coup de son espée Joyeuse, tua et occist cet ennemi des chrétiens. Roland , après la mort d’Aygoland, combatit Ferrogut, géant de la race de Goliath. Ce géant, venu de Syrie, avait triomphé sans peine d'Ogier le Danois , et d'un grand nombre d'autres illustres chevaliers ; mais il succomba sous les coups du neveu de Charlemagne qui le frappa au nombril.

Les Français eurent encore à combattre le roi de Sébille, Launatour de Cordes. Ils triomphèrent de ces redoutables ennemis, mais ils ne purent se préserver de la perfidie de l'infâme Ganelon ou Ganes, dont la mémoire sera éternellement en horreur à tous les chrétiens.

Charles était prêt à retourner en France , lorsqu'il fit réflexion que Marsille et Balligant , qui tenaient avait peu la cité de Saragosse , étaient encore Musulmans , et qu’ainsi il у à compter sur la foi qu'ils avaient jurée au vainqueur . Il voulut que ces deux rois renonçassent à toute alliance avec le souldan de Ba bylone , et se fissent chrétiens. Ganes ou Ganelon fut, par l'avis de Roland, député vers les deux rois de Saragosse.

Quelques auteurs disent que, depuis la mort de Miles, la princesse Berthe avait épousé en secondes noces le perfide Ganes. La négociation dont il était chargé lui parut périlleuse ; il sut mauvais gré à son beau-fils Roland de l'avoir exposé à être mis à mort par les Sarrasins, et dans son âme il jura de se venger, faire périr Roland, perdre l'armée entière du noble roi des Français.

Sur le poème de Roncevals

C'est ici que l'auteur du poème de Roncevals[4] commence sa narration :

Charles li Rois à la barbe grisaigne,
Six ans tout pleios a été en Espaigne,

a tout conquis ,

Fors Saragoze au chef d'une montaigne .
La è Marsille .

Ganes vient le trouver. Marsille et ses Sarrasins croient que Charlemagne est bien vieux, qu'il a plus de deux cents ans. Ganės les détrompe , et les assure que si Roland , Olivier et les douze pairs n'existaient point, Charlemagne ne serait plus tenté de faire la guerre . On prend donc dans le conseil des Sarrasins, et de concert avec le perfide député, la résolution de préparer une embuscade à Roncevaux, et d'y faire périr l'élite de l'armée française, lorsque Charlemagne, déçu par les feintes promesses de ses ennemis, aura passé les défilés des Pyrénées.

Ganes, de retour auprès de Charlemagne, lui rend compte de son ambassade, et lui présente les clefs de la ville de Saragosse, en lui annonçant que Marsille se met à sa discrétion. Sur le rapport de l'envoyé , l'empereur ordonne que l'armée regagnera la noble France. Ganes demande pour Roland l'honneur de commander l'arrière-garde. L'empressement qu'il montre pour faire obtenir cette espèce de faveur à son beau-fils, le rend suspect : mais un cœur magnanime, lors même qu'il se croirait trahi , ne reculerait et braverait tous les dangers, surtout s'il s'agissait de défendre son roi et sa patrie . Aussi Roland demande à l'empereur le commandement que Ganes a sollicité pour lui . L'auteur du poème que nous avons cité lui fait dire :

Domnez me l'arc , lo gant et lo baston ;
Je vos plevis qn'il a fait traison .
Li emperere en baisse le menton ,
Tire sa barbe dont blanc sunt li grenon ,
Plore , lui don' l'arc, lo gant ,lo baston .

Roland s'arme :

Ceiat Darandau dont li poings fut dorez ;
Hainte ol moult , li fert fu acerez ;
Ses gonferons fa blancs a or lislez.
Monte du cheval mult fu ben acermez .
Bien sembla prince de bataille adurez,
Gi de ses armes fu forment redotez .
Sur Velatif ,son cheval ,est monté .

Lorsqu'il voit venir contre lui les Sarrasins , Olivier l'engage à sonner du cor :

Compaing Roland , car sonnet votre cor ;
Quand lorra Charle retornera alor .
Respond Rolant : trop fous seroie lor ;
En douce France en perdroie m'onor :
Ains y ferai grand cops de Durandor .
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mese veut mourir que France en soie blamée .

On se prépare au combat ; l'archevêque Turpin donne la bénédiction :

Por pénitence lors commande à ferirs .

Olivier et les douze pairs font des prodiges de vaillance . Les Français sont vainqueurs ; mais leurs chefs triomphent en perdant la vie . Le brave Roland qui se désolait de la mort d'Olivier ,

Prit l'olifant , faiblement le sonna .

Le roi l'entendit et résolut de revenir sur ses pas .

Cependant Roland rassembla auprès de l'archevêque Turpin les corps de ses frères d'armes ; le prélat blessé mortellement les bénit , et fit des prières pour eur . Roland étant près d'expirer , un Sarrasin s'avança pour lui enlever son épée. Le généreux guerrier , à la vue de l'infidèle , reprit ses forces :

Dessus le tertre avait deux pins floris ,
Et deux perrons qui fut de marbre bis ;
Là vint Roland .

Le Sarrasin l'attaqua , et le paladin tua cet ennemi à coups de son cor d'olifant ; puis il essaya de briser son épée , et s'écria :

0 Durandal !
Ne vous ait hom ' qui port'autre .
A mon vivant ne me serez tollue .
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dex ne softrez que France en soit honnie .

Les efforts de Roland sont vains, Dieu ne veut pas qu'il brise son épée . Alors le paladin enfonça cette arme redoutable en un marais :

Si a coisi un fontenil rouant ,
Plein de venin et plein d'enteschement .
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dedans la gete
Est et sera de ci au finiment ,

L'auteur des très - élégantes et copieuses annales de France rapporte ces faits mémorables d'une manière un peu différente .

Après avoir de son épée Durandal pourfendu un Sarrasin , de la tête jusqu'à la selle , tellement qu'il coupa tout outre l'homme , la selle et le cheval , le valeureux Roland se fit jour jusqu'au lieu où était Marsillon et le tua . « En cette bataille furent tous les compaignons de Roland tués , et lui navré de quatre lances et grièvement féru de perches et pierres ; mais toutefois par l'aide de Notre Seigneur , il échappa vif d'entre les Sarrasins . »

 » Quant Belligant sçut la mort de son frère Marsillon, s'enfuit lui et ses Sarrasins. Beaudouin et Thierry et aucuns peu de chrestiens estaient dedans parmi le bois et se massaient pour la paour des Sarrasins , et Charlemaigne et ses gens qui rien ne sçavaient de l'occision des chrestiens , passaient les portes de Cesarée . Lors commença Roland , ainsi blessé qu'il était , à aller parmi le champ de ba taille , dolent de la mort de tant de nobles hommes qu'il voiait , et s'en alla droit à la voye tirant après Charlemaigne parmi le bois. Tant alla qu'il vint jusqu'au pied de la montaigne de Cesarée , au - dessous de la valée de Roncevaulx où il trouva un beau preau d'herbe vert ouquel avait un bel arbre et un grand perron de marbre . Là descendit de cheval et s'assit pour soy reposer ; car il estait si las des grans coups qu'il avait donnés et receus qu'il se trouva si malade que plus ne se pouvait soustenir , et se mist le visage vers Espaigne , en faisant de griefves complaintes , et surtout regrettait son oncle Charlemaigne , et dist que pour le reconforter , il voulait qu'il le trouvast mort le visage devers ses ennemis , affin qu'il ne dit pas qu'il eût fui , et lors tira son espée Durandal toute nue ; et après qu'il l'eut longuement regardée , il commença à la regretter comme en plorant et disant : Espée très - belle , claire et flamboyante , remplie de biens et de vertus , celui qui te porterà ne sera deceu par fantósme ne illusion , àurä en son aide la divine vertu ; par toi ont été maibits Sarra sins vaincus , et la foi chrestienné exaulcée . O quantes fois ai - je par toi vengé le sang de J. C. ! et quantz ennemis de la foi ai - je par toi occis tant Sarrasins que Juifs ! J'aurai trop grant douleur se mauvais paresseux chevalier te possede après moi . Je seraye trop courroussé se Sarrasin , Juif ou autre ennemi de la foi de J. C. t'est en sa possession . Et en ce disant , la leva contrémont et en frappa trois coups sur le perron qui là estait pour la cuyder , briser et rompre de paour qu'elle ne vinst és mains des infidelles , et frappa de telle puissance qu'il brisa ledit perron de marbre tout au travers , et demoura son espée saine et entière . Quand il vist qu'il ne la peut briser , son cor d'yvoire mist en så bouché , et commença à corner de si grant force conime il peut , affin que s'il y avait ille près aucuns chrestiens mussez qui allassent à lui , et que ceux qui avaient jà passez les ports retournassent et prinssent son espée et son cheval , et sonna sondit cor de si grant force et vertu qu'il se fericit par la force du vent ; et tant s'efforça de souffler qu'il se rompit les nerfs et les veines du col . Le son ét là voix du cor de Roland alla miraculeusementjusqu'à l'ouye de Charlemaigne par le conduit de l'ange , et avait ledit Charlemaigne jà logé son ost en une vallée deçà les ports qui encores est appelée le vau de Charlemaigne .
» Tantoșt que Charlemaigne oust entendu lo cor de Roland , il doubta bien qu'il avait aucun incon yénient et besoing d'ayde , et voulut retourner . Il estait jà loing de Roland huit lieues ; mais le traistre Gannes qui était cause de cette malle adventure , et entendait bien le cas dist audit Charlemaigne : Sire , il n'est jà besoing que vous retournez pour paour que vous ayez de Roland ; car il a de coustume de sonner sop cor à petite occasion , et croy qu'il va de cette heure chasser et cornant après aucune beste en ce boys
» Quand Roland eut ainsi sonné son cor , et que les nerfs et les veines lui furent rompues , il com mença à affaiblir et avait merveilleusement grant soif pour le grand travail qu'il avait pris et le sang qu'il avait perdu par les playes qu'il avait reçues . A Beaudouin son frère qui à lui estạit survenu au son du feist signe ( parce qu'il était si altéré de la peine , chaleur et travail qu'il avait soustenu et perdu son sang qu'il ne pouvait plus parler ) , qu'il lui doạnast à boire . En grant peine se mist d'en chercher ; mais trouver n'en peut ; et quant il re tourna à lui , il le trouva presque mort . Il benist l'ame de lay , son cor , son cheval et son espée , print et s'en alla droit à l'ost de Charlemaignc . cor ,Thierry semblablement survint là où Roland estait avant qu'il mourust . Fermement le commença à plaindre et regretter , et lui dist qu'il garnist son corps et son ame de confession à Dieu . Ce jour même avant la bataille , s'estait le bon Roland con fessé et receu le corps de J.C. , ainsi que de coutume estait lors aux vaillans batailleurs . Lors Roland leva les yeux vers le ciel , à Dieu se confessa , et cria mercy , et sa benoiste ame partit de son corps et l'emportèrent les anges en perdurable repos où elle est en joye sans fin par la dignité de ses mérites en la compagnie des glorieux martyrs . »

Suivant Nicole Gilles , l'archevêque Turpin n'était point resté à l'arrière - garde ; il était avec l'empe reur , et ce fut en célébrant la messe devant ce prince qu'il eut révélation du martyre et de la fin glorieuse du bienheureux Paladin . Il vit les anges le conduire au ciel , tandis que les démon's emportaient en enfer une multitude de Sarrasins . L'archevêque rendit compte de cette vision à Charlemagne .

« Tantost après vint Baudouin sur le cheval de Roland , et racompta tout comme les choses avaient esté , et comme il avait laissé Roland mort , dont se sourdit moult grant cry à l'ost de Charlemaigne , et sa compaignie bien courroucés et déplaisans se repassèrent les ports , et retournèrent vers Ronce vaulx . Au lieu viendrent où Roland gisait mort , et le trouvèrent le corps à l'envers et les mains croisées sur son estomac . »

La douleur que conçut Charlemagne à la vue du corps inanimé de son neveu fut encore augmentée en reconnaissant le corps du noble Olivier , lié à quatre pieux et écorché depuis la tête jusqu'aux pieds . « Lors il jura par le Dieu tout - puissant qu'il ne cesserait de courir après ses ennemis jusqu'à ce qu'il les eût trouvés et détruits . » Il les rencontra près de Saragosse , tua de sa main le roi Balligant et s'empara de sa ville . Ce jour, disent nos Annales , advint son merveilleux miracle que Dieu fit en faveur de Charlemagne et de ses gens : car le soleil se tint en estant immobile à l'endroit du lieu qu'il est à l'heure de midy l'espace de trois jours entiers , sans ce qu'il obs curcist ne fist nuyct durant le temps que chrestiens chas saient Sarrasins.

On embauma les corps de Roland et d'Olivier . On les transporta à Blaye en l'abbaye de Saint Romain . Charlemagne fit à cette abbaye de grands dons , et ordonna que l'épée Durandal et le cor d'Oliphant de son brave neveu seraient suspendus sur le tombeau qu'il lui fit élever .

La trahison de Gannes fut avérée et ne resta pas impunie. D'abord plainte fut portée contre lui par Thierry , frère de Roland ; puis la belle Aure, amante du défunt , sollicita avec tant d'ardeur le jugement qu'il ne fut pas différé . L'affection que Roland avait conçue pour cette dame était approuvée par leurs parens , et l'illustre Paladin eût été dans l'état de mariage le modèle des époux et des péres ; mais il ne vécut pas assez long temps pour recevoir la bénédiction nuptiale . Aure , sa fiancée , fut l'unique objet de sa tendresse , et le jeune Tobie ne fut pas plus diseret et plus chaste que lui . Combien Gapnes était coupable d'avoir sé paré un tel couple ! qu'il était juste qu'il expiât ses forfaits ! Ce monstre ayant nié tous les faits allégués à sa charge par la belle Aure et le brave Thierry , la haute condition des parties exigeait qu'on eût recours aux armes . Gannes prit pour champion un guerrier nommé Pinabel ; mais Thierry combattit en personne , et fut vainqueur . Gannes , convaincu de crime par les aveux et la défaite de celui qui s'était chargé de le défendre , fut écartelé . C'était depuis long - temps le supplice réservé aux infâmes et aux traîtres .

Depuis la malheureuse journée dans laquelle Roland perdit la vie , l'empereur n'eut plus que peines et douleurs . Souvent il appelait à grands cris ce guerrier qu'il ne devait plus revoir . « O mon doux neveu ! dextre bras de ma puissance , disait - il , en se lamentant , honneur de France , espée de jus tice , prouesse comparée à Judas Machabée , sem blable à Samson - le - Fort , à Saül et à Jonas comparé par fortune de mort ; en bataille , chevalier très sage et très - aimé , défenseur des chrestiens , détrui seur de la gent sarrazine , lignée royale , garde et couduite des osts et batailles , défenseur des veuves et orphelins , sage en jugement , pourquoi ne suis - je mort avec toi ? Tous les jours de ma vie ne con viendra plorer l'ame de toi , combien qu'elle soit avec les anges en la compaignie des saints martyrs . »

Dans les instans où le magnanime empereur était plus calme , il chantait à la louange de son neveu un hymne dont Bourdigné nous a conservé un fragment .

Tu patriam repetens , nos tristes orbe relinquis ;
Te tenet aula nitens , nos lachrymosa dies .
Sex qui lustra gerens : orlo bonus in super annos ,
Ereptus terris latus ad astra redis .
Ad Paradisiacas epulas te cive recepto ,
Mæstu gemit tellus , gaudet honore polus .

Où la légende est contredite au XVIe siècle

Tout ce que nous venons de rapporter de Roland était connu de la France entière , et regardé par tous comme très-véritable, lorsque, dans le seizième siècle, un malheureux esprit de contradiction et de révolte s'empara de quelques savans qui corrompirent les aimables cavaliers et les belles dames de la cour. Nos traditions les plus respectables furent attaquées par une orgueilleuse critique. On refusa de croire que Roland fût au nombre des martyrs ; on en vint même jusqu'à douter de l'existence de ce grand défenseur de la foi. Nous trouvons dans les Annales de Papyre Masson, imprimées en 1578, le passage qui suit. Nous le rapporterons en latin, afin de ne pas rendre trop vulgaire une opinion qui, si elle était adoptée , tendrait à diminuer la gloire du plus illustre de nos paladins . . 1 )

PAPIRII MASSONI ANNALIUM
Liber 2 , pag . 97 ;
( in - 4 ° , Lutetiæ , apud N. Chesneau , 1578.

Secutum est bellum Hispanicum , adversus Mauros hostes christiani nominis qui provinciam illam occupave rant . Saltu Pyrenei superato . ( Carolus Magnus ) , omnia quæ adiit oppida atque castella in deditionem accepit . Cujus rei Einhardum autorem habeo , eique præstat fidem habere quam Roderico Toletano de Caroli in Hispaniam expeditione aliter scribenti : præsertim cum illo antiquior Benjaminus genere Hispanus , reli gione Judoeus , qui Alexandro tertio et Ludovico septimo . Francorum rege vixit , Hispaniam , cùm ab Israëlitis occupata fuisset , à Carolo Pipini filio expugnari coeptam referat , eo libello cui Mazzaghoth ceù itine rario nomen est . In reditu vasconicam perfidiam Franci experti sunt . Vascones enim in summo saliu positis insidiis , extremam agminis partem sub occasum solis improvisò adorti profligavêre , interfectis Ægharto regiæ mensæ præposito . Anselmo comite Palatii et Ro lando Britannici littoris præfecto , qui ab Einhardo no minantur . Hic Rolandi casus et Francorum codes , infi nitis fabulis posteà initium dedere . Quarum scriptorens faciunt Tilpinum , Rhemorum pontificem . Ac fabulæ quidem illæ admodùm antiquæ sunt , nam apud Mat thæum et cæteros britannicæ historiæ scriptores , re perio Gulielmum Lugdunensis secundæ dominum quce Normania hodiè est , instructa jam acie adversùs Ha roldum , regem Anglorum , cecinisse Rolandi carmen , quo militum suorum animo's ad pugnam accenderet . Dantes Aligerius insignis poëta , de Rolandi eburneo cornu , de Francorum cæde , de Ganelonis proditione multa cecinit . Laonicus in græcá historia has quoque fabulas tradit . Einhardus autem qui Carolo rege vixit , Rolandum vel Ruotlandum , britannici littoris proſectum , à Vasconibus casum narrat , quem nos autorem potis simùm probamus . Quis enim . credat libello Tilpini no mine inscripto ? Tilpinus ex monacho divi Dionysii , Rhemorum pontifex , Caroli Magni rogatu , ab Adriano palii usum impetravit . Optimèque compositis civitatis suæ rebus , anno adepti pontificatus quadragesimo sep timo decessit , cui Hincmarus elegiacis versibus elogium scripsit , ac tumulum posuit , Caroli Calvi temporibus . Hæc de Tilpino apud Frodoardum legimus , is autor , Carolo Simplice et Ludovico floruit , vitasque pontificum Rhemensium diligentissimè scriptas , ad posteros trans misit , cujus operis exemplaria aliquot Lutetiæ vidimus . Libelli autem tam fabulosi , neque ipse in Tilpino , neque Hincmarus , neque Lupus , neque Vitaldus , neque Adelmus , et Theodulphus temporum illorum gravissimi scriptores usquam meminêre . Ab homine imperito et mendaci scriptum multa arguunt . De morte quidem Caroli Magni capite tricesimo secundo mentionem facit. Cum tamen constat Tilpino mortuo successorem Wlfa- . rium ab eodem Carolo Rhemensibus pontificem datum , et ex synodo habita Rhemis anno octingentesimo decimo tertio , perspicuum sit , coactam à Carolo Magno , pos tulante Wifario , Rhemorum archiepiscopo . Igitur li bellus ille ab homine otioso in juventutis gratiam scriptus . videtur , non multò post Caroli Calvi imperium : ejus demque versio in bibliothecâ regiâ servatur , antiqua ac penè obsoleta Gallorum lingua , vetustissimisque carac teribus . Ganelonis nomen suprà attigimus qui veteribus Guenilo fuit , Carolo Calvo , rege Senonum , episcopus . Ad eum extant plures epistolæ Lupi ferrariensis , ap paretque ex actis synodi successione habitæ anno octin gentesimo quinquagesimo tertio , Guenilonem interfuisse . Hic est ille Guenilo , quem humili genere natum , Ca rolus Calvus erexerat ad honorem archiepiscopi Seno num : qui posteà tam ingrato animo fuit , tamque im memor acceptorum beneficiorum , ut anno octingente simo quinquagesimo octavo defectionem ab illo fecerit , transieritque in partes Ludovici , regis Germaniæ , Fran corum regnum occupare molientis . Is cum irrito conatu spe suá decidisset , Carolus synodum habuit duodecim provinciarum , anno octingentesimo quinquagesimo nono , indictione septimå in territorio tullensi . Illa synodo Guenilonem proditionis , perfidice , et losæ majestatis accusavit . Eodem anno cal . juniis habita est alia synodus Metis , cujus capite sexto continentur hoc verba : « Deindè gloriosus rex Dominus Carolus sacræ synodo « libellum appellationis , electorumque judicum , inter « « « se Guenilonem , Senonum archiepiscopum , qui ab eo « defecerat et proclamationis diploma porrexit . Undè « secundùm sacram autoritatem , et inducice ac dierum « dilatio concessa , ac certa accusatio per episcopos et « synodicas litteras præfato archiepiscopo est intimata , « secundùm regulas divinitùs promulgatas . »

Quid posteà Gueniloni acciderit , et quem habuerit excitum vitæ , nondum legi apud graves et fide dignos illius ætatis scriptores ? Nisi quod Odorannus Sinonensis , monachus , Rorberti regis temporibus , hæc de Gaeni lone in annales suos retulit . « Anno octingentesimo sexa « gesimo quinto obiit Guenilo , archiepiscopus Senonum , « qui Ludovicum fratrem Caroli unxit regem in Bur « gundiá . Gueniloni Egilo successit , Egili Ansegisus « Carolo Calvo intimus » . Hæc cùm ità sint , constat Gue- . nilonem Caroli Calvi temporibus vixisse , qui , in aula ac passim tam invisus ob perfidiam fuit , ut proditores usque ad nostram ætatem , appellari Ganelones videa mus , Guenilonis nonnihil immutato verbo . Dantes Ali gerius insignes proditores numerans , Ganelonem et Tri baldelum cæteris anteponit . Quæ hactenùs dicta sunt , satis mea quidem sententia offendunt ac detegunt insci tiam autoris ejus libelli , qui Tilpino inscribitur . Tilpinus enim diù antè Guénilonem mortuus , qui potuit de eo scribere.

Observations

Dans les ouvrages que nous avons consultés , le nom du fils de Berthe est écrit Rolland et Roland : Rollant , Rolant et Rollans. On lit dans le poëme ou romant de Roncevals.
Li cons Rolant a la chiere hardie.
C'est-à-dire, le comte ou consul Roland a le cœur généreux,
L'épée de Roland, nommée tantôt Durandau, tantôt Durandor, Durandar et le plus souvent Durandal. La terminaison de ce nom varie dans li romant de Roncevals , suivant la nécessité de la rime ou le caprice de l'auteur
De ce que Guillaume-le-Conquérant, duc de Normandie, avant de combattre Harold II, a chanté le Roland ou l'hymne de Roland, afin d'animer les courages de ses soldats , il ne s'ensuit l'histoire de Roland, neveu de Charlemagne, fils de Berthe, etc. , fut le sujet du carmen Rolandi. Ce carinen était plutôt un chant guerrier des anciens compagnons d'armes de Rol ou . Rollon .... Qu'aurait eu de bien encourageant pour des soldats normands prêts à s'élancer sur leurs ennemis, la désastreuse aventure d'un Français trahi par un autre Français en combattant sur les frontières d'Espagne contre les Sarrasins ? Tout ce qui concerne Charlemagne était encore comme étranger aux hommes du Nord qui, devenus chrétiens, parce que la politique de Rollon l'avait porté, en 912, à se faire baptiser , étaient encore bien éloignés, en 1066 , d'avoir oublié les anciens usages de leurs aïeux . On sait que les disciples d'Odiu , les Scythes , transplantés pas que dans les contrées septentrionales de l'Europe , chantaient des hymnes en allant au combat , et qu'ils ado raient la divinité sous la figure ou symbole d'une épée.
. Il paraît que le manuscrit intitulé li - romant de Roncevals est l'original d'où Le Moine , qui a écrit en latin les Vies de Charlemagne et de Roland , a tiré les faits qu'il a présentés à ses lecteurs . Dans le poëme ou li romant , Turpin , comme nous l'avons remarqué , perd la vie sur le champ de bataille , et l'histoire nous apprend en effet que ce grand arche vêque mourut ayant l'empereur qui l'honorait de son estime .
On croit que ce fut en 1095 , pendant le concile de Clermont, que fut publié l'ouvrage faussement attribué à l'archevêque Turpin . Mais une histoire ou , si l'on aime mieux , une narration en prose latine, sous le titre de Vita Caroli Magni et Rolandi, convenait peu pour enflammer le courage des croisés. Il paraît probable que, dans cette circonstance mémorable, on composa un chant de guerre. Qu'il dut être bien différent de celui qui avait produit un si bon effet sur les soldats de Guillaume-le-Conquérant ! Il s'agissait d'aller combattre les Musulmans , maîtres de Jérusalem . Nos poëtes rappelleront aux Fran çais que les Sarrasins avaient osé mettre le pied sur le territoire de l'empire , que l'élite de l'armée de Charlemagne avait péri à Roncevaux . Ce fut par la perfidie de ces mécréans qu'un tel malheur dut arriver. Nous les avions vaincus ; ils s'étaient soumis ; ils ont faussé leur foi ; ce sont des rebelles : ils ont assassiné nos guerriers ; les princicipaux officiers de Charlemagne et le bienheureux Ruotlandus ou Rolandus sont morts en combattant contre eux . Vengeons la mort de Roland et de ses compagnons. Le nouveau Carmen Rolandi fut répété par des milliers de voix , et la France entière prit les armes . Le chant de guerre a été comme l'argument du poëme , et sur le poëme on a composé l'histoire
C'est d'après li romant de Roncevals , plutôt que d'après la vie de Charlemagne et de Roland , Vita Caroli Magni et Rolandi autore Tilpino , que le Dante Aligeri , né en 1265 , et mort en 1321 , paraît avoir pris ce qu'il a dit du neveu de Charlemagne et de la trahison de Ganelon .
7°: Un auteur grec du moyen âge ayant parlé de Roland à peu près dans les mêmes termes que nos Latins , ' il ne faut pas s'étonner que les Turcs , dans le seizième siècle , eussent conservé une grande opi nion de la valeur de cet illustre paladin . ( Voyez Observations de P. Belon . )
Il est singulier qu'à l'époque où nos chroniques disent que toute science était perdue pour nos aïeux , ce soient des hommes venus d'Irlande et d'Ecosse qui aient rapporté cette science dans les Gaules . Neuf siècles auparavant , César , en parlant des Druides , écrivait : Disciplina in Britanniá reperta , atque indè in Galliam translata esse existimatur .
Un des deux moines écossais , nommé Clément , suivant Nicole Gilles , fut , par l'empereur , établi à Paris , et l'autre envoyé en Lombardie . Alcuin arriva en France après ces deux moines . Et par le moyen desd . maitres fut multipliée science à Paris et en France , et par ce , Charlemaigne , à la requeste dudit Alcuinus , translata , comme dit est , l’université qui estoit à Rommes , laquelle paravant y avoit été translatée d'Athènes , et la fist venir à Paris .
Ceux qui, comme Papire Masson , prétendent que la très - véritable histoire du bienheureux Roland n'a été écrite que pour amuser la jeunesse , observeront avec indignation le mélange que les auteurs de toutes nos anciennes traditions font du sacré et du profane , et seront surtout très - offensés , en voyant que ce qu'ils appellent erreurs et fables , se répande avec tant de facilité dans le monde , se fixe si bien dans la mémoire , tandis que ce qu'ils appellent la vérité s'établit si difficilement et n'a jamais que de froids admirateurs ..
10°
De tous les princes qui ont régpé sur les Fran çais , il n'en est point qui ait laissé dans la mémoire des hommes un si grand souvenir que Charlemagne . Les fables qu'on a débitées sur sa naissance , sur ses iariages et ses amours . , sur ses douze pairs et son neveu Roland passeraient en grande partie pour des vérités , si l'art de l'imprimerie , en multipliant les livres , n'eût facilité les recherches de la critique . A en croire nos auteurs , ce.prince ne laissa en Espagne qu'une seule idole nommée Salla Candis , qui veut autant à dire comme le Dieu de Cadix . Ce fut vers Cadix qu'il ficha sa lance en la mer . C'était prendre possession de cet élément [5]. ; mais , pour en rester maître , pour conserver ses vastes conquêtes , il lui fallait des flottes ; c'est ce qui manqua surtout à ses successeurs .
11°
. Li romant de Roncevals et le livre faussement attribué à l'archevêque Turpin sous le titre de Vita Caroli Magni et Rolandi , font mention l'un et l'autre des pairs de France ; et , par ce qu'ils en disent , on voit bien qu'ils n'entendent point parler de ces guerriers qui , bénéficiers du prince et égaux entre eux à ce titre , étaient obligés de marcher à la guerre lorqu'ils étaient appelés , sous peine de perdre leurs bénéfices . Dans le texte des ordonnances de nos rois de la seconde race , le mot pares signifie des compa gnons , des homines de même état , et non ce qu'on a exprimé sous la loi des fiefs par le mot pairs .
Pasquier , dans ses Recherches de la France , livre 2 , chapitres 9 et 10 , après avoir dit qu'il ne fait aucun doute que les ducs ou patrices de France ne fussent en grand crédit du temps de Charlemagne et de toute sa lignée , ajoute : Il y a grande apparence d'estimer que , sous le roi Hugues Capet , cette police des douze pairs eût pris sor commencement , lorsque tous les ducs et comtes avaient commué en fiefs per pétuels les dignités qu'ils tenaient du roi. Mais Pasquier , en considérant que le comte de Champagne est un des six pairs laïques , a de la peine à faire remonter l'établissement des douze pairs même au règne de Henri Ier . Il avoue que, depuis Hugues Capet jusqu'à Philippe II, dit le Conquérant , on ne trouve point que les pairs aient fait profession d'assister aux sacres des rois . Il ne voit ces pairs en crédit que sous ce Philippe , dit le Conquérant ou l'Auguste.
J. Dutillet , au second livre de ses Mémoires , est plus précis . « Le roi Louis - le - Jeune , en l'an 1179 , « donnant à l'église de Reims la prérogative de sacrer « et couronner les rois , auparavant débattue , créa » lesdits douze pairs pour lesdits sacres et couronne » mens , et pour juger avec le roi les grandes causes « audit parlement .... Philippe – Auguste , en « l'an 1216 , assisté desdits pairs , autres prélats et « barons de France , jugea l'hommage des comtes de « Champagne et de Brie . »
Ce n'est que depuis le temps où ces douze pairs ont paru avec éclat que les romanciers et les poëtes en ont parlé , et , par cette raison , nous pensons que li romant de Roncevals est postérieur au règne de Philippe - Auguste . Cet ouvrage a dû être composé sous les comtes d'Anjou de la maison de France . Un des fils de ces seigneurs recevait de son père le titre de comte du Maine , comme Roland l'avait reçu de Miles ou Milon d'Angers . La cour des princes angevins était brillante et une des plus polies de l'Europe . Les troubadours , les trouvères y étaient bien reçus . La reconnaissance des beaux esprits plaça les comtes d'Angers et du Mans au nombre des guerriers qui défendirent Charlemagne , et qui méritèrent les regrets de ce grand homme .

Notes de l'article

  1. Annales des comtes d'Anjou, in-folio, 1529]]
  2. Cet auteur est mort en 1503. Son ouvrage a eu plusieurs éditions ; il a été traduit en latin.
  3. Le magnanime Charles, fils de Pepin, avait été conduit d'une manière miraculeuse à Jérusalem . Il faut en croire les conteurs du temps passé , plutôt que les critiques modernes .
  4. Le roman de Roncevals , manuscrit dont M. Guyot des Herbiers prépare une édition qui ne peut manquer d'être favorablement accueillie .
  5. Charlemagne n'a jamais passé l'Ebre , Note du rédacteur

Voir aussi

Notes
Source
Liste des articles où cet article est cité