Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse I/Gautier/9. Théorie neutres : Différence entre versions
De Wicri Chanson de Roland
(→La note originale) |
(→La note originale) |
||
Ligne 9 : | Ligne 9 : | ||
{{sc|Vers 9.}} | {{sc|Vers 9.}} | ||
− | : | + | ;1°: Les neutres latins, dans la latinité populaire et surtout à la décadence romaine, étaient ''en partie'' devenus masculins. C’est un fait que [[A pour auteur cité::Auguste Brachet|{{M.|Brachet}}]] a mis de nouveau en lumière dans sa ''[[A pour ouvrage cité::Grammaire historique de la langue française (1885) Brachet|Grammaire historique]]'', p. 56. Il cite « dans Plaute : ''dorsus, œvus, collus, gutturem, cubitus'' ; dans les Inscriptions antérieures au quatrième siècle : ''brachius, monumentus, collegius, fatus, metallus'', etc. ; dans la ''Lex Salica : animalem, retem, membrus, vestigius, precius, folius, palacius, templus, tectus, stabulus, judicius, placitus,'' etc. » Et M. Paul Meyer (''Études sur l’Histoire de la langue française'', de M. Littré, pp. 31, 32) a cité ce passage de Curius Fortunatianus : ''Romani vernacula plurima et'' {{sc|neutra}} ''multa masculino genere potius enuntiant''. Ce texte est capital dans la question. |
− | + | ;2°: Cependant {{sc|un certain nombre de neutres persévérèrent}}. Ceux-ci ne subirent pas la règle de l’''s'', tandis que les autres y étaient très-naturellement assujettis. | |
− | : | + | :3°: La ''Chanson de Roland'' appartient à cette époque de transition durant laquelle un certain nombre de neutres latins sont devenus, en français, des masculins soumis à la règle de l’''s'', tandis que d’autres sont demeurés vraiment neutres et {{corr|répngnent|répugnent}} à prendre l’''s'' au cas sujet du singulier. ═ 4° Ainsi d’un côté, nous trouvons, dans le texte d’Oxford, au sujet singulier : ''Cunseill'' (v. 179 et 604) ; ''pecchet'' (15 et 3646) ; ''corn'' (1789) ; ''coer'' (2019 et 2231) ; ''definement'' (1434) ; ''hardement'' (1711) ; ''blet'' (980) ; ''reprover'' (1706). Et, d’un autre côté, nous trouvons au même cas : ''Mals'' (v. 9) ; ''dreiz'' (2349, etc.) ; ''plaiz'' (3841, etc.) ; ''fers'' (1362) ; ''ors'' (2296) ; ''corners'' (1742). Il est même plus d’un mot, comme ''temple'', qui est, au cas sujet, écrit tantôt avec et tantôt sans l’''s'' finale. ═ 5° En résumé, un certain nombre de neutres sont devenus tout à fait masculins ; d’autres sont {{lang|la|''in via''}} pour y arriver, mais n’y sont point encore. ═ 6° Nous avons respecté toutes ces formes dans notre texte critique, pour bien montrer à quel point en était parvenu chacun de ces vocables {{sc|dans le dialecte et au moment où fut écrite cette version de la Chanson de Roland}}. ═ 7° Il faut ajouter qu’aux cas obliques du pluriel, tous les anciens neutres latins prennent l’''s'' en français. Il n’y a pas d’exception à cette règle : ''Pecchez'' (v. 2365) ; ''mals'' (60) ; ''saveirs'' (74) ; ''milliers'' (109) ; ''guarnemenz'' (343) ; ''duns'' (845) ; ''vestemenz'' (1613) ; ''chefs'' (2094) ; ''coers'' (3628) ; ''corns'' (2132). ═ 8° Autre remarque : « Les adjectifs et participes, qui s’accordent avec des substantifs ou pronoms neutres, ne prennent pas l’''s'' au cas sujet du singulier. Ex : ''Jamais n’ert jur que il n’en seit'' {{sc|parlet}} (3905) ; — ''Por ço que plus'' {{sc|bel}} ''seit'' (1004) ; — ''Un faldestoed''... {{sc|envolupet}} ''d’un palie alexandrin'' (408) ; — ''Il est'' {{sc|juget}} ''que nus les ocirum'' (884), etc. » ═ C’est d’après ces règles que nous nous sommes dirigé dans tout notre Texte critique. |
{{Corps article/Fin}} | {{Corps article/Fin}} | ||
==Voir aussi== | ==Voir aussi== | ||
__SHOWFACTBOX__ | __SHOWFACTBOX__ |
Version du 16 avril 2023 à 16:45
Cette page introduit la note sur la théorie des neutres, associée au vers 9 de la laisse I dans la version de Léon Gautier (1872)
Avant propos
La note originales contient des séparateurs matérialisés par des signes « égal ». Ils ont été remplacés par des sauts de paragraphe.
La note originale
Vers 9.
- 1°
- Les neutres latins, dans la latinité populaire et surtout à la décadence romaine, étaient en partie devenus masculins. C’est un fait que M. Brachet a mis de nouveau en lumière dans sa Grammaire historique, p. 56. Il cite « dans Plaute : dorsus, œvus, collus, gutturem, cubitus ; dans les Inscriptions antérieures au quatrième siècle : brachius, monumentus, collegius, fatus, metallus, etc. ; dans la Lex Salica : animalem, retem, membrus, vestigius, precius, folius, palacius, templus, tectus, stabulus, judicius, placitus, etc. » Et M. Paul Meyer (Études sur l’Histoire de la langue française, de M. Littré, pp. 31, 32) a cité ce passage de Curius Fortunatianus : Romani vernacula plurima et neutra multa masculino genere potius enuntiant. Ce texte est capital dans la question.
- 2°
- Cependant un certain nombre de neutres persévérèrent. Ceux-ci ne subirent pas la règle de l’s, tandis que les autres y étaient très-naturellement assujettis.
- 3°: La Chanson de Roland appartient à cette époque de transition durant laquelle un certain nombre de neutres latins sont devenus, en français, des masculins soumis à la règle de l’s, tandis que d’autres sont demeurés vraiment neutres et répugnent à prendre l’s au cas sujet du singulier. ═ 4° Ainsi d’un côté, nous trouvons, dans le texte d’Oxford, au sujet singulier : Cunseill (v. 179 et 604) ; pecchet (15 et 3646) ; corn (1789) ; coer (2019 et 2231) ; definement (1434) ; hardement (1711) ; blet (980) ; reprover (1706). Et, d’un autre côté, nous trouvons au même cas : Mals (v. 9) ; dreiz (2349, etc.) ; plaiz (3841, etc.) ; fers (1362) ; ors (2296) ; corners (1742). Il est même plus d’un mot, comme temple, qui est, au cas sujet, écrit tantôt avec et tantôt sans l’s finale. ═ 5° En résumé, un certain nombre de neutres sont devenus tout à fait masculins ; d’autres sont in via pour y arriver, mais n’y sont point encore. ═ 6° Nous avons respecté toutes ces formes dans notre texte critique, pour bien montrer à quel point en était parvenu chacun de ces vocables dans le dialecte et au moment où fut écrite cette version de la Chanson de Roland. ═ 7° Il faut ajouter qu’aux cas obliques du pluriel, tous les anciens neutres latins prennent l’s en français. Il n’y a pas d’exception à cette règle : Pecchez (v. 2365) ; mals (60) ; saveirs (74) ; milliers (109) ; guarnemenz (343) ; duns (845) ; vestemenz (1613) ; chefs (2094) ; coers (3628) ; corns (2132). ═ 8° Autre remarque : « Les adjectifs et participes, qui s’accordent avec des substantifs ou pronoms neutres, ne prennent pas l’s au cas sujet du singulier. Ex : Jamais n’ert jur que il n’en seit parlet (3905) ; — Por ço que plus bel seit (1004) ; — Un faldestoed... envolupet d’un palie alexandrin (408) ; — Il est juget que nus les ocirum (884), etc. » ═ C’est d’après ces règles que nous nous sommes dirigé dans tout notre Texte critique.