Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse I/Gautier/9. Théorie neutres
De Wicri Chanson de Roland
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Cette page introduit la note sur la théorie des neutres, associée au vers 9 de la laisse I dans la version de Léon Gautier (1872)
Avant propos
La note originales contient des séparateurs matérialisés par des signes « égal ». Ils ont été remplacés par des sauts de paragraphe.
La note originale
Vers 9.
- 1°
- Les neutres latins, dans la latinité populaire et surtout à la décadence romaine, étaient en partie devenus masculins. C’est un fait que M. Brachet a mis de nouveau en lumière dans sa Grammaire historique, p. 56. Il cite « dans Plaute : dorsus, œvus, collus, gutturem, cubitus ; dans les Inscriptions antérieures au quatrième siècle : brachius, monumentus, collegius, fatus, metallus, etc. ; dans la Lex Salica : animalem, retem, membrus, vestigius, precius, folius, palacius, templus, tectus, stabulus, judicius, placitus, etc. » Et M. Paul Meyer (Études sur l’Histoire de la langue française, de M. Littré, pp. 31, 32) a cité ce passage de Curius Fortunatianus : Romani vernacula plurima et neutra multa masculino genere potius enuntiant[NDLR 1]. Ce texte est capital dans la question.
- 2°
- Cependant un certain nombre de neutres persévérèrent. Ceux-ci ne subirent pas la règle de l’s, tandis que les autres y étaient très-naturellement assujettis.
- 3°
- La Chanson de Roland appartient à cette époque de transition durant laquelle un certain nombre de neutres latins sont devenus, en français, des masculins soumis à la règle de l’s, tandis que d’autres sont demeurés vraiment neutres et répugnent à prendre l’s au cas sujet du singulier.
- 4°
- Ainsi d’un côté, nous trouvons, dans le texte d’Oxford, au sujet singulier : Cunseill (v. 179 et 604) ; pecchet (15 et 3646) ; corn (1789) ; coer (2019 et 2231) ; definement (1434) ; hardement (1711) ; blet (980) ; reprover (1706). Et, d’un autre côté, nous trouvons au même cas : Mals (v. 9) ; dreiz (2349, etc.) ; plaiz (3841, etc.) ; fers (1362) ; ors (2296) ; corners (1742). Il est même plus d’un mot, comme temple, qui est, au cas sujet, écrit tantôt avec et tantôt sans l’s finale.
- 5°
- En résumé, un certain nombre de neutres sont devenus tout à fait masculins ; d’autres sont in via pour y arriver, mais n’y sont point encore.
- 6°
- Nous avons respecté toutes ces formes dans notre texte critique, pour bien montrer à quel point en était parvenu chacun de ces vocables dans le dialecte et au moment où fut écrite cette version de la Chanson de Roland.
- 7°
- Il faut ajouter qu’aux cas obliques du pluriel, tous les anciens neutres latins prennent l’s en français. Il n’y a pas d’exception à cette règle : Pecchez (v. 2365) ; mals (60) ; saveirs (74) ; milliers (109) ; guarnemenz (343) ; duns (845) ; vestemenz (1613) ; chefs (2094) ; coers (3628) ; corns (2132).
- 8°
- Autre remarque : « Les adjectifs et participes, qui s’accordent avec des substantifs ou pronoms neutres, ne prennent pas l’s au cas sujet du singulier. Ex : Jamais n’ert jur que il n’en seit parlet (3905) ; — Por ço que plus bel seit (1004) ; — Un faldestoed... envolupet d’un palie alexandrin (408) ; — Il est juget que nus les ocirum (884), etc. »
C’est d’après ces règles que nous nous sommes dirigé dans tout notre Texte critique.
Voir aussi
- Notes de la rédaction
- ↑ Traduction : Les pluriels romains vernaculaires et les pluriels neutres sont plutôt prononcés au genre masculin.
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