Les légendes épiques (1908) Bédier/Vol. 3/Annexe Oxford
De l’autorité du manuscrit d'Oxford pour l’établissement du texte de la Chanson de Roland
annexe II
Les légendes épiques - 1908 Recherches sur la formation des chansons de geste. Volume I - Volume II - Volume III - Volume IV |
Sommaire
De l’autorité du manuscrit d'Oxford pour l’établissement du texte de la Chanson de Roland
Les titres de section ont été ajoutés par la rédaction Wicri
(Voyez ci-dessus, p. 387.)
Introduction
Les éditions critiques de la Chanson de Roland que nous devons à Léon Gautier et à M. Stengel sont fondées l’une et l’autre sur l’idée que les diverses rédactions, françaises et étrangères, du poème se distribuent en trois, quatre ou cinq familles indépendantes entre elles : par exemple O (Oxford) et V A (Venise, Saint-Marc, 4) formant une même famille, les versions rimées données par les manuscrits P, L, T, — Ç, V 7 , en forment une seconde, n (la Karlamagnussaga) en représente une troisième, dR (le Ruolandes liet) en représente une quatrième, etc. Si cette opinion est juste, toute leçon fournie par deux au moins de ces familles devait se trouver dans l’original. Par suite, Léon Gautier et M. Stengel ont été tenus d’abandonner O en un grand nombre de passages, et d’introduire dans leur texte critique toute leçon de V 4 appuyée par C, toute leçon de C appuyée par n, toute leçon de C appuyée par dR, etc.[1] II est facile de se rendre compte des changements que ces éditeurs ont ainsi fait subir au texte d’Oxford, car ils ont imprimé en italiques les pas sages modifiés.
La première en date des éditions critiques de la Chanson de Roland, celle de Theodor Müller, reposait sur un autre fondement : sur l’idée que tous les textes, français et étrangers, autres que O, procèdent d’un même remanieur ou réviseur, (3. Si cette opinion est juste, O a autant d’autorité à lui seul que tous les autres textes réunis. Par suite, Theodor Millier n’était tenu d’abandonner une leçon d’O que lorsqu’elle lui semblait insoutenable pour des raisons internes (.aus inneren Gründen), et de la sorte il lui a été possible de donner une édition très respectueuse à l’égard du texte d’Oxford, très conservatrice. Il était dans le vrai, croyons-nous, et nous voudrions for tifier son opinion de quelques arguments. Pour la fonder, il est nécessaire et suffisant de trouver un passage où tous les textes autres qu'O donnent une même leçon pareillement fautive, en sorte qu’on soit obligé d’attribuer cette leçon fautive a un seul auteur responsable, le remanieur (3. Nous nous croyons en mesure de mettre en lumière non pas une faute de cet ordre, ce qui suffirait, mais plusieurs.
Autour du défi de Ganelon
Soit d'abord la scène du Défi de Ganelon. Voici comment elle se déroule en O. Charlemagne ayant demandé à ses barons de lui désigner qui partirait en ambassade vers Marsile (v. 244), Naime, Roland, Olivier, Turpin se sont tour à tour offerts. Charlemagne les a rebutés. Il ne veut, dit-il, envoyer ni eux, ni aucun des douze pairs (v. 262). Il demande qu’on élise « un barun de sa marche » :
XX | « Francs chevalers », dist li emperere Carles, | |
« Car m’eslisez un barun de ma marche, | 275 | |
Qu’a Marsiliun me portast mun message. » | ||
Ço dist Rollanz : « Ço ert Guenes, mis parastre. » | ||
Dient Franceis : « Car il le poet ben faire ; | ||
Se lui lessez, n’i trametrez plus saive. » | ||
Et li quens Guenes en fut mult anguisables ; | 280 | |
De sun col getet ses grandes pels de martre | ||
Et est remés en sun blialt de pâlie : | ||
Vairs out [les oilz] et mult fier lu visage, | ||
Gent out le cors et les costez out larges, |
Notes de l'auteur
- ↑ M. Stengel s’est conformé à cette obligation avec plus de conséquence que 6on devancier
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