La légende des paladins (1877) Autran/XVI - Le butin

De Wicri Chanson de Roland
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XVI - Le butin

La lyre à sept cordes (1877) Autran, Gallica page f222.jpg[220]

Montjoie et Saint-Denis ! On est en Catalogne :
On se bat sur la plage, et l’on frappe et l’on cogne.
Contre les Sarrasins, depuis le jour levant,
Roland criait toujours : « En avant ! en avant ! »
Et la profonde nuit était enfin venue.
Tout à coup, sur la mer, une flotte inconnue
Apparut : trente nefs qui voguaient sans effort,
Et qu’un vent favorable amenait vers le bord.
Ces vaisseaux étrangers, venus des mers lointaines,
En signe d’allégresse avaient, dans leurs antennes,
Allumé des fanaux de toutes les couleurs.
Ils brillaient dans la nuit comme d’ardentes fleurs,
La lyre à sept cordes (1877) Autran, Gallica page f223.jpg[221]
De sorte que la mer et le rivage sombre
En étaient à merveille illuminés dans l’ombre.
La flotte avait pour chef le magnifique Hassan :
C’était l’ambassadeur de l’empereur persan
Qui venait de si loin rendre hommage à Marsille,
Et le complimenter de marier sa fille
A Kali, fils aîné du roi maure Candos.
On sait que l’Orient fait de riches cadeaux :
La flotte apportait donc à la jeune épousée
Les plus riches présents de l’Asie épuisée,
Colliers de diamants, bracelets de lapis,
Gazes aux clairs tissus, sans compter les tapis,
Les étoffes de soie et de laines épaisses,
Sans compter les oiseaux de toutes les espèces ;
Tout cela pour la fille, en présent nuptial.
Quant au père, homme atteint d’un sombre ennui royal,
On amenait pour lui des chevaux et des femmes :
Car tels sont les présents de ces peuples infâmes.
Les vaisseaux arrivaient toutes voiles au vent.
Que fit le paladin ? « En avant ! en avant ! »
S’écria-t-il encore en brandissant le glaive.
Des barques de pêcheurs étaient là sur la grève ;
Il dénoua leur chaîne, et, franchissant les eaux,
Au moyen des esquifs captura les vaisseaux.
La lyre à sept cordes (1877) Autran, Gallica page f224.jpg[222]
Ce ne fut point sans lutte et sans durs abordages :
Les chevaliers persans, suspendus aux cordages,
Résistaient ; on arma les moindres matelots.
L’air était obscurci d’un vol de javelots.
L’amiral de la flotte, acculé sur sa poupe.
Se battait en soldat ; il décimait la troupe
Du chevalier chrétien follement engagé ;
Mais enfin le héros fut bien dédommagé :
Il prit tout ; des écrins faisant sauter les boucles,
Il prit les diamants, il prit les escarboucles,
Les rubis, les onyx et les esterminaux.
A la douce clarté qui tombait des fanaux,
Il fouilla chaque nef jusques à fond de cale.
Il prit tout : les chevaux de race orientale,
Les bahuts, les tapis, les oiseaux, réservant
Les femmes seulement pour les mettre au couvent.
« Tout sera pour mon roi, tout est pour Charlemagne,
Disait-il ; c’est trop beau pour un Maure d’Espagne ! »
Il ne voulut garder d’un si vaste butin
Qu’un diamant petit et de prix incertain.
« Je ferai, disait-il, dans l’or de ma visière,
Quand j’en aurai le temps, incruster cette pierre.
Ça reluit : j’aurai l’air d’un prince d’Orient. »
Mais, voyant, là-dessus, un pauvre mendiant
La lyre à sept cordes (1877) Autran, Gallica page f225.jpg[223]
Qui venait, traversant son escorte avec peine,
Et qui tendait vers lui son vieux bonnet de laine,
Il y jette sa pierre : « Elle ira mieux encor,
Dit-il, dans cette main que sur mon casque d’or ! »