Histoire de la caricature et du grotesque (1875) Wright

De Wicri Chanson de Roland
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Histoire de la caricature, Wright, Sachot, 1875, pages f1.jpg

Thomas Wright a écrit un livre sur l'histoire de la caricature qui a été traduit par Octave Sachot en 1875.

Nous proposons ici de donner le début d'un chapitre qui développe :

Les grotesques
dans les combats de chevalerie

Extraits

Chapitres I à V

Chapitre I
Origine de la caricature et du grotesque. - La caricature en Egypte. - Monstres: Typhons et Gorgones. - La Grèce. - Les dionysiaques et l'origine du drame. - La comédie antique. - Goût de la parodie. - Parodies sur des sujets tirés de la mythologie grecque: la Visite à l'Amant; Apollon à Delphes. - La prédilection pour la parodie se continue chez les Romains: la Fuite d'Enée.
Chapitre II
Origine du théâtre à Rome. - Usages domestiques chez les Romains. - Scènes tirées de la comédie romaine. - Le sannio et le mime. - Le drame romain. - Les auteurs satiriques romains. - La caricature. - Introduction des animaux pour personnifier des hommes. - Les pygmées et leur introduction dans la caricature: la Cour de ferme; l'Atelier du peintre; le Cortége triomphal. - La caricature politique à Pompeï; les Graffiti

Chapitre VI

Le singe dans le burlesque et la caricature. - Tournois et combats singuliers - Combinaisons monstrueuses de formes d'animaux. - Caricatures du costume - Le chapeau - Le casque - Les coiffures de femmes - La robe et ses longues manches .

Le renard, le loup et leurs compagnons furent introduits comme acteurs dans la satire, à cause de leurs caractères particuliers ; mais le penchant inné à l'imitation, que possèdent certains animaux et qui fait d'eux, pour ainsi dire, des parodies naturelles de la race humaine, a bien vite poussé les satiristes a les adopter aussi. Je n'ai pas besoin de dire que, de ces animaux imitateurs le singe a été le plus en faveur. Cet animal a dû être connu des Anglo-Saxons des une époque tres reculée, car ils avaient dans leur langue un mot pour le désigner : apa, - l'ape de la langue anglaise. Monkey est un nom plud moderne il semble être l'équivalent de maniken, ou petit homme. Les plus anciens bestiaires, ou traités populaires d'histoire naturelle, racontent des anecdotes qui prouvent l'aptitude des quadrumanes a imiter les actions de l'homme, et leur attribuent un degré d'intelligence qui les éleverait en quelque sorte au- dessus du niveau de la brute. Philippe de Thann, poète anglo-normand du regne de Henri Ier, nous dit dans son Bestiaire que « le singe, par imitation, comme disent les livres, contrefait ce qu'il voit et se moque des gens » :

Li singe par figure,
Si cum dit escriture,
Ceo que il voit contrefait
De gent escar hait[1],

Il avance ensuite comme preuve de l'instinct extraordinaire de cet animal, qu'il a plus d'affection pour quelques-uns de ses petits que pour les autres ; et que, lorsqu'il se sauve, il porte sur Sa poitrine ceux qu'il aime et met sur son dos ceux qu'il n'aime d'un manuscrit enluminé du quinzième siècle du roman du comte d'Artois, représente un singe en fuite, portant dans ses bras son petit préféré, et, qui plus est, exécutant sa fuite monté sur un baudet.

Le singe à cheval, toutefois, comme nous le verrons par la suite, ne parait pas avoir été une nouveauté.

Fig. 61

Alexandre Neckam, célèbre savant anglais de la dernière partie du douzième siècle, et l'un des plus intéressants auteurs des premiers temps du moyen âge qui aient écrit sur l'histoire naturelle, raconte plusieurs anecdotes qui nous montrent combien, à cette époque, nos ancêtres aimaient les animaux apprivoisés, et combien était commun l'usage d'en avoir dans les maisons. Le château baronial, parait-il, avait souvent l'air d'une ménagerie, et parmi les animaux qu'on y entretenait, il s'en trouvait de féroces qu'on était forcé de garder en cage, tandis que d'autres, tels singes, circulaient librement dans l'intérieur de l'habitation. Une des histoires rapportées par Neckam est particulièrement intéressante pour nous, en ce qu'elle prouve qu'a cette époque on se servait des animaux apprivoisés pour caricaturer les travers et les modes du jour. « Le singe, dit cet écrivain, est par sa nature si disposé à imiter gestes comiques ce qu'il a vu faire, - qualité qui le rend si précieux pour amuser les oisifs, qu'il sait au besoin simuler les exercices militaires. Un bateleur (histrio) avait coutume de conduire constamment deux singes aux jeux de guerre appelés tournois, afin que ces animaux eussent moins de peine à apprendre et à exécuter ces mêmes exercices. Il prit ensuite deux chiens, qu'il habitua a porter ces singes sur leurs dos. Ces cavaliers de nouvelle espèce étaient équipés en chevaliers: ils avaient même des éperons, avec lesquels ils aiguillonnaient vigoureusement leurs montures. Après avoir rompu leurs lances, ils dégainaient leurs épées, et chacun frappait de son mieux le bouclier de son adversaire. Comment ne pas rire a cette vue[2]? ».

Ces caricatures, contemporaines du tournoi du sa plus grande vogue pendant la période qui s'etend du douzieme an quatorzième siècle, semblent avoir joui d'une grande popularité. Elles figurent assez fréquemment sur les marges des manuscrits enluminés. Le manuscrit, si connu aujourd'hui, du Psautier de la reine Marie (ms. Reg., 2, B. VII), écrit et enluminé tout a fait au commencement du quatorzième siècle, renferme un certain nombre d'illustrations de ce genre. Une de ces compositions, que reproduit notre figure 62, représente un tournoi qui ne diffère pas beaucoup de celui que Neckam, à part cette circonstance que les singes sont a cheval sur d'autres singes, et non sur des chiens.

Fig. 62

Au fait, ici tous les personnages en scène sont des singes, et la parodie est complétée par l'introduction du héraut et du ménestrel, représentés, d'an coté, par un singc qui sonne de la trompe et, de l'autre, par un singe qui joue du tambourin. A moins, peut-être, que les deux singes musiciens ne figurent là que comme joueurs de cornemuse et de tambourin, instruments regardés comme les moins relevés, et ne viennent ainsi ajouter d'autant plus à la bouffonnerie de la scène.

C'est le même manuscrit qui nous a fourni notre figure 63.

Fig. 63

Nous assistons a un combat entre un singe et un cerf aux pieds de griffon. Ils sont montes aussi l'un et l'autre sur des animaux presque indéfinissables, dont l'un a la tête et le corps d'un lion avec des serres d'aigle pour pattes de devant, et l'autre une tête assez semblable à celle d'un lion avec le corps d'un lion, et le train de derrière d'un ours. Co sujet est sans doute une critique burlesque des romans du moyen age, remplis de combats entre les chrétiens ef les Sarrasins ; car le singe, qui, dans les morales dont sont accompagnés les Bestiaires, représente, dit-on, le diable, est ici pourvu d'armes qui, évidemment, peuvent passer pour un sabre et un bouclier de Sarrasin, tandis que le [[A pour animal cité::cerf porte la lance et l'écu d'un chevalier chrétien.

Nous avons signalé, dans un de nos précédents chapitres, le gout des artistes du moyen age pour les êtres fantastiques tenant de l'homme et de l'animal.

Fig. 64

Les combattants, dans la figure ci-dessus (n° 64), dont le sujet est tiré du même manuscrit, offrent une espèce de combinaison du cavalier et de l'animal, et semblent également destinés a représenter un Sarrasin et un chrétien. Le personnage de droite, qui se compose d'un corps de satyre avec des pattes d'oie et des ailes de dragon, est armé d'un sabre sarrasin de la même forme; tandis que le personnage de gauche, qui en somme est moins monstrueux, manie une épée normande. L'un et l'autre ont des masques humains au-dessous du nombril : conformation en vogue dans les images grotesques du moyen age.

Nos ancêtres paraissent avoir eu un gout prononcé pour les monstruosités de toute sorte, notamment pour les amalgames d'animaux de différentes espèces et pour les composés d'hommes et d'animaux. A en juger par les anecdotes rapportées par des écrivains comme Giraldus



Notes de l'auteur

  1. Voir mes Traités populaires sur la science écrits pendant le moyen âge, p107.
  2. Alexandre Neckam, De Naturis rerum, liv. I1, C. CXXIX.

Chapitres VII à la fin

Chapitre VII
Le caractère du mime se conserve après la chute de l'empire. - Le Ménestrel et le Jougleur. - Histoire des Contes populaires. - Les Fabliaux. - Ce qu'ils étaient. - Les Contes dévots

Iconographie complémentaire

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Facsimilés

Histoire de la caricature, Wright, Sachot, 1875, pages f122.jpg Histoire de la caricature, Wright, Sachot, 1875, pages f123.jpg Histoire de la caricature, Wright, Sachot, 1875, pages f124.jpg
Histoire de la caricature, Wright, Sachot, 1875, pages f125.jpg Histoire de la caricature, Wright, Sachot, 1875, pages f126.jpg Histoire de la caricature, Wright, Sachot, 1875, pages f127.jpg
Histoire de la caricature, Wright, Sachot, 1875, pages f128.jpg Histoire de la caricature, Wright, Sachot, 1875, pages f129.jpg Histoire de la caricature, Wright, Sachot, 1875, pages f130.jpg

Voir aussi

Liens externes