Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse CLXXXII/Gautier/2501. Joyeuse

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Joyeuse

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 197.jpg[190] Nous allons résumer, en quelques propositions brèves, l’histoire de l’épée Joyeuse. a. D’après Fierabras (vers 654-657), l’épée Joyeuse est l’œuvre de ce fameux forgeron Veland, qui, d’après le Chevalier au Cygne, Doon de Mayence, Huon de Bordeaux, etc., avait aussi forgé Durendal ; Floberge, l’épée de Renaud ; Hauteclere, l’épée d’Olivier ; Courtain, l’épée d’Ogier ; Merveilleuse, l’épée de Doon, etc. (Cf. Veland le Forgeron, Dissertation sur une tradition du moyen âge, par Depping et F. Michel, pp. 32-46 et 80-95.) ═ b. D’après le Charlemagne de Girart d’Amiens (B. N. 778, f° 35 r° B.), l’épée Joyeuse aurait d’abord appartenu à Pépin. Ses deux bâtards, Heudri et Lanfroi, s’en étaient d’abord emparés ; mais elle fut rendue à Charles, après ses premiers exploits chez le roi Galafre (B. N. 778, f° 35 r° B.), alors qu’il venait de tuer Braimant et allait être adoubé chevalier. ═ c. Cette version est loin d’être adoptée par tous les légendaires. D’après la Cronica general de España d’Alfonse X, ce fut Galienne qui donna au jeune Charles l’épée Giosa, et elle lui avait été donnée à elle-même par le Sarrazin Braimant. Aussi, lorsque Charles engagea cette lutte terrible contre l’émir, se servit-il de Joyeuse pour conquérir Durendal : car Braimant possédait alors la fameuse « Durendarte », et il en porta tout d’abord un rude coup à son jeune adversaire. Mais Charles ne se déconcerta point et coupa, d’un coup de Joyeuse, le bras droit du païen, qui prit la fuite. « Et l’enfant Charles descendit de cheval, et prit l’épée Durendal qui gisait à terre ; puis, il suivit Braimant avec les deux épées dans les mains, » et le tua. (V. l’Histoire poét. de Charlemagne, p. 237.) ═ d. Quoi qu’il en soit, Charles portait Joyeuse à son côté, quand il fit ce fameux voyage à Constantinople, dont la Karlamagnus Saga nous a conservé un récit simple et primitif (indépendamment de sa 8e branche, où elle reproduit le Voyage en vers français qui est parvenu jusqu’à nous). À la suite d’un vœu qu’il avait fait, l’empereur des Francs entreprend un pèlerinage à Jérusalem : à son retour, il passe par Constantinople et délivre le roi grec des païens envahisseurs. Celui-ci, pour lui témoigner sa reconnaissance, lui offre les reliques de la Passion, et notamment le fer de la lance dont Notre-Seigneur avait été percé sur la croix. (Bibl. de l’École des Chartes, XXV, 102, Analyse de la Karlamagnus Saga, par G. Paris.) Et c’est alors que Charles mit cette très-précieuse relique dans le pommeau de son épée. ═ e. C’est alors aussi (suivant la Karlamagnus Saga, l. I. et la Chanson de Roland, v. 2508) qu’il donna à son épée le nom de Joyeuse. (Giovise, dans la Saga ; Joiuse, dans le Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 198.jpg[191]

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poëme français.) Depuis lors, le cri national des Franks fut Munjoie. (Dans la Saga, Mungeoy.) Le Faux Turpin, de son côté, appelle l’épée de Charles Gaudiosa ; l’auteur de Philomena, Jocosa, et Guillaume le Breton, Jucunda. ═ f. Le mot Joyeuse signifie « précieuse », et ce nom de Monjoie (meum gaudium) se rapporte à l’épée de Charlemagne dans le sens de joyau précieux. « Ce qui achève de le prouver, c’est le nom de Précieuse donné à son épée par l’amiral Baligant, en rivalité de la Joyeuse de Charlemagne. » (Génin, Roland, p. 422.) ═ j. Joyeuse a certains caractères distinctifs qu’il convient d’énumérer. Sa clarté est incomparable : Unches ne fut sa per. — Ki cascun jur muet XXX clartez. (Vers 2501, 2502). Ki pur soleil sa claretet n’en muet. (Vers 2990.) Elle tremble quand on la tient nue. (Prise d’Alexandre, xiiie siècle- s., cité par G. Paris, Hist. poet. de Charlemagne, 373.) Enfin, elle préserve de l’empoisonnement son heureux possesseur ; nous croyons du moins qu’il faut ainsi comprendre ces vers d’Aspremont : Qui l’a sor lui ja ne soit en pensé — Que au mangier l’ait on empoisonné. (G. Paris, l. I.) Aux mains de Charles, c’est une arme terrible : « Il était d’une si grande vigueur, dit la Chronique de Turpin, que d’un seul coup de son épée il tranchait le cheval et le cavalier. » (Cap. xx.) Au combat de Saint-Faconde, le roi des Franks le fit bien voir. Tirant Joyeuse du fourreau, il trancha par le milieu du corps un grand nombre de païens. (Ibid., cap. viii.) ═ g. C’est cette épée cependant qui lui fut très-insolemment volée par l’enchanteur Maugis. (Renaus de Montauban, édit. Michelant, p. 306.) ═ h. D’après le Couronnement Looys (B. N. 774, f° 19, 2°), on n’a pas couché, mais assis dans son tombeau le grand empereur mort ; son épée a été placée dans son poing, et elle menace encore les païens, « la pute gent averse. » ═ i. D’autres poëtes mettent ensuite Joyeuse aux mains de Guillaume au Court-Nez : Cho est Joiuse où durement se fie. (Aliscans, vers 469 de l’éd. Guessard. — Voir aussi d’autres textes dans le Roland de Fr. Michel, 1re éd., pp. 193, 194.)


Voir aussi