Mémoires d'outre-tombe d'un peuplier (1850) Méthivier/Chapitre VIII : Différence entre versions

De Wicri Bois
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(Les citoyens Tirepart et Penserouge continuent leur entretien)
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:habitants des campagnes, ô amis, ô frères que je porte dans mon cœur, et pour lesquels je voudrais avoir mille vies à donner ; à mes yeux vous êtes plus grands que tous les rois de la terre, et si les choses étaient à leur place, c'est vous qui devriez habiter les châteaux et les palais. Quoi qu'il en soit aujourd'hui, c'est de vous que dépend le bonheur de la nation. Voulez-vous sauver la patrie, voulez-vous ne plus payer d'impôts, voulez-vous jouir en vrais propriétaires des forêts de l'État et goûter une félicité encore inconnue aux mortels? Nommez Considérant, nommez Madier, nommez Boichot.
 
:habitants des campagnes, ô amis, ô frères que je porte dans mon cœur, et pour lesquels je voudrais avoir mille vies à donner ; à mes yeux vous êtes plus grands que tous les rois de la terre, et si les choses étaient à leur place, c'est vous qui devriez habiter les châteaux et les palais. Quoi qu'il en soit aujourd'hui, c'est de vous que dépend le bonheur de la nation. Voulez-vous sauver la patrie, voulez-vous ne plus payer d'impôts, voulez-vous jouir en vrais propriétaires des forêts de l'État et goûter une félicité encore inconnue aux mortels? Nommez Considérant, nommez Madier, nommez Boichot.
:Voilà ce que je leur dirais, si je leur parlais une veille d'élection ; et le lendemain leurs troupes dociles s'avançant en longues files vers le scrutin pour y déposer le bon bulletin que je leur aurais donné, me feraient l'effet de bandes d'oies élevées à la dignité d'électeurs. N'êtes-vous pas de mon avis?  
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:Voilà ce que je leur dirais, si je leur parlais une veille d'élection ; et le lendemain leurs troupes dociles s'avançant en longues files vers le scrutin pour y déposer le bon bulletin que je leur aurais donné, me feraient l'effet de bandes d'oies élevées à la dignité d'électeurs. N'êtes-vous pas de mon avis ?  
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;{{Petites capitales|Penserouge}}:A mes yeux ce sont des citoyens anoblis par le suffrage universel, des frères chéris qui remplissent consciencieusement le plus sacré des devoirs.
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;{{Petites capitales|Tirepart}}:Eh bien! va pour vos frères, chéris, et revenons à ma thèse. Je disais donc que nous, républicains de la veille, nous voulons les bonnes places et les gros traitements ; vous, vous le niez, et moi je le prouve.
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:(Ici personne ne nous entend, nous pouvons,
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:comme vous l'avez désiré, parler avec franchise.) Quelle est, en général, la situation morale et financière des plus ardents républicains?
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:Il faut l'avouer, dans nos rangs accourent le plus ordinairement se placer les gens attaqués d'infirmités graves dans leurs affaires : des commerçants à bout d'expédients pour se donner un crédit perdu; des propriétaires qui ont fait fondre l'héritage de leurs pères, comme un enfant gourmand fait fondre un casson de sucre ; dès médecins las d'attendre les malades, et disposés à renoncer aux saignées de la lancette pour pratiquer, en habit de sous-préfet, une saignée au budget de l'État ; des avocats doués d'une éloquence inoccupée qui ne gagne rien et d'un estomac actif et laborieux qui dépense beaucoup ; des notaires.
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:(Mais je remarque que les notaires, si vifs à pousser à la roue révolutionnaire avant février, se sont depuis fort ralentis ; est-ce qu'ils s'apercevraient que la république n'a pas doublé le prix de leurs études?) Les classes inférieures nous offrent aussi un contingent plus respectable par le nombre que par les vertus : sont des nôtres les lurons et les tapageurs, les repris de justice et les forçats libérés, les pourvoyeurs de mauvais lieux, et tous ces vauriens énergiques, qui, au premier signal, remplissent les cadres de notre grande armée socialiste.
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Version du 1 novembre 2020 à 18:54

Les citoyens Tirepart et Penserouge continuent leur entretien.

Secrets bons à retenir. — Et recette pour faire une révolution.


 
 

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    Mémoires d'outre-tombe d'un peuplier mort au service de la République (2e édition) / par l'abbé J.-S. Méthivier.
Chapitre VIII

 

<= Comment il advint que le citoyen Penserouge et le citoyen Tirepart se dirent leurs vérités au pied d'un peuplier <=

 

=> Comment les peupliers, avec leur petit bon sens, se sont tirés d'affaires ; et comment les Français, avec leur grand esprit, se sont mis dedans. =>
    Mémoires d'outre-tombe d'un peuplier mort Méthivier Joseph bpt6k6471776z 7.jpeg

Les citoyens Tirepart et Penserouge continuent leur entretien


- 37 (G) -
Voici mon dernier mot, disait aux siens le grand démolisseur Voltaire : Mentez, mes amis, mentez ; il en restera toujours quelque chose.
Ce quelque chose qui reste, après que les bouches menteuses ont soufflé sur un pays, c'est la désorganisation, c'est la ruine.
Tirepart
Que voulons-nous? et que veut le peuple ? Le peuple veut moins d'impôts, moins de gros traitements, moins de fonctionnaires et d'employés inutiles, moins de paperasses et de paperassiers qui lui coûtent fort cher ; il veut l'ordre, la paix, la dignité, car cela donne de l'ouvrage et du crédit; il veut d'honnêtes et habiles gens pour gérer les affaires du pays selon les règles de l'économie, de la justice et de l'honneur, voilà ce que veut le vrai peuple français.

Et nous, que voulons-nous ?

Penserouge
Nous voulons aussi tout cela, et c'est pour que le peuple jouisse promptement de ces avantages que notre énergique dévouement

- 38 (G) -
descend si souvent en armes dans la rue et dresse tant de barricades.
Tirepart
Allons donc, est-ce que vous me prenez pour un niais? Voici en toute sincérité ce que nous voulons. Nous voulons les bonnes places, les gros traitements, les honneurs, et surtout le maniement des deniers publics, parce qu'il en reste toujours quelque chose aux doigts ; en un mot, nous voulons être les maîtres dans l'Assemblée nationale, dans le gouvernement, dans l'administration, dans l'armée et jusque dans les écoles, parce que, d'après nos principes, il vaut mieux commander qu'obéir.
Penserouge
Vous calomniez les républicains, je proteste contre vos assertions, et pour mon compte je déclare n'avoir jamais voulu que la liberté, l'égalité, la fraternité et le bonheur du peuple.
Tirepart
J'en dis tout autant que vous quand je parle dans un club ou sur les places publiques, ou au cabaret, et quand je harangue mes bandes d'oies de campagnards, pour les faire voter en faveur de Considérant, de Madier ou de tout autre.
Penserouge
Qu'appelez-vous bandes d'oies ? Cette qualification est un outrage à nos frères les vertueux habitants des campagnes. Ah! s'ils étaient ici, vous ne ...
Tirepart
S'ils étaient ici et que nous fussions à la veille des élections, je leur dirais : O vertueux

- 39 (G) -
habitants des campagnes, ô amis, ô frères que je porte dans mon cœur, et pour lesquels je voudrais avoir mille vies à donner ; à mes yeux vous êtes plus grands que tous les rois de la terre, et si les choses étaient à leur place, c'est vous qui devriez habiter les châteaux et les palais. Quoi qu'il en soit aujourd'hui, c'est de vous que dépend le bonheur de la nation. Voulez-vous sauver la patrie, voulez-vous ne plus payer d'impôts, voulez-vous jouir en vrais propriétaires des forêts de l'État et goûter une félicité encore inconnue aux mortels? Nommez Considérant, nommez Madier, nommez Boichot.
Voilà ce que je leur dirais, si je leur parlais une veille d'élection ; et le lendemain leurs troupes dociles s'avançant en longues files vers le scrutin pour y déposer le bon bulletin que je leur aurais donné, me feraient l'effet de bandes d'oies élevées à la dignité d'électeurs. N'êtes-vous pas de mon avis ?
Penserouge
A mes yeux ce sont des citoyens anoblis par le suffrage universel, des frères chéris qui remplissent consciencieusement le plus sacré des devoirs.
Tirepart
Eh bien! va pour vos frères, chéris, et revenons à ma thèse. Je disais donc que nous, républicains de la veille, nous voulons les bonnes places et les gros traitements ; vous, vous le niez, et moi je le prouve.
(Ici personne ne nous entend, nous pouvons,

- 40 (G) -
comme vous l'avez désiré, parler avec franchise.) Quelle est, en général, la situation morale et financière des plus ardents républicains?
Il faut l'avouer, dans nos rangs accourent le plus ordinairement se placer les gens attaqués d'infirmités graves dans leurs affaires : des commerçants à bout d'expédients pour se donner un crédit perdu; des propriétaires qui ont fait fondre l'héritage de leurs pères, comme un enfant gourmand fait fondre un casson de sucre ; dès médecins las d'attendre les malades, et disposés à renoncer aux saignées de la lancette pour pratiquer, en habit de sous-préfet, une saignée au budget de l'État ; des avocats doués d'une éloquence inoccupée qui ne gagne rien et d'un estomac actif et laborieux qui dépense beaucoup ; des notaires.
(Mais je remarque que les notaires, si vifs à pousser à la roue révolutionnaire avant février, se sont depuis fort ralentis ; est-ce qu'ils s'apercevraient que la république n'a pas doublé le prix de leurs études?) Les classes inférieures nous offrent aussi un contingent plus respectable par le nombre que par les vertus : sont des nôtres les lurons et les tapageurs, les repris de justice et les forçats libérés, les pourvoyeurs de mauvais lieux, et tous ces vauriens énergiques, qui, au premier signal, remplissent les cadres de notre grande armée socialiste.

Or....


- 41 (G) -

Voir aussi

Notes de l'article


Les citoyens Tirepart et Penserouge continuent leur entretien. +