Mémoires d'outre-tombe d'un peuplier (1850) Méthivier/Chapitre XVII

De Wicri Bois

Je meurs, mais je revivrai


 
 

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    Mémoires d'outre-tombe d'un peuplier mort au service de la République (2e édition) / par l'abbé J.-S. Méthivier.
Chapitre XVII

 

<= Dix minutes de réflexion sur l'œuvre et les ouvriers du LIBÉRALISME pendant son règne de dix-sept ans. <=

 

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Je meurs, mais je revivrai


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J'avais encore beaucoup de choses utiles à vous dire, chers campagnards ; mais, hélas ! il faut se séparer. Je sens courir dans mes moelles une flamme dévorante, et sous mon écorce un froid glacial. Amis! c'est l'agonie, c'est la mort!

Je meurs sans regrets et sans remords : sans regrets, parce que je n'ai été ni trompé, ni trompeur dans cette révolution qui a fait tant de dupes et tant de victimes; sans remords, parce que, planté par les plus turbulents pour épouvanter les plus paisibles citoyens, j'ai contribué par ces solennelles plantations à calmer les bouillonnantes irritations d'une populace victorieuse. Je meurs sans remords, parce que, si mon pays penche vers


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l'abîme, je ne l'y ai point poussé comme tant d'intrigants, par ambition, par mauvaises affaires, par jalousie, par dépit, par impiété, par sotte vanité ou coupable aveuglement. Je n'ai été d'aucun parti, et j'ai dit, en ces mémoires, de franches vérités à tous les partis. Oui, j'ai tenu d'une main ferme le flambeau de la vérité en face des doctrines, en face des actes et en face des hommes qui ont désorganisé la France. J'ai vu le mal et j'en ai signalé les causes ; j'ai vu la souffrance, et j'en ai indiqué le remède. Ma mission d'ami du peuple a donc été bien remplie, et je remercie Dieu de m'en avoir donné le courage, et les Français de m'en avoir fourni l'occasion en m'établissant le représentant de leurs plus chers intérêts.

Mais si mon passé me laisse tranquille en ce moment suprême, votre avenir, ô Français qui m'êtes si chers! votre avenir m'inquiète, me trouble, m'accable. Quels sinistres pressentiments [1]!.


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Ah! je respire encore!. Français, permettez-moi de vous confier mes dernières


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volontés. L'arbre de votre liberté ne veut pas périr tout entier; amis qui m'avez tant honoré, hâtez vous de me rendre à une existence meilleure, à des fonctions plus augustes, à des honneurs plus durables : vous le pouvez. De mon bois, devenu inutile, faites une croix, dressez cette croix à la place même que j'occupe, et que sur l'un de ses côtés le peuple lise : Spes unica, UNIQUE ESPÉRANCE DE LA FRANCE ; et que les hommes qui sont au pouvoir méditent les paroles inscrites sur l'autre face : In hoc signo vinces, L'AUTORITÉ NE TRIOMPHERA DE L'ANARCHIE QUE PAR CE SIGNE SACRÉ , et l'ordre ne renaîtra que par la religion.

Alors je revivrai, alors je serai véritablement l'arbre de la liberté et du salut, l'étendard de la civilisation et du progrès, le symbole de la fraternité et de la charité, le guide et le protecteur de ceux qui gouvernent et de ceux qui sont gouvernés......

Mais une nouvelle faiblesse s'empare de moi, c'est la dernière ; adieu, chers campagnards mes am........

NOTA


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Il ne convient pas de donner une grande importance à des mots échappes dans le délire de l'agonie ; nous nous contenterons de rapporter l'explication que des amis intimes du peuplier en ont faite. Selon eux, le peuplier a voulu dire que la France s'étant détournée des voies lumineuses de l'Évangile pour suivre les sophistes modernes, va expier sa folie par une cruelle épreuve.

Les trois nuages partis du même point sont le philosophisme voltairien, le rationalisme de Cousin et le socialisme de Proudhon, qui ont pour point de départ l'indépendance de la raison, posée en principe par le protestantisme. Ces trois sources d'erreurs ont tour à tour miné la société, qui va crouler sous les derniers coups du socialisme. Les Français épouvantés et corrigés par des calamités inouïes détesteront alors ces doctrines infernales, et redemanderont à l'Évangile et à la croix présentes par l'Église, la voie, la vérité et la vie.

L'Éditeur de ces MÉMOIRES pense que ces calamités imminentes seront épargnées aux Français, si les avis de ce bon et brave peuplier sont écoutés.

Notes de l'article

  1. Un témoin des derniers moments du peuplier nous a communiqué la note suivante : « Ce sincère ami du peuple exprimait ses craintes sur l'avenir du pays, et voilà que tout à coup il se trouble, son esprit semble frappé de quelque grande scène invisible pour nous, et ses paroles saccadées indiquent les vives émotions qui l'agitent.
    « N'est-ce pas, s'écriait-il, le tonnerre que j'entends?. »
    « Quels coups affreux! Et quels sont ces trois nuages, partis l'un après l'autre du même point de l'horizon, et réunis ensemble pour n'en former qu'un seul qui s'étend sur la France comme un immense linceul taché de sang? De ses plis s'échappent la grêle qui brise, et la foudre qui consume. Mais l'orage disparaît, et derrière le nuage qui se dissipe j'aperçois une lumière « douce et pure. On dirait qu'elle part d'un diamant d'un prix infini attaché à une croix resplendissante.
    « ..... Quelle est belle de jeunesse, quelle est vénérable de vieillesse cette femme forte qui porte la croix dans ses bras et l'élève aux yeux de la France agenouillée, repentante et consolée!. Quelle paix! les siècles de la « civilisation chrétienne reprennent leur cours. »

    En achevant ces paroles, le peuplier revint de son évanouissement, et parut très étonné de se trouver encore sur la place publique.

Voir aussi

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