Le jardin des plantes (1845) Boitard/Jardin

De Wicri Animaux

Le jardin des plantes


 

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Le jardin des plantes

Jardin des plantes (1845) Boitard, page 15.jpg[I]

Jardin des Plantes Boitard, page I.jpg


Jardin des plantes


Il est un lieu, tout au bout de Paris, qui est à coup sûr le plus bel endroit de rafraîchissement et de repos qui se puisse rencontrer dans ce vaste, obscur et tumultueux univers parisien. Là se confondent dans un pêle-mêle admirable la fraîcheur, le calme, l’ombrage, les fleurs naissantes, toutes les douces joies de la nature, tous les admirables hasards de la campagne, toutes les latitudes et tous les aspects du monde connu, toutes les productions de la terre habitée et des mers, les oiseaux du ciel, les bêtes féroces du désert, le lion et le bengali, l’éléphant et l’oiseau-mouche, le tigre royal et la chèvre du Thibet. Prêtez l’oreille ! Que de chants d’oiseaux amoureux, que de hurlements épouvantables ! Ici les familles des singes, bondissantes, amoureuses, et toutes remplies des plus aimables caprices. Plus loin, dans ce bassin d’eau salée, la famille des tortues, revêtues de riches écailles, qui s’épanouissent au soleil. C’est un bruit à ne pas s’entendre, et c’est en même temps un admirable silence. Levez la Jardin des plantes (1845) Boitard, page 16.jpg[II] tête, le cèdre du Liban vous protège de son ombre gigantesque. Baissez les yeux, la violette des bois jette à vos pieds son humble et chaste parfum. Puis enfin, quand vous êtes fatigué de cette course à travers la création, quand vos yeux se sont repus de la couleur des papillons et des roses, quand vous avez passé en revue ces myriades d'insectes aux ailes d’or, quand vous avez touché de vos mains l’or et l’argent, le charbon et le fer, tous les trésors que la terre enferme, allez vous asseoir auprès de la fontaine murmurante, sur ce vaste banc de roche calcaire, tout au-dessous de ces vastes poutres qui ont appartenu à la baleine. Mais cependant savez-vous sur quels débris solennels vous êtes assis? Vous êtes assis sur les débris du mastodonte, sur quelque animal antédiluvien reconnu et nommé par Cuvier!

Quelle histoire à décrire, l’histoire de ce charmant et savant petit coin de terre qui n’a pas son égal dans le monde! Autant vaudrait écrire l’histoire de l’univers tout entier. Non pas l’histoire des hommes armés, des nations qui se précipitent l’une sur l’autre, des multitudes qui s’en vont çà et là dans l’émigration, cherchant le pain et la terre de chaque jour. Insipide histoire celle-là, toujours la même, toujours sanglante, où reparaissent à des époques déterminées les mêmes passions, les mêmes crimes, les mêmes révolutions, les mêmes meurtres, épais nuages à peine sillonnés par quelques grands hommes. Mais l’histoire dont je parle, l'histoire de ce jardin miraculeux, posé sur les rives de la Seine par quelque main bienfaisante et prévoyante, c’est l’histoire éternellement pittoresque et variée de la fleur qui se cache dans l’herbe, de l’insecte qui bruit sous le gazon, de la ronce veloutée, de la mine enfouie, de la montagne et de la vallée, l’histoire de l'aigle qui regarde le soleil et du moucheron enfant de l’air. Tout ce qui respire, tout ce qui existe, tout ce qui resplendit dans les eaux, sur la terre et dans le ciel, tout ce qui rampe et tout ce qui vole, tout ce qui gronde et tout ce qui se lamente, le premier animal de la création et le dernier, tel serait le sujet de ce livre : Noslri forago libelli. Mais que faire ? que devenir ? comment ne pas se perdre dans un si vaste sujet ? Un homme l’avait tenté, le seul homme qui fût digne de l’entreprendre; cet homme avait le coup d’œil et l’intelligence, l’émotion intérieure et le style, l’orgueil et la fierté; il était le seul qui fût peut-être à la hauteur d’un pareil sujet. Cet homme, vous l’avez nommé, c’est M. de Buffon, et cependant, ô grand Dieu ! vous qui êtes le Dieu de l’hysope et du cèdre, vous qui avez fait honte à la magnificence de Salomon, rien qu’en déployant la robe blanche du lis de la vallée, vous savez si M. de Buffon lui-même, Buffon votre historien et votre favori, était à la hauteur de ce vaste sujet.

Non certes; pour raconter cette histoire de l’univers que Dieu a créé, il n’y a que Dieu lui-même. C’est à peu près ce qu’on a dit de César : qu’il était le seul digne d’expliquer les batailles qu’il avait gagnées. Non certes, ce n’est pas nous qui passerons en revue, môme à propos de ces quinze cents pieds de terre, toutes les merveilles de la création.


Les débuts


Citation de Juvénal : https://archive.org/details/oeuvrescomplte00juveuoft/page/6/mode/1up