Le Buffon choisi de Benjamin Rabier/Sauvages/Rongeurs/Marmotte

De Wicri Animaux

La marmotte



La marmotte

Le Buffon choisi de Benjamin Rabier, page f84.jpg[76] La marmotte, prise jeune, s'apprivoise plus qu'aucun animal sauvage, et presque autant que nos animaux domestiques; elle apprend aisément à saisir un bâton, à gesticuler, à danser, à obéir en tout à la voix de son maître. Elle est, comme le chat, antipathique avec le chien.

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Quoiqu'elle ne soit pas tout à fait aussi grande qu'un lièvre, elle joint beaucoup de force à beaucoup de souplesse.

Si l'on n'y prend pas garde, elle ronge les meubles, les étoffes et perce même le bois lorsqu'elle est renfermée.

Elle se tient souvent assise, et marche aisément sur ses pieds de der- rière; elle porte à sa gueule ce qu'elle saisit avec ceux de devant et mange debout comme l'écureuil; elle court assez vite en montant, mais assez lourdement en plaine; elle grimpe sur les arbres, elle monte entre deux parois de rochers, deux murailles voisines, et c'est des marmottes, dit-on, que les Savoyards ont appris à grimper pour ramoner les cheminées.

Elles mangent de tout ce qu'on leur donne, mais elles sont plus avides de lait et de beurre que de

tout autre aliment. Quoique moins enclines que le chat à dérober, elles cherchent à entrer dans les endroits où l'on enferme le lait, et elles le boivent en mar- mottant, c'est-à-dire en faisant comme le chat une espèce de murmure de conten- tement.

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La marmotte a la voix et le murmure d' un petit chien, lorsqu'elle joue ou quand on la caresse; mais quand on l'irrite ou qu'on l'effraie, elle fait entendre un sifflet si perçant et si aigu qu'il blesse le tympan.

Elle aime la propreté, mais elle a, surtout en été, une odeur forte qui la rend très désagréable; en automne, elle est très grasse: elle serait assez bonne à manger, si elle n'avait pas toujours un peu d'odeur qu'on ne peut masquer que par les assaisonnements très forts.

Cet animal, qui se plaît dans la région de la neige et des glaces, qu'on ne trouve que sur les hautes montagnes, est cependant sujet plus qu'un autre à s'engourdir par le froid. C'est ordinairement à la fin de Le Buffon choisi de Benjamin Rabier, page f85.jpg[77] septembre ou au commencement d'octobre qu'il se recèle dans sa retraite pour n'en sortir qu'au commencement d'avril. Les marmottes demeurent ensemble et elles travaillent en commun à leur habitation;

elles y passent les trois quarts de leur vie, elles s'y retirent pendant l'orage, pendant la pluie ou dès qu'il y a quelque danger; elles n'en sortent même que dans les plus beaux jours, et ne s'en éloignent guère; l'une fait le guet, assise sur une roche élevée, tandis que les autres s'amusent à jouer sur le gazon, ou s'occupent à le couper pour en faire du foin; et lorsque celle qui fait sentinelle aperçoit un homme, un aigle, un chien, etc., elle avertit les autres par un coup de sifflet, et ne rentre elle-même que la dernière.

Elles ne font pas de provisions pour l'hiver, il semble qu'elles devinent qu'elles seraient inutiles; mais lorsqu'elles sentent les premières approches de la saison qui doit les

engourdir, elles travaillent à fermer les deux portes de leur domicile, et elles le font avec tant de soin et de so- lidité, qu'il est plus aisé d'ou- vrir la terre partout ailleurs que dans l' endroit qu'elles ont muré.


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