VSST (2001) Lebreton
La mise en réseaux de compétences locales: la création d'un pôle technologique
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- Résumé
- "Les intellectuels collectifs n’abolissent pas les espaces antérieurs, ils se contentent de déployer d’autres qualités d’être, d’autres temps."[P.Lévy, 1997, p 170] Lorsque la circulation des informations n’est pas entravée par des réseaux de communication à débits faibles, les NTIC peuvent abolir les frontières et à priori, reléguer la notion de territoire en second plan. Mais un projet de développement local qui s’appuie sur les NTIC ne peut aboutir que si ce projet agrège les acteurs locaux, fédère leurs compétences les articule et fonde une pratique organisationnelle. La logique de projet qui prévaut dans cette démarche s’appuie sur une dimension territoriale pratiquée, reconnue par les acteurs locaux qui acceptent de s’associer pour en permettre la valorisation. Ainsi, l’amorce de ce plan de développement local s’appuie sur, la détection des ressources endogènes, la mise en forme des réseaux d’expertise endogènes et exogènes. Si les fonds débloqués pour l’incubation et le capital d’amorçage des sociétés vont changer les conditions de création d’entreprises à partir de la recherche, la création d’une technopole repose sur une dynamique d’innovation. Cette étape déterminante va consister en la mise en forme d’un réseau afin de favoriser la "fertilisation croisée" c’est-à-dire, la circulation des idées, l’échange de compétences, l’accès et la pratique des nouvelles technologies au plus grand nombre d’acteurs locaux.
- Mots clés
- Développement – Incubateur – Local – Veille – Territoire
Sommaire
- 1 Le contexte : l'économie virtuelle, les mesures gouvernementales, la définition des "Pactes territoriaux"
- 2 Les spécificités de l'entreprise innovante, les actions d'incubateurs d'entreprises et de développement associant les territoires.
- 3 L'impact des NTIC sur les modèles d'entreprise et l'offre de l'hôtel d'entreprises de la zone "Dracénie".
- 4 Conclusion.
- 5 Bibliographie
Le contexte : l'économie virtuelle, les mesures gouvernementales, la définition des "Pactes territoriaux"
L'économie.com.
Un mot résume désormais l'obsession de l'économie américaine dot-com - en français: point-com. Impossible d'échapper au suffixe le plus courant des noms des entreprises nées de l'Internet. Sur les panneaux publicitaires, sur les petits et grands écrans, les dot-com ont envahi l'Amérique. Dans la presse, les entreprises Internet sont désormais désignées sous le nom générique de dot-com et la chronique de ces toutes jeunes sociétés occupe des colonnes entières de l'auguste Wall Street JournaL Sensible à l'air du temps, Time Magazine a désigné comme homme de l'année 1999 Jeif Bezos, fondateur et PDG d'Amazon.com, distributeur de livres, disques, jouets et matériel informatique sur Internet.plus loin que le clin d'oeil des dotcom. En fait, 1999 restera sans doute dans l'histoire comme l'année où Internet a envahi l'économie américaine[1].
La montée de l'Internet, nous explique Ben Verwaayen, numéro deux de Lucent Technologies (153.000 employés), « est une révolution parce qu'elle ne se limite plus aux départements technologie des entreprises: elle affecte la nature même de nos économies ». Kevih Kelly, l'auteur du livre New Rules for the New Economy
( Nouvelles règles pour la nouvelle économie), prévoyait que la nouvelle économie ne se substituerait pas à la vieille économie, mais se grefferait dessus, la technologie infiltrant progressivement les strates inférieures. L'autre révélation dans ce domaine, c'est la dépendance des dot.com, aussi fringantes soient-elles, à l'égard de l'infrastructure traditionnelle. Amazo.com n'existerait pas sans la bonne vieille poste américaine, qui achemine ses produits vers les consommateurs et dont elle est devenue le premier client.
Le Nasdaq, indice des valeurs technologiques, a augmenté de plus de 80% cette année. Les entrepreneurs en herbe n'ont plus à courtiser les fournisseurs de capital-risque qui, au contraire, les supplient aujourd'hui de prendre cet argent dont leurs poches débordent. L'Internet a d'autre part inversé la fonction de courtage : les réseaux de communication électronique (CN), comme Instinet, qui permettent de mettre en présence en temps réel les offres de vente et d'achat[2], ont acquis leurs lettres de noblesse et se sont étendus aux investisseurs individuels.
The Industrial Standard, qui évalue de 5 % à 8% la part du secteur des nouvelles technologies dans le PIB et à 35% sa part dans la croissance du PIB, distingue deux catégories au sein de cette économie. Les entreprises de logiciel d'équipement informatique et de réseaux (Microsoft, Intel, Cisco), quelques entreprises Internet qui ont fait leurs preuves (America Cnli yalsoo, eBay) d'une part, et d'autre part « les douzaines d'entreprises Internet qui ont peut-être des idées géniales, des produits fascinants et de brillants dirigeants mais sont incapables de gagner un sou »; dans les deux cas« leurs titres sont surévalués».
C'est bien la référence au gigantisme qui domine les commentaires sur le mariage entre AOL et TIME Warner. Le fait décisif est sans doute l'affirmation des contenus comme enjeu central de l'économie de la convergence. Tout change : l'espace de diffusion, hier bien rare, est devenu, grâce à la compression numérique, une ressource inépuisable. Les zones d'activité définies par les collectivités ont a intégrer dans leur offre : l'accès aux réseaux à haut débit, une activité de veille technologique et la production de contenus en multipliant les occasions d'usages des NTIC[3].
Un dispositif global pour favoriser l'innovation et le transfert de technologies.
Un dispositif d'ensemble pour favoriser l'innovation émerge:Loi sur l'innovation, crédits incitatifs, incubateurs d'entreprises, fonds d'amorçage, concours national de création d'entreprises de technologies innovantes. Le dispositif mis en place par le gouvernement encourage le transfert de technologies et la création d'entreprises utilisant les résultats de la recherche publique.
Plus de 2000 candidats ont répondu présent au concours national de création d'entreprises. Cette dynamique s'inscrit dans le large dispositif mis en place par le gouvernement pour favoriser l'innovation et le transfert de technologies, notamment pour multiplier les créations d'entreprises à partir des résultats de la recherche publique[4]. En effet, jusqu'à présent, on dénombre chaque année seulement quelques dizaines de créations d'entreprises innovantes liées a la recherche publique. Mais qu'appelle-t-on "entreprises innovantes" ? Quelles sont leurs particularités?
Rarement créées par les chercheurs eux-mêmes, ces entreprises ont surtout besoin d'un contact permanent avec le laboratoire à l'origine d'une invention. Elles sont entièrement mobilisées autour d'une innovation technologique prise à un stade très précoce dans lequel, le plus souvent, la faisabilité même du projet sur le plan technologique n'est pas encore validée.
Le premier prototype n'est souvent pas envisageable avant plusieurs mois.
La "jeune pousse technologique" cumule ainsi plusieurs handicaps : le risque technologique s'additionne au risque industriel et au risque commercial pris par toute nouvelle entreprise. Elle s'engage sur des mois d'investissements et souvent des années avant de réaliser ses premières ventes. Elle doit, en outre, recruter et fidéliser du personnel de haut niveau dont la démission serait fatale pour l'entreprise.
Aucune banque n'est a même de financer par un prêt cette phase de développement, qui représente plusieurs millions de francs d'investissements, voire même des dizaines de millions de francs dans le cas des biotechnologies. L'appel a projets, doté de 200 MF, lancé le 24 mars 2000 par Claude Allègre et Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, vise à pallier ces déficiences. Il s'agit d'une part de susciter la constitution d'incubateurs d'entreprises sur des sites scientifiques et, d'autre part, de doter en capital les établissements d'enseignement supérieur ou de recherche qui souhaitent constituer des fonds d'amorçage pour investir dans des entreprises en création. Une vingtaine d'incubateurs devraient ainsi être rapidement mis en place dans l'hexagone. Chacun de ces sites d'accueil pourra héberger entre 15 et 20 sociétés débutantes pendant une durée limitée. D'un montant total de 100 MF, les subventions accordées aux incubateurs pour une durée de trois ans couvriront la moitié des dépenses des sociétés. Les 100 MF consacrés aux fonds d'amorçage (sous forme d'avances en capital), seront pour leur part exclusivement investis dans des fonds d'amorçage spécialisés dans le soutien aux jeunes entreprises technologiques innovantes. La part de l'Etat, au sein de ces fonds, restera minoritaire.
Les Pactes territoriaux pour l'emploi et le développement durable.
Conjointement à, la reconnaissance de la nouvelle économie, et du dispositif global précédemment cité, 2000 est l'année du renouvellement des contrats de plan Etat-Région et des fonds structurels européens. Ces documents formalisent les engagements de l'Europe, de l'Etat, de la Région, aux côtés des collectivités locales sur des projets précis. Les communes ou leurs regroupements et leurs partenaires (associations, entreprises, recherche..) peuvent ainsi bénéficier de soutiens financiers conséquents leur permettant de mettre en oeuvre leurs politiques du développement local.
Afin de se positionner dans cette démarche, certaines communes de la zone d'emploi Est Var, délimitée au sud par la commune du Muy, à l'est par les communes du SIVOM Centre Var (le Cannet, Cabasse, le Luc, ./.), au nord par le Haut Var-Verdon, ont décidé d'élaborer ensemble un projet de développement économique et de création d'emplois. Ce programme intitulé «Pacte territorial pour l'emploi» va être conçu pour apporter des réponses concrètes en matière de formation, de développement de filières d'activités, de soutien aux entreprises et de rapprochement entre l'offre et la demande d'emplois. Il devra bien évidemment associer le plus étroitement possible les acteurs privés ou associatifs[5] oeuvrant dans le domaine économique sur ce territoire.
Certains projets pourront être financés dans le cadre du Pacte.
Les axes de développement abordés dans le secteur des nouvelles technologies porteront sur :
- Les opportunités d'implantation et de développement des entreprises NTIC dans notre aire géographique.
- Le développement de l'usage des NTIC dans les entreprises existantes.
- Les services à développer pour une meilleure utilisation des NTIC (formation centre multimédia)
- Le développement des réseaux haut débit.
Les spécificités de l'entreprise innovante, les actions d'incubateurs d'entreprises et de développement associant les territoires.
Un cadre législatif qui souligne le caractère stratégique de la haute technologie.
Toutes ces mesures, juridiques, financières ou fiscales, constituent désormais un dispositif d'ensemble cohérent pour stimuler l'innovation, le transfert des connaissances et la création d'entreprises valorisant la recherche publique. La loi sur l'innovation et la recherche qui vient d'être adoptée au Parlement apporte un cadre juridique clair à ce dispositif, ce qui permettra d'amplifier dès cette année le rythme de création d'entreprises technologiques en France. L'objectif de quelques centaines de créations d'entreprises innovantes sur les trois années à venir est visé.
Les entreprises innovantes sont fortement créatrices d'emplois[6]. Sur quelque 700.000 projets, il s'est créé seulement 166.000 entreprises en France en 1998, tous secteurs confondus (contre 199.000 en 1988). Environ 1% de ces créations s'appuient sur un produit, un service ou un procédé innovant.
Les entreprises de "technologies innovantes" ne forment qu'un sous ensemble de ces créations.
Une étude confiée par la direction de la technologie au Centre de sociologie de l'innovation (mai1998) a permis d'identifier 389 entreprises issues de la recherche publique, pour l'essentiel depuis 1984 (tous secteurs confondus).
Dans 95 % des cas, le transfert de technologie s'est fait par la mobilité d'au moins un chercheur du laboratoire public vers ces entreprises[7]. Celles-ci ont un taux de survie particulièrement important (entre 70% et 80% après 5 ans) et une propension à créer des emplois environ trois fois supérieure à la moyenne. Après 5 ans d'existence, elles comptent en moyenne onze salariés. Au total, elles ont créé près de 6000 emplois et réalisent plus de 3 milliards de francs de chiffre d'affaires.
Les pratiques de zones d'entreprises dans l'accueil d'entreprises de haute technologie.
A Sophia-Antipolis 35 start-up sont implantées dans la pépinière. Dans les années 80 de grandes sociétés se sont implantées et imposées comme de véritables locomotives. A ces arrivées succède une multitude de créations de petites structures. Fertilisation croisée, essaimage, business angels rythment le développement de Sophia-Antipolis. L'année 1998 enregistre l'arrivée de plus de soixante entreprises. A l'origine de cette croissance, le pôle des technologies de l'information-informatique-électronique-télécommunication. Une troisième génération de start-up axée sur les services en ligne pointe maintenant. Cette progression a été obtenue par le rapprochement des décideurs, chercheurs, enseignants et étudiants[8]. La cohabitation de populations différentes en un même lieu favorise les synergies. Les Pme-Pmi installées au CICA utilisent fréquemment les start-up de la pépinière en sous-traitance.
Le groupe américain d'informatique Sun Microsystems a annoncé, jeudi 4 novembre, qu'après avoir examiné plusieurs sites européens, il avait choisi Grenoble pour accueillir l'extension de son centre de recherche développement. Avec environ 300 emplois à la clé, la décision était espérée de tout le bassin grenoblois. C'est Montbonnot-Saint-Martin (4500 habitants) qui va tirer les bénéfices de l'implantation. Il y a trente ans, des élus ont voulu faire de l'agglomération une sorte de Sillicon Valley française et créaient à Meylan, dans la proche banlieue grenobloise, la Zone pour l'innovation et les réalisations scientifiques et techniques (Zirst). Pari réussi: aujourd'hui la Zirst compte 260 entreprises et 6700 emplois directs. C'est cette vallée de moins de cinquante kilomètres qui enregistre le plus fort taux de croissance de l'emploi du bassin grenoblois: 23,4 % en quinze ans contre 11,5 % en moyenne.
Internet à la portée des PME. Même si la moitié des petites et moyennes entreprises (PME) européennes sont connectées à internet, elles sont encore loin d'en tirer pleinement parti[9]: selon une enquête de locabail, numéro un du crédit aux PME, la messagerie électronique reste encore le principal usage; 19 % d'entre elles sont dotées de leur propre site, et, parmi ces dernières, 17 % seulement l'utilisent pour faire du commerce électronique.
Atlanpole, la technopole de Nantes Atlantique qui, dans le cadre du programme européen Adapt, a développé un projet de sensibilisation et d'aide à la mise en oeuvre d'applications utilisant internet à l'attention des PME agroalimentaires de la région Pays de la Loire. 80 PME ayant pris part au programme font toutes désormais de la veille technologique et réglementaire. Ce succès repose pour beaucoup sur la mise au point de deux outils: un catalogue de quelque 700 sites agroalimentaires francophones et anglophones, et un moteur de recherche sémantique permettant de formuler des interrogations en langage naturel.
Apporter l'infrastructure nécessaire pour que les PME s'ouvrent à l'économie Internet: telle est précisément l'ambition du programme que viennent de lancer Intel Corporation, fabricant de matériel de microinformatique et numéro un mondial du circuit intégré, et l'Association internationale des parcs technologiques (IASP), qui regroupe quelque 200 technopoles et incubateurs d'entreprises répartis dans 45 pays. Ce programme vise à développer des forums d'échanges d'expériences et des séminaires de formation sur les nouvelles pratiques économiques basées sur internet[10], mais aussi à implanter au sein de chaque parc technologique un « Internet Economy Lab », laboratoire ou des applications réelles seront présentées et où les PME pourront bénéficier d'une aide dans la mise en place de leurs propres solutions. « il s'agit de mettre à la disposition des PME des compétences pour faciliter leur intégration dans cette nouvelle économie." explique Stéphane Nègre, responsable Europe du marketing PME chez InteL Car même lorsqu'elles sont convaincues, elles ne savent pas comment s'y prendre pour développer des applications spécifiques. » Intel équipera les laboratoires et formera les experts locaux qui en assureront l'animation. Ceux-ci seront pour partie issus de son réseau de revendeurs.
"L'objectif de ce programme est d'inciter les PME à utiliser Internet pour, au-delà de la recherche d'informations, assurer leur propre croissance."Les experts locaux rattachés aux laboratoires les aideront à définir la solution répondant à leurs besoins tant d'un point de vue technique que stratégique, ce type d'applications n'étant pas sans conséquence sur l'organisation même d'une entreprise», insiste Stéphane Nègre sans nier que cette opération serve la politique marketing d'lntel, qui entend aujourd'hui faire évoluer son image en se positionnant comme offreur de services et de solutions.
Un Intranet qui favorisera la mise en contact des PME de par le monde et multipliera ainsi les opportunités commerciales.
Tableau 1 : Internet et Comportements d'entreprises (Le Monde, 1999.)
En % | France | Italie | Allemagne | Angleterre | Espagne | Total |
Entreprises connectées à Internet | 40 | 40 | 68 | 67 | 41 | 53% |
Entreprises disposant de leur site WEB | 13 | 14 | 16 | 41 | 12 | 19% |
Des actions de développement qui associent, compétences locales et dimension territoriale.
La politique économique ne peut se passer des acteurs locaux. Le principal facteur de développement économique régional est la bonne organisation des acteurs locaux[11]. La politique dite des «pactes territoriaux pour l'emploi », se fixe pour objectif de responsabiliser les acteurs locaux et de les rendre propriétaires de leurs projets, de passer d'un "territoire de guichet" à un territoire de projet[12].».Le problème est culturel: pour que disparaisse la résistance au changement, ce sont les mentalités qu'il faut faire évoluer. C'est pourquoi la Commission a ainsi invité, en décembre 1996 chaque Etat membre, à désigner des territoires, sans limite géographique ou administrative prédéterminée, réunissant trois critères: un taux de chômage élevé, la préexistence d'initiatives locales en faveur de l'emploi, une bonne entente entre partenaires locaux. La notion de territoire est d'ores et déjà présente dans les textes d'orientation communautaire pour 2002. Progressivement de la priorité aux infrastructures, le hardware, à la priorité aux ressources immatérielles, comme la formation, le dynamisme entrepreneurial puis le software, la priorité devient l'organisation de la coopération entre les acteurs de terrain l'"orgware"[13].
Ces initiatives locales mettent l'accent sur un lien : un développement fondé sur un rééquilibrage entre les sources endogènes, c'est-à-dire liées à l'organisation des acteurs de terrain, aux possibilités de mobilisation, et les ressources extérieures. Ce qui tend à faire la différence parmi les territoires, entre ceux qui parviennent à se développer, à surmonter les crises, et ceux qui n'y parviennent pas, c'est le facteur humain, la capacité d'organisation entre les élus, les responsables administratifs et la société civile[14]. La « révolution silencieuse des territoires » est ce mouvement qui vient d'en bas.
C'est ce qu'on appelle, dans l'Europe entière, le développement local ou le développement endogène. A travers les pays et agglomérations, la loi Voynet consacre cette évolution, cette émergence des territoires comme sujets du développement, alors que jusqu'à maintenant les territoires étaient simplement des lieux d'intervention.
Les territoires sont les lieux d'application de politiques dont le but est de créer des contextes favorables à la mobilisation des compétences disponibles sur un même territoire[15].
L'impact des NTIC sur les modèles d'entreprise et l'offre de l'hôtel d'entreprises de la zone "Dracénie".
Une mutation profonde des entreprises due à la révolution des technologies de l'information touche les organisations. Comment gèrent-elles ce changement ? Quels modèles adoptent-elles ? L'essor des nouvelles technologies décuple les possibilités de développement.
Les modèles sous-jacents à la réorganisation des entreprises : typologie.
- a) L'entreprise chef d'orchestre.
- Ce modèle est imité par de nombreuses sociétés, soucieuses de sous-traiter des activités risquées, techniques ou consommatrices en capitaux. D'autres vont plus loin. Michael Dell, le fondateur de l'entreprise informatique décrit sa société, comme un modèle « d'intégration virtuelle.». Il faut se « concentrer sur les domaines d'activités où on excelle[16].», explique-t-il. Il a identifié les vrais savoir faire de sa société: la conception et l'assemblage d'ordinateurs, ainsi que la relation client, gérée directement par des centres d'appels. Pour le reste, Dell fait appel à des compétences externes. Les composants (mémoire, disque dur) sont achetés à des fabricants extérieurs.
- Intel, relié au système intranet de l'entreprise depuis 1998, fournit des microprocesseurs plusieurs fois par jour. La distribution est sous-traitée à un transporteur. le service de maintenance clients est réalisé par Wang, IBM ou Unisys. Dell, tel un chef d'orchestre, coordonne ces partenariats[17].
- b) L'entreprise verticale.
- Ce modèle, pousse la logique précédente à son paroxysme. Elle renonce à fabriquer son produit en totalité, pour se concentrer sur une seule étape du procédé. Elle devient, sur ce métier, le fournisseur de ses anciens concurrents. Des initiatives partielles voient le jour. La compagnie aérienne allemande Lufthansa a relevé qu'elle était particulièrement efficace dans le métier de la restauration en vol. Cette activité a été filialisée. le pôle LSG Skychefs, dont Lufthansa détient 48% du capital, est devenu le numéro un mondial (avec 3 milliards de dollars de chiffre d'affaires) et fournit plus de 250 compagnies concurrentes de sa maison mère.
- c)L'entreprise navigatrice du Web.
- Une société tient à être en contact direct avec son client: bien connaître ses besoins permet de le fidéliser et d'augmenter ses dépenses. C'est cette logique qu'ont comprise les nouvelles entreprises navigatrices du Web: elles tentent de se placer entre les entreprises traditionnelles et les consommateurs[18]. Ainsi, autobytel.com et carpoint.com, deux sites Internet, sont devenus en quelques années la référence de 50 % des Américains désireux d'acheter une voiture. Ces sites comparent les modèles des constructeurs et leurs prix. ils ont capté la relation client. L. Schwab, le courtier de produits financiers, procède de même en sélectionnant sur Internet 600 fonds d'investissements. La force de ces entreprises est de proposer, pour un produit donné, l'ensemble de l'offre du marché, ce qui n'est pas le cas des sites d'entreprises. Les sociétés «traditionnelles» cherchent la parade et les territoires qui rédigent leur "PACTE" de développement ne peuvent ignorer ces caractéristiques[19].
L'offre de services de l'incubateur de la "Dracénie".
Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, la nouvelle économie est supportée par le développement des NTIC, le recours au WEB dans ses multiples applications et une stratégie annoncée comme basée sur la production de contenus. La zone "Dracénie" va bénéficier dans son périmètre de l'ouverture de la technologie ADSL. Ce qui constitue un avantage concurrentiel certain, et renforce l'attractivité[20] de la zone d'activités et de l'hôtel d'entreprises en cours de définition. Afin de compléter la possibilité qui est proposée aux acteurs locaux de pouvoir disposer d'un accès à un réseau à haut débit, une offre globale est en cours d'élaboration. Cette offre globale va porter sur l'amorce des projets, une pépinière d'entreprises virtuelles, un portail qui va inciter les entreprises dans leur pratique à la veille technologique[21] et permettre le recensement des compétences disponibles localement et désireuses d'apparaître dans l'offre globale.
- a) L'amorce des projets.
- • Un constat
- La majorité des dossiers de start-up est à forte connotation technologique, avec une approche du marché insuffisante et une quasi méconnaissance des mécanismes de financement et d'actionnariat.
- • La vocation
- L'incubation et l'amorçage des starts-up du site pour assurer le lancement d'un plus grand nombre de sociétés à fort potentiel de croissance, jusqu'ici délaissées.
- • La mission
- Sélectionner, valider et accompagner les porteurs de projets répondant aux critères suivants
- Présence d'une composante technologique.
- Innovation sur le couple produitImarché.
- Importance et forte croissance prévisionnelle du marché.
- Lucidité, ambition et personnalité du porteur de projet.
- • L'approche
- Faire franchir les difficiles étapes précoces (Preliminary Stages) qui mènent à l'autonomie de l'équipe dirigeante.
- Des interventions calquées sur le processus suivant:
- Evaluer le potentiel du dossier et le sélectionner.
- Faire élaborer le Business Plan selon notre méthode éprouvée
- Accompagner l'activité et le développement de la phase en cours.
- Définir le besoin de financement.
- Compléter l'équipe de direction.
- Lever les capitaux nécessaires.
- • Modèle économique
- Financement du coût de la mise en oeuvre de ce processus pour chacun des dossiers sélectionnés.
- Prises de participations sur l'ensemble des dossiers menés à terme constituent un portefeuille de start-up amorcés.
- • Les ressources
- Elles s'organisent autour de trois pôles
- Une équipe d'associés à l'approche d'entrepreneur.
- L'appui d'un grand cabinet de conseil de direction.
- Un club d'investisseursIacteurs intéressés parle site.
- Les investisseurs/acteurs ou repreneurs sont susceptibles de s'investir financièrement et/ou de se joindre aux équipes de direction des projets.
- Les sociétés de Capital Risque ou de Développement sont susceptibles de participer au club d'acteurs/prescripteurs du site. Elles peuvent également, si elles le souhaitent, entrer au capital pour renforcer ses fonds propres et bénéficier de la valorisation de son portefeuille.
- b)Le Centre Virtuel de Ressources.(C.V.R.)
- • La cible.
- Les entrepreneurs individuels, des artisans, des PME ou PMI qui ont besoin de valider sur une période limitée et à un coût réduit un projet de service en ligne lié au commerce électronique.
- • Fonctionnement.
- Le CVR s'appuie sur les contributions financières des institutionnels, les partenaires techniques et financiers.
- • Plan d'actions.
- Accompagnement du projet pendant un an.
- Plusieurs jours de conseils techniques, marketing et stratégiques.
- Plusieurs mois d'hébergement gratuit par le CRV ou à faible coût par un partenaire, en fonction du niveau de complexité technique du projet.
- • Adhérer au CRV.
- Après un entretien avec le porteur de projet et remise de documents, d'une demande écrite accompagné d'un plan d'affaires puis signature d'une convention. En fonction de sa maturité et de sa technicité, le projet est orienté vers un niveau d'accueil et de prescriptions.
- c) La pratique de la veille technologique et territoriale, le portail de développement.
- "Pour une entreprise, comme pour une aire géographique, savoir protéger ses actifs économiques fait intégralement partie d'une démarche d'intelligence Economique[22]."
- a)L'objectif général de cette démarche
- Comprendre, puis saisir toutes les occasions sur les marchés, observer les concurrents pour gagner des contrats ou ne pas en perdre.
- Recenser puis mobiliser les compétences locales disponibles, les articuler par rapport à l'objectif de développement, les actualiser[23]
- Cette démarche va s'appuyer sur plusieurs types d'actions.
- La programmation de sessions de sensibilisation via la formation de décideurs locaux.
- L'acquisition systématique d'informations.
- La diffusion de ces données dans l'entreprise.
- La compréhension des innovations.
- La protection des actifs des entreprises au même titre que les actifs territoriaux[24].
- b)Définition du Portail de développement local.
- La Cellule de Veille territoriale.
- Un outil fonctionnel de veille pour adopter une stratégie de territoire et de promotion du territoire qui va tenter d'articuler :
- • Un versant endogène.
- Qui puisse favoriser et améliorer les échanges entre les acteurs locaux[25].
- • Un versant exogène.
- Qui puisse valoriser les atouts du territoire dans le cadre des actions de prospection pour des projets d'implantation d'entreprises.
- Un guide des savoirs faire locaux doté d'un moteur de recherche.
- Par domaine d'activité.
- Permettant la recherche Par commune, par secteur d'activité.
- Pour permettre à terme : Le territoire à valoriser doit devenir une zone de chalandise sur le monde entier.
Conclusion.
Lorsque la circulation des informations n'est pas entravée par des réseaux de communication à débits faibles, les NTIC peuvent abolir les frontières et à priori, reléguer la notion de territoire en second plan. Mais un projet de développement local qui s'appuie sur les NTIC ne peut aboutir que si ce projet agrège les acteurs locaux, fédère leurs compétences les articule et fonde une pratique organisationnelle[26]. La logique de projet qui prévaut dans cette démarche s'appuie sur une dimension territoriale pratiquée, reconnue par les acteurs locaux qui acceptent de s'associer pour en permettre la valorisation.
Ainsi, l'amorce de ce plan de développement local s'appuie sur, la détection des ressources endogènes, la mise en forme des réseaux d'expertise endogènes et exogènes. Parce que ces savoirs faire en matière de réseaux et de contenus ne s'acquièrent pas seulement dans la virtualité. De l'aptitude d'un territoire à faire émerger un projet fédérateur va dépendre la probabilité de mener à son terme une politique de développement[27].
Si les fonds débloqués pour l'incubation et le capital d'amorçage des sociétés vont changer les conditions de création d'entreprises à partir de la recherche, la création d'une technopole repose sur une dynamique d'innovation. Cette dernière s'appuie sur un consensus local pour décloisonner le territoire. L'étape déterminante va consister en la mise en forme d'un réseau afin de favoriser la" fertilisation croisée" c'est-à-dire, la circulation des idées, l'échange de compétences, l'accès et la pratique des nouvelles technologies au plus grand nombre d'acteurs locaux[28].
Bibliographie
[1] ↑ Nordstrom R.D., Pinkerton.R.L., « Taking Advantage of Internet Sources to Build a Competitive System. », CIR Spring, 1999.
[2] ↑ Ashkenas R., « Breaking through global boundaries. », Executive Excellence, July 1999.
[3] ↑ Bertacchini Y., Dumas.Ph., Boutin.E., « La mise en convergence des usages locaux. Vers l'élaboration d'un outil de veille territoriale. », Colloque de l'île Rousse sur les Systèmes d'information élaborés, Septembre 1999.
[4] ↑ Bellavista T., et alii., Politica Cientifica Technolôgîca, Evaluaciôn del R+D en la Universitat de Barcelona, 1993.
[5] ↑ Bertacchini Y., « Closing the gap between the proximity of the local steps and their adjacent skills : toward the knowledges of endorsement will. »,Information Scientific for Decision Making N°3.
[6] ↑ Dou H., Veille Technologique et Compétitivité, p.18, Dunod, 1995.
[7] ↑ Flésia E., Dou.H., « La création d'entreprises par les chercheurs :une donnée sociologique nouvelle en France. », Revue Politiques et Management Public, Volume 12, n°2, juin 1994.
[8] ↑ Bertacchini Y., Dumas.Ph., Quoniam.L., « Construire un projet local de développement autour d'une cellule de veille territoriale. », 2è Journées Internationales Intelligence Stratégique, ESA, Lille II, 9 et 10 Décembre 1999.
[9] ↑ Miller J.P., Millennium Intelligence : Understanding and Conducting Competitive Intelligence in the Digital Age, Information Today, Inc, 1999.
[10] ↑ Quoniam L., « L'intelligence compétitive :expérience et outils. », Semana do Conhecimento, Rio de Janeiro, 18-22 octobre 1999.
[11] ↑ Godet M., Pacini.V., De l'activité à l'emploi par l'insertion, Rapport au Ministre du travail et des Affaires Sociales, cahier du LIPS N°6, 2è édition, Paris, CNAM, 1998.
[12] ↑ Bertacchini Y., Dumas.Ph., « Entre médiation et Interactions: La méthode de management de projet. », Icomtec Futuroscope, Colloque de Poitiers, 1999.
[13] ↑ Jayet.H., Duschène.G., et Sachter.H., Structures économiques et barrières à l’entrée, rapport au Commissariat Général au Plan, CESURE, Lille I, 1996.
[14] ↑ Dionnet S., 1998, «Elaboration d'outils dans l'apprentissage de contenus environnementaux.», in Apprentissage, des méthodes naturels aux méthodes artificielles, p.99, Editions Hermès, Paris.
[15] ↑ Lévy P., L’intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberspace, p 10, La Découverte, Poche Essais, 1997.
[16] ↑ Cultiver le développement industriel, Mission Antide, DATAR, 1997.
[17] ↑ Rapport du groupe intelligence économique et Stratégie des entreprises, Commissariat Général au Plan, The endless transition, Rio de Janeiro, 2000.
[18] ↑ Goldfinger.ch., « The intangible economy and its challenges. », Semana do Conhecimento, Rio de Janeiro, 18-22 octobre 1999.
[19] ↑ Bertacchini Y., Dumas.Ph., Quoniam.L., « Construire un projet local de développement autour d’une cellule de veille territoriale. », 2è Journées Internationales Intelligence Stratégique, ESA, Lille II, 9 et 10 Décembre 1999.
[20] ↑ Coelho.G.M., Dou.H., « L’attractivité, un concept replaçant la compétitivité dans un nouveau contexte. » , Colloque de l’île Rousse sur les Systèmes d’information élaborée, Octobre 1999.
[21] ↑ Nevers.B., Versace.R., «Knowledge Acquisition in Long Terme Memory: Activation and Construction of Traces.», in Apprentissage, des méthodes naturels aux méthodes artificielles, p 125, Editions Hermès, Paris, 1998.
[22] ↑ Bertacchini Y., Dumas Ph., « How to federate some local resources by developing new links ? «, THIRD TRIPLE HELIX INTERNATIONAL CONFERENCE, The endless transition, Rio de Janeiro, 2000.
[23] ↑ Pélissier N., Athanassios.D., Evanghelou., «Présupposés cognitifs de l'organisation en réseau et coopération virtuelle : de la théorie descriptive aux projets de nouvelle société.», Comment penser la communication des connaissances, p 398, Editions L'Harmattan, Collection Communication et Technologie, Paris, 1999.
[24] ↑ Vogelsang-Coombs V., Miller.M., « Developing the governance capacity of local elected officials. », Public Administration Review, May/Jun 1999.
[25] ↑ Cavalcanti M., « Sistema de Informaçao e Intelligencia-Policia do Estado do Rio de Janeiro. Projeto Delegacia Legal.», Semana do Conhecimento, Rio de Janeiro, 18-22 octobre 1999.
[26] ↑ Glize P., Gleizes.MP., Camps.V., «Une théorie de l'apprentissage fondée sur l'auto-organisation par coopération.», in Apprentissage, des méthodes naturels aux méthodes artificielles, p 331, Editions Hermès, Paris, 1998.
[27] ↑ Bertacchini Y., Dumas.Ph., Boutin.E., « Vers une représentation de l’état des liens locaux par l’analyse réseau. » 5e Journées Internationales, JADT 2000, Institut Polytechnique Fédéral de Lausanne, Lausanne, mars 2000.
[28] ↑ Hall E., « Financial Times thinks 'glocal'. », Campaign-London, octobre 1999.