Utilisateur:Echchaimaa El Gharbaoui
J'interviens sur ce wiki dans le cadre du Master 1 Documentation Numérique ( Université de Lorraine Nancy)
Rodrigo Almeida, Pierre Cubaud, Jérôme Dupire, Alexandre Topol
Centre d'Etudes et de Recherche en Informatique (CEDRIC) Conservatoire National des Arts & Métiers (CNAM) 292 rue St-Martin, 75003 Paris, France {almeida, cubaud, dupire, topol}@cnam.fr
RÉSUMÉ. Nous proposons une installation expérimentale pour la navigation et la lecture croisée dans une collection de fac-similé numériques d'ouvrages. Un dispositif de visualisation hémisphérique est utilisé pour immerger le lecteur dans une scène 3D représentant la collection de documents, conjointement avec un écran tactile pour les manipulations précises sur le document en cours d'étude.
ABSTRACT. We describe in this paper an experimental setting for browsing and reading simultaneously multiple digital documents. An hemispherical visualization device is used to immerge the reader into 3D representations of digital collections, together with a tactile screen for the detailed interactions with a single selected document. MOTS-CLÉS : bibliothèques numériques, visualisation d’informations, interaction 3D, dispositif immersif.
KEY WORDS: digital libraries, information visualization, 3D interaction, immersive display.
Signature de l’article : nom de la revue. Volume X – n° X/1999, pages 1 à X
2 Nom de la Revue. Volume X – n° X/1999
1. Introduction
En 1588, l'ingénieur italien Agostino Ramelli publiait en France ses diverses et
artificieuses machines [RAM 88]. Cet ouvrage traite principalement des machines de
pompage ou de guerre, mais l'une d'entre-elles est particulièrement importante pour
l'histoire de la visualisation d'informations : il s'agit de la roue à livre (fig. 1, haut).
Les 195 machines hypothétiques de Ramelli sont toutes décrites en une page en
italien puis en français, avec une ou deux planches en regard. Le texte concernant la
roue à livres est donc assez court pour être cité intégralement :
C'est est une belle & artificieuse machine, laquelle est fort utile & commode à toute personne qui se délecte à l'étude, principalement à ceux qui sont mal dispos & subjective aux gouttes ; car avec cette sorte de machine un homme peut voir & lire une grande quantité de livres, sans se mouvoir d'un lieu : outre, elle porte avec soi une belle commodité, qui est de tenir & occuper peu de place, au lieu où on la met, comme tout homme d'entendement peut bien comprendre par son dessein. Cette roue est faite avec l'artifice que on voit, à savoir, elle est construite de telle manière, qu'en mettant les livres sur les tablettes, combien qu'on tourne la dicte roue tout autour, jamais lesdits livres ne tomberont, ni se remueront du lieu où ils sont posés, ils demeureront toujours en un même état, & se représenteront devant le lecteur en la même manière qu'ils ont été mis sur les tablettes. Ceste roue se peut faire grande & petite, selon la volonté de celui qui la fait faire, observant toutefois les proportions de chaque partie des artifices de la dicte roue, comme il pourra fort bien faire, considérant diligemment toutes les parties de ceste petite roue, & les autres artifices qui se voient en telle machine : lesquelles parties sont faites par mesures & proportions. Et pour donner plus grande intelligence & connaissance à un chacun qui désirera faire mettre en oeuvre la dicte machine, j'ai mis ici à part & découvert tous les artifices qui sont requis en telle machine, afin qu'un chacun les puisse mieux comprendre, & s'en servir à son besoin. (fol. 316 verso)
Il est tentant de reconnaître la roue de Ramelli comme le premier dispositif de lecture associant contexte et focus. Une autre caractéristique importante de la roue de Ramelli est qu’elle s’appuie sur la mémoire spatiale et les gestes du lecteur. En effet, celui-ci doit se souvenir de l'ordre dans lequel ses ouvrages sont placés et son geste va dépendre de la rotation à effectuer sur la roue, mais le mouvement de l'utilisateur est directement associé à la navigation parmi les ouvrages stockés dans le dispositif. Les technologies de documents et de bibliothèques numériques d'aujourd'hui dépassent très largement les capacités de stockage de la roue à livre, et ne sont pas limitées au seul média textuel. Il faut toutefois reconnaître que dans la routine quotidienne de manipulations de documents numériques, les lecteurs sont souvent frustrés par leur équipement (fig 1, bas) et pourraient regretter le confort de visualisation et de manipulation offertes par la roue de Ramelli.
Titre courant de l’article 3
Figure 1.Haut : la roue à livres d'A. Ramelli. Bas : Postes de lecture à la bibliothèque
du CNAM.
4 Nom de la Revue. Volume X – n° X/1999
Les performances et la structure physique des dispositifs d’affichage actuels
posent un certain nombre de problèmes. En particulier, l’espace de travail des
interfaces graphiques 2D n’est pas suffisant pour visualiser de multiples documents.
Cette situation s’aggrave lors de la consultation de fac-similé de documents papiers
dont les multiples formats correspondent rarement à ceux des écrans. Par ailleurs,
malgré l’amélioration de la résolution des écrans, la multiplication des palettes
d’outils dans les logiciels de lecture tend à surcharger ce même espace.
Nous décrivons dans cet article une installation expérimentale pour la navigation
et la lecture croisée dans une collection de fac-similé numériques d'ouvrages. Un
dispositif de visualisation hémisphérique est utilisé pour immerger le lecteur dans
une scène 3D représentant la collection de documents, conjointement avec un écran
tactile pour les manipulations précises sur le document en cours d'étude. Ce travail
fait partie d'un projet en cours consacré à la numérisation pour l'histoire des
techniques en France : le Conservatoire Numérique des Arts et Métiers. En parallèle
à un service Web public (http://cnum.cnam.fr), nous étudions comment des
techniques d'interaction 3D peuvent être utilisées pour sortir des limitations des
interfaces WIMP utilisées par le Web [CUB 05]. Après un bref état de l'art, nous
présentons l'interface 3D de notre atelier de lecture. Le dispositif expérimental de
visualisation est ensuite décrit, ainsi que les problèmes logiciels posés par son
utilisation. Quelques pistes de recherches ultérieures sont présentées en conclusion.
2. Interaction 3D pour les bibliothèques numériques
L'effort imposé à l'utilisateur d'un système de lecture à l'écran a été analysé dans
[OHA 97], en comparaison à la lecture conventionnelle. Ce travail a contribué à
mettre en évidence le besoin de disposer pour les interfaces de lecture de techniques
de navigation plus fluides, ainsi que d'une plus grande flexibilité dans le contrôle de
l'organisation spatiale des documents.
Il nous semble que des techniques du type de celles communément employées en
CAO permettraient d'y répondre. En reconstituant les caractéristiques géométriques
(3D) et visuelles des documents et en les insérant dans une scène 3D commune, il
devient possible de les manipuler comme le designer manipule ses pièces
mécaniques ou ses éléments architecturaux.
La navigation dans des corpus de documents numériques avec une approche de
réalité virtuelle a déjà fait l'objet de nombreux travaux. Des reconstructions 3D, à
l’identique, de bibliothèques réelles ont d'abord été faites, par exemple la
médiathèque de l'IRCAM avec VRML [FIN 00]. Des expériences similaires sont
décrites dans [PLE 01] et [CHR 02]. Des représentations plus métaphoriques sont
nécessaires pour les fonds d'accès non publics, ou pour les collections numériques
qui ne sont pas attachées à un lieu particulier. On trouvera ainsi dans [FOX 97] la
description d'une interface 3D de navigation parmi une grande collection nationale
Titre courant de l’article 5.
de thèses. Un pas supplémentaire vers l'abstraction est fait dans le projet LibViewer [RAU 00], où les résultats de l'interrogation de méta-données de documents sont présentés sur des étagères en pseudo 3D. Aucun de ces dispositifs n'inclut de fonction de lecture de document proprement dite. C'est le cas au contraire du projet Web Forager [CAR 96]. Dans cette interface, les documents (« Web books ») sont l'élément central et les outils de rangement sont produits à la demande de l'utilisateur comme ressources secondaires. Nous avons suivi dans nos propres travaux une approche différente [CUB 98, CUB 02]. Ici, la collection est l'élément central de l'interface, que l'utilisateur peut vouloir explorer dans sa globalité. L'affichage de facsimilés de livres impose par ailleurs des contraintes très différentes que les documents HTML gérés par le Web Forager. Une interface tactile de feuilletage réaliste de facsimilés a été développée à la British Library pour une exposition de livres rares en 1998 [CAR 98]. Le principe a été étendu dans [CAR 04, CHU 04] avec une navigation 3D complète (avec un pointeur à la place de la dalle tactile). Dans ces trois expériences, un seul document est manipulé à la fois par l'utilisateur au sein d’un même espace 3D. Cela peut paraître être une régression par rapport aux fonctionnalités offertes par les logiciels de lecture 2D actuels.
3. Un atelier 3D pour la consultation de collections numérisées
Dans l'interface reproduite fig. 2, la scène 3D est limitée verticalement par un
sol. La caméra est fixée en permanence au dessus de ce sol et son champ est fixe.
Les fac-similés sont présentés sur un outil spécifique en forme de trépied (sorte de
lutrin simplifié). Le livre peut être positionné de manière arbitraire sur le sol,
repoussé, tiré ou pivoté par une action de l'utilisateur sur la barre verte au bas du
trépied. Cette manipulation s'effectue en temps réel et de manière continue avec un
pointeur ordinaire du type souris : deux degrés de liberté suffisent en effet pour
déterminer la position du trépied sur le sol. Plusieurs trépieds peuvent ainsi être
positionnés sur le plan de travail. Le déplacement d'un trépied peut se voir contraint
par la présence des autres si on choisit de détecter les collisions éventuelles de ces
objets 3D. Il est également possible de modifier l'apparence du trépied pour
permettre l'affichage du livre ouvert. L'action de feuilletage peut alors être simulée
de manière assez convaincante par une animation de la circulation de la page
courante d'un bord vers l'autre. La destruction du trépied s'effectue par un clic de
bouton droit sur la barre verte. Il est possible d'imaginer d'autres raccourcis pour
l'interaction pour, par exemple, permettre le passage rapide du trépied en premier
plan (mode plein écran). Ces raccourcis devraient trouver leur place sur des
équivalents de boutons ou de menus sur la base du trépied.
Le défilement dans les pages du livre se fait par un clic sur la page courante.
Comme pour une fenêtre 2D conventionnelle, le trépied dispose sur son axe vertical
d'un « ascenseur » pour accélérer la progression dans le document (représenté fig. 2
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par une boule rouge). L'axe horizontal permet de contrôler le rapport entre la
dimension (en pixels) du fac-similé et celle choisie pour le trépied. On réalise ainsi
une fonction de zoom indépendante de la position du trépied sur le plan de travail.
La taille du trépied lui-même est négociable par le biais d'une poignée spécifique
(boule bleue en haut à gauche du trépied). Le design proposé pour le trépied/lutrin
de lecture est évidement arbitraire. Pour des raisons de performance du rendu 3D,
nous l'avons limité à des primitives géométriques élémentaires, et l'analogie avec
une fenêtre conventionnelle est voulue. L'intérêt principal du dispositif (en
comparaison aux propositions de [CAR 04] et [CHU 04]) réside dans la possibilité de
faire coexister un assez grand nombre de trépieds sur le même plan de travail. Il est
également possible de le compléter par des outils de recherche et de navigation dans
des collections.
Figure 2. Vue en mode «cockpit» de l'atelier de lecture. La collection est accessible
en fond. Les ouvrages favoris (panier) sont accessibles en avant-plan. Les trépieds
de lecture permettent le feuilletage des ouvrages.
La navigation dans les collections est réalisée avec l’aide d’une métaphore
d’étagère cylindrique, sorte de roue de Ramelli géante englobant le lecteur.
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L’objectif de cet outil est de faciliter l’exploration libre de la collection par simple
consultation des dos des ouvrages, comme dans une bibliothèque réelle. Le
rangement des ouvrages peut tout à fait respecter les règles de bibliothéconomie et
les lois de la gravité : classifications thématiques ou par formats, lourdes
encyclopédies au « sol », petits in-12 précieux à la hauteur des yeux. Les
heuristiques visuelles des habitués des salles de consultation et des librairies restent
ainsi opérantes dans la scène 3D.Il est aussi possible d’imaginer que la collection se
réorganise à la demande de l’utilisateur. Une organisation cylindrique de la
collection permet de répondre par exemple à des requêtes portant sur deux critères
d’interrogation (par ex. sur un thème et une époque). Il est en effet possible de
classer les titres par ordre de pertinence sur deux axes dans les deux dimensions du
cylindre [CUB 98]. Le principe peut se généraliser avec des géométries plus
complexes, comme des hyper-sphères [TOP 02], au prix d’une complexification de la
navigation dans l’espace de réponses.
4. Le dispositif matériel
Procurer à un utilisateur une meilleure immersion dans l’espace virtuel 3D
nécessite de modifier les conditions de restitution visuelle de celui-ci. Patrick et al.
[PAT 00] ont montré que la visualisation d'une scène qui occupe tout le champ de
vision de l'utilisateur peut lui apporter une plus grande appropriation cognitive de
l'espace virtuel.
Dans cette perspective, seuls de rares périphériques, comme le casque de réalité
virtuelle et les écrans larges, remplissaient les conditions préconisées. Nous avons
choisi comme système de visualisation immersif la VisionStation de la société
Elumens. La VisionStation est un écran hémisphérique de diamètre 1,5 m. couplé à
un vidéo-projecteur à lentille modifiée pour fournir une image visible sur un champ
de 180 par 180 degrés. L'utilisateur est assis devant une petite tablette qui contient le
vidéo-projecteur et sur laquelle peut être placé un périphérique d'interaction. La
VisionStation n'est pas seulement un grand écran : un logiciel spécifique est utilisé
pour adapter les images de la scène 3D projetée à l'écran hémisphérique. Quatre
rendus de la scène doivent être produits simultanément pour que le champs de vision
atteigne 180° car une projection conventionnelle produirait des distorsions de
perspective. Les quatre rendus doivent être assemblés en temps-réel dans une image
unique, qui est ensuite déformée sphériquement pour apparaître plane sur l'écran
(fig. 3).
Le principal inconvénient rencontré dans l’utilisation de la VisionStation comme
outil de consultation de documents numériques est la résolution de l’image projetée.
Elle est au maximum de 1024 x 768 pixels (limitation du vidéo-projecteur). Cette
résolution reste très satisfaisante pour des applications comme les simulateurs de
vol, les jeux vidéo et de manière plus générale, pour l’affichage d’images animées.
Par contre, lors d’un travail plus précis sur des documents, textuels ou graphiques, la
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qualité de l’image perçue devient un critère essentiel pour le confort et la bonne
compréhension des informations par l’utilisateur [KAS 02]. Mutter et Maurutto
montrent que la vitesse de lecture sur un écran d'ordinateur est proportionnelle à la
résolution de l'image affichée [MUT 91]. C’est dans ce contexte particulier que la
VisionStation montre ses limites. On peut en effet discerner à l’affichage le détail
des pixels projetés (fig. 4).
Figure 3. Les 4 rendus initiaux et (en bas) l’image résultante de la fusion des
précédentes, après déformation.
Titre courant de l’article 9
Figure 4. A gauche, la vue globale de la scène sur la VisionStation. Au milieu, le détail de livres au centre de la projection. A droite, la même partie de l'image affichée sur l'écran plat. Noter les différences dans la qualité des images affichées.
Ce phénomène constitue un obstacle important à l’utilisation de ce dispositif, dans cette configuration, pour ce type d’application. Baudisch et al. [BAU 01] ont proposé un dispositif composé de matériel courant (un vidéo-projecteur, un écran de projection et un moniteur) permettant de projeter simultanément une vue globale de la scène et une partie de celle-ci à une résolution plus élevée. Ce système a été testé pour la visualisation et le travail informationnel en 2D tel que l’analyse de cartes ou d’images satellitaires. Ce dispositif ne semble pas approprié pour gérer simultanément des contextes différents, la vue détaillée étant inévitablement une partie de l’image globale. De plus, le problème du bruit visuel lié aux écrans traditionnels se retrouve encore un peu dans ce système. Fort de ces constats, nous avons ajouté à notre dispositif un écran plat tactile (TFT 17 pouces). Celui-ci est capable d’afficher des résolutions plus fines que la VisionStation (jusqu’à 1280x1024). Nous avons donc envisagé l’utilisation de ce moniteur pour différentes tâches. Il pourrait permettre d’afficher une partie de la scène 3D, qui nécessiterait des conditions compatibles avec un travail sur les documents (confort visuel), ou d’isoler une partie de la scène, permettant une vision précise et plus détaillée de celle-ci. Nous pourrions, d’autre part, permettre à l’utilisateur d’accéder, par cet affichage complémentaire, à des éléments d’interaction non disponibles dans la vue globale. Plusieurs essais-erreurs ont été nécessaires pour obtenir une visualisation satisfaisante des facsimilés d’ouvrages sur la VisionStation. Du fait du pitch important du projecteur, les images de facsimilés sont fortement moirées. Comme
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l’affichage de la scène nécessite quatre calculs de rendu par trame, un suréchantillonage
s’avère trop consommateur d’espace mémoire. Une alternative
satisfaisante consiste à flouter légèrement les facsimilés et à recourir à du « mipmapping
» pour gérer les transformations dynamiques de textures. Au final, le
dispositif fonctionne correctement et est simple d’utilisation (fig. 5). Le déplacement
dans la scène 3D pour la sélection d’ouvrages fonctionne de manière fluide, malgré
la charge de calcul imposée au sous-système de rendu 3D (nous avons eu recours à
une carte QuadroFX 3000 sur PC Pentium4 3,2 GHz). La VisionStation, à la
différence d'autres dispositifs immersifs comme les casques de visualisation, ne
fatigue pas l’utilisateur dans une utilisation longue (on regrette toutefois le bruit de
ses ventilateurs !). La visualisation par le deuxième écran offre un plus grand confort
quand des informations plus détaillées sur le document désiré sont nécessaires. Bien
que l'idée de sélectionner directement les documents, par la main par exemple, soit
fortement intéressante, la manipulation directe semble impraticable parce que les
objets au delà de la position de l’objectif de projection produisent des ombres sur les
images projetées. Un mode plus intuitif de sélection de document demeure un défi.
Figure 5. Une session de travail avec l'écran immersif et l'écran de focus.
5. Conclusion et travaux futurs
Nous avons présenté un dispositif immersif composé d’un écran hémisphérique
(VisionStation) et d’un écran TFT tactile. Cette installation permet de lire et de
travailler avec des documents textuels organisés dans une scène 3D. L’exploitation
de ce matériel dans un contexte de bibliothèque numérique est, à notre connaissance,
une démarche originale. Elle permet d’espérer augmenter la qualité du travail de
l’utilisateur, par une réduction importante du bruit visuel qui lui parvient et par
l’aiguillage des différentes tâches vers l’écran le mieux adapté. L’immersion dans la
Titre courant de l’article 11
scène 3D étant importante, elle a pour conséquence de favoriser la concentration de
l’utilisateur vers les tâches qu’il exécute. La qualité d’affichage de la VisionStation
n’étant pas suffisante pour un travail fin sur le document, cette activité est transférée
sur l’écran tactile horizontal. L’association de ces deux systèmes aux
caractéristiques complémentaires permet d’obtenir un poste de travail dédié et
cohérent. Elle constitue une évolution intéressante aux postes informatiques actuels
dans le contexte précis des bibliothèques numériques. Il n’est pas envisageable
d’installer une telle configuration chez tout un chacun pour des raisons de place et
de coût. Mais cela l’est dans des bibliothèques pour offrir des heuristiques visuelles
de recherche dans le corpus.
Ce n’est pourtant pas encore une solution pleinement satisfaisante. Comme cela
est énoncé par C. Marshall et S. Bly, l’activité de lecture est très fortement associée
à un ensemble d’actions périphériques et nous sommes encore loin de permettre une
telle souplesse dans l’utilisation de notre dispositif [MAR 05]. Toutefois, il se
pourrait que cette recherche de souplesse se fasse au détriment des outils
informatiques disponibles. D’autres limitations matérielles demeurent par ailleurs.
Alt et Noda ont analysé la relation existant entre la capacité de la vision humaine à
discerner deux pixels voisins et les technologies de visualisation actuellement
utilisées [ALT 98]. Il en ressort que, pour optimiser la lecture à l’écran, le dispositif
d’affichage doit supporter une résolution d’au moins 150 dpi. Sur ce point,
l’évolution des caractéristiques du matériel est encourageante, mais lente.
L’atelier de lecture 3D a fait l’objet de plusieurs démonstrations (JFT’2003,
ECDL’2003, journées Science en fête, etc.) avec utilisation du logiciel par le public.
Une étude d’usage est en cours de développement sur la base des critères développés
dans [BOW 04]. Le dispositif matériel n’a, en revanche, pas encore fait l’objet de test
car plusieurs questions de design restent en suspens. Comment gérer de manière
efficace le changement de contexte d’utilisation de l’écran de premier plan, utilisé
comme loupe, tantôt sur les collections, tantôt sur les facsimilés ? Jusqu’où est-il
possible d’aller dans l’utilisation du mouvement des mains sur l’écran tactile :
feuilletage, zoom, translations ? Serait-il possible de transposer dans ce contexte des
techniques utilisées en réalité augmentée ?
Le grand confort de visualisation offert par notre dispositif suggère par ailleurs
de nouveaux champs d’applications. Il nous semble ainsi intéressant d’étudier dans
le futur les modalités de la co-existence au sein d'un environnement unique de
visualisation 3D, de documents textuels et d'objets 3D. Une application de tels
dispositifs se trouve en histoire des techniques, où l'on voudrait pouvoir associer, par
exemple, des reproductions d’appareils scientifiques et les ouvrages qui les
décrivent. Nous nous intéressons en particulier aux situations où ce type
d'association contextuelle n'est pas conçue a priori, par un auteur d'hypermédia,
mais a posteriori par un lecteur qui a recours à plusieurs sources d'information qu'il
confronte.
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