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H2PTM (2007) Durand

De H2PTM

Vers l'écriture de documentaires multimédias génératifs


 
 

 
Titre
Vers l'écriture de documentaires multimédias génératifs
Auteurs
Alain Durand(i,ii)
Affiliations
(i)Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis
(ii)Laboratoire des Sciences de la Communication
Le Mont-Houy, F. 59313 Valenciennes cedex 9
  • alain.durand@univ-valenciennes.fr
Tél: (33) 327 511 507, Fax : (33) 327 511 501
Dans
actes du colloque H2PTM 2007 Hammamet
publié dans H²PTM07 : Collaborer, échanger, inventer
Résumé
Les documentaristes, lorsqu'ils réalisent leurs films, utilisent un certain nombre de ressources documentaires (recherches préalables à l'écriture, écriture, matière brute de tournage). Sur toutes ces ressources, une majorité d'entre elles - souvent très intéressantes et pertinentes - ne trouvent pas leur place dans le film. L'exposé vise, en s'appuyant sur des méthodes de dérushage employées par des auteurs-réalisateurs de films documentaires, à fournir un mode de scénarisation qui permette d'exploiter facilement le matériau premier pour la création de documents multimédias novateurs. Il s'agit de créer des scénarii de documents dans un contexte de narration évolutive ou générative, définie par le scénariste en fonction de l'environnement (c'est-à-dire en fonction du comportement du lecteur, des lectures antérieures du document, d'objectifs particuliers du lecteur, de l'espace temps...).
Mots-clés 
multimédia, scénario, document génératif, documentaire

Introduction

Depuis ses prémices jusqu'à aujourd'hui, le multimédia a subi de nombreuses évolutions. Si ces mutations sont souvent les conséquences d'avancées technologiques, les contraintes économiques ont aussi contribué à faire évoluer la forme des documents produits ainsi que les méthodes de travail pour y parvenir. Nous assistons depuis quelques années à une standardisation des méthodes de production, une diversification des moyens de diffusion parallèlement à une complémentarité de diffusion de différents produits en fonction du support.

Evolution

Standardisation des méthodes de production

Dans l'euphorie des années 1990 de nombreuses sociétés se sont crées dans la production multimédia. L'absence de réelles méthodes de travail, d'évaluation des risques ont conduit bon nombre d'entre elles à la faillite (Vieville, 2003). Cette expérience à conduit à une rationalisation « restrictive » de la production. En effet, la plupart des documents multimédia se limitent aujourd'hui à la forme hiérarchique d'un site internet de recherche d'information. En reproduisant les mêmes structures de documents, en appliquant des règles ergonomiques spécifiques, les risques de dérapage financiers sont limités. Il y a donc une standardisation des formes de documents et des méthodes employées pour les produire (Cartier, 2003). Dans un tel contexte, la créativité ne se matérialise guère qu'au plan graphique, même si les documents consultés à distance peuvent rejoindre la complexité des documents installés sur le poste de travail.

Convergence en ligne - hors ligne

L'évolution technique autorise le traitement d'informations lourdes et complexes en temps réel sur des ordinateurs familiaux. De même, l'augmentation de la bande passante des réseaux permet des temps de transfert de données réduits. Ils comblent l'écart qui pouvait exister entre les documents multimédia hors-ligne (CédéROM, DévédéROM) et en ligne (sites internet) (Zlatof, 2004). La conjonction de ces paramètres peut permettre de créer des documents hautement génératifs impliquant simultanément calculs et téléchargements importants avec une explosion des données potentiellement utilisables.

Convergence/complémentarité des différents médias

Il devient de plus en plus inimaginable de concevoir un document dédié à un support sans développer autour de celui-ci une série de documents sur des supports complémentaires. Par exemple, la sortie cinématographique d'un film s'appuie sur la distribution d'un certain nombre de produits dérivés avec des intérêts croisés (Bande originale du film sur CD Audio, bande dessinée du film, scénario du film, bandes annonces, site internet du film, conférences de présentation -auprès de la presse voire du public lors d'avant premières, plaquettes de présentation, making-off, documentaires autour du sujet, figurines représentant les personnages principaux, jeux ...) Un des objectifs majeurs de cette multiplication de documents est l'amortissement financier du projet global. Si certains produits dérivés se trouvent directement dans le domaine du marketing, d'autres permettent de diversifier les ressources. En effet, lorsque une musique est crée spécifiquement pour un film, sa vente chez les disquaires permet de mieux amortir son coût de production. De même, le making-off, pourra être diffusé sur une chaîne de télévision et inclus dans les boni de l'édition DVD. Dans le même temps, on assiste à une diversification des réseaux de diffusion. Ainsi, un téléfilm - ou une émission de télévision - pourra être visionné en direct (par des canaux hertzien traditionnels - terrestre ou satellite - ou par internet), en différé grâce aux DVD ou aux sites de diffusion différés et de VOD (Video On Demand).

Optimisation de la production

Dans ce contexte de diversification, de massification des informations et de convergences de moyens de diffusion, il convient de trouver de nouvelles méthodes et outils pour satisfaire ces exigences tout en enrichissant l'utilisateur notamment à travers les services de diffusion en ligne.

Support "virtuel" : réduction des coûts

Ceci a un intérêt économique important. Le support centralisé accessible en ligne permet de réduire les coûts de reproduction tout en ayant la possibilité d'augmenter la quantité d'information stockée. Bien sûr, pour ne pas entraîner un surcoût de production une automatisation d'un certain nombre de tâches liées à la fabrication est nécessaire. Dans un tel cas de figure, c'est la mise en place du système de diffusion qui est onéreuse, son instanciation a un coût plus marginal. Ainsi, en France, l'INA (Institut National de l'Audiovisuel) a commencé en 2006 à mettre en libre consultation un fond croissant de documents audiovisuels. Cette mise à disposition permet à cette société de rentabiliser son fond documentaire en améliorant son service auprès du public. En effet, l'INA est tenu d'archiver les programmes télévisuels français. Le transfert - nécessaire - des archives sur des serveurs vidéo permet d'automatiser la mise à disposition des programmes pour différents utilisateurs. La simple consultation de la majorité des vidéogrammes (ou des audiogrammes) est libre et gratuite, mais l'INA vend le téléchargement du document. Ainsi, après consultation, n'importe qui peut "acheter" le document consulté. Ce portail ouvre à l'INA une forme de commercialisation automatique qui favorise l'amortissement des investissements nécessaires aux missions imposée par l'état français à l'INA. La marge bénéficiaire (32% du montant perçu des ventes) sert à augmenter le fond consultable (Hoog, 2006).

Accès à l'information pertinente

La massification des données n'apporte une plus-value que dans la mesure où son accès est facile et pertinent. Dans ce contexte, toute une problématique de recherche en sciences de la documentation tend à trouver des méthodes d'indexation et de recherche de données performantes pour contrer le « trop d'information tue l'information » (Sweller, 1994). Il existe différents travaux récents autour des descriptions de contenus audiovisuels, qu'ils soient automatiques (description de photographies (Hède, 2004), description de contenu de vidéos (Jaffré, 2005), ou par une médiation humaine (Bui Thi, 2003). Pour suivre cette évolution, les technologies ont évoluées en spécifiant des métadonnées, des structurations spécifiques de données comme MPEG-7 pour joindre des descriptions de contenu aux données audiovisuelles (ISO, 2002), ou MPEG-21 pour encapsuler des données permettant une gestion des droits et facilitent ainsi la réalisation de bon nombre de projets (ISO, 2004).

Contexte

A travers les multimédias documentaires présentés ici, l'objectif est de créer des documents qui s'adaptent au lecteur - afin que les informations qu'il reçoit soient les plus pertinentes possibles – mais selon les desiderata de l'auteur, sans forcément passer par des systèmes experts. Il s'agit d'offrir un nouveau type de document qui, bien que s'inscrivant dans une volonté d'optimisation de la production, ne se laisse pas engloutir par les velléités mercantiles du système de production. L'auteur a donc une place prépondérante dans la création du document. Le documentaire multimédia envisagé propose un complément au film afin de mieux servir les auteurs, le sujet les personnages qu'il couvre et leur public. Le document multimédia exploite au maximum les ressources documentaires initiales et la matière audiovisuelle tournée. Il peut être qualifié de document génératif pluriel.

Document génératif pluriel

Le documentaire multimédia est génératif dans la mesure où ses modes, ses sens de lecture, de parcours ne sont pas prédéfinis. Il est aussi pluriel, car il utilise diverses sources, de différentes sortes et il peut s'adapter à plusieurs cibles, à plusieurs objectifs de communication.

Adaptation au lecteur, à la lecture

Un des intérêts du document multimédia est d'offrir des niveaux de lecture différents en fonction des objectifs, ou des intérêts, de l'interacteur. Le document peut ainsi s'adapter à la complexité requise. Lorsqu'on étudie un domaine pour un exposé, la recherche du détail sera plus poussée que pour un simple survol du sujet. De même, dans ce cas particulier, la recherche du détail suivra un survol du document pour ne détailler que le domaine spécifiquement recherché. Michel CARTIER (Cartier, 2003) définit ainsi différents procédés fonction du mode de lecture (site Web, papier) et des fonctions potentielles du document. L'intention ici est de concevoir des documents qui s'adaptent à des publics imaginés par l'auteur. Il ne s'agit pas d'inclure au document des systèmes experts de diagnostic de typologie d'interacteur, mais de permettre à l'auteur, de façon plus ou moins arbitraire, de modifier le déroulement (la scénation[1]) de son document en fonction des actions/réactions (incluant les non actions) du lecteur. Pour plus de détails, sur des exemples de scénarisation d'adaptations, d'adéquation des information au public grâce à une hierarchisation par l'auteur, le lecteur pourra se reporter à (Durand, 2005).

Contexte de fusion d'unité d'informations audiovisuelles

Nous nous plaçons ici dans le nouvel objet audiovisuel tel que l'a décrit Hervé ZENOUDA (Zenouda, 2006). Le document, sa perception, est le résultat d'une fusion des différents éléments auditifs, visuels, textuels préexistants. Ceci nous amène à laisser de côté un certain nombre de problématiques liées à la générativité pure.

Générativité pure

La générativité qualifiée ici de "pure" consiste à créer un document sans production préalable d'informations visuelles et sonore particulières. Ainsi des travaux comme ceux de Nicolas SZILAS (Szilas, 2005) participent à créer des documents génératifs en s'appuyant sur des systèmes expert de création de récits adaptés à l'univers ludique. Il y a donc génération d'histoire et génération audiovisuelle grâce à des moteurs de création d'images et sons de synthèse en temps réel. Ces travaux s'appuient sur l'expérience des générateurs de texte en y intégrant le dialogue possible avec l'interacteur. Les générateurs de textes comme ceux créés à l'instigation de Jean-Pierre BALPE s'appuient sur les mots d'un dictionnaires comme unités d'information couplés à une grammaire pragmatique (Balpe, 1997). Même si ces principes peuvent avoir des intérêts dans notre sujet - dans la mesure où les rushes audiovisuels contiennent des textes à travers les paroles des personnes filmées – ceux-ci ne peuvent être appliqués directement. En effet, comment gérer la dimension potentiellement infinitésimale des unités d'information, le contexte dans lequel elles sont diffusées, sans travestir le document et flouer l'auteur ? partir de quel moment un extrait de conversation ne dénature-t-il pas la parole de son auteur ? C'est bel et bien une des raisons pour laquelle l'auteur, ses volontés, ses objectifs, la façon dont il peut les expliciter sont au centre du propos de cette communication. Les exigences de l'auteur induisent la scénation du document et donc ce que le document signifiera.

Problématique auteur

Frein idéologique

Les auteurs ont du mal à accepter la non maîtrise de la scénation. Ceci explique en partie la conservation des structures hiérarchisées arborescentes (au mieux en réseau) de la majorité des documents multimédia « d'information ». La représentation d'entités autonomes conduit à abandonner les représentations linéaires traditionnelles (la structure arborescente des scénarii) au profit d'une structure que les informaticiens pourraient qualifier d'agents intelligents. Ce changement de mentalité pose de gros problèmes idéologiques. En effet, aujourd'hui, l'auteur, le concepteur, refuse que la scénation, ne soit pas strictement équivalente à celle qu'il a prévu. Ceci limite obligatoirement le champ des possibles. Cet état d'esprit est tout à fait compréhensible : si l'auteur ne peut se représenter, par partie, toutes les scénations possibles du document il se sent dépossédé de sa création. C'est un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés les chercheurs qui travaillent sur la narration générative et interactive : quelle est la place de l'auteur dans une génération automatique de document (texte, dialogues, images de synthèse...) ? Pourtant, l'auteur s'il se positionne en tant que créateur, a sa place au sein de documents génératifs à entités autonomes. Il peut imprégner sa vision créatrice au document (à travers notamment la description du fonctionnement des entités, de leurs évolutions possibles). Imaginons des parents qui élèvent un enfant. Leur objectif est que cet enfant, progressivement, acquiert de l'indépendance, de l'autonomie, en suivant un certain nombre de valeurs essentielles. Rien n'est plus formidable que de voir son enfant faire des choses que l'on n'avait pas imaginé possible. L'auteur d'un document multimédia peut avoir la même satisfaction. Si le concepteur a définit le mode de fonctionnement des entités du document avec suffisamment d'inventivité, d'ingéniosité, le document sera alors imprégné de la force créatrice de l'auteur. Ce dernier ne sera pas dépossédé de son oeuvre, bien au contraire. Il s'agit donc, pour l'auteur, de définir suffisamment bien les règles de fonctionnement, les entités du document (les unités d'information), leurs modalités d'affichage les règles de fonctionnement du document. Ceci implique, notamment pour les artistes incapables de maîtriser la technique des nouvelles technologie, d'avoir une formalisation de l'écriture adaptée à leurs attentes, « facile » d'utilisation qui permet aux spécialistes des outils techniques de réalisation de comprendre l'auteur, et réaliser la document qu'il a « rêvé ».

Outil d'écriture indépendant de la réalisation

Bon nombre de recherches visent à automatiser l'étape de réalisation en confondant scénario[2] et programme de fonctionnement du document. En effet, pour les informaticiens le scénario est synonyme de déroulement du programme. Or dans le domaine du multimédia d'auteur, comme dans le celui du cinéma, il est nécessaire de libérer l'esprit du scénariste des contraintes de réalisation, même si l'auteur écrit le scénario en fonction de sa vision du support de destination (Vieville, 2003). De plus, l'évolution technologique est tellement rapide qu'un modèle de scénario indépendant des technologies permet d'avoir un scénario intemporel. Le formalisme du scénario de cinéma a traversé le XXème siècle, pourtant les technique et technologies utilisées ont énormément évolué entre Georges Méliès et James Cameron. MPEG 7 et MPEG-21 pourraient judicieusement être utilisés durant le processus de réalisation. Toutefois, nous sommes bien ici dans un contexte d'écriture par des auteurs pour lesquels, dans leur pratique artistique, la réalisation technique est rarement dans leur champ de compétences. C'est pourquoi aucune structuration de données ou de techniques d'intelligence artificielle ne sera décrite ici. Il s'agit pour l'auteur de proposer un « texte » qui permettra à l'équipe de réalisation de comprendre le document.

Pourquoi s'appuyer sur le film documentaire ?

Le film documentaire d'auteur - par opposition aux films de fiction - est particulièrement bien adapté à la volonté d'optimisation de la production. D'abord, sa réalisation nécessite un travail d'écriture et de documentation préalable qui peut être utilisé dans sa version multimédia. Ensuite, à l'issue du tournage le réalisateur dispose d'une grande quantité de rushes peu redondants au regard de la durée terminale du film (le rapport de 1 à 10 est largement dépassé)[3]. De plus, ces rushes sont riches tant au plan qualitatif que quantitatif – lorsqu'il y a un réel auteur-réalisateur. C'est pourquoi, pendant le montage du film, il y a beaucoup de "déchets" qui pourraient être exploités – sans surcoûts trop importants – si une bonne méthode de travail est adoptée. De plus, l'exploitation de la matière inutilisé du film va tout-à-fait dans le sens des auteurs souvent frustrés par les formats de diffusion inadaptés à leur propos.

Description Générale d'une méthodologie qualité des réalisateurs

La préparation d'un film documentaire amène une large documentation : du recueil d'informations à la note d'intention (considérée comme le scénario du film documentaire). Le recueil d'information permet au réalisateur de spécifier ce qu'il attend des futurs images/sons. Certains réalisateurs écrivent même un scénario dialogué, avec les plans, le contenu des interviewes, les ambiances souhaitées. Le tournage consiste à engranger les informations que le réalisateur a souhaitées. Lorsque le film a été préparé de façon méthodique, le réalisateur a recueilli la totalité des images/sons souhaités complétés par beaucoup d'autres éléments. Le dérushage prend alors une place primordiale. Celui-ci se doit d'être exhaustif en décrivant le contenu visuel et la bande sonore (ambiance, bruit, musique, interview...) corrélé à une référence temporelle et une utilisabilité. Cette transcription détaillée permet au réalisateur, face à une quantité de rushes très importante, de s'imprégner avec une grande acuité de la matière audiovisuelle. De plus, seule l'information textuelle permet de parvenir rapidement à un extrait de rush souhaité. Le plan de montage s'obtient en corrélant le scénario avec le dérushage. Avec un système de montage virtuel (montage sur un ordinateur) le montage consiste alors à copier les rushes souhaités sur les disques durs utilisés par l'ordinateur et les assembler en se fiant au plan de montage. Lorsque le réalisateur s'aperçoit qu'il manque certains plans au montage, celui-ci reprend son dérushage pour rechercher rapidement ce qu'il souhaite avant de copier les rushes manquant sur ses disques durs. Avec la baisse du coût de stockage, certains réalisateurs recopient l'intégralité des rushes sur le disque dur. Les plus inexpérimentés délaissent la précision du dérushage... et perdent plus de temps au montage que ce qu'ils en ont gagné au dérushage. Quoi qu'il en soit, il reste, à l'issue du montage, énormément de matière inexploitée, même si elle est intéressante. La partie suivante précisera comment adapter le dérushage pour exploiter au mieux la matière audiovisuelle dans le documentaire multimédia.

Scénarisation du documentaire multimédia

Pour écrire le scénario, plusieurs étapes sont nécessaires. Pour préciser cette méthode de travail, chacune de ces étapes est illustrée en utilisant la représentation moléculaire (Durand, 1997).

Représentation moléculaire

Illustration 1. Atomes et molécules en représentation ォ« compacte »サ


Illustration 2. Représentation éclatée graphique des trois types de molécules

Les atomes d'un scénario représente un élément simple, les molécules un élément complexe – constitué lui-même d'atomes et/ou molécules[4].

Illustration 3. Représentation éclatée graphico-tabulaire des 3 types de molécules

Les atomes et molécules diégétiques représentent des entités du document[5]. Les atomes circonstanciels et molécules conjoncturelles représentent un fait, une conjonction de fait considéré comme vrai(s) ou faux – en logique binaire. Enfin, atomes et molécules d'action représentent des actions potentielles.[6]

Procédé pour réaliser un documentaire multimédia qui s'appuie sur les rushes d'un film

La première étape de l'écriture du scénario est d'écrire la note d'intention du multimédia documentaire. Cette note d'intention définira les objectifs du document multimédia, les intentions de l'auteur. Il est préférable que cette étape précède le dérushage afin d'affiner l'acuité du réalisateur lorsqu'il visionnera les rushes.

Adaptation du dérushage

La seconde étape consiste à utiliser le dérushage en vérifiant qu'il y ait la transcription exhaustive du discours, de la bande sonore de la bande visuelle. Il s'agit de transcrire toutes les paroles des différentes personnes filmées, au mot près, qu'ils soient compréhensibles ou non. En effet cette exhaustivité sera déterminante pour les modes d'utilisation potentiels des différentes unités d'information extraites des rushes. En effet, une personne hésitant constamment, reprenant très souvent des mots pourra difficilement être diffusée auprès d'un public non expert pour lequel les problèmes de forme seront rédhibitoires. La description des bandes visuelles et sonores permet de décrire le contenu visuel (cadrage, éléments présents) et sonore (ambiance, musiques, bruits...) des plans. L'évolution de son contenu, sa qualité technique (mise au point, intelligibilité)... Les critères d'utilisabilité sont un des premiers éléments subjectifs de description des rushes. Certains extraits peuvent être utilisés uniquement pour le discours (visuel inexploitable), inversement pour leur qualité d'illustration visuelle, ou les deux. Des niveaux d'utilisabilité peuvent-être définis en fonction de l'interacteur. La corrélation temporelle permettra à l'intégrateur de pouvoir réaliser le document multimédia à partir des rushes grâce à leur indexation. A l'issue de cette mise en forme du dérushage, il sera alors possible de procéder à la définition des unités d'information, qu'elles soient micro ou macroscopiques. Cette méthode est illustrée à partir d'une courte citation extraite de la conférence de Benoît MADELBROT à « l'université de tous les savoirs », consultable en ligne, afin que le lecteur ait une meilleure représentation du propos (Mandelbrot, 2000).

Illustration 4. Dérushage initial

Définition des unités d'information

L'auteur partira du dérushage pour définir ses unités d'information. Chaque unité d'information définies pourra être scindée par l'auteur pour décrire les entités du document souhaitées. Une macro-unité d'informations sera composée de l'agrégation de plusieurs unités d'informations de taille plus réduite. Chaque unité d'information sera référencée afin que l'auteur puisse définir clairement le contexte dans lequel elles pourront être diffusées[7]. Souvent, le référencement des unités d'information au sein des molécules ira de pair avec la définition des règles de fonctionnement (cf. illustrations 5 à 7). Ainsi, le préambule de l'illustration 5 est défini par l'auteur du scénario comme « superflu » et « intégral » en description sémantique. Cela signifie pour lui que cette unité d'information peut être omise et que seule la diffusion intégrale de la conférence permettra de la voir. Dans ce contexte, l'auteur doit, dès cette étape là, définir certaines règles de fonctionnement pour rendre le scénario lisible et exploitable.

Illustration 5. Premières définition d'unités d'information

Définition du moteur de fonctionnement

Il s'agit de définir des règles d'affichage spatio-temporel des unités d'information. Il y a plusieurs niveaux de règles. Il y a, d'une part, les règles liées à une grammaire du document multimédia, domaine que nous évoquerons dans les perspectives. Il y a, d'autre part, les règles liées à l'aspect génératif, à l'adaptation au lecteur. Ces règles sont définies à travers les facteur d'enclenchement des molécules (règles internes) ou grâce à des molécules d'action (règles externes). Avec les règles internes, chaque unité d'information possède les informations qui lui permettent de savoir à quelle condition celle-ci peut s'afficher. Ainsi, l'illustration 6 indique que l'extrait de phrase « mais pas de façon comment dire directe en court circuit mais » sera diffusé uniquement si le lecteur recherche une vision détaillée de la conférence et forcément après l'extrait « Je parlerai des fractales en partant de l'art et en aboutissant à l'art ».

Illustration 6. Règles d'affichage à travers les facteurs d'enclenchement

Un exemple de règles externes aux molécules diégétiques à travers des molécules d'action est donné par l'illustration 7. Le principe est d'indiquer que lorsqu'un interacteur « arrive », le document se « feuillette » en automatique, c'est-à-dire qu'il diffuse aléatoirement des éléments de la conférence dans un ordre chronologique. Dans un but pédagogique, l'exemple utilisé ici utilise des unités d'information de taille modeste, et il est probable qu'un auteur de documentaire, ne pourra se permettre, systématiquement de décomposer « à la main » ses unités d'information pour éliminer les bafouillages des intervenants. Toutefois, il est toujours envisageable d'y parvenir grâce à des modules de traitement automatique de la langue (T.A.L.).

Illustration 7. Exemple de règles induites par des molécules d'action

Le format de cette communication laisse peu de place à plus de détails, les illustrations se limitent à quelques pistes de scénarisation. Toutefois, le lecteur pourra se référer à (Durand, 2007) pour d'autres exemples. Le format de cette communication laisse peu de place à plus de détails, les illustrations se limitent à quelques pistes de scénarisation. Toutefois, le lecteur pourra se référer à (Durand, 2007) pour d'autres exemples.

Perspectives

Les travaux présentés ici ouvrent tout un champ de recherches. La possibilité de définir une décomposition des unités d'informations grâce à des modules de T.A.L. en est un, la définition d'une grammaire multimédia en est une autre. Dans le cadre du documentaire multimédia, ces règles peuvent s'appuyer sur les règles de l'audiovisuel, mais d'autres sont à inventer compte tenu des multiples possibilités offertes par le multimédia. Ainsi, s'il peut y avoir des problèmes de raccord entre deux unités d'information audiovisuelles affichées au sein du même espace-écran, il est envisageable d'effectuer l'affichage sur une autre zone de l'écran pour contourner cette règle. Une grammaire multimédia couplée à des modules de TAL permettraient, là encore, la génération automatique de document, mais il est nécessaire, comme cela a déjà été évoqué, de bien positionner l'auteur au centre de la démarche afin d'obtenir un véritable documentaire multimédia et non une base de consultation d'archives documentaires.

Bibliographie

[Balpe, 1997] Jean-Pierre Balpe, « Produire - Reproduire - Re-produire », avril 1997
En ligne : http://hypermedia.univ-paris8.fr/Jean-Pierre/articles/Produire.html

[Bui Thi, 2003] Minh Phung Bui Thi, « Structuration Sémantique des Contenus de la Vidéo », RIVF'03, p187-198, février 2003.
En ligne : http://rivf.e-ifi.org/2003/proceedings/p187-198.pdf

[Cartier, 2003] Michel Cartier, « Un procédurier pour le nouveau Web », 2003.
En ligne : http://www.michelcartier.com/pdf/Cartier_procedurier.pdf

[Colin, 1992] Michel Colin, « cinéma, télévision et cognition », Presses Universitaires de Nancy, 1992.

[Durand, 1997] Alain Durand, « Modélisation moléculaire - vers un nouvel outil d'aide à la conception multimédia », Thèse de Doctorat, Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis, décembre 1997.
En ligne : http://tel.ccsd.cnrs.fr/documents/archives0/00/00/73/82/index_fr.html.

[Durand, 2005] Alain Durand, « Créer des applications muséales qui s'adaptent au visiteur », Digital Culture & Héritage - Patrimoine & Culture Numérique ICHIM 05, septembre 2005.
En ligne : www.archimuse.com/publishing/ichim05/durandSELECT05.pdf, ISBN: 1-885636-32-0

[Durand, 2007] Alain Durand, « Create Web documentary by fusion of audiovisual rushes », Enjeu et usage des TIC EUTIC'O7, Athènes, Novembre 2007

[Hède, 2004] Patrick Hède, Pierre-Alain Moëllic, Joël Bourgeoys et Magali, « Joint Automatic generation of natural language description for images », RIAO 2004, p. 306-313, Centre des hautes études Internationale d'Informatique Documentaire, avril 2004
En ligne : http://www.riao.org/sites/RIAO-2004/Proceedings-2004/papers/0240.pdf, ISBN 2 905450-09-6

[Hoog, 2006] Emmanuel Hoog, « L'INA est la première banque d'archives numérisées en Europe », Interview parue dans Le Journal du Net, avril 2006.
En ligne : http://www.journaldunet.com/itws/it_hoog.shtml

[ISO, 2002] ISO/IEC TR 15938-8:2002, « Information technology », -- Multimedia content description interface -- Part 8: Extraction and use of MPEG-7 descriptions

[ISO, 2004] ISO/IEC TR 21000-1:2004, « Information technology », -- Multimedia framework (MPEG-21) -- Part 1: Vision, Technologies and Strategy

[Jaffré, 2005] Gaël Jaffré, « Indexation de la vidéo par le costume », Thèse de Doctorat, Université Paul Sabatier – Toulouse III, décembre 2005.
En ligne : http://www.irit.fr/~Gael.Jaffre/these_jaffre.pdf

[Mandelbrot, 2000] Benoît Mandelbrot, « L'anneau fractal de l'art à l'art à travers la géométrie, la finance et les sciences », université de tous les savoirs, Paris, 28 juin 2000.
En ligne : http://www.canal-u.tv/canalu/chainev2/utls/programme/180_l_anneau_fractal_de_l_art_a_l_art_a_travers_la_geometrie_la_finance_et_les_sciences/

[Sweller, 1994] John Sweller, « Cognitive load theory, learning difficulty, and instructional design », Learning & Instruction, 4, p. 295-312, 1994.

[Szilas, 2005] Nicolas Szilas, « The Future of Interactive Drama », Australian Conference on Interactive Entertainment - IE'05, ACM International Conference Proceeding Series, Vol. 123, Novembre 2005.

[Vanoye, 1999] Francis Vanoye, « Scénarios modèles, modèles de scénarios », Nathan Université, 2nde édition, Paris 1999

[Vieville, 2001] Nicolas Vieville, Alain Durand et Sylvie Leleu-Merviel, « Mise en oeuvre d'une modélisation moléculaire statique pour la création d'un site de canoë-kayak », Hypertextes Hypermédias – nouvelles écritures, nouveaux langages - H2PTM'01, p. 31-48, Valenciennes, octobre 2001, ISBN 2-7462-0341-3

[Vieville, 2003] Nicolas Vieville, « Ecrire pour l'écran – vers un outil d'assistance à l'écriture multimédia », Thèse de Doctorat, Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis, décembre 2003.

[Zenouda, 2006] Hervé Zenouda, « Images et sons dans les hypermédias : De la correspondance à la fusion », Thèse de Doctorat, Université Paris 13 Villetaneuse, décembre 2006.
En ligne : http://zenouda.free.fr/texts/These.pdf.

[Zlatof, 2004] Nicolas Zlatof, Bruno Tellez et Attila Baskurt, « Exploitation de connaissances domaine pour l'interprétation d'images », RIAO 2004, Centre des hautes études Internationale d'Informatique Documentaire, p. 277-290, avril 2004
En ligne : http://www.riao.org/sites/RIAO-2004/Proceedings-2004/papers/0220.pdf, ISBN 2 905450-09-6

Notes

  1. La scénation désigne la structure organisée d'événements et/ou d'états avec lesquels le lecteur est effectivement mis en interaction. Elle est constituée d'un ensemble de fragment extraits du scénario. (Colin, 1992). En fait, la scénation est l'organisation spatio-temporelle – perçue par l'interacteur - des unités d'information.
  2. Le scénario, en audiovisuel est « le modèle du film à faire » (Vanoye, 1999), c'est à dire le texte qui va permettre à son lecteur d'imaginer le film, par extension au multimédia, le scénario est la représentation abstraite du document qui sera réalisé.
  3. En fiction, le rapport est moins important, mais en plus il y a plusieurs prises d'un même plan, donc de fortes redondances.
  4. La représentation graphique adoptée n'est pas définitive et ne doit pas être considérée comme un standard de fait ; on peut adopter - par exemple - un formalisme tabulaire ou une représentation sous forme de liste alphanumérique.
  5. Le modèle moléculaire ne considère plus le scénario comme une succession de choses, de faits et d'actions. Il s'agit de représenter des entités, avec leurs règles de fonctionnement, leurs actions potentielles en fonction de l'environnement. Par analogie, en s'appuyant sur une diégèse, le document est conçu comme un assemblage de petits automates (chaque automate étant une entité). chaque automate possède ses règles de fonctionnement qui lui permettent d'évoluer, de s'adapter, d'actionner certains processus, sans recevoir obligatoirement d'ordre externe.
  6. Pour plus de détail sur le modèle, le lecteur pourra se référer à (Vieville, 2001)/ ou à l'URL www.archimuse.com/publishing/ichim05/durandSELECT05.pdf (Durand, 2005) pour une description synthétique ou à l'URL http://tel.ccsd.cnrs.fr/documents/archives0/00/00/73/82/index_fr.html (Durand, 1997).
  7. Il est important de noter que un scénario de document multimédia ne définit qu'un potentiel de diffusion. Rares sont les interacteurs qui parcourront l'intégralité des unités d'information.