Nuvola apps important.png Attention, suite à une faille de sécurité, les liens vers les serveurs d'exploration sont désactivés.

-

H2PTM (1989) Cebrian

De H2PTM

Hypermédia: Nouvelle conception de l'information audiovisuelle


 
 

 
Titre
Hypermédia : Nouvelle conception de l'information audiovisuelle
Auteurs
Mariano Cebrian
Affiliations
Facultad de Ciencias de la Informacion
Universidad Complutense de Madrid (Espagne)
Dans
actes du colloque H2PTM 1989 Paris
publié dans H²PTM89 : Communication interactive, Paris, France, 1990

Introduction

Hypermédia est un mot fortuné qui s'étend à diverses langues comme tout ce qui est magique et suggestif. L’hypermédia correspond à un nouveau domaine des communications et des informations répondant à l'enjeu d'une société qui ressent la nécessité de chercher les relations autour d'un fait, d'une idée, ou d’une donnée, pour en approfondir et mieux connaître la réalité — à définir. C'est aussi la réponse au développement de la société de l'information. Je n'ai pas la prétention, dans mon intervention, de pouvoir embrasser l'hypermédia dans son énorme complexité, mais seulement de présenter une réflexion personnelle sur le nouveau monde qu'il ouvre. Et surtout de faire une réflexion à propos des changements que l'hyper-média produit dans les processus de la communication et de l’information audiovisuelles. On ne peut pas poser le problème d'une façon rigide étant donné que nous en sommes au commencement et avec une diversité de directions ouvertes. Il s'agit donc d'effectuer une systématisation aidant à clarifier la complexité et la densité du domaine à étudier.

L’hypermédia comme système d'intégration

L’hypermédia est un système comprenant un ensemble de techniques qui à leur tour regroupent les apports de multiples médias, traditionnels et nouveaux. Le système hypermédia les combine et les intègre dans un objectif unitaire ainsi que dans des activités et des applications cohérentes. Son apport consiste donc en la réunion dans un même environnement d'un ensemble d'éléments qui, d'ordinaire, reçoivent des traitements séparés[1].

L'hypermédia est le résultat de la tendance convergente de plusieurs technologies. Chacune de ces technologies suit sa propre évolution, mais, de plus, elle s’intègre dans le nouveau système pour le dynamiser. C'est-à-dire qu’il se produit deux progressions. L'une, à l'intérieur de chaque technique spécifique, en parallèle (électronique, télécommunications, informatique), l'autre en convergence. De cette manière, en plus de l'apport des dernières innovations expérimentées par chaque technique, il se produit une poussée de caractère général du fait qu’elle se trouve en confluence avec les autres techniques. Les changements sont dus aux très rapides avances dans le système. Il y a une évolution des supports de l'information dans le but de stocker une plus grande quantité d'information [2] et d'améliorer sa qualité. Il y a aussi un développement des interfaces du support et de l'ordinateur, ainsi qu'une multiplication des adaptations et des applications. L'ordinateur devient le contrôleur du système en poussant celui-ci à offrir des produits plus complexes dans l'interactivité avec les utilisateurs. La convergence des technologies entraîne aussi l'intégration des médias qui s'y appuient. Depuis quelques années on éprouve le besoin de relier des médias entre eux, et de chercher leur interrelation de façon à optimiser les ressources. L'union des médias et la distribution de leurs fonctions conformément à leurs caractéristiques communicationnelles constitue un engagement de la part de beaucoup de groupes et courants qui envisagent cette union comme un facteur pour faire avancer leurs projets. Mais cet usage ne se réfère qu'à la conjonction. Chaque média fonctionne selon ses particularités; il s'agit d'une « application », ou d’un usage de multimédias tel que l'entendait le courant du langage total. Il ne se produit pas une pleine intégration ou fusion. Il apparaît maintenant un véritable système d'intégration dans la même équipe, qui permet de surmonter la division entre médias écrits et médias audiovisuels de l'information. L'hypermédia représente un saut qualitatif vers une nouvelle modalité de la communication sans comparaison possible avec les précédentes. L'hypermédia élargit égale-ment la portée de l'hypertexte, comprenant des images fixes, des images en mouvement, du son en ses diverses variantes, et les interrelations des uns avec les autres. Ce n'est pas seulement l'accès à une bibliothèque, une vidéothèque, une phonothèque, une photothèque et autres « thèques », mais aussi l'interconnection entre elles; une telle conception dépasse celle des bases de données.

Pourtant, le grand défi en ce qui concerne le développement de l'hypermédia continue à être la manipulation des images numériques. La numérisation des images est devenue une réalité. Le problème se trouve dans la capacité des équipes à réaliser leur enregistrement et leur traitement, étant donné la complexité et l'énorme quantité d'information qui est nécessaire. Mais une image numérisée, une information visuelle binaire, peut être saisie, manipulée et traitée; par conséquent, elle peut entrer en interrelation avec les autres systèmes dès l’origine ou recevoir postérieurement un traitement digital[3].

d'une information de qualité, qui est la clé de voûte des apports de l'hypermédia; continuera sans doute à s’améliorer.

Une grande capacité d'interrelation entre les différentes données est nécessaire pour obtenir un plus grand bénéfice de l'information reçue. En naviguant dans un océan d'informations, l'hypennédia déploie une énorme capacité de création d’associations, de contrastes, d’analogies, d'oppositions, etc., en même temps qu'il brasse un grand volume de données, de concepts, de termes, d'images et de sons, et le tout à très grande vitesse. Chaque sous-système expressif utilisé lui permet d'amplifier sa capacité relationnelle de façon autonome, pour chacun d'eux, ou bien de manière globale. Bien que l'information réunie soit la même pour tous, elle n'apparaît pas sous la forme de structures fermées, comme il arrive avec les moyens conventionnels: le livre, le journal, la télévision, etc., mais elle se présente ouverte aux restructurations que chaque usager voudra établir au gré des interrelations nécessaires. Dans l'hypermédia, la visualisation, l’audition, ou la lecture de l'information stockée effectuée de manière séquentielle perd son sens, tel qu’il existe sur le support. Pour atteindre ce sens il est nécessaire de mettre en rapport les structures informationnelles entre elles [4]. En tant que système d'information, l'hypermédia se caractérise par sa souplesse face aux objectifs et besoins des usagers. L'information apparaît ouverte à différents types de configurations

Audio-scripto-visualité de l'hypermédia

La tendance convergente des technologies de l'image, du son et de l'écriture débouche sur une intégration des trois sous-systèmes expressifs[5]. Ils agissent comme des courants appartenant à de grands fleuves qui confluent dans l'océan de l'information. Chaque courant se diluant dans les autres pour en former une trinité unitaire. La résultante n'est pas une addition ou une accumulation de systèmes signifiants, mais une nouvelle unité globale. Ceci exige que le système fonctionne avec cohérence par l’interconnection des trois sous-systèmes, chacun gardant toute son expressivité. C'est une unité globale et cohérente, un nouveau monde significatif. L'originalité de l'hypermédia se trouve dans la création d'un nouveau langage qui s'appuie sur les éléments constitutifs des trois, ce qui donne lieu à de nouvelles situations perceptives. L'hypermédia audio-visuel présente une structure séquentielle d'un montage qui interconnecte l'antérieur et le postérieur avec l’image présentée sur l’écran. Chaque plan garde une certaine autonomie significative pour atteindre sa plénitude dans le contexte séquentiel des éléments communs, en accord avec les autres composants. L'hypermédia audiovisuel présente une structure en maille. Les images sont au centre des relations séquentielles et non séquentielles ou simultanées. L'image plonge et pénètre dans les images, visuellement parlant, en ayant recours aux effets de fenêtre et de tunnel.

L'hypermédia doit gérer la présentation informative d'une manière multidimensionnelle et pas seulement séquentielle, ce qui est obtenu au moyen de la narration dans le temps (image en mouvement et son), la représentation visuelle dans l’espace (image fixe et écriture), et le discours qui les relie. La communication narrative implique une dimension temporelle. Les images en mouvement et les sons sont, par essence, conçus comme étant des recours temporels. Il s'agit de leur manière traditionnelle de fonctionner. Mais ce qu'on essaye maintenant de combiner c'est la séquentialité diachronique des images et des sons avec la représentation spatiale synchronique des images fixes — que ce soit d'une façon permanente ou à un moment donné — et de l'écriture. Quand l'écran qui nous montre des images fait apparaître une fenêtre ouverte pour nous faire voir d'autres images plus réduites ou agrandies, pour souligner le moindre détail ou l'élargissement d'un aspect séquentiel, ou quand varie la typographie ou les intensités et les couleurs des lettres, on peut dire qu'on a incorporé une nouvelle dimension dont il reste encore à analyser la sémiotique.

Le traitement synthétique de l'image, les logotypes et l'écriture permettent à l'auteur et à l'usager de modifier les composants visuels en accord avec leurs goûts et leurs besoins. Il s'agit d'une dimension insoupçonnée jusqu'à maintenant. L'usager devient un co-auteur du produit hypermédiatique au moyen de l'interactivité et des changements temporels et spatiaux de traitement de l'image. L'hypermédia opère sur un espace qui se différencie de celui des supports traditionnels fixes écrits, qui s'identifie, en même temps qu’il les dépasse, aux espaces dynamiques électroniques. Dans le format de l’écran sont visualisés simultanément divers systèmes expressifs et champs informatifs, de façon à effectuer leurs contrastes, leurs changements de position, etc., mais en plus, ce contenu s’intensifie, se dilue, ou change de couleur.

Néanmoins, la dimension réduite de l'écran et l'abondance de l'information montrée, la faible définition de l'image — au moins par rapport à celle des supports photochimiques — obligent à repenser la distribution de l'information au sein de l'espace de l'écran. La séquentialité temporelle s'arrête pour faire place à une spatialité capable de juxtaposer, en mosaïques convenablement séparées, divers discours, en partie indépendants et en partie interconnectés, qui, en raison de leur contiguïté, acquièrent un certain lien, une association. Il est tout à fait nécessaire de créer des codes de séparation et d'interconnection des mosaïques au moyen de divers sortes de recours. L'hypermédia crée un nouvel espace. Les images représentées sur un ou deux écrans produisent un espace visuel qui donne lieu à de nouveaux niveaux de perception. La capacité de l'ordinateur permettra aussi l'analyse des images, ou bien en détail ou globalement.

Diversification et sectorisation de l'hypermédia

L’hypermédia a un grand avenir grâce à ses possibilités d'intégrer des images en mouvement. Il existe un problème quant à la capacité de stockage et de traitement. Mais puisque les ordinateurs sont capables de générer des images, de synthétiser des images déjà enregistrées, ou de les éditer au moyen d'équipes aussi puissantes que le « Harry », il s'agit bien d'un problème de développement, de potentialité et de perfectionnement. A l'heure actuelle, l'hypervidéo émerge en tant que diversification de l'hypermédia. Le développement de l'hypertexte et de l'hypervidéo visent d'autres dimensions. Jusqu'à maintenant on entendait l'hypermédia comme un perfectionnement de l’hypertexte parce qu'il prenait en compte des graphiques et des images de faible complexité[6] ; l'hypervidéo, à son tour, représente un pas de plus comme le laissait voir la vidéo interactive. L'hypermédia dépasse également les limites informatives de la vidéo interactive dans la direction de l'intégration des puissants ordinateurs de traitement de l'image à ceux de traitement de texte dans le cadre du nouvel horizon. Il ne s’agit pas seulement d'un perfectionnement du système, mais d'un autre saut quant à la multiplication des offres.

On arrive aussi à simplifier le système. Il ne s'agit pas d'une somme d'opérations de la part des équipes, traditionnelles et nouvelles, mais d'une réelle intégration qui entraîne, dans la même unité, la complexité de toutes les opérations et des programmes, tout en apportant la plus grande simplification à l'usager. L'hypervidéo ouvre la voie d'une nouvelle sectoria-lisation de l'hypermédia. Un nouvel ordinateur de la société Apple permet l'incorporation des images à l'ordinateur depuis la caméra ou depuis le magnétoscope, comme un menu de plus dans d'autres options. Par conséquent, l'image se trouve disponible pour être manipulée, comme cela arrive pour l'écriture, avec le traitement des textes et des images correspondantes, ainsi que pour d'autres variantes des applications. L'hypervidéo inclut aussi la reconnaissance du son de la voix pour déterminer ainsi de manière automatique le fonctionnement des images — arrêt, marche arrière ou avant. Le microphone ajoute ses possibilités d'accès à l'infor-mation à celles du clavier, de la souris ou de la pression sur l'écran.

L'hypermédia comme structure relationnelle de l'information

L'hypermédia ouvre la voie à une information des interrelations au lieu d'une information de juxtaposition et de séquentialité. Le système apporte non seulement une plus grande quantité d'information et une possible et complexe interaction de l’écriture, de l’image et du son, mais il effectue un renversement copernicien en se constituant en système d'interrelations. Ce n'est pas une simple addition d'informations, mais une liaison, une union de données, de faits et d'idées capable de faire jaillir l’étincelle d'une nouvelle vision, d’un nouveau concept de la réalité. C'est une avancée vers la structure d'une dimension intelligente de la machine. Chaque utilisateur dispose de l'information et, de plus, il compte sur la potentialité de mettre en rapport tous les aspects de celle-ci, au gré de ses besoins personnels.

Tous les usagers n'ont pas besoin de la même information, pas plus que du même niveau de quantité et de complexité. Une quantité excessive d'information pourrait outrepasser la capacité d'absorption et d'assimilation de certains. Un réseau de relations entre les parties est nécessaire, bien sûr, mais ne doit pas être trop dense pour ne pas risquer de devenir un mur infranchissable. L'hypermédia permet à l'usager l'obtention de l'information exacte dont il a besoin. Chaque usager devient un journaliste-chercheur qui plonge dans un immense océan de données, qui essaye de nouvelles interconnections et qui crée un nouveau monde de connaissances. Le système hypermédia ajoute à la quantité des informations la complexité et la qualité du traitement, le tout à une vitesse qu’on peut qualifier d'instantanée.

L'hypermédia élargit la conception de l'information à d'autres domaines, en pénétrant dans tous les systèmes et espaces du savoir, de la transmission des connaissances, de la satisfaction des besoins immédiats, utilitaires, quotidiens ou transcendantaux, aussi bien de caractère historique comme d'actualité. En somme, l'hypermédia s'étend à tous les champs et à tout ce qu'on peut concrétiser en donnée mesurables, numérisées. Les concepts, les idées et les créations artistiques sont aussi l'objet de cette information dans la mesure où elles peuvent être soumises à un texte, un son ou une image, c'est-à-dire, aux trois centres déterminants autour desquels tournent les systèmes de communication artificielle les plus développés du genre humain.

Le système hypermédia dispose également d'une grande capacité pour l'amélioration de l'information. On peut énumérer la qualité de la sélection, sa finesse et sa précision. Une grande accumulation d’informations peut conduire, dans le cas où elle n'est pas clarifiée, à la désinformation. Le système hypermédia permet également d'obtenir l'information souhaitée selon les paramètres choisis. Le problème qui se pose à l'heure actuelle, est plutôt que de stocker de l'information, celui de disposer d'une capacité de gestion et de sélection. Un véritable torrent d'informations nous envahit de partout II est tout à fait nécessaire d'effectuer son filtrage. Le système hypermédia est caractérisé par son énorme capacité de stockage de l'information. Si l'on voulait travailler à l'échelle humaine avec une aussi grande capacité d'information, on ne réussirait pas à obtenir des produits aussi complexes et aussi adéquats. L'hypermédia dispose de programmes nécessaires pour raffinement au moyen de contrastes, l'élimination par l'exclusion et, par la voie du processus séquentiel et unidirectionnel, le moyen d'obtention de la donnée précise. Un tel affinement n'est possible que grâce à la capacité discriminatoire du système, en interaction avec l'usager. Cette capacité d'obtention. La frontière la plus frappante, la plus innovatrice, se situe dans les apports du « videowall », ou mur vidéo, dans lequel la combinaison d'images identiques, différentes ou uniques dans l'ensemble des moniteurs découvre un large champ à la créativité et au spectacle du gigantesque. C'est ainsi que l'hypermédia atteint aussi son «big-bang ». Partant de la dimension réduite et de l'utilisation personnelle du petit écran il atteint aux applications massives de grands espaces avec des écrans géants et des systèmes multi-écrans.

Dimensions communicative et créative

L'usager de l'informatique avait l'habitude, jusqu’à maintenant, du traitement des nombres, des lettres et desgraphismes. Dorénavant, il devra traiter aussi des images en mouvement et des sons. Une autre semiotique s'avère nécessaire pour cette nouvelle forme de communica-tion. Il ne s'agit pas d'une expressivité fermé que chaque usager pourrait bien voir et inter-préter au gré de sa personnalité, mais il s'agit bel et bien d'un saut en avant de la production audiovisuelle. Il s'agirait d'une sémiotique ouverte en permanence à des moments différents et à des personnes différentes. Chaque usager réalise son parcours dans la direction choisie, soit en surface ou en profondeur, en suivant une séquence vers l'avant ou vers l'arrière. Selon les différentes questions et les contextualisations auxquelles elles sont soumises par l'écriture, les images acquièrent diverses significations. Chaque partie d'une image établit des relations différentes avec les autres.

Supposons que j'aie stocké l'information relative à tous les tableaux du Museo del Prado — chaque tableau avec ses descripteurs correspondants — et que je me propose d'interconnecter tous les types de portraits de divers auteurs tout en essayant de les regarder de façon séquentielle, sans intercaler aucune autre image. La séquentialisation établit de nouveaux rapports qui ne se trouvent nulle part en dehors du travail interactif que je suis en train d'accomplir. Chaque image de portrait perd son contexte originel et s'intégre à un autre que je suis en train de créer au moyen de l'interactivité avec l'ordinateur.

Je peux aller plus loin en établissant avec eux une cadence rythmique suivant une musique produite par l'ordinateur, et, en plus, soumettre les images et les sons à des textes appliqués avec une certaine intentionnalité : informative, analytique, explicative, plaisante, ironique,etc. Il s'agit de dimensions qui se créent à chaque instant pour obtenir un produit ; un produit que je peux fixer au cas où je le souhaite en obtenant une copie; ou mieux, obtenir une production originale sur support papier ou sur support magnétique. Dans ce cas, je n'ai modifié aucun composant pictural, mais en tant qu'usager il est tentant de pousser ma faculté d'imagination dans le but de vérifier ce qui pourrait arriver en cas de modification de chacun de ces éléments.

Mais en ayant une caméra électronique face à moi, je peux capter mon propre visage et l'incorporer à l'ensemble. Mon visage serait enregistré par l'ordinateur qui pourrait changer les couleurs ou pratiquer sur moi une chirurgie esthétique sans passer par la salle d'opérations. Ainsi, je pourrais vérifier petit à petit quelle nouvelle image, quel « look » j’aurais selon les changements de chaque composant. Ce serait la possibilité de maquiller la réalité au moyen de la simulation, et au gré de mon imagination. C'est l'union de l'imagination et de la réalité, avec comme résultante l'obtention d’une réalité dépassée par l'imagination, ou d'une réalité façonnée selon mon imagination sans référant extérieur. C'est-à-dire toute une invention.

Interactivité

L'hypermédia génère une communication interactive bidirectionnelle entre le système émetteur et l'usager. On parle de bidirectionnel dans le sens d'une information transmise en une direction aller et d'une autre en retour. Mais à cause de l’usage simultané et distinct fait par plusieurs personnes, il vaudrait mieux se référer à des processus de communication multi-directionnels. Le système est unique, tandis que les usagers sont multiples et, de plus, ils le sont de manière personnalisée [7]. Jusqu’à maintenant l'interrelation entre l'image, l'écriture et le son était produite par le réalisateur. L'usager n’avait pas la capacité de modifier la relation. Il ne lui restait que la capacité de retenir, d'avancer, d'accélérer, retarder ou ralentir l'image.

A l'heure actuelle l'usager incorpore sa capacité de manipulation ; celle de chercher de nouveaux rapports,et, somme toute, de développer une capacité de recherche et de création ; ou celle d'affiner sa stratégie analytique en recourant à l'association de plusieurs contenus et en faisant contraster l'image dans de nouvelles situations et avec de nouveaux textes ou sons. L’information, le produit final, ne dépendra pas seulement de ce que peut donner le système, mais aussi de ce que l'usager est capable d'obtenir. Le récepteur traditionnel devient un usager actif. Les résultats de l'hypermédia dépendront donc de la façon dont chaque usager réalisera l'interactivité avec la machine. Une recherche intense et intelligente est nécessaire pour obtenir le maximum de la multidimensionnelle du système.

Il faut une nouvelle attitude de l’usager. Bien que les équipes, les programmes, le système dans son ensemble, acquièrent une plus grande capacité et complexité pour l'élaboration de l'information, ils arrivent simplifiés aux mains de l'usager. Mais sous l'apparence de cette simplicité se trouve, sous-jacent, l’enjeu d'un formidable développement de l'intelligence, de la créativité et d'autres aptitudes de l’être humain. L'interactivité au travers des réseaux de communication s’ajoute à l'interactivité in situ, sur le poste de travail. L'hypermédia ouvre une énorme dimension en se reliant aux réseaux de communication et de télématique. L'interactivité de l'usager ne reste pas circonscrite à sa présence face une équipe, un lieu, une station de travail, mais elle peut s'exercer à distance. D'autre part, il n'est pas nécessaire que tous les composants de l'hypermédia se trouvent à la fois dans le même lieu.

En fait, la production et le traitement de chaque composant : archives, générateur de textes et graphiques ou production des images, s'effectuent avec différentes équipes. Par conséquent, ces élaborations peuvent être développées par des collaborateurs situés très éloignés en distance. L'interactivité dans le réseau n'est pas seulement un élargissement apporté à la situation de l'usager ; d'autres modalités communicationnelles en résultent, qui avec le développement des réseaux existants donneront lieu à des produits et à des applications plus diversifiées et complexes. Les réseaux s'incorporent à l'hypermédia comme un autre composant. La dimension réelle sera atteinte avec l'établissement du réseau numérique à intégration de services (RNIS) qui permettra la circulation de communications d'images en mouvement en même temps que celles de sons et de textes, bien que ces signaux soient très complexes et que la quantité d’information soit énorme. Le Réseau numérique à intégration de services fournit les bases réelles et définitives pour le développement de l'interactivité à distance dans sa plénitude. L’hypermédia audiovisuel effectuera, avec le RNIS, et à l'unisson avec des ordinateurs capables de traiter digitalement des images en mouvement, une grande poussée pour devenir le tremplin des communications du futur.

L'hypermédia vient de commencer. Il se trouve dans une phase d'expérimentation, d'élargissement de ses produits et de ses applications, c'est-à-dire dans une étape d'expansion. L'hypermédia est déjà devenu le germe de la génération des nouveaux moyens qui vont définir la dernière décade de ce siècle, et il sera aussi un guide pour d'autres développements du siècle à venir.


Notes

  1. Pour une vision complète des apports de l'hypermédia, voir le livre de AMBRON, Susann and HOOPER, Kristina . Interactive Multimedia. Visions of Multimedia for Developers, Educators, & Information Providers. Microsoft Press, Washington, 1988.
  2. RIBAS, J. Ignasi: « El maremagnum de las memorias opticas ». Dans Telos. Cuadernos de comunicacion, tecnologia y sociedad, N° 17, Mars-Mai, 1989, Fundesco, Madrid, pp.117-128.
  3. HOLTZ-BONNEAU, Françoise : Lettre, image, ordinateur, Hermès-INA, Paris, 1987.
  4. Pour une étude globale de la vidéo linéaire en relation avec la vidéo interactive, je renvoie à mon ouvrage: CEBRIAN HERREROS, Mariano: El video empresarial e institucional en Espana. Editorial Ciencia 3, Madrid, 1990.
  5. On trouve un ample développement des implications des trois sous-systèmes dans plusieurs de mes ouvrages. Voir en particulier : CEBRIAN HERREROS, Mariano: Fundamentos de teoria y técnica de la information audiovisuel. Alhambra, Madrid, 1988, pp. 144-169 et 627-647.
  6. Une étude approfondie de l'hypertexte dans ses rapports textuels et des changements produits par les nouvelles technologies se trouve dans le livre de BARRET, Edward (Ed.): Text, Context and Hypertext. Writing with and for the Computer. The MIT Press, Massachusets, 1988.
  7. A propos de l'interactivité des médias audiovisuels conventionnels et des nouveaux médias, voir le numéro spécial de la revue: Problèmes audiovisuels, N° 15, Septembre-Octobre, 1983, INA-La Documentation Française.

… davantage au sujet de « H2PTM (1989) Cebrian »