CIDE (2009) d'Erceville

De CIDE

Cartes anciennes, SIG géo-historiques et visites virtuelles :Déformations lisibles de la perception spatiale sur un corpus de cartes numérisées issues de fonds patrimoniaux et de représentations cartographiques patrimoniales hypermédia.


 
 

 
titre
Cartes anciennes, SIG géo-historiques et visites virtuelles :Déformations lisibles de la perception spatiale sur un corpus de cartes numérisées issues de fonds patrimoniaux et de représentations cartographiques patrimoniales hypermédia.
auteurs
Jean-Philippe d'Erceville.
Affiliations
Université de Lyon (France), Université Claude Bernard Lyon1, Laboratoire ELICO EA 4147.
In
CIDE.12 (Montréal), 2009
En PDF 
CIDE (2009) d'Erceville.pdf
Mots-clés 
Carte, cartographie, patrimoine, représentation spatiale, espace- temps, modèle, déformation, perception, SIG, modèle numérique de terrain.
Keywords
Ancient map, cartography, heritage, spatial representation, time space, model, deformation, perception, GIS, digital model of ground.

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Résumé
Cet article tend à définir les usages des technologies hypermédia, appliquées à un type particulier de collections: les fonds anciens de cartes et plans. Il s'agit pour nous de déterminer en quoi la lisibilité d'une collection de cartes, issues d'un fonds ancien, peut subir des déformations de la perception et de la représentation spatiale. L'objectif est de mener une réflexion sur les enjeux conceptuels d'une articulation entre cartes issues d'un fonds patrimonial et reconstruction numérique d'un patrimoine, déterminé par son ancrage dans l'espace et le temps, soit une évolution permettant de passer des cartes anciennes, en tant que documents primaires intégrés à des collections, aux strates d’informations spatialisées au cœur d’un système d’information géohistorique, pour enfin s'interroger sur les principes d'un modèle de visite virtuelle en 3D, dans lequel s'implique l'usager.

Modèle:CIDE article brut

Introduction

En abordant la question de l'évolution des technologies Web, sous l'angle de la médiation d'un patrimoine, il nous est apparu nécessaire de nous interroger sur l'objet de patrimonialisation [1] que nous allons traiter : la carte. Si les cartes sont des représentations de l'espace dans le temps, elles sont avant tout un outil et un support de médiation, une interprétation humaine du réel, construction ou re-construction intellectuelle autant que médium, porteur d'une intention, témoignant d'une évolution des représentations, mais aussi des théories et discours sous-jacents [2]. Se pose alors la question de la construction lisible et intelligible de l'information patrimoniale spatialisée, élaborée sur le mode graphique, par la numérisation des fonds patrimoniaux, en termes de perception, de production et de réception.

En quoi la numérisation et donc l’acte de réédition des cartes, procèdent- ils d’une articulation entre le traitement d’information patrimoniale spatialisée et la communication de cette information dans une situation d’énonciation donnée ? En quoi pouvons-nous considérer ce processus comme une réécriture ?

Notre article se construit en deux partie :

  • La carte, en tant que construit, comme objet de patrimonialisation et de réédition numérique critique,
  • La carte numérique en trois dimensions, en tant que représentation ou re-construction d'un patrimoine selon le temps et le lieu dans lesquels elle s’inscrit.

Distinguer ces deux espaces de réflexion, c'est mener une analyse sur deux processus bien distincts dans le temps, correspondant à deux révolutions de l'écriture cartographique : la première a eu lieu à la fin du XVIème siècle [3], la deuxième, plus récente, dans les années 1990 avec l'émergence du numérique. Nous verrons que ces deux révolutions fonctionnent à l'inverse l'une de l'autre dans la modification de la perception de l'espace, documentaire et réel, qu'elles produisent. C'est néanmoins la dernière révolution qui nous intéresse. En effet, la carte ancienne numérisée devient représentation d'un type de document, intégré au patrimoine écrit, autant que représentation d'un contenu patrimonial spatialisé. Ces deux types de représentation ne peuvent être analysés selon la même méthode.

Notre réflexion s’appuie sur des études de cas précis dont voici une brève présentation, support de notre analyse exploratoire et conceptuelle :

Le catalogue numérique commenté des cartes de la ville de Lyon (France) [4] : Forma Urbis©1 Le projet de SIG (Sytème d'Information Géographique) géo- historique de la ville de Lyon© en tant que processus de patrimonalisation des collections.. Il s'agit ici de deux projets conçus selon deux intentions différentes et utilisant deux types de techniques différentes, que nous étudierons dans la première partie de cet article .

Le premier projet, aboutit en 1999, soit il y a dix ans, à l'édition d'un ouvrage de type traditionnel avec éditorial, préface, sommaire et index. Il est ensuite mis en ligne et présente, sous une forme paginée, les plans généraux de la ville de Lyon entre le XVIème et le XIXème siècle. Il s'agit là d'un catalogue d'exposition conçu par un service d'archives et non une bibliothèque mais la constitution d'un catalogue critique issu d'une institution dont l'enjeu est la conservation et la diffusion de fonds patrimoniaux porte un questionnement proche de celui qui occupe les conservateurs de fonds anciens en bibliothèque tout autant que les conservateurs des musées. L'intention est clairement de développer la science de l'iconographie dans la cité et la connaissance même de l'histoire scientifique, artistique, politique et sociale de la cité, par l'étude de ses représentations. Son fonctionnement demeure celui de la linéarité du codex et sauf à fournir des images en grands formats par hyperliens et popups, son hypertextualité reste limitée.

Le projet de SIG géohistorique de la ville de Lyon© est actuellement en développement par l' ISIG (Imagerie et Système d'Information Géographique), sous l'égide de l'UMR 5600, Environnement-ville-société (Université Lyon 2 - Lyon 3, ENS LSH Lyon). Il s'agit d'un projet de création d'un SIG issu d'une approche géo-historique de l'espace urbain lyonnais et donc du patrimoine architectural urbain, à partir de cartes du XVIIème au XIXème siècle, mises en concordance avec des cartes contemporaines. Il porte l'ambition d' “une compréhension renouvelée des processus à l’œuvre dans [l'évolution de l'espace construit lyonnais] : acteurs, financements, logiques sociales, foncières, économiques, diachroniques.”2 Ce projet, utilisant les ressources du numérique, comporte les caractéristiques des systèmes d'information géographique classiques. La

1 Réf. : Archives municipales, 1999, Forma Urbis: les plans généraux de Lyon XVIème XIXème siècle, (coll. dossiers des archives municipales, n°10), ISBN 2-908949-18-0 [Disponible en ligne] URL: http://www.archives- lyon.fr/old/fonds/plan- g/plan2.htm, (consulté le 15/12/2008) 2 Bernard Gauthiez, Un système d'information géographique sur l’espace urbain à Lyon aux XVIIe-XVIIIe siècles, UMR 5600 Environnement ville société, url: http://umr5600.univ-lyon3.fr/siglyon.html

possibilité de superposer différentes couches d'information et donc de construire une information en temps réel en fonction de la requète de l'utilisateur. Encore faut-il que ce dernier soit familiarisé avec cet outil. L'intention, clairement énoncée par ses producteurs est de fournir un outil de lecture des bases de données géographiques constituées préalablement avec des urbanistes, des historiens, des géographes ainsi que des professionnels de la modélisation spatiale et de la géovisualisation en trois dimensions. Le groupe de travail n'écarte nullement ce type de représentation.

Nous analyserons, dans la deuxième partie de cet article, les applications ancrées dans les pratiques de médiation culturelle devenues relativement courantes: les visites virtuelles, en tant que reconstruction virtuelle d'un espace intégré au patrimoine. La visite virtuelle Marseillenet©3 et le projet Rome Reborn©4 Ces deux projets semblent totalement différents dans le mode de représentation et dans l'interface qu'ils proposent. La visite virtuelle Marseillenet© est issue d'une application commerciale destinée à être utilisée de la même manière, quelque soit le lieu que l'on visite. L'interface est stable et identique selon les lieux. L'application est destinée à promouvoir un espace touristique tout autant qu'un objet ou un patrimoine immobilier par le biais de la photographie panoramique. On peut ainsi l'utiliser pour faire une visite d'appartement à louer. Nous verrons que le mode de perception qu'il engendre, peut, malgé des différences très nettes avec le deuxième projet, lui être comparé dans les limites qu'il impose à l'usager. Le projet Rome Reborn©5 , quant à lui, tend à « reproduire » la Rome antique (de 1000 av. JC à 550 ap. JC) sous la forme d'un modèle numérique de terrain en trois dimensions. Le projet, commencé en 1997, a beaucoup évolué, en plus de 10 ans, et en est actuellement, selon les informations disponibles, à sa version 2.0. La démarche mise en oeuvre n'est pas du tout la même que celle du projet marseillais. Il s'agit en effet d'une réelle démarche de production de connaissances historiques, dans un cadre universitaire, pour la construction d'une interface destinée à la consultation par le grand public. Il semble que cette interface sera, dans l'avenir, intégrée aux applications de GoogleEarth® . Nous disposons de


3 Visite virtuelle http://www.marseillenet.com/ de Marseille. 4 Ce projet, commencé en 1997, est développé par l'UCLA et l' IATH, Cultural Virtual Reality Laboratory (CVRLab), l'expérience UCLA Technology Center (ETC), le Reverse Engineering (Indaco) Lab au Politecnico di Milano, l'Institut Ausonius du CNRS, l'Université de Bordeaux-3, et l'Université de Caen, en partenariat avec GoogleEarth® et IBM® . La création d'un modèle numérique en trois dimensions de la ville de Rome illustre son développement urbain au cours de l'histoire sous la forme d'une visite guidée virtuelle. 5 Détails du projet sur : http://www.romereborn.virginia.edu

peu d'informations sur la compositon du modèle, hors de ce qui en a été dit lors de la conférence Siggraph 2008 de Los Angeles. En revanche, de nombreuses vidéos de démonstrations permettent de mieux cerner l'outil et ses capacités ainsi que l'interface. Pour fixer le cadre méthodologique, il nous a semblé pertinent de nous intéresser aux pratiques cartographiques dans un futur proche et donc de produire une analyse exploratoire de type constructiviste et conceptuelle sur des objets ou applications numériques en cours de développement.


Collection de cartes numérisées et patrimonialisation du document cartographique

Analyser des cartes issues d’un fonds patrimonial, c’est faire le choix de construire ou de reconstruire une collection de “traces” historiques d’une perception du monde et donc un discours qui se développe en tant qu’il a pour unique objet la lisibilité d’un espace défini dans le temps. La collection ne peut s’envisager que comme un projet, dont les modes de conception dépendent en partie de la matérialité des objets et de leur capacité à devenir des supports d’analyse critique. La numérisation des fonds patrimoniaux, dans le cadre d’une gestion électronique de documents n’en est plus à ses balbutiements et pourtant, les fonds de cartes anciennes restent encore relativement peu traités en tant que traces ou plus précisement en tant que signes d’un projet de représentation du monde. C’est par la numérisation et un traitement qui dépasse le cadre d’une simple numérisation de conservation qu’il est possible de reconstruire ce discours.

Les applications hypermédia, en tant que modes de reconstruction peuvent permettre, dans l’avenir, de concevoir le développement d’une réelle analyse critique, de corpus topocentrés hors du cadre de la culture locale, développée autour des “hauts-lieux” d’un espace défini socialement, de sorte à restituer bien plus que les images d’Epinal liées au développement touristique d’une région. La culture collective locale peut alors être dépassée, pour faire du patrimoine un réel objet de recherche, un construit. En cela, la possibilité de construire des strates d’informations cartographiques, à partir de fonds patrimoniaux, peut permettre de faire d’un document d’archives, un projet de recherche utilisant les ressorts du numérique. La superposition d’ensembles cohérents d’informations géohistoriques permet la perception des représentations construites sous la forme de palimpsestes, mais aussi une réécriture du territoire par la mise en relation de documents dont le processus même d’écriture, à son origine, est le palimpseste. Il est fondamental de pouvoir retrouver la trame de construction de ce type de document, en effectuant la même navigation intellectuelle que celle qui a

engendré cette représentation du monde. Recontruire un discours cohérent avec la méthodologie appliquée durant la phase d’écriture de la carte du XVIème ou du XVIIème siècle, c’est mener un processus réflexif sur la production et le mode de publication des cartes imprimées. C’est retrouver les plaques de cuivre gravées et les superposer en couches d’informations et de culture, c’est également re-produire le geste de l’imprimeur et concevoir la carte, non sur le mode d’un résultat analysable en tant qu’objet fini, mais en tant que processus d’écriture. La stratification des informations, par la superposition de couches cartographiques diachroniques sur le modèle du calque, permet cette reconstruction mais ne pourra suffir à concevoir un espace de réflexion sur la carte, disponible et intégrable par des usagers non rompus aux systèmes d’informations géographiques. La compréhension d’un objet dans la reconstruction d’un espace-temps autre que celui de la réception peut être facilitée par l’apport de couches d’informations portées a posteriori de la production des cartes. C’est toute l’importance d’une structure de métadonnées, implantées lors de la reconstruction du discours, qui est alors mise en jeu. La compréhension des enjeux d’une surimpression d’informations critiques, de repères balisant le produit semble le moyen le plus intuitif de reconstruire non seulement un objet “intelligent”, mais un réel projet de développement des connaissances, tout autant que de transmission de ces connaissances. C’est l’acte même de médiation du savoir, sur un patrimoine encore peu connu du grand public, en deçà des fantasmagories et fétichismes que peut engendrer la réception d’une carte ancienne, comme celle de tout ouvrage ayant traversé le temps. La construction des modèles de métadonnées devient alors un second projet qui vient se greffer sur celui de la constitution de la collection. L'enjeu d’une hypermédiatisation de ces nouveaux construits se complète d’un travail prospectif à réaliser sur le modèle même de l’interface, de l’écran et de sa lecture. Il est, semble- t-il, nécessaire de ne pas concevoir une application uniquement sur le mode de la diffusion mais bien de la reconstruction intelligible d’une collection. La diffusion seule ne peut qu’engendrer une incompréhension de l’objet même et de sa finalité, de l’intention qu’il porte. En effet, si l’on peut concevoir la visée politique d’une diffusion plus large des collections patrimoniales, c’est avant tout par une compréhension des projets qu’elle porte que se fait une réelle médiation du patrimoine. En dehors de toute analyse marxiste telle que W. Benjamin l’a développée dans son article “L’oeuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité mécanisée”, il ne s’agit pas de déposséder une élite de sa mainmise sur l’authenticité de réels chefs d’oeuvres graphiques, mais bien de construire un objet complexe tout autre. C’est ce que nous étudions dans notre réflexion sur la numérisation et la patrimonialisation des objets de sciences tels que les cartes.

Question de perception de l'espace : déformation et représentation d'un patrimoine urbain par la cartographie dynamique en trois dimensions

Analyse conceptuelle

Nous commençons cette analyse par une approche permettant de déterminer ce qui, dans le discours que porte la carte, nous “parle” de la perception de l'espace orienté vers la découverte d’un patrimoine archictural et urbain. Plusieurs questions se posent alors:

  • Quelles sont les déformations lisibles de la perception de l’espace engendrées par « l’intrusion mouvante » du signifiant incarné dans le patrimoine cartographique ? Quel mode de perception transparait par cette implication du regardant ou plus précisément de son “double virtuel” dans la lisibilité du document ?
  • Quelle différence de perceptions de l'espace s'opère-t-il entre une représentation d’un espace ou d’un territoire dans le temps de cet espace et sa re-construction a posteriori?

Analyser les cartes numériques c'est, avant tout, comprendre le mode de fonctionnement de quatre grandes familles de représentations : la carte ancienne numérisée, le SIG, le système GPS et le modèle numérique de terrain parfois appelé visite virtuelle, dans le cadre d'applications destinées à construire des connaissances à destination du grand public.

Quatre modes de représentation spatiale

Il s'agit ici de montrer que la carte numérisée, et lisible sur écran, ne fonctionne pas sur le même mode de perception de l'espace historique, mais également du temps historique. Pour cela, nous nous appuyons sur l'idée d'une désynchronisation de la navigation dans l'espace et le temps reconstruits et sur la multiplicité des modes de représentation: topocentrique (aréolaire et géolocalisé), anthropocentrique (perception virtuellement localisée), odologique (itinérant) et géométrique (planaire). Le premier mode représentation de l’espace, représentant le patrimoine spatialisé, est tout autant objet de patrimonialisation que représentation du patrimoine et outil de reconstruction. Les cartes anciennes issues des fonds patrimoniaux que nous avons évoqueés dans la première partie de cet article, sont avant tout le résultat d’un transfert de support permettant un enrichissement a posteriori. L’avantage majeur de cette médiation de document est de constituer une base d’informations contemporaines du patrimoine sur lequel elles porte. L’inconvénient majeur, quant à lui, est que ces documents ne portent pas l’intention d’une pérennité des connaissances portant sur le patrimoine architectural et urbain. La notion de patrimoine n’étant, à l’époque de l’écriture de ces cartes, pas

totalement inexistante mais encore très peu définie. C’est par le traitement et l’enrichissement, issu de l’archéologie et du travail des historiens, que se construit la connaissance des éléments présentés sur ces cartes, souvent erronés quant à la position strictement topographique des lieux. L’intéret majeur consiste en la représentation des lieux par les contemporains de la construction de ces espaces devenus patrimoine. Ils en indiquent l’importance sociale dans le temps de l’écriture des cartes qui les représentent. La numérisation de ces cartes, outre l’enrichissement, a pour vocation la conservation et une difusion plus large des ces objets. Les institutions qui conservent les objets originaux diffusent ainsi une vision de l’espace dans un temps donné. Celui qui visionne cet espace au travers de son écran pense le percevoir tel que le cartographe le percevait. On se rapproche, là encore, des fanstasmagories liées au concept d’authenticité alors même que cette dernière a disparu, suite au processus de numérisation. Parler de désynchronisation de la navigation dans l’espace est ici inapproprié puisque c’est le processus même de consultation de la carte qui importe. L’objectif n’est pas, pour le grand public de “percevoir” un lieu mais de “voir” un document (ce qui ne signifie pas le lire).

Tout comme dans le cadre de la réédition des cartes anciennes, par la reproduction et l'ajout d'un appareil critique sous la forme de livre en version électronique, le SIG géohistorique intègre la notion de strates d'informations et se comporte en fonction des interrogations de base de données (comparables à des index ?) à la manière du palimpseste. Les cartes anciennes se voient attribuer un maillage de données. Ce qui intéresse le cartographe n'est plus alors de multiplier les “couches” d'information mais d'en comprendre les entrelacements, les imbrications de sorte à pouvoir déterminer les unités de mesure de la ville qui ne seront pas les mêmes selon l'utilisateur du système: l'urbaniste ou l'archéologue ne peuvent segmenter le territoire de la même manière et cependant le travail sur les cartes anciennes leur fournit une base de connaissances empilables. En considèrant les bases de données, à l'origine de la création graphique, superposables aux différentes cartes anciennes, il devient nécessaire de s'interroger sur la définition de ce qu'est un appareil critique. Pouvons-nous considérer les bases de données géoréférencées comme un appareil critique? La réponse, qui pourra paraître péremptoire, semble être négative. L'appareil critique nécessite l'intervention d'une interprétaion humaine. Mais, si nous nous reportons à la définition même de ce qu'est une carte, telle que nous l'avons donnée en introduction, à savoir, une interprétation humaine du réel, alors, une nouvelle question se pose. Il s'agit de ne pas confondre interprétation d'une perception de l'espace (construction de la carte et extraction du matériau sémiotique à partir du réel) et interprétation d'une représentation de l'espace perçu (travail d'analyse critique de la carte). La

fonction première du SIG réside dans la première de ces interprétations mais la capacité du SIG géohistorique réside justement dans la capacité de ses applications à intégrer, non seulement la construction d'un espace perçu, mais également une représentation spatiale déjà construite à savoir une carte ancienne. C'est dans cette capacité que réside la fonction d'appareil critique du SIG géohistorique. Quant au mode de perception qu'il impose, on pourra le définir, en fonction des quatre catégories déjà nommées, comme majoritairement planaire puisque son fonctionnement, reposant en partie sur le vectoriel, se construit selon le mode géométrique. Il est à l'opposé même de l'antrhropocentrique dans la mesure où la quantité d'information n'est pas assimilable par l'esprit humain dans le cadre d'une vue synoptique. C'est par la lecture et non par la “vue” en tant qu'acte que se produit le processus d'interprétation de la carte, qui ne trouve son centre que dans le regard de l'utilisateur et non dans son mode de représentation. Il s'agit là d'une différence majeure avec les deux outils suivants: le GPS et le modèle numérique de terrain en 3D (dans le cadre de son utilisation en tant que visite virtuelle, car les modèles numériques de terrain peuvent accéder à un niveau de complexité graphique et d'abstraction aussi important que le SIG) . La technologie GPS se distingue des outils précédants en tant que son interprétation porte, en soi, la finalité de l'outil, orienté vers l'action et le déplacement. Si la finalité impose une modalité de perception de l'espace clairement odologique, la représentation, quant à elle, et nous le redéfinirons plus avant dans la suite de cet article, se rapporte clairement à une modalité anthropocentrique et aréolaire. Elle pourrait se définir ainsi: “Je suis un point fixe et central. L’espace est mouvant autour de moi”, autrement dit : “Je ne traverse pas l’espace . C'est lui qui me traverse” et: “La portée de ma perception s’arrète là où se fixent les limites de la vision humaine dans le réel”. La perception de l'espace est alors centrée sur l'individu utilisateur, ou sur le point qui le représente, et anticipe sur le mouvement de celui-ci dans le réel, il représente plus d'éléments que l'utilsateur ne peut en percevoir dans la réalité de son déplacement. L'utilisateur devient capteur. Mais le temps du déplacement du signe graphique est synchrone (dans la limite d'intervale de temps de transfert des ondes) avec le temps du déplacement de l'utilistaeur dans le réel. En revanche cet outil devient totalement prescriptif et quitte le domaine de la représentation en cela qu'avec l'usage de voix de synthèse, la représentation graphique disparait pour devenir une indication de direction .

Le modèle numérique de terrain, orienté vers la découverte d'un patrimoine, et plus largement les visites virtuelles, marque un changement majeur dans la perception de l'espace patrimonial et du temps historique. Les deux modalités de perception de l'espace décrites précédemment, intègrent un paramètre supplementaire: le temps. Non seulement l'espace est mouvant autour d'un centre qui est le signe de l'utilisateur, mais le temps est lui aussi mouvant. Nous le traiterons de manière plus précise par la suite. Il est également utile de remarquer que, contrairement à la technologie GPS, les limites de la perception de l'espace sont celles de la représentation. Cette brève présentation et redéfinition des quatre familles d'outils nous permet d'établir des correspondances entre les différentes modalités de représentation graphique du patrimoine et les déformations qu'elles impliquent dans la perception de l'espace patrimonial, par l'usage des visites virtuelles et donc par la réception de ces représentations.

La pensée de l'espace : vers une dé-localisation et dé- synchronisation de la navigation dans l'espace historique reconstruit

Nous avons indiqué que la cartographie avait connu deux grandes révolutions, marquant un déplacement dans le mode de perception de l'espace. Il est remarquable d’observer que si la première révolution a marqué une nette coupure avec le mode anthropocentrique aristotélicien de perception et de représentation de l’espace, l'avènement du numérique marque un très net retour vers cette représentation centrée sur l'œil de l'usager et sur les deux modalités premières du mode de perception anthropocentrique, définies auparavant dans la description des applications de visites virtuelles. Ces modalités, dues à un type de représentations, viennent se surajouter au support de visualisation: l'écran dont Jeanneret nous indique la fonction d' ”idéal narcissique”[10, p.135] en tant que mode d'écriture et en tant que développement d'un imaginaire. Il ne s’agit cependant pas, ici, de traiter cet aspect sous l’angle d’une progression ou d’une régression des représentations mais sous l’angle d’une évolution cyclique du mode de perception.

Dé-localisation

Pour démontrer les mécanismes de cette évolution cyclique, il convient de revenir à la première des deux révolutions de l’écriture cartographique: Nous sommes à la moitié du XVIème siècle. Les cartes sont réalisées sous forme de vues cavalières construites sur un mode pictural (Fig.1) proche de la photographie. Ce qui est représenté est en adéquation avec ce qui est perçu, dans la limite des techniques utilisées. Puis une évolution commence à se développer et le cartographe se

représente lui-même dans le cadre du tableau qu’il peint. Son point de vue change. La perception se fait alors événement distinct du sujet qui perçoit, séparant l’œil du sujet, et donc ce qui est perçu, de ce qui est représenté. L'analyse de ce phénomène a été considérablement traitée par Merleau- Ponty dans sa Phénoménologie de la perception [7, p. 240]. Ainsi, il écrit: « La pensée objective ignore le sujet de la perception [...] Elle ne se donne pas d'abord comme événement dans le monde [...] mais comme une re-création ou une re-constitution du monde à chaque moment »

Le cartographe continue néanmoins à travailler selon une approche déterminant une “étendue-qualité” (Fig.1) et non une “étendue-quantité”. Dans son Essai sur la connaissance approchée [8, p. 50-51] Gaston Bachelard traite de la mesure qualitative comme « premier contact avec la notion d'espace », il en fait une véritable connaissance qualitative de l'étendue, une « étendue-qualité antécédente à l'étendue-quantité ». Reprenant les propos du psychologue William James, il traite de la « voluminosité comme d'une qualité commune à toutes les sensations [dont il extrait ce qu'il appelle] la sensation primitive d'espace». En s'incluant dans la représentation de l'espace perçu, il se situe dans un rapport de contenant à contenu. Or, Merleau-Ponty, dans l'ouvrage déjà cité, exclut la perception de l'espace de ce rapport qui ne peut, selon lui, exister qu'entre des objets. Se rapportant aux propos de Kant, il détermine une ligne de partage entre « l'espace comme forme de l'expérience externe et les choses données par cette expérience » [7, p. 281]

Le cartographe se situe dans ce rapport de contenant à contenu et cette approche détache la représentation de son centre de perception : l'œil du cartographe. Le XVIIème siècle deviendra l’ère de la représentation quantitative et quittera le mode de perception anthropocentrique qui persistait depuis Aristote. Il est remarquable que l’avènement des technologies numériques, issues des jeux vidéos et des technologies Web, représente un retour vers ce mode de perception anthropocentrique, primitivement qualitatif (Fig.2), jouant sur l’identification de l’usager à son avatar numérique et donc recentrant la perception sur l’homme. Si le cartographe du patrimoine en trois dimensions se situe dans ce rapport de contenant à contenu, tel qu'on peut l'observer dans l'application Romereborn©, c'est, semble-t-il en partie du à la pratique, déjà intégrée dans ses shémas intellectuels, de l'utilsation des technologies numériques de positionnement. Il met en actes, tout comme son lecteur, la figure de son “hexis numérique”, tel que peut le définir F. Georges dans sa Sémiotique de la représentation de soi dans les dispositifs interactifs [11, p. 5-7], en tant que “territoire intérieur qui s’informe en l’écran ” , résultat d' “observation abstractive informée ” de niveau zéro, en tant que sa matérialisation à l'écran peut n'être qu'un simple point. Il est alors défini par l'action, par le mouvement. Sans mouvement, il devient impossible de le délimiter en tant que point parmi les autres éléments de la représentation. Cet Hexis, objet virtuel défini par l'action, peut donc être inclu dans un contenu. En l'occurence, une représentation d'un espace. Ses mouvements ne sont, dans cet “environnement” pas forcément soumis aux lois de la physique élémentaire et l'hexis numérique peut donc devenir cet ”œil”, cet objet de perception tout autant que d'action, sans obéir aux lois de la gravité . Peu importe alors que l'avatar puisse “voir”, en plongée, un espace virtuel dont il peut intégrer chaque “point”, voire chaque pixel, de la représentation. L'utilisateur devient un “point de vue” et donc un capteur virtuel d'espace virtuel. Tout autant que le “Citizen[...] as sensor[...]” de M. Goodchild dans sa géographie 2.0, dite “néo géographie”. La visite du patrimoine peut alors être envisagée sous l'angle d'une reconstruction évoluant au fil des actes et donc des déplacements de l'avatar au sein de l'application.




Figure 1. Vue cavalière de la ville de Lyon en 1548, par Androuet du Cerceau (Archives de la ville de Lyon) - Gravure en taille douce (AML. 2PH 250/194)6



6 URL in [4 (VN)]: http://www.archives- lyon.fr/old/fonds/plan-g/41.htm


Figure 2 . Une “vue” (trad. de view) du centre de Rome le long de la rivière Tibre, du Théâtre Marcellus et de la colline du Capitole (à gauche) jusqu'au cirque Maximus (à droite).7

Se pose alors une question qui ne s'applique pas uniquement à l'espace de la visite mais également, nous le verrons plus tard, au temps. Il s'agit de déteminer la clôture de l'espace perçu. Le mode de représentation semble bien proche de celui de la narration, à la différence que l'écriture non figurative, comme la parole, ne peutt exprimer la clôture de l'espace8.

Lors d'une opération de numérisation de cartes issues de fonds anciens, comme c'est le cas du Forma Urbis, La clôture semble déterminée par le cadre même de la carte, par son support. Qu'en est-il de la visite virtuelle? Si nous observons les différentes démonstrations du projet Romereborn© et que nous l'appliquons en fonction de l'application finale: GoogleEarth®, il semble, a priori, que les limites de la perception de l'espace du patrimoine se fixent sur l'objet de représentation de départ, à savoir : le globe terrestre. Peut-être est-il nécessaire cependant d'aller plus loin dans l'étude de cette clôture de la perception. Explorer l'espace de la Rome antique, c'est déjà déterminer une barrière qui n'est pas celle de la Rome actuelle. La première clôture se fixe donc non seulement sur la ville en tant que lieu mais également en tant que symbole. Délimiter les frontières de la ville antique, observable à l'écran, peut sembler moins évident qu'il n'y parait. Les limites fixées par l'archéologie correspondent à une vérité scientifique qui peut être la plus pertinente. Mais est-ce vraiement de celà dont il s'agit lorsque l'on aborde la clôture de la

7 Image courtesy Barry Minor, IBM. Model © 2008 The Regents of the University of California - Image © 2008 The Board of Visitors of the University of Virginia tiré de: RR_1.1_Tiber_view.jpg 8 Dixit C. Herrenschmidt, Possibilités de la cartographie et écritures [in] Journée d'étude: « Le métier de cartogrape hier et aujourd'hui », 28 mai 2009, Enssib

perception du lieu ? Les limites de la perception ne sont-t-elles plutôt celles de la technique qui permet l'observation de l'espace intégré aux patrimoine ?

En effet, si la clôture de l'espace, sur une carte ancienne, en est le cadre, qu'en est-il sur une représentation numérique dans laquelle se déplace le regard ? Il semble possible de déterminer, comme cadre possible de la perception, les limites du déplacement de l'usager à l'intérieur de l'application, mais, en s'attachant à décrire, dans le même temps, le projet Romereborn© et le projet marseillenet®, nous pouvons déterminer que la perception obéit à la fusion des quatre modalités de perception de l'espace reconstruit déjà mentionnées: aréolaire, anthropocentrique, odologique et géométrique. Cependant, chacune de ces deux applications intègre une différence de degré dans les modes de perception de l'espace qu'elle impose au regardant. La projet marseillenet® fixe des points sur une carte dont la fonction première est d'indiquer les haut-lieux de la ville et ne se départit pas de son impact touristique. Ces “hauts lieux”, socialement déterminés, et conçus comme des “monuments” appartenant au patrimoine architectural ou naturel de la cité, sont alors des points d'ancrage de la visite. Si la carte conserve la dimension planaire de la visite virtuelle, le déplacement entre ses points, c'est à dire l'itinéraire, n'entre pas dans la logique de perception de l'espace marseillais et obéit aux fantasmagories liées à l'histoire du lieu ou à sa fréquentation. La perception qui en découle est totalement aréolaire. La clôture de la perception de l'espace est celle de la position du regardant, fixée au centre du haut lieu. Aucun déplacement n'est alors possible. Ce mode de perception, lié à la technique de la photographie panoramique n'est pas totalement absent du projet portant sur la Rome antique car, même si dans ce deuxième cas, la modalité majeure est celle de l'itinéraire et du déplacement, c'est également dans sa capacité à représenter l'intérieur des “haut-lieux” que se construit la perception aréolaire centrée, tout autant sur l'avatar, que sur le lieu (fig. 3 et 4). Les limites de la perception restent celles de l'avatar qui en est le centre. C'est la présence d'un centre qui en fait une représentation aréolaire, quelque soit la capacité de ce centre à se déplacer dans le monde virtuel visité. Toute représentation aréolaire et figurative devient, par là même, anthropocentrique.


3.2.2 Dé-synchronisation La visite virtuelle de l'espace marseillais constitue une représentation, dont la technique même, impose un mode de perception temporelle, si ce n'est synchrone avec celui du monument, du moins, contemporain de l'époque de l'utilisateur.


Figure. 3 Une vue aérienne de l'intérieur de la Basilique de Maxentius et Constantine.9 Figure. 4. Vue panoramique par procédé photographique de l' intérieur de la cathédrale de la Major à Marseille

La photographie, représente une capture du lieu dans son état actuel. Il n'y a donc pas, pour le concepteur de l'application, à se poser la question de la reconstruction du lieu. La question de l'image et donc de ses attributs symboliques, semble bien plus prépondérante. Il s'agit, bien plus que de “montrer” le lieu, de le symboliser. Ce type de visite semble se détacher de la représentation pour devenir métonymie d'un lieu dont

9 BasMax01.jpg

l'intéret reste l'attractivité touristique. La temporalité de la représentation tient alors bien plus dans l'acte futur de la visite réelle du monument, que dans sa visite virtuelle dans le temps de la consultation sur l'application. Ce type de représentation porte une fonction quasi prescriptive intimant à l'usager, si ce n'est l'ordre, du moins le désir de la visite réelle d'un monument dont la forme est la même dans le temps présent. Ce temps devient une marque sociale d'un besoin de la cité d'attirer des visiteurs. L'objet en est le réel et non sa représentation. L'objectif est ainsi de rapprocher le visiteur du lieu et non, comme cela peut être le cas dans certaines structures, de l'éloigner de l'objet de patrimonialisation. La temporalité de la perception se fait donc dans la capacité de l'utilisateur à se projeter dans le temps d'une visite réelle du site.

La représentation spatiale en trois dimensons, quant à elle, plonge l'usager dans un “monde”10 qui se veut fidèle à celui du temps évoqué. Les usagers, comme vu précédemment, sont utilisateurs de plus en plus nombreux de systèmes GPS et peuvent donc naviguer sans difficultés particulières sur un système orienté vers la perception d’un espace qui se construit en fonction de leur propre position synchrone dans le temps et l’espace de leur déplacement. Mais il bien plus anxiogène (et fascinant) de pouvoir effectuer un voyage dans une “collection”, dont la compréhension passe obligatoirement par l’intégration, dans ses propres schémas intellectuels, de la désynchronisation entre le temps de la navigation et celui de l’espace dans lequel on navigue. La démarche est proche de celle de la science fiction ou de l'astronomie, dite grand public. L’espace dans lequel on reconstruit le discours n’est pas celui du temps dans lequel on évolue. Le processus se construit alors selon le mode de la Time machine de H.G. Wells, même si la désynchronisation se fait dans le sens inverse. Plus encore, on se rapproche de l'astronomie, science de la cartographie céleste, qui a amené ses praticiens à visualiser, non seulement l'espace, mais les temps révolus, de sorte à remonter jusqu'au Big Bang. En s'éloignant de la surface terrestre, ils ont pu remonter les époques. De même, en éloignant la représentation du réel, les concepteurs de visites virtuelles “reconstructives”, ont pu effacer les outrages du temps sur les artefacts traités par l'archéologie, façonnant un espace reconstruit sans parfois posséder d’autres référents que des vestiges ou ruines, voire, une simple hypothèse de leurs existences dans le temps. Il ne s'agit pas de montrer ce qui est, mais ce qui a été, en en faisant un évènement du présent. Là encore, ne se rapproche-t-on pas du mode de la narration, voire de la fiction ? Il est peut- être un peu hasardeux d'établir ce lien, dans la mesure où la représentation produite par les concepteurs du projet Romereborn© montrent un souci de vérité scientifique, mais la

10 Il est possible de se référer à la Théorie des mondes possibles (cf: D. Lewis car la reconstruction implique une formulation des hypothèses historiques dues aux travaux des archéologues et historiens de l'architecture antique.

discipline même de la reconstruction historique porte en son sein la capacité à développer un imaginaire de l'histoire qui ne peut être totalement effacé de la représentation.Nous ne pouvons traiter, sur ces quelques pages, le rapport étroit entre représentation virtuelle et narration du temps historique, par la graphique, mais cette question, vaste, en engendre d'autres, qu'il serait interressant de voir figurer dans les interrogations portées sur le patrimoine: celle du rapport entre la clôture de la perception du temps de la navigation et la clôture du temps historique imposée par la représentation virtuelle de ce patrimoine.


Conclusion

Ce bref article ne peut que poser de nombreuses questions, sans prétention d'apporter des réponses définitives à l'étude d'un ensemble d'éléments du patrimoine qui, comme nous pouvons le constater, passe en grande partie, par la représentation graphique spatialisée. Nous n'apportons pas de solutions techniques permettant une amélioration des processus de patrimonialisation des fonds de cartes anciennes mais une réflexion sur l'évolution cyclique des représentations et de la perception de ce qu'est le patrimoine, avec une hypothèse bien plus qu'un constat : le retour à une perception anthropocentrique de l'espace, liée à ce que certains auront appelé la postmodernité et le retour à une forme d'image destinée à “impressionner” (au sens de “s'inscrire dans l'affect de” et non de “remplir d'admiration” ) l'usager. Dans une société de l'image, la multiplication des représentations en 3D n'est pas dénuée d'un certain retour à la compréhension d'une esthétique des objets de sciences tels que les cartes. Si l'on veut établir un lien entre les époques, tel que nous l'avons fait au cours de ces quelques réflexions, il semblerait que la 3D, dans sa représentation du patrimoine soit ,en quelque sorte, un équivalent de la perspective du quattrocento, ce qui, dans sa réalisation même, n'est pas erroné, puisque la représentation en 3D sur un écran en deux dimensions est en réalité une adaptation de la perpective, dans la perception de l'espace ainsi que dans les déformations qu'elle génère. Il nous a semblé important de définir le cadre d'une réflexion future plus avancée, les modalités de la perception spatiale et temporelle du patrimoine, par la réception d'un mode de réécriture ou de réédition de ce patrimoine spatialisé, présenté graphiquement à l'écran, et dont l'avenir peut passer par la représentation holographique dans le réel sur les lieux mêmes où reposent les vestiges des temps passés.

Remerciements : Nous remercions Mme Lallich-Boidin, professeure en SIC (Université de Lyon1, directrice de thèse), et M. Guichard (MCF-ENSSIB, co- dir. de thèse), qui nous ont aidé à faire avancer notre réflexion et nous ont encouragé dans le processus de recherche sur les cartes en SIC.


Références bibliographiques

[1] J. Davallon, Le don du patrimoine : une approche communicationnelle de la patrimonialisation, Hermès Lavoisier [coll. Communication, Médiation et construits sociaux (dir. Yves Jeanneret)], Paris, 2006, 222 p., ISBN : 2- 7462-1436-9

[2] Ch. Jacob, L’Empire des cartes : Approche théorique de la cartographie à travers l’histoire. Belin, Paris, 1993

[3] A. Koyré., H. Michel, V. Ronchi [et al.], La science au seizième siècle, colloque de Royaumont (1957), Hermann [coll. Ecole pratique des hautes études: Histoire de la pensée], Paris, 1960 344 p.

[4] Archives municipales, Forma Urbis: les plans généraux de Lyon XVIème XXème siècle, (coll. Les dossiers des archives municipales, n°10), Lyon, 1999 ISBN 2- 908949-18-0 Version Numérique (VN) : Archives de Lyon : www.archives- lyon.fr [Disponible en ligne] URL: http://www.archives- lyon.fr/old/fonds/plan-g/plan2.htm, (consulté le 15/12/2008)

[5] W. Benjamin , 1939, « L'œuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité mécanisée », in W. Benjamin Œuvre complète vol.III, Gallimard [coll. Folio/essai], Paris, 2000, p. 269-316.

[6] H. Fondin. Le traitement numérique des documents, Hermès, Paris, 1998, 382 p.

[7] M. Merleau-Ponty , 1976, Phénoménologie de la perception, Gallimard [coll. Tel], Paris, réed. 2001, p.240-344

[8] G. Bachelard, 1987, Essai sur la connaissance approchée, Vrin (6ème éd..: 2006) [coll. Textes Philosophiques], Paris, 2006, p.47-68

[9] R. T. Pédauque, La redocumentarisation du monde, Cépadues ed. , Toulouse, 2007, 213 p.

[10] Y. Jeanneret, « Économies de l'écran : discours, pratiques et imaginaires entre visible et invisible », in : [sous la dir. de.] Roelens, N. et Jeanneret Y., L'imaginaire de l'écran / Screen Imagery, Ed. Rodopi, Amsterdam-New-York, 2004 p.141-162

[11] F. Georges, Sémiotique de la représentation de soi dans les dispositifs interactifs: l'hexis numérique , thèse de doctorat, Sciences de l'art, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, décembre 2007, 467p

Notes





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