CIDE (2008) Boismenu

De CIDE

La communication scientifique et ses enjeux politiques : un regard transatlantique


 
 

 
Titre
La communication scientifique et ses enjeux politiques : un regard transatlantique
Auteur
Gérard Boismenu
Affiliation
Université de Montréal
In
Actes du colloque CIDE.11 (Rouen 2008)
En ligne
(le texte a été repris dans un ouvrage édité par Erudit en 2014)

Introduction

Que l’on me permette quelques remarques préalables pour situer ma réflexion sur les enjeux politiques de la communication scientifique. Dans une perspective historique, le rôle du politique dans la transformation des modes de communication scientifique ne peut passer inaperçu. Avec ou sans ce recul, la question se pose de plus en plus, et ce n’est pas l’effet du hasard.

Même si cela pêche par un égocentrisme historique, on peut voir là l’effet de l’« accélération de l’histoire », dopée par les changements prodigieux associés à l’électronique et au numérique. Le chamboulement des institutions et de la configuration des acteurs mène à redéfinir l’espace public et la place de l’autorité publique. Pourtant, un certain discours serait enclin à « naturaliser » ce cours fatal de l’histoire par l’emprunt d’un vocabulaire et de considérations essentiellement économiques. Si la communication scientifique peut être abordée sous l’angle du marché, elle ne peut l’être uniquement par le marché. Cette arène dissout en apparence les conflits, les intérêts, les enjeux, et ne laisse poindre que des acteurs anonymes mus par des lois souterraines et historiques. En prenant le contre-pied de cette vision, j’entends brosser brièvement un état des lieux, pour en arriver à examiner le rôle des pouvoirs publics, nationaux et supranationaux.

D’ailleurs, on observe que cette thématique est largement traitée, en Europe comme en Amérique du Nord, mais évidemment ailleurs également, dans les termes de l’accès à l’information scientifique. C’est le statut de la connaissance et son mode d’appropriation qui sont en cause. Les organismes de l’Union européenne mènent une réflexion intense et diversifiée sur cette question. Cela est d’autant plus intéressant qu’ils ne répugnent pas à appeler de leurs vœux une responsabilisation des pouvoirs publics, fut-ce à un niveau supranational.

Il ne s’agit pas là d’humeurs d’une bureaucratie en mal d’autojustification. Que ce soit en termes de rôle de la science pour la croissance économique, de financement public de l’activité scientifique ou encore de financement public du paiement de l’accès à la publication scientifique, l’accès à la science se révèle par sa haute pertinence politique (Dewatrinpont et al., 2006). Par ailleurs, plusieurs acteurs œuvrent sur ce terrain. On pense aux éditeurs et plateformes numériques, aux grandes entreprises commerciales, aux bibliothécaires, aux institutions de financement de la recherche, aux chercheurs, ainsi qu’aux pouvoirs publics.

Pour tenter d’y voir clair, je procéderai à quatre coupes qui définissent autant de grandes thématiques. D’abord, je vais considérer le marché des revues ; ensuite, je discuterai l’enjeu de l’accès, pour continuer en traitant de la notion de cyberinfrastructure. Enfin, j’essaierai de montrer comment les pouvoirs publics sont interpellés.

Le marché des revues

La revue est le véhicule majeur de la diffusion de la connaissance dans de très nombreuses disciplines. Cette affirmation, qui n’invalide pas le rôle du livre et sa prépondérance dans plusieurs disciplines en sciences humaines, souligne seulement l’intérêt de rendre compte de la situation concernant l’accès à la connaissance et la structure socio-économique de la communication scientifique. Les revues jouent un rôle essentiel dans la communauté scientifique. Elles sont des institutions qui participent à la structuration de la communauté scientifique (nationale et internationale), elles assurent la validation, la légitimité, la reconnaissance, la diffusion et la conservation du patrimoine scientifique. Finalement, ce sont des vecteurs essentiels de la circulation de la connaissance de par le monde.

Le tracé des courbes

Le relevé de la tendance pour la croissance des prix pour les revues et les livres permet de lever le voile sur cette situation. Le graphique 1 (voir annexe) retrace l’évolution des prix par genre, telle qu’elle a pu être enregistrée par les bibliothèques universitaires aux États-Unis. C’est le point de départ pour l’appréciation du problème, car ce qui frappe c’est l’inflation vertigineuse pour le prix des revues savantes et ses effets. Parmi ces derniers, soulignons la position dominante des revues dans le budget des bibliothèques, qui a pour envers la détérioration de la position des ouvrages, malgré une stabilité des prix relatifs de ces derniers. Cela traduit les distorsions introduites par un marché « imparfait » et oligopolistique. Cette image globale doit conduire à une compréhension plus fine de la situation. Car se limiter à cette première appréciation conduit à une image simplifiée de la réalité et à des conclusions hâtives et inappropriées.`

On pourrait conclure que la partie est jouée, au sens où les revues seraient pour l’essentiel sous l’emprise des grands groupes commerciaux. De ce fait, la bataille pour le maintien dans le secteur public de ces vecteurs de la diffusion de la connaissance serait perdue. Nous n’aurions plus qu’à nous en faire une raison ou à tenter de contourner ces « monstres » économiques en tablant sur des formes alternatives à la revue. La simplicité du diagnostic a pour corolaire la simplicité des voies de solution.

La réalité est rebelle et se conforme mal à cette image grossière. Les revues, qui échappent aux grands groupes commerciaux d’édition, occupent une place centrale. Et il devient assez évident que l’action publique, de même que celle des acteurs peuvent infléchir le cours de l’évolution des choses. Il importe de caractériser un peu mieux ce « milieu ».

Le marché imparfait des revues

Les revues, par leur fonctionnement et le rapport avec la communauté scientifique, tout autant les auteurs que les utilisateurs, présentent les caractéristiques d’un marché imparfait.

Il faut convenir qu’il repose sur des effets de réseau, ce qui apparaît lorsqu’on suit les modes de relations avec les scientifiques (Dewatrinpont et al., 2006). Les auteurs publient le plus possible dans des revues reconnues dans leur secteur de spécialisation ou dans leur discipline. Puisqu’il faut sérier et sélectionner, les lecteurs privilégient les revues réputées pour leur « haute qualité » ou leur grande pertinence. De leur côté, les bibliothécaires s’abonnent de préférence aux revues lues, soit celles qui sont réputées répondre aux besoins des chercheurs. Quant à eux, les auteurs citent les revues qu’ils ont lues. De œ fait, les articles qui n’apparaissent pas dans les index ou clans les revues de référence sont ignorés par les lecteurs. Dans la mesure où les auteurs et les lecteurs sont susceptibles de bouder les revues qui n’ont pas la cote, on peut affirmer que, dans ce « marché » il n’y a pas de valeur de substitution.

Une revue dans le même domaine n’est pas substituable à une autre parce qu’elle est moins chère ou plus attrayante, ou pour toute autre raison, si ce n’est qu’elle apparaisse majeure dans son domaine et qu’elle supplante la première par sa valeur intrinsèque ou sa valeur symbolique. Cet ensemble de pratiques constitue la trame de ce marché imparfait. Cela n’est pas fonction de la structure socio-économique qui prévaut dans le secteur, mais, inversement, cette structure socio-économique capitalise sur la caractéristique première du marché imparfait des revues.

Un marché oligopolistique

Depuis des décennies, mais avec une accélération phénoménale au cours des vingt dernières années, nous assistons à un processus de concentration du contrôle des revues dans un nombre très limité d’éditeurs commerciaux (Stanley, 2002). Les fusions «  dopent  » le mouvement, si bien quelques grands éditeurs occupent une place dominante dans l’édition et la commercialisation des revues savantes. On observe que chaque fusion est suivie d’une croissance prononcée des prix.

Quelques chiffres permettent de juger de l’ampleur du phénomène (Edlin et Rubinfield, 2004 ; McCabe, 2002 ; Bergstrom et Bergstrom, 2003). Dire que ce marché est oligopolistique ne relève pas de l’épithète ni de l’abus de langage. Les chiffres changent en quasi permanence, mais il y a peu on pouvait estimer qu’Elsevier proposait un bouquet de 1800 titres, Blackwell, Wiley, Kluwer, 1350. Pour le secteur Sciences, techniques et médecine, Elsevier détenait 22,9 % des titres (de revues), Kluwer, 11,7 % et Thompson, 10,7 %. Par ailleurs, toujours dans ce secteur, les revenus encaissés sont allés à 70 % aux éditeurs commerciaux, 18 % aux éditeurs sans but lucratif et 12 % aux « agrégateurs ». On estimait aussi qu’Elsevier arrivait le 3e au monde pour les revenus Internet après OAL-Time Warner et Amazon. Voilà autant d’indices d’une très forte concentration et d’une position commerciale tout à fait « avantageuse », pour employer une litote.

Cette position oligopolistique permet aux grands éditeurs commerciaux de revues savantes de toucher une rente de situation. La forme privilégiée est celle de l’offre groupée et liée des titres d’un éditeur aux acheteurs institutionnels (bibliothèques, par exemple). La position dominante sur le marché s’est exprimée par une offre, connue sous le nom de Big Deal. Celle-ci a provoqué la constitution de consortiums de la part des acheteurs institutionnels. Cette dynamique est importante à étudier, mais auparavant revenons aux acteurs.

Les éditeurs commerciaux ne sont pas seuls.

Une récente étude (Dewatrinpont et al., 2006) a montré que les revues publiées par les grands commerciaux sont vendues au moins trois fois le prix des revues éditées par des sociétés sans but lucratif (presses universitaires, sociétés savantes, ou autres institutions de mission publique). Et là, on compare la même chose : des revues dans la même discipline, avec le même indice de citation et avec la même durée de vie de la revue. Toutes ces variables étant contrôlées, l’aspect déterminant de cet écart semble devoir être la nature de l’éditeur.

On sait que de 1986 à 2002, la croissance des prix pour les périodiques achetés par les bibliothèques universitaires aux États-Unis a été de 226 %, alors qu’Elsevier augmentait ses prix de 642 % (Edlin et Rubinfield, 2004). Autre facette de cette même réalité : l’Université Cornell paie, en 2003, 1,5 million de dollars à Elsevier pour son bouquet de revues. Ce dernier représente 2 % du nombre total de titres, mais 20 % du budget total alloué par la bibliothèque aux périodiques. Est-ce à dire que ces grands commerciaux occupent toute la place. Leur domination sur le marché et la commercialisation signifie-t-elle que ces éditeurs règnent sans partage sur la communication scientifique en tant que telle ?

Nous avons récemment fait une étude pour distinguer ce « paysage des revues importantes » dans les disciplines. Cette étude retient les 25 revues les mieux classées au plan international (indices de citations ISI) dans dix disciplines (anthropologie, affaires et gestion, droit, sciences économiques, sciences de l’éducation, science politique et relations internationales, psychologie, travail social, sociologie, histoire et philosophie des sciences) en sciences sociales en 2003. Pour chaque revue de cet échantillon de 250 revues, les données suivantes ont été consignées : l’indice d’impact, l’éditeur et son statut et le prix de l’abonnement institutionnel (version imprimée). Les résultats donnent de bonnes indications sur l’état des lieux. (tableau 1)[1]

Poids Impact Prix Prix Pointage moyen
Presses universitaires 30,5% 1,59 149$ 122$ 13,4
Sociétés savantes 17,5 1,92 188$ 180$ 16,8
Éditeurs commerciaux 52% 1,03 614$ 503$ 11,6
Tableau 1 - Revues en sciences sociales, dix disciplines, 2003

Il en ressort que les revues sans but lucratif occupent un peu moins de la moitié de notre échantillon des revues les plus citées dans les différentes disciplines, qu’elles ont un indice d’impact nettement plus avantageux que pour celles éditées par les grands commerciaux, que leurs prix sont carrément moins élevés (3,5 fois moins chère) et qu’elles se distribuent avantageusement dans les revues de l’échantillon pour ce qui est du rayonnement. En d’autres termes, elles occupent la position la plus enviable, même si cela va à l’encontre de l’image reçue concernant la domination des revues des grands commerciaux comme vecteur de communication scientifique ; de ce fait, la domination est d’abord et surtout commerciale.

Il ne fait pas de doute que les revues savantes éditées par des organismes sans but lucratif représentent un meilleur investissement pour les bibliothèques et pour les universités. Même si un comportement «  rationnel  » devrait conduire à accorder une priorité à ces revues, il s’avère que « les premiers sont les derniers », car intervient toute une série de pratiques et de filtres qui nuisent au positionnement stratégique de ces revues dans la sphère marchande, où le combat est à armes inégales. En raison de leur mission et de leur morcellement (toute comparaison faite), ces revues ne prélèvent pas de rente de situation, ne sont pas en mesure de proposer une offre globale à fort volume et n’utilisent pas les stratégies marketing des grands éditeurs commerciaux.

Cela étant, le « marché des revues » se caractérise par l’existence de deux segments et de deux types de pratiques. D’un côté, avec les grands éditeurs commerciaux, nous avons des oligopoles qui occupent une place majeure dans la diffusion de la connaissance et dominante au plan commercial, ce qui leur permet extraordinairement avantageuses, de se doter des moyens d’un vaste rayonnement et de continuer à canaliser le plus possible de titres de qualité. De l’autre, les éditeurs sans but lucratif (ou apparentés que l’on identifie comme « éditeurs responsables ») occupent une place très avantageuse comme vecteur de communication scientifique, dominent dans les structures « nationales » de la communication scientifique, ont des pratiques qui les, associent davantage à une politique de recouvrement de coût et ont du mal à adopter une démarche de groupe ou concertée, en raison de leur morcellement relatif.

Le big business et la communication scientifique

Les oligopoles tirent évidemment parti de leur puissance commerciale pour ériger des barrières stratégiques à l’entrée sur le marché des revues (Bergstrom et Bergstrom, 2003 ; Frazier, 2001 ; Hahn, 2006 ; Edlin et Rubinfield, 2004). Les Big Deals constituent des instruments privilégiés dans l’atteinte de cet objectif. Cette offre consiste pour les grands commerciaux à vendre l’accès à un panier fermé de revues (papier et numérique) à un prix d’ensemble souvent exorbitant et pour une durée significative, avec pénalité pour retrait. Les modalités varient, mais le principe est fondamentalement le même. L’idée est d’empêcher la liberté de choix du bibliothécaire et de l’engager dans une relation exigeante, contraignante et limitative. Cette pratique crée une fidélité mécanique, oblitère l’intermédiaire professionnel et change les règles du jeu ; au final, cette stratégie commerciale permet aux grands éditeurs de se ménager une immunité par rapport à la concurrence (Davis, 2003). Les Big Deals représentent une technique de vente au service des grands commerciaux qui a pour effet d’accroître la dépendance à leur égard et de laisser une portion congrue aux éditeurs sans but lucratif.

Une des réactions est venue du milieu des bibliothèques. En s’organisant en consortium, les bibliothèques ont voulu créer un rapport de force ; la création d’un interlocuteur unique au nom du plus grand nombre permet sans doute de changer la dynamique de négociation et de compter sur la possibilité de négocier de meilleures conditions de prix, d’utilisation, de service, etc. Quelques avantages peuvent être mis au crédit de cette option. Avec les consortiums, on peut espérer des ententes contractuelles permettant d’élargir et de diversifier l’accès à la documentation, d’établir un meilleur contrôle des coûts dans le cadre d’ententes pluriannuelles, de négocier des conditions acceptables pour les bibliothèques, en termes, par exemple, d’accès permanent, de prêt entre bibliothèques, etc.

La véritable question reste cependant la même sur le fond : s’agit-il d’une réelle contre-attaque ou d’une alliance objective. Les consortiums restent relativement modestes face à la concentration des éditeurs ; par exemple, le plus gros consortium représente de 2 à 3 % de l’achat, alors que le plus gros éditeur détient 20 % des ventes de revues. Mais, plus encore, les ententes pluriannuelles et les conséquences d’un éventuel non-renouvellement ne font que poursuivre et accentuer la dépendance des bibliothèques envers les éditeurs commerciaux. En dépit de la volonté de changer le rapport de force, il s’avère que le coût des abonnements demeure globalement fort élevé. Cela est sans parler du fait que ce genre d’entente ne vise que marginalement les revues sans but lucratif ; elles ne seront touchées que si elles sont associées à un portail avec une collection significative, et encore.

Pactiser et faire pour le mieux

Cette démarche n’est pas sans alimenter des doutes sur son intérêt. Elle fait l’objet d’examens critiques (Dewatrinpont et al., 2006). Les consortiums qui contractualisent les Big Deals sont réputés, non sans raison, créer des effets de verrouillage, dans la mesure où cela perpétue la dépendance envers les commerciaux, exclut la concurrence et rigidifie les budgets des bibliothèques. La concurrence n’est plus entre les titres, mais entre de grandes collections de titres, et cela joue structurellement en défaveur des plus petites collections et des nouveaux arrivants. Ces ententes produisent un effet systémique discriminant à l’égard des revues des éditeurs sans but lucratif, des plus grandes aux plus modestes.

Qui plus est, il est possible d’estimer que, malgré les campagnes tapageuses qui ont accompagné leur constitution, les consortiums ont finalement eu relativement peu d’effets (en fonction de leur cible principale : contrer le marché oligopolistique). Les paramètres pour contrôler les prix permettent de programmer leur croissance et d’ériger des barrières pour la concurrence. Une intervention à ce seul niveau est nécessairement fragile, car on ne peut qu’occuper la position du consommateur dont l’éventail des choix est restreint. Il ne s’agit donc pas d’une opposition frontale, mais d’une tentative de contournement. Avec ces expériences, reste posée la nécessité d’une action collective et publique pour enrayer la domination privée du marché.

Ces pratiques, en suivant leur cours, sans contrecarrer le diktat des grands commerciaux, peuvent en venir, de fait, à asphyxier les revues des éditeurs sans but lucratif. Or, ces revues – les plus importantes au plan international ou celles qui sont enracinées dans les structures nationales de la communication scientifique – sont des institutions qui participent pleinement à la structuration de la communauté scientifique (internationale et nationale), et elles contribuent à la constitution du patrimoine scientifique et à la diffusion des connaissances en plusieurs langues. Il ne faut pas s’y tromper, même avec un ancrage national, les revues sont des canaux ouverts sur le monde, et le numérique vient donner corps à cette vocation première. Cela explique certainement que les pouvoirs publics aient été amenés à subventionner la mise en place de larges plateformes de revues « nationales » pour faciliter leur diffusion internationale.

L’enjeu majeur qui plane sur la communication scientifique, c’est celui de l’accès à la connaissance, que celle-ci soit diffusée par les revues ou grâce à d’autres véhicules.

La problématique de l'accès

L’une des thématiques majeures qui traversent la communication scientifique de par le monde, c’est celle d’avoir accès aux fichiers numériques sans frais et dans des délais courts pour les documents scientifiques. Plusieurs lettres, déclarations et appels au plan international ont été diffusés ces dernières années. Rappelons pour mémoire Budapest [2002], Berlin [2003), SMSI-ONU [2003), OCDE [2004].

Cet objectif suit deux directions : d’une part, les revues et plateformes en libre accès et, d’autre part, les dépôts (archives) en libre accès.

Plateformes ou revues en accès libre

Plusieurs plateformes en accès libre ont vu le jour ces dernières années. Il est inutile d’en faire l’inventaire. Mentionnons, à titre d’exemple, la plateforme Persée, qui diffuse la numérisation rétrospective des revues en sciences humaines et sociales depuis leur premier numéro jusqu’aux années récentes. Contrairement à JSTOR, alors que leur mandat est comparable, l’accès est libre et non soumis à des tarifs ou abonnements. De même, la plateforme SciELO, qui a été mise en place au Brésil avec financement public, met en réseau des plateformes nationales (portugais et espagnol) de revues dans plusieurs disciplines, dont des sciences et médecine.

Ces initiatives s’inscrivent dans un mouvement international et font l’objet d’une certaine attention (Kaufman-Wills Group, 2005; Tenopir, 2006; McCabe et Snyder, 2005; Getz, 2004). Très souvent, les revues en accès libre ont une assise institutionnelle, en tant qu’éditeur, qui peut être un département universitaire, un laboratoire de recherche, une association savante, etc. Ces revues, pour plusieurs, n’existent qu’en version numérique, mais ce n’est pas une règle.

L’accès libre n’étant pas synonyme de gratuité impose un mode de financement par d’autres moyens que l’abonnement. Plusieurs cas de figure sont possibles et, le plus souvent, il y a hybridation. Se croisent subventions, volontariat, aide institutionnelle, en nature ou en service, etc. Une étude récente tend à montrer qu’en tout état de cause, on connaît une précarité financière. Il est possible de résumer en disant que le modèle économique est variable et non stabilisé (Kaufman-Wills Group, 2005 ; Tenopir, 2006).

L’accès libre pose un défi majeur qui peut se résumer en termes de viabilité économique des revues et éditeurs. Pour y faire face, la capacité de générer des revenus autonomes est à l’ordre du jour. Or, ce genre de modèle économique est très exigeant, incertain et produit des effets pervers, car la mise en vigueur de certaines solutions reste problématique, du moins si on pose la question en termes collectifs. Certaines des solutions (produits dérivés, valeur ajoutée sur certains services, etc.) supposent que l’on intériorise une logique marchande forte ou que l’on accroisse la dépendance aux commanditaires. Si les voies de solution restent à stabiliser au cours des prochaines années, on peut remarquer que l’idée d’un accès libre pour les publications au-delà d’une période de x mois, voire 24 mois en sciences humaines et sociales, semble se répandre. Et de toute façon, les solutions simples ne sont pas encore à la portée lorsqu’on songe au fait que plusieurs projets, cités comme une alternative à la publication commerciale oligopolistique, ne sont pas totalement en libre accès. Pensons à certains projets de SPARC, à BioOne, à HighWire Press ou encore à Muse.

Le dépôt de documents numérisés en accès libre

Au cours des dernières années, de nombreux dépôts institutionnels, interinstitutionnels, disciplinaires, nationaux (pré et post publications, revues, thèses, etc.) ont été créés. Le leitmotiv, c’est celui de l’accès le plus large possible et avec le moins d’obstacles aux résultats de la recherche. Il faut reconnaître l’engagement militant très soutenu de la communauté internationale des bibliothécaires, ainsi que des agences publiques dédiées à la production et à la diffusion de la connaissance scientifique[2].

Au-delà de l’accès, d’autres motivations alimentent les discussions qui accompagnent ce foisonnement (Dewatrinpont et al., 2006). Les dépôts peuvent être également vus comme un moyen pour assurer la préservation institutionnelle de la production des membres d’une institution, ainsi que comme une vitrine témoignant de façon tangible de la qualité d’une institution de recherche. Concurremment, c’est aussi une façon de changer la structure de la communication scientifique en exerçant une pression en faveur de son contrôle par milieu universitaire et de la déconcentration de la structure de communication. Pour d’autres, les dépôts sont d’abord un moyen pour maximiser l’impact de la recherche par un accès sans entrave à des formes conventionnelles de publication.

La multiplication des dépôts, souvent accompagnée par des appels institutionnels (universités, organismes de financement, etc.) pour faire obligation aux chercheurs d’y déposer leurs publications, a un effet d’entraînement assez variable selon les disciplines, que ce soit pour le volume de documents déposés, la nature des documents, etc. (Bergstrom et Lavaty, 2007). La réussite sera plus grande lorsqu’on prend les moyens pour que ce soit les employés du dépôt qui « déposent » les documents plutôt que les chercheurs qui agissent de leur propre initiative. Il est indéniable que ces dépôts augmentent l’impact des publications disponibles.

Certaines réserves doivent compléter cet aperçu (Warw, 2004; Xia et Sun, 2007). On remarque que l’accès au texte intégral n’est pas toujours assuré, que la qualité des documents est très variable et que leur statut n’est pas toujours clair. Force aussi est de constater que ces dépôts sont peu coûteux au départ, mais exigent d’importants moyens pour le service et la conservation, moyens qui sont loin d’être assurés actuellement.

Impacts potentiels collatéraux du libre accès

En raison de leur position dominante dans les circuits marchands de la diffusion des revues, les grands éditeurs commerciaux bénéficient d’une capacité réelle de répondre aux défis de l’accès libre. Au-delà de leur force relative, ils ont démontré une certaine capacité d’adaptation et de récupération. Par contre, les éditeurs sans but lucratif se montrent préoccupés face aux revues en libre accès. Plusieurs anticipent un impact négatif sur la publication savante, d’autant plus que le modèle économique alternatif ne fait pas consensus.

À cela s’ajoutent les dépôts de documents qui sont source d’insécurité. Cela dit, il est vrai que l’impact sera à la mesure du développement réel de ces dépôts dans le proche avenir. Même si l’accès à la version finale chez l’éditeur devrait garder tout son intérêt de même que la fréquentation d’une plateforme de revues avec services de qualité, les éditeurs sont réticents à permettre le dépôt de la version finale des textes dans les dépôts. Évidemment, la crainte de la perte d’abonnements n’est pas étrangère à cette réaction.

De façon abstraite, on pourrait considérer que ce mouvement devrait idéalement nuire davantage aux éditeurs qui pratiquent des prix exorbitants, donc aux grands commerciaux, mais ce n’est pas le cas, car, encore faudrait-il que le modèle d’affaires des bibliothèques change concernant les achats documentaires et les droits d’accès.

C’est dans ce contexte que se manifeste le sentiment de vulnérabilité des petits éditeurs, qui explique la réaction et les débats, notamment dans Nature, concernant le libre accès. Pour ces petits éditeurs, la plupart sans but lucratif, le constat est simple : l’accès libre menace plus les revues au service de la communauté universitaire que les oligopoles. Cela amène l’éditeur de HighWire Press et de Stanford University Press , Michael Keller, parlant des diverses initiatives récentes (dont la gratuité), à déclarer que les plus touchés ce sont les « éditeurs responsables » : « lronically, the combination of changes... reduces the competitiveness of responsible publishers, and reduce their utility to universities and scientific community » (Keller, 2001). Si HighWire Press se sent menacé, que dire des revues ancrées dans structures nationales de la communication scientifique.

Vers une cyberinfrastructure

La très grande accumulation et la diversité des documents de recherche accumulés ou consignés sur support numérique, la configuration des institutions qui y participent, et la capacité de mutualisation de ces documents conduisent à repenser le système d’information du document de recherche.

Les revues, les diverses publications plus ou moins arbitrées, les thèses, et autres sont dans des systèmes encore morcelés aux plans organisationnel, technique, socioéconomique, etc. Il est imaginable que les dépôts puissent agir comme levier d’intégration, mais leurs possibilités restent limitées  : standard de publication, capacité de recherche, garanties de conservation à long terme, contenu limité et assez aléatoire, etc., toutes ces questions restent posées.

Par ailleurs, il est possible de penser la publication scientifique non seulement comme diffusion de la recherche, mais aussi comme matériau de première main (sources premières) pour de nouvelles recherches.

De ce double constat découle l’idée de la cyberinfrastructure. Un récent rapport du American Council of Learned Societies insiste sur l’intérêt de considérer le système de publication universitaire comme un laboratoire de recherche, c’est-à-dire comme une infrastructure mise au service de protocoles de recherche particuliers. Particulièrement en sciences humaines et sociales, ce serait une contribution au développement d’un Cultural Commonwealth (Our Cultural Commonwealth, 2006)[3]. Par ce terme, on entend qu’une communauté de personnes, avec un intérêt commun, se définit et que le bien-être public, et l’avantage ou le bien général, est le premier objectif du système d’information qui se construit.

Partant de cette notion de communauté, une cyberinfrastructure peut être comprise en termes de constitution d’un système d’informations, d’expertises, de normes, de politiques, d’outils et de services, mis largement à la disposition de communautés partageant les mêmes intérêts de recherche. La cyberinfrastructure est plus large qu’un outil ou un type d’information particulier à un projet, mais reste plus spécifique qu’un réseau. Il s’agit d’une perspective de travail, d’un projet en devenir, sans que les contours et l’architecture soient déjà déterminés, mais il y a un double préalable me semble-t-il. D’abord, il importe que la publication de recherche et l’information pertinente soient numérisées dans des formats de qualité et accessibles sans restrictions abusives (de prix ou autres). Ensuite, on doit pouvoir compter sur des réalisations, acquises dans le secteur sans but lucratif (aux USA, on s’appuie sur Muse, JSTOR, ARTStor, etc.). C’est sur cette base que la cyberinfrastructure prendra tout son sens, au-delà des équipements, des tuyaux et des outils logiciels.

Les pouvoirs publics interpelés

Les enjeux de la communication scientifique renvoient à l’économie, à la place occupée dans les réseaux scientifiques, aux systèmes de recherche nationaux ou supranationaux, etc. En un mot, ces enjeux interpellent le politique[4]. Aussi n’est-ce pas un hasard si, au cours des dernières années, plusieurs documents ont été produits à l’initiative des bibliothécaires, des chercheurs, mais aussi de comités conseils nommés par les pouvoirs publics.

On peut constater deux choses. Les questions soulevées touchent plusieurs milieux, que ce soit les professeurs-chercheurs, les sociétés savantes, les bibliothécaires, les archivistes, la direction universitaire, les presses universitaires, le secteur commercial, le gouvernement et, éventuellement, les fondations privées. De plus, il ressort qu’une action collective s’impose à travers une intervention publique.

Il n’appartient pas ici de prescrire une politique spécifique  ; au mieux, il est possible de dégager quelques principes. Partons d’un double constat. D’un côté, les intérêts sont diversifiés et les capacités d’action segmentées ou reposent sur la volonté de chacun. D’un autre côté, les intérêts en présence, non seulement corporatistes, mais aussi d’affaires, sont puissamment ancrés. Cette réalité nous conduit à retenir la nécessité d’une action collective, car elle s’appuierait sur une capacité réelle de décider, sur des ressources disponibles conséquentes, et sur la disposition de moyens pour voir à l’application des décisions. Autrement, il faudrait compter sur la concordance spontanée des initiatives dispersées, ce qui apparaît plutôt illusoire.

Penser en termes de bien public

Le système de communication scientifique est tnt1mement lié au développement de la recherche, à l’avancement de la connaissance et à l’érudition dans une société. Par la place occupée dans la société, la communication scientifique doit être vue comme un bien public plutôt qu’un produit commercial ; en cela, on peut faire une analogie avec la défense, la santé publique, le système de navigation GPS, les barrages, l’éducation, etc. Il est curieux que ce raisonnement ne semble pas s’appliquer à la connaissance.

Il est symptomatique que l’American Council of Learned Societies insiste sur l’importance d’agir collectivement pour soutenir un système de communication scientifique, compris comme bien public ; sur cette lancée, on souligne que l’action publique doit viser le plus grand nombre. Pour ce faire, il est nécessaire de développer une vision globale et systémique du problème, avec une perspective de service public. De plus, il est impératif de considérer que l’investissement dans l’infrastructure de la communication scientifique est une priorité stratégique.

Parler de service public ne signifie pas que l’on cède à une perspective du tout à l’État. Les pouvoirs publics devraient opter pour s’engager dans ce champ sur la base des acteurs (chercheurs, éditeurs responsables, bibliothécaires, divers experts, universités et centres, plateformes numériques, etc.) et non en essayant de redéfinir arbitrairement ou par décret de terrain d’action. On peut très bien considérer l’intérêt de travailler en partenariat, avec des conventions ou cahiers des charges, ou, sous conditions, avec les acteurs privés. Il est primordial que l’engagement se fasse dans une perspective de long terme et s’inscrive dans un pacte social, afin d’acquérir une certaine prévisibilité des règles du jeu. Il reste que tout cela implique qu’il faille faire des choix.

Parallèlement à la démarche relative aux acteurs, l’approche devrait être inclusive, en ce qui concerne les matières et les matériaux participant à la communication scientifique.

Le secteur des revues sans but lucratif occupe une place capitale et stratégique dans la restructuration de la communication scientifique. Mais il est également fort utile d’associer, tant que possible, les autres genres de la communication scientifique. D’où l’idée de travailler dans la perspective de la complémentarité. Les dépôts de documents sont un bon exemple à ce propos.

Mais cela ne devrait pas faire perdre de vue la revue, comme genre « noble » de la communication scientifique. Promouvoir la concurrence (commerciale) dans le milieu des revues, notamment en luttant contre les barrières stratégiques à l’entrée, devient un élément primordial. C’est en ce sens que l’on s’interroge de plus en plus sur la possibilité de casser la mécanique des Big Deals, en encadrant et soutenant les bibliothécaires pour éliminer les conditions abusives (prix publics et individuels, paniers ouverts, rejet des pénalités, fourchette pour prix juste, etc.). Les réflexions avancées à ce propos en Europe sont d’un grand intérêt (Dewatrinpont et al., 2006). D’ailleurs, que ce soit en Europe ou aux États-Unis, la tentation est grande de procéder à un examen attentif des prochaines fusions eu égard au bien public (en fonction des législations anti-trust) et de considérer les Big Deals comme une entrave inadmissible au commerce. Sur un versant plus positif, l’intervention publique peut chercher à offrir une alternative professionnelle et crédible au modèle commercial oligopolistique pour la production, la diffusion et la préservation à long terme de la documentation scientifique et à financer de larges plateformes donnant un accès libre aux revues publiées dans les pays. Il s’agit de grandes avenues qui demandent à être discutées et opérationnalisées, ce que je ne ferai pas ici.

Affirmation de la diversité

Le secteur des revues sans but lucratif occupe une place capitale et stratégique dans la restructuration de la communication scientifique pour autant qu’elles en aient les moyens. De plus, pour les revues qui participent à des structures d’abord « nationales » de communication scientifique ou à des sous-ensembles linguistiques de la communication scientifique, leur présence structurée et structurante contribue, notamment, à confirmer le caractère polyglotte du Web et de la communication scientifique. Nous sommes face à la nécessité de relever le défi de la diffusion mondiale du document universitaire de ces sous-ensembles et, pour cela, l’exploitation de la logique et des possibilités du numérique et de la mise en réseau est d’une grande aide.

Pour prendre le sous-ensemble francophone, l’objectif est de diffuser bien au-delà de la francophonie. Il s’agit d’imposer sa présence dans la communication scientifique, en milieu francophone, mais aussi dans l’anglophonie, en ayant un positionnement stratégique dans les principaux outils au plan international : index, répertoires, moteurs de recherche, agrégateurs. Il faut pouvoir compter sur un effet de masse, soit disposer de collections de quelques centaines de revues ; cela facilitera d’autant la présence dans les bases de données et systèmes d’information. Établir des partenariats avec des pôles importants (Synergies, Muse et HighWire) des réseaux anglophones serait aussi précieux. En somme, l’objectif c’est d’avoir droit de cité dans l’anglophonie, mais aussi... d’être cité.

Ce raisonnement ne se limite pas à la francophonie évidemment. On peut noter le grand intérêt que représentent des projets, tels SciELO pour les pays latino-américains et à J-STAGE pour le Japon. Les objectifs sous-jacents sont tout à fait apparentés.

Accès public et pérenne aux résultats de la recherche

Dans le monde numérique, cette question se présente sous un nouveau jour (Schonfeld et al., 2004). Face à l’hétérogénéité des dispositions des éditeurs, on peut ressentir la nécessité de créer une plateforme pour les éditeurs sans but lucratif qui aurait pour mandat la préservation à long terme des documents. On peut s’étonner et déplorer la lenteur avec laquelle on en vient à introduire le dépôt légal obligatoire et une norme d’identifiant permanent dans le domaine public.

La mise en place d’une plateforme qui fournisse un accès central aux diverses revues n’est sans doute qu’une méthode qui n’est pas incontournable. L’objectif, qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est bien plutôt de garantir l’accès public aux résultats de la recherche financée avec des fonds publics, dans des conditions qui permettent la viabilité de tous les acteurs dans un environnement où les règles du jeu permettent une prévisibilité et une stabilité. n va de soi que l’on puisse aussi utiliser et créer au besoin des dépôts qui mettent à disposition (institutionnels, interinstitutionnels, spécialisés) les résultats de la recherche. Dans tout cela, on doit s’assurer que l’on applique des nonnes compatibles assurant l’interopérabilité, l’accessibilité et la diffusion des plateformes participant à ces réseaux de la communication scientifique.

C’est dans ce contexte que se pose le défi de la conception d’un système d’information intégré. L’idée de base consiste à aller au-delà de la division du travail actuelle, en créant un système d’information multigenre, qui permette la recherche intégrée de l’ensemble des cor- pus issus de la recherche, tout en reconnaissant et identifiant chacun des genres mis à contribution (conférence, article, chapitre de livre, chapitre de thèse, note de recherche, etc.). On peut aussi aller plus loin. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la notion de cyberinfrastructure, considérée sous l’angle de son contenu. La conception de ce système d’information multigenre peut ne plus se limiter à la dimension de la communication, et mettre l’accent sur la dimension infrastructure et laboratoire de recherche, adaptable à des protocoles de recherche distincts. li s’agit là d’une condition pour s’engager dans de nouvelles recherches avec de nouveaux protocoles et de nouveaux outils.

Un bien public face aux forces du marché

On ne peut plus ignorer la question de l’action publique sur la configuration et les conditions de la communication scientifique. Les pouvoirs publics ont toujours, à un titre ou à un autre, joué un rôle. li faut dès lors s’interroger sur les contours de cette action publique dans le monde numérique et compte tenu de la force relative des acteurs.

Cet article a voulu présenter une évaluation des principaux enjeux, fondée sur l’état des travaux, sur l’expérience, mais aussi sur des rap- ports récents venant des États-Unis et de l’Union européenne. li est significatif qu’aux États-Unis on parle d’action collective alors que tous les principaux acquis ont pour origine des fondations privées. Il est aussi significatif que la Commission européenne suscite et reçoive des propositions plaidant pour une action nationale et supranationale en la matière afin d’assurer la circulation des résultats de recherche dans un environnement non oligopolistique et le plus grand accès au savoir. L’idée d’une action publique fondée sur un bien public s’exprime de façon plus insistante des deux côtés de l’Atlantique, sachant bien que ce qui est en cause ce n’est pas un réflexe étatiste. Plutôt, la réflexion sur l’accès à la connaissance met en lumière, plus généralement que la culture, et la culture scientifique en particulier, ne peut être laissée aux seules forces du marché.

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Notes

  1. Les données ont été compilées par nos soins à partir de Institute for Scientific Information, Social Sciences Citation Index. Journal of Citation Reports, 2003.
  2. Par exemple : Scientific Publication: Policy on Open Access, European Research Advisory Board, Final Report, décembre 2005, 14p.
  3. Our Cultural Commonwealth , Report of the American Council of Learned Societies Commission on Cyberinfrastructure for the Humanities and Social Sciences, American Council of Learned Societies, 2006, 44p.
  4. Les réflexions qui suivent s’inspirent d’un engagement professionnel dans des projets de publication numérique de documents de recherche, d’abord et toujours avec Érudit (www.erudit.org), puis avec Synergies (www.synergiescanada.org), côtoient revues, livres, actes, pré- et post-publications.

Voir aussi

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