La grippe ou influenza (1908) André/Lésions

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Lésions anatomo-pathologiques


 
 

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Chapitre
Lésions anatomo-pathologiques
Auteur
Gustave André
Extrait de
La grippe ou influenza (1908)
Visible en ligne
Sur Gallica
Chapitre précédant
Bactériologie et Anatomie pathologique
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Symptomatologie

Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage La grippe ou influenza, rédigé en 1908 par Gustave André.

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Lésions anatomo-pathologiques


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Il ne peut guère être question d'anotomie patho- logique proprement dite dans la grippe, la multi- plicité et la variabilité môme des symptômes, suivant les épidémies, rendant ce genre de recher- ches à peu près illusoire. La symptomatologie propre de la grippe, exempte de complications, consiste en troubles respiratoires et gastriques qui n'ont rien de caractéristique et ne compor- tent pas d'autopsie. Quant aux complications, pneumonies, méningites, myocardilcs, néphrites, péritonites, lésions oculaires, auriculaires, etc., les altérations qui leur sont inhérentes sont sou- vent d'ordre banal. C'est, en somme, dans les voies respiratoires que se rencontrent les princi- pales lésions de la grippe. Du côté de la muqueuse pituitaire, du pharynx, du larynx, de l'oreille, les spécialistes ont pu déceler des modifications di- verses, présentant certaines nuances ou quelques particularités.

Vépistaxis, dans la grippe, symptôme précoce cl de fréquence variable, s'accompagne d'une congestion avec tuméfaction de la muqueuse pituitaire. Le l)r L, Ballin a décrit une épidémie


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de grippe, avec coryza infectieux, dans un asile d'enfants. L'examen des sécrétions nasales chez vingt nourrissons fit découvrir onze fois le bacille diphtérique. Dans deux cas, les inoculations montrèrent qu'il s'agissait de bacilles pseudo- diphtériques; d'ailleurs, l'absence du bacille fut constatée chez les parents, frères et soeurs. Il s'agissait donc de l'influence du séjour dans une salle commune où régnait la grippe.

Le Dr Bclin a relaté, chez un malade atteint de grippe, l'existence de sinusite frontale et ethmoï- dale, avec abcès du cerveau consécutif. Car la/, a signalé des rhinorrées et des suppurations des sinus.

D'après. Weichselbaum, les sinus frontaux et maxillaires sont fréquemment envahis par une inflammation parfois infiltrée d'oedème ou ecchy- mosée, quelquefois par une sécrétion purulente ou muco-purulente. La sinusite maxillaire peut s'accompagner, dans certains cas, de méningile. LeDr Wilh Roth, de Vienne, a cité vingt-cinq cas d'inflammation des cavités accessoires de la face, constitués cinq fois par la sinusite frontale, vingt fois par l'inflammation de l'antre d'Hygmore.

Du côté du larynx, on peut trouver des lésions inflammatoires plus ou moins prononcées de la muqueuse. Cartaz a signalé l'oedème laryngé; Rélhl, un abcès do l'épiglolto et des ulcérations do la muqueuse ; co même auteur cite deux cas


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de périchondrite-ayant entraîné la paralysie des abducteurs.

La muqueuse de la trachée et des bronches présente fréquemment un exsudât muco-puru- lent, plus ou moins épais, dans lequel on peut retrouver le coeco-bacille de Pfeiffer. La bron- chite peut être fétide (Chantemesse). Peter insiste sur la purulence de la bronchite grippale. Nonat a constaté, en 1837, à Paris, dans les nécropsies de pneumonies grippales, la présence fréquente de productions plastiques et pseudo-membra- neuses ramifiées dans les bronches des lobes hépatisés. Dans trois autopsies, J. Comby, à Gardon-Lagache, n'a trouvé que des traces d'in- flammation bronchique (rougeur, gonflement, muco-pus); il n'existait, pas trace d'hépatisalion, Ce médecin distingué avait noté la présence du pneumocoque à l'état de pureté sur les crachats recueillis pendant la vie.

Les lésions pulmonaires sont très variables. La congestion, si fréquente, échappe naturellement à la description. La pneumonie lobairc se pré- sent" souvent avec des caractères particuliers. On a signalé l'aspect plus homogène de la coupe, sur laquelle les granulations manquent ou sont peu marquées; on a noté aussi l'apparition précoce de l'hêpatlsation jaune ou de l'infiltration purulente. Ménétrier a décrit dans une observation une hépatisotion rouge et grise avec foyers de ramol-


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lissement purulent. Dans un autre cas, il existait une hépatisation grise totale du poumon droit avec petits abcès miliaires. Laveran a viu cinq cas de pneumonie grippale avec pleurésie sup- purée.

Des localisations extra-pulmonaires accompa- gnent parfois la pneumonie lobaire : pleurésie, péricardite, méningite fibrineuse, endocardite végétante (Ménétrier). Dans une observation re- marquable deJaccoud,lcfoyer primitif, qui était la suppuration du poumon survenue à la fin de l'Iiépatisation grise, était devenu le point de dé- par d'une infection pyohémique générale, avec endocardite végétante, abcès miliaires du rein, épanchemenf purulent dans le genou droit et fusée purulente du brachial antérieur. Le strep- tocoque avait été l'agent de cette infection.

Lanecreaux (Archiv. de Mêd., 1886) a décrit plu- sieurs cas de pyohémie à la suite de la grippe, compliquée ou non de pneumonie; les micro- organismes pathogènes étaient, soit le pneumoco- que seul, soit lo streptocoque associé ou non ou staphylocoque. Nous ferons remarquer que tous ces cas de pneumonies lobaircs grippales com- pliquées ont été signalés avant la grande épidé- mie de 1889-1890.

Proenkcl cile cinq cas de gangrène pulmonaire consécutive à de petits abcès formés au centre do lobules d'un poumon atteint de pneumonie : il


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existait à la fois du streptocoque et du bacille de Pfeiffer. Dans un cas de Jûrgensen, après une pneumonie mortelle, l'autopsie décela un abcès sous-diaphragmatique derrière la rate et le lobe gauche du foie, abcès un peu plus volumineux que le poing, sans lésion du péritoine.

Le Dr Ch. Garnier (Bullet, Soc. médic. Hôpit., 1900) a étudié les rapports de la pneumonie grip- pale et de la phtisie caséeuse. Les foyers pneu- moniques, provoqués par le pneumocoque, le streptocoque et le staphylocoque, furent plus tard envahis par le bacille de Koch.

Dans le service du Professeur Bernheim, à Nancy, un jeune garçon de seize ans, atteint de pneumoniedroite^enpleineépidémied'influenza, présenta le coeco-bacille dans les crachats. Au bout de quinze jours, hépatisalion rapide du sommet à la totalité du poumon et existence de pneumocoques associés à de nombreux bacilles tuberculeux. A l'autopsie, le poumon droit pré- sentait l'aspect typique de la pneumonie caséeuse. La pneumonie grippale, primitivement fibri- ncuse, avait été transformée pur la suite en pneumonie caséeuse, la grippe ayant vraisem- blablement avivé un foyer de tuberculose latente.

Pfeiffer, cité par Huchard (Joum, des Pratic, 1896), attache une grande importance à l'infiltra- tion des cloisons alvéolaires par les cellules em- bryonnaires, pour expliquer la lenteur de la réso-


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lution et la fréquence des scléroses consécutives; cette infiltration serait plus spécialement l'oeuvre du bacille de l'influenza. Il s'agissait peut-être de pneumonies pseudo-lobaires.

D'après Jaccoud, la pneumonie fibrineuse grip- pale présente, en général, quelques caractères spéciaux, tant au point de vue clinique qu'au point de vue anatomo-pathologique. Les foyers d'hépatisation sont peu étendus, mais multiples; cette pneumonie, étant essentiellement mobile, envahit progressivement les différents points du poumon. C'est la pneumonie migrans de G. Sée.

La broncho-pneumonie est une complication fré- quente et grave de la grippe, avec tendance à la suppuration et à la gangrène. Elle est désignée par Finkler sous le nom de pneumonie cellulaire ; cet observateur invoque, comme Pfeiffer pour la pneumonie lobaire, l'infiltration du tissu inter- alvéolaire par des cellules embryonnaires. Les lé- sions ont été décrites par Bock, Pfeiffer et Weich- selbaum ; elles consistent en une accumulation de cellules embryonnaires clans les bronchioles et dans les alvéoles ; les cloisons interalvéolaires sont infiltrées aussi, et les alvéoles peuvent être rem- plis de cellules desquamées, mêlées à un exsudât librineux. Ici, le pneumocoque et le streptocoque n'interviendraient pas; lo coeco-bacille serait seul en cause et créerait une tendance marquée à l'in- duration. U faut faire observer que la grippe peut


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se compliquer do broncho-pneumonies ducs aux agents habituels. Henri Meunier, que nous nous plaisons à citer, a décrit (Arch. gén. de Méd., 1897) dix cas de broncho-pneumonies infantiles dues au bacille de Pfeiffer; les lésions constatées à l'autopsie étaient différentes, suivant les petits malades. Nous y relevons l'hépatisation avec exsudât plcurétique abondant et cultures poly- microbiennes ; foyers disséminés avec présence de pus dans les petites bronches ; broncho- pneumonie mamelonnée, dilatation bronchique en certaines zones, gros ganglions caséeux du bile, etc.

Kundrat, dans huit autopsies, a rencontré des foyers extraordinairement volumineux contenant du pus dans leur partie centrale. Dans un cas de Verneuil, une broncho-pneumonie grippale était compliquée d'endocardite végétante, do diarrhée putride et d'abcès sous-pectoral ; il existait du pneumocoque et surtout du streptocoque. La sur- face de section des noyaux hépatisés, d'après Finkler qui a pratiqué plusieurs autopsies, est unie, parfois un peu granitée. Ce n'est pas préci- sément de l'hépatisation, c'est de la splénisatiorf.

Duponchcl rapporte que, dans un cas où, pen- dant lu vie, l'auscultation avait fuit songer à une pneumonie lobuire, Gaucher trouva les caractères anatomlques de la broncho-pneumonie.

Très fréquemment, d'après Kundrat, lo bron-


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chite grippale s'est accompagnée d'une pneumo- nie lobulaire un peu spéciale, comme nous venons de le dire; outre ces foyers volumineux, dont nous avons parlé, il a existé, dans certains cas, de la nécrose par suite do thromboses artérielles, nécroses s'élendant parfois à la plèvre et provo- quant des épanchemenls séreux abondants.

Kahler, dans deux cas, a constaté un abcès pulmonaire développé au centre d'une masse de tissu de splénisalion.

La pleurésie grippale a été fréquemment obser- vée dans l'épidémie de 1889-1890. Elle est quel- quefois sèche et fail penser à tort à lu tubercu- lose ; le plus souvent, il existe un épanchement, soit séro-fibrineux, soit purulent.

Morcl-Lavallée a décrit, sans s'étayer, que nous sachions, sur des autopsies, un processus de plcuro-cellulile diffuse subaiguë. Les altérations phlcgmasiques s'étendraient sur la totalité des deux séreuses, mais avec maxima demi-circulai- res et sinusoïdaux. Le même auteur laisse enten- dre qu'il peut exister, par continuité, des lésions inflammatoires dans le tissu cellulaire sous- pleural.

Les microbes ordinaires sont le pneumocoque et l.c streptocoque pyogène ; on y a constaté le bacille encapsulé ; il est douteux que le bacille de Pfeiffer puisse à lui seul créer un épanchement purulent. La pleurésie peut coexister avec d'au-


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très manifestations broncho-pulmonaires (fluxion de poitrine de Diculafoy), ou bien survenir, soit après une pneumonie iobaire, soit après une broncho-pneumonie (voir Thèse Brocard, Paris, 1890). Laveran a observé cinq cas de pneumonie grippale avec pleurésie suppurée ayant nécessité l'intervention. Des faits de ce genre ont été cités par Rendu, Netter, Vincent et Vaillard.

Letulle (Bull. Soc. méd. Hôp., 1890) a relaté l'observation d'une pleurésie interlobaire gaucho causée par le bacille encapsulé de Friedlander. Le môme auteur a recueilli trois autres observa- tions do pleurésies suppurées méta-grippales. A. Frasnkel (Soc. méd., Berlin, 1897), à propos des complications de l'influenza, déclare qu'on a observé des cas de pleurésie purulente ou de pleurésie putride survenant à la suite de gan- grène pulmonaire.

Dans un cas intéressant (Bull, méd., 1891), cité par Duponchel, alors que les phénomènes obser- vés à l'auscultation ne pouvaient y faire songer, il se produisit soudainement une vomique résul- tant d'une pleurésie interlobaire insoupçonnée.

Même après l'opération de l'empyème, dans certaines pleurésies purulentes grippales, il peut s'établir une fistule avec suppuration se prolon- geant pendant deux ou trois ans et nécessitant la thoracoplastle (Vcrneuil).

exsudai a paru, dans certains cas, s'effectuer


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en dehors et au delà de la cavité pleurale, dans le tissu cellulaire sous-pleural ou para-pleural. Cette notion nouvelle de la cellulite n'a pas en- core, que nous sachions, de justification anatomo- pathologique.

Tube gastro-intestinal

Les lésions sont d'ordinaire légères, superficielles, congestives ou ulcéreuses.

Le Dr Hugenschmidt, de Paris, a étudié les complications buccales et dentaires de la grippe et cite les travaux de Bucquoy, Comby, Gaucher, Widal, Leyden et Ewald. Les lésions les plus fréquemment observées ont été les suivantes : périostites alvéolo-denlaires suppurées, stoma- tites ulcéreuses étendues, ulcérations irrégu- lières sur les piliers pharyngiens, gingivites, ulcérations géométriques, circulaires, du type aphteux, etc.

D'après le Dr Shelly, un signe constant de l'in- fluenza consisterait en une éruption vésiculeusc du voile du palais, palhognomonique, caracté- risée par de petites élcvures translucides ressem- blant à des grains de sagou. Le l)r Kolipinsky, de Washington, a décrit un signe analogue consis- tant en petites élevures convexes, transpurentes, ou d'un bleu nacré, reposant sur un fond rouge, au niveau du voile du palais. Le Dr Frank, de Brunswick, a signalé une tuméfaction des popil-


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les de la portion antérieure de la langue, dès le deuxième ou le troisième jour. Un autre signe objectif latent d'une grande importance consiste- rait, d'après Chryssovergis, de Beyrouth, en un érythème simple ou parsemé de fines granula- tions acuminées siégeant encore sur le voile du palais; dans quelques cas, il existerait des pla- ques rouges, à contours irréguliers, suivies par- fois d'exulcéralions et de fausses membranes diphtéroïdes.

L'auteur aurait, en outre, observé chez certains malades, tantôt de la gingivite, tantôt une rou- geur vive avec tuméfaction du bord libre et de la face postérieure des lèvres. Les ulcérations superficielles succédant aux plaques érythéma- teuses étaient douloureuses. La langue se mon- tra, dans quelques cas, rouge et desquaméc, parfois tuméfiée au niveau des papilles, avec apparition aussi de plaques rouges. Trois échan- tillons de mucus prélevés dans le pharynx de trois malades renfermaient une assez grande quantité de bacilles de Pfeiffer.

Dans l'épidémie étudiée par Chryssovergis, les symplômes grippaux se localisèrent sur le gros intestin, donnant lieu à de la conlracture, ainsi qu'à des douleurs plus ou moins vio- lentes au niveau de la fosse iliaque gauche. Dans certains cas, cette douleur, siégeant à la fosse iliaque droite, simula la colique appendi-


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culaire. Des symptômes dysentôriformes avec épreintes, tencsme et selles glaireuses furent conslatés dans la moitié des cas. D'après l'au- teur, un élément congestif d'une grande mobilité constitua le substratum anatomique essentiel de cette variété de grippe (Semaine médicale, juin 1903).

Lemoine, de Lille, a décrit aussi une stomatite grippale avec aphtes nombreux et petites ulcé- rations des lèvres, de la langue et de la face interne des joues.

Les parotidites suppurées avaient été déjà si- gnalées par Stoll et Heberdeen en 1775; on les a vues se produire en 1889-1890, accompagnant quelquefois d'autres complications suppuratives dues au streptocoque. Lemoine a cité trois obser- vations concernant des soldats et où la parotidite a apparu associée à l'érysipôle, à l'angine et à la pneumonie. Dans un cas (Thèse Jarres, Pa- ris, 1890), la .môme complication coexistait avec des infarctus suppures d'un poumon causés par lo staphylocqccus pyogenes aureus. Lemoine (Revue de Méd., 1890) a encore relevé, dans quatre observations, un gonflement de la région paroti- dienne rappelant les oreillons et précédant trois fois un érysipèle surgissant dans la convales- cence de la grippe. Ficssingcr, en 1889, a vu six fois survenir une tuméfaction parotidienne dans le cours de la grippe, et considère ce


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phénomène comme une décharge bacillaire sur la parotide.

L'angine représente un des foyers primitifs de l'infection grippale. Cette détermination pharyn- gée est bien connue, au point de vue de son rôle infectant, depuis les travaux de Bouchard, Lan- douzy et Kannemberg. Les anfractuos.ités de l'amygdale sont peuplées de micro-organismes et là grippe a pour action d'entraver la phagocytose. C'est une angine diffuse, à peu près identique à l'angine catarrhale diffuse idiopathiquc. Les deux amygdales palatines, l'amygdale pharyngée et l'amygdale linguale peuvent être infectées secondairement et être envahies par une inflam- mation phlcgmoneuse. Les infections pyogènes streptococciques qui peuvent avoir leur point de départ dans ce foyer sont : les péri-amygdalites phlegmoneuses, les adéno-phlegmons rétro-pha- ryngiens et cervicaux, quelquefois le phlegmon diffus du pharynx et le phlegmon diffus du plan- cher lingual (angine de Ludwig).

Le Dr Franke donne comme signe pathogno- monique une rougeur intense limitée aux piliers antérieurs du voile du palais ; c'est une bande de 2 à 7 millimètres, irradiant quelquefois en éventail et interrompue au niveau do la luette. D'après le l)r Chryssovergis, la forme colique do' la grippe serait révélée par un érylhèmc palato- pharyngé, comme nous venons de le voir.



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La pharyngite grippale, d'après Leyden, se dis- tinguerait spécialement par une tuméfaction dif- fuse, hémorragique de toute la muqueuse.

La pharyngite érythômateuse fait rarement défaut chez les enfants et accompagne l'état sa- burral. Barthélémy (Arch. gén. de Méd., 1890) a vu quelquefois un rash scarlatiniforme, d'origine manifestement grippale, s'accompagner d'une angine pultacée.

L'estomac et l'intestin peuvent présenter des ul- cérations plus ou moins étendues, mais cela est pourtant assez exceptionnel. La langue blanche, opaline, rouge sur les bords (Faisans), mérite le nom de langue grippale. Il en sera surtout ques- tion dans l'étude clinique.

Dans son excellent article du Traité des Mala- dies de l'Enfance, IL Gillet parle de tuméfaction des plaques de Peyer et des follicules clos. Il si- gnale, après certains auteurs, Max. Flesch no- tamment, des lésions intestinales profondes : perforation de l'intestin grêle, tout près du duo- dénum. Chez un enfant de dix semaines soumis à l'alimentation artificielle, l'autopsie montra deux pertes de substance de la muqueuse du je- juuum et, de plus, une infiltration énorme des plaques de Peyer de l'iléon avec adénopathie mésentérique.

Dans les formes dysentériques .ou choléri- formes, les lésions de la muqueuse intestinale



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n'ont pas été, que nous sachions, étudiées au point de vue anatomo-pathologique. Merklen a signalé trois cas d'appendicite grippale sans in- tervention chirurgicale ; la grippe avait ici agi en exaltant la virulence des germes contenus normalement dans l'intestin.

Dans certains cas, chez les enfants notamment, les ganglions inésentériques peuvent être tumé- fiés au même titre que ceux de l'aisselle, du mô- diastin, etc. Dans la forme colique, étudiée par Chryssovergis, il existerait, comme nous l'avons déjà dit, un érythème palato-pharyngé signifi- catif. Tout porte à croire que c'est une lésion du môme genre dans l'intestin qui, dans ces cas, peut provoquer les coliques et l'état spasmodique du côlon, avec selles glaireuses et ôpreintes.

Dans la forme typhoïde de la grippe avec diarrhée, stupeur, etc., on a trouvé partout le colibacille, jamais le bacille d'Eberth. Dans un cas, l'autopsie démontra l'intégrité des plaques de Peyer (A. Siredey). Dans une observation ana- logue concernant un malade du service du Pro- fesseur Picot, avec taches rosées lenticulaires, l'autopsie, pratiquée par le Dr Monié, révéla l'in- tégrité absolue de la muqueuse intestinale, no- tamment au niveau des plaques de Peyer.

Rate

La tuméfaction et la diffluence de la rate ont été mentionnées dans un certain nombre


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de cas (Babôs, -Ribbert, Widal, Chantemesse). Dans plusieurs cas de pneumonie avec pleurésie purulente, Duponchel a trouvé la rate énorme, Cette congestion splénique s'observe surtout dans la forme typhoïde. C'est dans cet organe hypertrophié quo, d'après G, Slewart, s'élabore- raient les substances chimiques sécrétées par le bacille de la grippe,

Kouskow, qui a examiné la rate, d'ailleurs diminuée de volume, dans quarante cas mortels de grippe, a rencontré des lésions assez profondes, La coupe était d'un gris-violot avec des taches rouges; la pulpe molle se détachait facilement: les travées et les corpuscules de Malpighi étaient à peine appréciables. Les hémorragies étaient fréquentes et on trouvait assez souvent des foyers de nécrose, de la desquamation de l'endolhélium et l'oblitération des vaisseaux (consulter lafhèse du Dr Mangoubi, Paris, 1895).

Les altérations hépatiques sont assez rarement notées. Dans la grippe gastro-intestinalo, lo foie serait d'ordinaire augmenté de volume. Jûrgensen a rencontré dans une autopsie un abcès sous-dia- phragmalique plus volumineux que le poing, situé derrière le lobe gauche du foie et derrière la .rate ; le canal cholédoque et les conduits bi- liaires présentaient une énorme dilatation. La congestion hépatique avec ictère survient parfois dans le cours de la grippe. D'après Rendu, il



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existerait dans ces cas des lésions cellulaires pro- voquant la transformation de l'hémoglobine en urobiline. Les déterminations hépatiques do la grippe sont peut-être moins rares qu'on no lo suppose ; Stoll rapporte, en elîot, que l'épidémie de 1775, à Vienno, fut romarquablo par la prédo- minance des phénomènes bilieux. D'après une observation du Dr Dufaur, de la Rochelle, l'agent infectieux peut envahir les voies biliaires sans marquer son passage à travers le tube intestinal.

Lo Professeur Tédcnat a bien étudié les grands abcès du foie consécutifs à la grippe. Ces abcès contenaient de un litre à un litre et demi de pus, d'ailleurs stérile.

Les D" Aron {Gaz, hebd., 18G9) et* Belirtio (Thèse Paris, 1871) citent chacun un cas, avec autopsie, d'ictère gravo d'origine grippalo où l'on trouva des lésions caractéristiques.

Le Dr Doverre (Thèse Paris, 1899) rapporte, à son tour, plusieurs observations d'ictère gravo avec autopsie. Dans la première, lo foie était énorme et présentait à la coupe une série de cavités rem- plies d'un pus séreux et verdalro. L'examen his- tologiquc, à un fort grossissement, révéla l'exis- tence de tissu conjonctif récent avec collules embryonnaires. Les cellules hépatiques présen- taient de l'nti'opliio pigmenlaire ; leur noyau ne se colorait pas ; elles étaient anguleuses et leur proloplasma était translucide. Il s'agissait donc



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de nécroso, de coagulation, et les lésions attei- gnaient la majorité des cellules. Dans l'observa- tion III, il y avait des streptocoques dans les vaisseaux capillaires et dans les canalicules bi- liaires. Lorsque l'organe est atteint dans ses voies d'excrétion, il y a angiocholite ascendante par migration microbienne.

Les reins sont fréquemment altérés; cela res- sort, d'ailleurs, de la f réquonce de l'albuminurie dans l'ihflucnza. Les travaux les plus connus sur ce sujet sont ceux de Babès, qui a décrit une dé- génération parenchymateuse au début; de Rib- bert, qui a noté do la tuméfaction trouble dans un cas; dans un autre, des granulations grais- seuses dans l'épithélium des tubuli contorli ; en- fin, do Leyden, qui a trouvé une fois des lésions de glomérulo-néphrito. 11 existe parfois une né- phrite catarrhale avec hématurie prémonitoire. Dans les formes seplicémiques, la néphrite s'ac- compagne de déterminations variées : angine, orchite, endocardite, pseudo-rhumatisme, etc. Le Dr Tuvache fait remarquer que la néphrite grip- pale est souvent ignorée et entraîne une durée interminable de la convalescence. La glomérulitë passagère, la néphrite aiguë avec hémorragie, le mal do Bright aigu, la cystite parfois hémorragi- que, l'orchite, sont au nombre des complications présentées quelquefois parla grippe. Le Dr Breton cite un cas de néphrite chronique post-grippale



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coexistant avec une aortite [Écho mCd, du AW, 1905). Si nous nous en rapportons a notre prati- que particulière, ces cas sont loin d'être rares.

Dans une observation de Siredey où l'infection coli-bacilïaire avait été surtout en jeu, on trouva à l'autopsie une néphrite intense avec un gros infarctus du rein gauche. Le plus souvent, sans doute, la grippe vient donner un coup de fouet h une affection rénale préexistante ; c'est ainsi qu'il faut sans doute interpréter un cas de pyonéphrose consécutive à la grippe, cité par Desnos ; il s'agis- sait d'une tumeur rénalo avec urines purulentes. La néphrotomie lombaire amena un litre de pus crémeux contenant de nombreux streptocoques ; il existait un calcul volumineux, rameux, enclavé daus la cavité du bassinet.

Parmi les complications urinairés, Desnos si- gnale, on outre, des uréthrites et des prostatites;. dans une observation, la prostate avait le volume d'une mandarine et présentait dos bosselures qui persistèrent. Souvent, il s'agit d'uno ancienne uréthritc réveillée par la grippe, se propageant à la prostate et provoquant quelquefois des abcès,

La cystite grippale a été quelquefois observée, mais il n'en sera question que dans l'étude cli- nique.

Lésions cardiaques et vasculaires

Elles sont assez variées. Jaccoud a relevé une endocardite



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dans un cas où une infection pyohômique géné- rale, ayant pour point do départ un foyjr de sup- puration pulmonaire, avait détorminé uno locali- sation cardiaquo, Une inflammation endocardique se retrouve dans uno observation analogue de Verneuil (Lehmann, Thèse Paris, 1890). Dans un cas de Letullo, l'autopsie permit de constater uno péricardite suppurée. D'après Iluchard, dans cer- taines formes pyohômiquos, en raison de l'oxten- sion par localisations successives, l'endocarde est toujours atteint. Dans des formes analogues, le Dr Bloch signale notamment le pseudo-rhuma- tisme infectieux avec endocardite.

Les lésions du myocarde fréquentes, et, appa- remment do môme nature que celles des maladies infectieuses, en général, se traduisent clinique- ment par des phénomènes inquiétants dont il sera question plus lard. Il est possible, comme le pense Huchard, que la lenteur du pouls, l'état syn- copal, etc., soient plutôt la conséquence d'un état paréliquo du nerf vague que d'une lésion myo- cardique proprement dite.

Dans la plupart des cas de mort, d'après Fraoïikcl, existeraient des lésions cardiaques coïncidant avec ce qu'il appelle la pneumonie d'influcnza.

Lelulle signalo aussi, parmi les complications fréquentes, l'endocardite infcctieuso avec cya- nose, refroidissement et mort. Nous ignorons si ces observations ont été suivies d'autopsie.


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Le Df Camescasse, de Saint-Arnoult, a adressé à l'Académie de Médecine, en 1895, un travail sur les pancardites grippales avec altération pro- bable, sans doute, de tous les éléments anatomi- ques constitutifs du coeur, avec hypertrophie, parfois. Jehle a rencontré, dans deux cas d'en- docardite grippale, le bacille de Pfeiffer au niveau des valvules aortiques ; dans un cas, il s'agissait d'une culturo pure; dans l'autre, il existait, en outro, du staphylocoque. D'après cet auteur, lo bacille de l'influenza pourrait se propager, non seulement par les voies lymphatiques, mais en- core par les vaisseaux sanguins. Dans un cas do Galliard, l'envahissement de l'endocarde fut très net (Soc, méd. des Hôp., 1902), Chez un grippé dont les crachats contenaient des pneumocoques, l'auscultation révéla, à -un moment donné, un souflle systolique intense et prolongé. Juhel- Renoy a vu, chez un petit malade, l'infection grip- pale envahir rapidement l'endopéricarde. D'après Ménétrier, l'endocardite se rencontre plus fré- quemment dans la pneumonie grippale que dans la pneumonie vulgaire. Legendre a constaté des péricardites avec épanchement, consécutivement à la grippe.

Lo Dr Batz (Thèse Bordeaux, 1890) a décrit, d'après divers auteurs, les cardiopathies grip- pales. La péricardite ne présenterait jamais d'exsudat hémorragique, mais souvent de la


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purulenco avec des microbes- variés. L'endo- cardite primitive serait rare, survenant, de préfé- rence, après des lésions broncho-pulmonaires, une otite, etc. Il existe une variété ulcéro-végétanle ayant pour siège de prédilection les sygmoïdes aorliques, avec une bactériologie variée. La myo- cardite, d'après cet auteur, serait encore incom- plètement étudiée.

Lo Professeur llonschen, d'Upsal, a décrit la dilatation aiguô du coeur dans la grippe ; War- fringe a observé deux cas suivis de mort où l'au- topsie confirma lo diagnostic. C'est surtout chez los alcooliques que le danger est grand.

Cornil et E. Barié (Soc, méd. Hôp., 1904) ont communiqué une fort intéressante observation d'endocardite initiale végétante à staphylocoques, d'origine grippale, avec rupture do la grande valve de la initiale et anévrisme valvulaire per- foré do la potite valve.

Les lésions vqsculaires sont fréquentes, la phlé- bite surtout. Dans un cas de Ferrand, le sang contenait des streptocoques, Dans un autre de Burlurcaux, une phlébite poplitée, accompagnée de, délire, occasionna la mort. La phlegniatia alla dolcns est souvent signalée, au cours de la grippe, et il n'est pas de praticien qui n'ait cons- taté celte complication. Au point de vueanatomo- palhologique et bactériologique, il n'y a point de considérations spéciales à relever.



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Les lésions artérielles ne sont pas rares. A, Froen- kel a pu constater trois fois des thromboses arté- rielles ; une fois, notamment, uno thrombose de l'artère centrale de la rétine; dans un cas, il s'agissait d'artério-sclérose aiguë, Le Dr Breton {Echo médical du Nord, 1905) a vu uno aortite aiguô survenir dans la convalescence d'uno grippe, puis successivement se produire des troubles cardia- ques et rénaux. L'examen radioscopique avait ré- vélé une légère dilatation de la crosse aortique. Les signes cliniques étaient d'ailleurs péremptoires.

Le Dr Weinlecher, cité par lo Journal des Pra- ticiens (1894), a donné la description d'un ané- vrisme temporal consécutif ù l'influenza ; il exis- tait deux renflements, séparés par un méplat, au niveau de l'apophyse zygomatiquo. Dans un cas semblable, lo Dr Téléky vit tous les symptômes disparaître spontanément.

Les artérites aiguës, au cours de la grippe, d'après le Dr Boisramé (Thèse Paris, 1899), sont analogues à celles do la fièvre typhoïde et attei- gnent les sujets âgés. Elles se présentent sous forme de cordon induré, avec modification de la coloration de la peau et évoluent fréquemment vers la gangrène sèche.

Le Dr Devrient, dans une observation que nous rapportons plus loin, a vu des phlyetènes gan- greneuses sur la verge qui nécessitèrent l'exci- sion des parties mortifiées.


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Le Dr Duchesneau a cité (Gas. hebd. de Méd. et de Chir,, 1890) un cas de gangrène des membres, consécutive à l'inlluenza, La peau devint violacée, puis noirâtre, et il se produisit une gangrèno sèche du membre inférieur droit-avec aspect mo- mifié. Dans un autro cas analogue du Dr Dor, les pieds et les jambes étaient d'un bleu noirâtre,

En février 1890, lo Dr Loison présenta à la Société médicalede Lyon le membre inférieurgau- cbe d'un homme de trente-sept ans, amputé pour, cause de gangrèno, après une attaque moyenne d'inlluenza. Dans un cas do grippe traité par lo Dr Drasche, celui-ci observa des sulïusions san- guines sous-cutanées de tous les doigts. Nous, pourrions multiplier ces exemples.

Système nerveux

C'est lu que se rencon- trent les altérations les plus graves, notamment au niveau des méninges. Déjà, en 1890, le Dr Briono (Thèso de Paris) mentionnait la mé-' ningite purulente de la base et la paralysie ascen- dante aiguë. A la mémo époque, lo Dr Cezilly, dans sa thèse, citait les recherches de Katichefi concernant les névrites périphériques siégeant dans le sciatique, le grand nerf auriculaire et l'occipital antérieur. Bilhaul et Laveran ont si- gnalé, l'un, des lésions cérébro-spinales, l'autre, une myélite ascendante aiguë. Peter publia au mémo moment un cas probable de névrite du


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pneumogastrique, Kundrat a décrit des lésions méningiliques localisées ot, presquo en mémo temps, Weichselbaum des méningites suppurées, consécutives à des abcès des sinus maxillaires et frontaux; malheureusement, il n'est pas ques- tion d'autopsio dans ces cas mortels.

Bozzolo, do Florenco, dans un cas rappelant la maladie du sommeil des nègros, a conclu à uno polioencéphalite aiguë hémorragique ; vers la môme époque (1890), Foa a pratiqué une autopsie qui révéla une hémorragie de la moelle. Dans une observation intéressante, Guttmann crut pouvoir conclure à un processus inflammatoire ayant atteint le cervelet et lo pont de Varolo. Dans un autre cas, le mémo auteur constata des signes de ramollissement progressif terminé par la mort.

Dansl'autopsied'une jeune fille de vingt-huit ans, Alexander James trouva un cerveau oedématiô ot uno moelle congestionnée ; il n 'existait pas d'hémorragies appréciables à l'oeil nu, mais le microscope en révéla dans les cornes antérieures et dans les renflements cervical et lombaire ; il y avait, en outre, des lésions des cellules multipo- laires do la corne antérieure et du tiers supérieur de la moelle.

Dans un cas de méningite grippale, Traclcsco constata l'existence do fausses membranes à la surface du cerveau ot du cervelet, ainsi qu'une


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certaine quantité de pus a la baso du cerveau, pus renfermant des. bacillos do Pfoifior, Sté- phane Dubois (Thèse Paris, 1902) a décrit aussi des cas do méningite purulente à bacille do Pfeiflor, tirant leur origine d'une infection du naso-pharynx.

Friedmann a publié trois cas de myélite grip- pale avec un décès et deux guérisons.

Dans une autopsie fort importante faite par Virchow, il existait un foyer hémorragique dans la couche corticale de l'hémisphère gauche, au niveau des circonvolutions centrales; ce foyor avait le volume d'une petite pomme et était en- touré d'une zone oedémateuse avec deux petits abcès voisins, Furbringcr cite un cas analogue, avec plusiours foyers hémorragiques, dans les. deux hémisphères, au niveau des circonvolutions centrales. Cornil (Acad. de Méd., 1895). dans un cas dp méningite grippalo, rencontra un épaissis- sement do la pie-mèro avec infiltration d'un liquide jaune opaque; dans le cerveau droit, exis- tait un petit foyer hémorragiquo et ôgaloment un foyer hémorragique inlra-corlical dans la pre- mière occipitale. L'examen bactériologique ne décela pas de bacilles, L. Colin, dans là même séance, parla de méningites, vraies suppiirées, à streptocoques, pendant l'épidémie de grippe.

Nous aurons à parler plus lard de trois cas du Professeur Mossé concernant une polynévrite,


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uno altération bulbo-spinale ot uno paralysio ascendante, Dans une autopsio de W'eil, de Lyon, il existait des lésions névritiques extrêmement accusées, portant sur la myéline et lo cylindre- axe; la moelle était sr ine.

Dans un travail intéressant (ïlev, des Malad. de l'Enf,, 1904) basé sur trente-huit observations re- cueillies dans le service du Professeur Ilutinel, le Dr Roger Voisin énumère les lésions ménin- gées qu'il a constatées, Il a vu quelquefois une couche de pus ou des plaques purulentes au ni- veau de la convexité. Le plus souvent, il n'y avait pas trace de pus; la pie-mère était simplement infiltrée d'un liquide clair (oedème); il s'agissait de méningites séreuses. Dans le liquide recueilli par la ponction lombaire, on put déceler de nom- breux polynucléaires ou deslymphocites; on put constater, en outre, des lésions dos cellules pyra- midales commandant l'apparition des troubles cliniques.

Les Archives de Neurologie sont très riches en observations concernant la grippe; nous relève- rons les faits les plus importants ayant trait à l'ariatomie pathologique.

Le syndrome de Landry post-grippal est assez souvent signalé. Pour Boutiii (Thèse Lyon, 1900), celle manifestation provient do l'altération d'un môme système anatomique, lo neurone moteur périphérique, A propos du môme syndrome, Léy-


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den, après une autopsie, a décrit un. gonfle- ment des cylindres-axes de la moelle, avec tumé- faction et forme arrondie des cellulos ganglion- naires de la substance grise de la moelle. D'après cet éminent observateur, la paralysie ascendante aiguë peut ôtre provoquée soit par une polyné- vrite.soit par uno lésion bulbaire, Suivant Séna- tor, il faudrait invoquer uno tendance de la grippe à exercer son action sur l'axe encéphalo- médullaire. Jolly a vu un cas de poliomyélite survenir chez une dame, trois semaines après une forte attaque d'influenza, *

Laurenti (Riforma medica, 1894), à propos d'un cas de gangrène symétrique, reconnaît aussi une action spéciale de la grippo-toxine sur la moelle, probablement sur la portion de substance grise située entre la corne antérieure et la corne posté- rieure, au niveau du tractus cellulaire intermédio- latéral qui, suivant des travaux récents, constitue le siège du centre dés fonctions vaso-motrices et secrétaires.

Apostoli et Planet {Rev. de Mèd., 1898) ont re- laté un cas de myélite infectieuse qui reproduisit le tableau de la sclérose latérale airiyotrophique et qui rétrocéda progressivement. A relever dans les cliniques de Sônâtor un cas do paralysie spi- nale spastique avec guérison, due très probable- ment à une myélite transverse do la partie infé- rieure de la moollo dorsale.


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L'historique des accidents cérébro-spinaux de la grippe a été fait excellemment par Marly {Arch. gèn. de Méd., 1898), Il s'agit de onze ob- servations personnelles formant une véritable échelle de gravité et dont il sera question plus tard,

La polynéwitc grippale cause très rarement la mort. Nous trouvons dans la thèse de Diemer, Paris, 1900, le résumé d'une autopsie publiée par Bonnet (Thèse Lyon, 1893). Il existait sur les nerfs des lésions dégénératives très nettes, notamment dans les nerfs médian et tibial postérieur. Un assez grand nombre de gaines étaient vides et renfermaient do nombreux noyaux; à côté se trouvaient d'autres tubes où la myéline élait transformée en boules. Sur les coupes transver- sales du nerf tibial postérieur, il était facile de voir, au microscope, que la myéline avait com- plètement disparu dans la plupart des faisceaux.

Du côté, de la moelle, les cellules des cornes antérieures, au niveau des renflements cervical et lombaire, étaient altérées, diminuées de vo- lume et chargées de pigment. Presque toutes ces cellules avaient perdu leurs prolongements.

Pour les muscles (éminenco thénar et jambiers), on constatait tous les signes de la dégénérescence Vitreuse el de la myosite interstitielle.


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car, dans la grande majorité des cas, il s'agit, non pas do descriptions provenant d'autopsies, mais de vuos de l'esprit, d'ailleurs très rationnelles. De tout ce que nous venons do résumer concer- nant les altérations "au systèmo nerveux, lo lec- teur pourra se faire une idée sufllsante de la mul- tiplicité et do la gravité de ces lésions.

Lésions oculaires

Un grand nombre d'au- teurs ont étudié les altérations de l'appareil de la vision.

Les paupières peuvent être le siège d'oedème ou de suppuration, d'érythème, etc. Nous revien- drons plus tard sur ce point.

Les conjonctivites et les kératites pustuleuses n'ont pas été rares, surtout chez les enfants. Pourtant, d'après Hans Adler, la conjonctive au- rait été moins atteinte en 1890 que dans la plu- part des épidémies antérieures. Nous n'insistons pas sur ce sujet qui sera repris un peu plus loin. La kératite infectieuse, a forme scrpigineuse, a été notée par Delacroix chez des convalescents. L'épithélium peut être infiltré ou présenter des taches jaunâtres, des stries grisâtres ou des polnt9 blanchâtres de petite dimension ; les kératites a forme herpétique ont été signalées dans la conva- lescence (tialezowski).

Koenigslein a vu des ecchymoses eonjonelivales et des kératites avec arborisations vaseulaires,



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Fusch cite des cas de ténonile terminés par sup- puration avec irruption du pus dans lo globe oculaire et perte de l'organe ; l'oeil, dans un cas, présentait deux perforations et le pus contenait du pneumocoque. Les faits do Badal concernent des blépharites, de l'eczéma impétigincux des paupières, des orgelets, des phlegmons du sac, des kérato-conjonctivites phlyctônulaires, des cas de kératite infectieuse à hypopyon, des irilis aiguës ou des irido-choroïdites, un cas de glau- come aigu, etc. Dans Adler rapporte un cas d'irilis avec synéchies postérieures et un autre caracté- risé par des symptômes glaucomateux aigus.

Galezowski a cité des cas de rëtiuile hémorra- gique avecendartérite. Lefrançais, do Cherbourg, a publié le cas d'un enfant atteint de phlegmon de l'orbite à pneumocoques, au cours de la grippe.

Du côté des membranes profondes, il y a peu de chose a signaler. Bergmeisler a vu deux cas d'atrophie de la papille et Koenigstein un cas de névrite rétro-bulbaire. Il faut rappeler encore les hyalilis et hémorragies miliaires de lu rétine notées par Gillcl do Grandmont. Macnamana a publié quatre cas de névrite optique duns l'in- fluenzu; dans l'un, un homme, absolument aveu- gle depuis six semaines, présentait les signes d'unepapilltte intense avec hémorragies rétinien- nes très évidentes.

Les Archim d'Ophtalmologie contiennent do


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nombreuses observations de complications ocu- laires qui trouveront leur place dans un autre chapitre ; nous ne pouvons relever, pour le mo- ment, que celles qui présentent un certain inté- rêt anatomo-pathologlque. C'est dire qu'il n'y a pas lieu d'insister sur les paralysies oculaires et celles do l'accommodation.

Les altérations auriculaires ont été fréquentes. Dans l'épidémie de 1889-1890, Loevemberg a pu relever un grand nombre de cas d'otites moyen- nes aiguôs. Comby, à la môme époque, observa chez les enfants la forme périostique, quelquefois avec abcès prémastotde. D'après A. Malherbe et Alb. Bayce, le caractère le plus important des otites grippales, au point de vite pathogénique, c'est que le bacille de Pfellîer ne se rencontre pas dans le pus ou dans le liquide des phlyctônes apparaissant sur la membrane du tympan et la muqueuse du conduit auditif externe. Les recher- ches de Loevemberg, à ce point de vue, ont été absolument négatives.

Lo Professeur Mouro a consacré une bonne élude aux otites grippales {Scm, mêd., 1898). Dans la myringlto hyperhémique, le tympan est rougo foncé avec des tratnécs hémorragiques. Dans certaines formes do l'otite moyenne, on trouve un exsudai sëro-sanguinolent ou purulent. La suppuration peut tout aussi bien trouver uno issue vers le crâne ou Vers lo sinus latéral. Dans


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les formes graves, le rocher tout entier peut être envahi (panotite), et cette infection présente alors une grande analogie avec l'ostéomyélite aiguë.

La mastoïdite, à forme ostéomyélitique, est fré-, quente et présente parfois des signes do leptomé- ningite suppurée. Le bacille de Pfeilïer fait quel- quefois défaut dans les exsudais hémorragiques de l'otite grippale; il faut dire d'ailleurs que, dans les otites typhiques, on no rencontre pas toujours le bacille d'Eberlh.

Dans une autopsie pratiquée par le.D* Halle, on trouva une cavité purulente occupant tout le tiers antérieur du rocher et communiquant, par l'intermédiaire de l'apophyse basilaire, avec le sinus sphënoïdal; de co dernier, l'afïcction avait également envahi la fosse crânienne antérieure.

Le Dr Courtade {Journ. des Pratic>, 1898) signale la fréquence des phlyctèues hémorragiques sur le tympan. Les manifestations du côté de l'apo- physe mastoïde sont quelquefois la conséquence de soins insuffisants.

Lésions cutanées

Le Dr Jarre (Thèse Pa- ris, 1890), a propos de la fréquence des compli- cations suppuratives de la grippe, relève l'exis- tence des furoncles et des abcès superficiels ou sous-cutanés. Le poison grippal semble s'élimi- ner par la peau, provoquant de l'herpès, des poussées d'eczéma, des maladies éruptives spé-



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ciales chez les enfants, etc. Les éruptions grip- pales avaient été signalées par les auteurs an- ciens (Van Swieten, Ozanain, Récamier).

Le Professeur Leloir a décrit des pyodermites, des éruptions acnéiques influenziques et para- inlluenziques. Il signale la fréquence des furon- cles, des anthrax et de l'ecthyma. Un rôle im- portant devrait être attribué, d'après lui, aux intoxications d'origine gastro-intestinale ou hé- patique. Ce savant dermatologiste a vu, en moins de cinq semaines, quatorze observations de furon- culose, chez des sujets après une atteinte d'in- lluenza et n'ayant jamais eu de furoncles anté- rieurement. Chez une jeune femme grippée, il constata, dans la région myloïdienne, une plaque rouge de lymphangite profonde ayant envahi le derme et même l'hypodërme. Quelques jours après, opparurent des furoncles a la nuque.

Divers auteurs ont décrit des érylhcnies scar- latiniformes, des taches populeuses dans diverses régions, des érnptionsortiëcs, morbilliformes, etc. On constate, il faut bien le dire» des détermi- nations cutanées dans nombre de maladies infec- tieuses, notamment dans la dengue, Au début de la grippe, il existe très souvent de la congestion du visage avec un peu d'oedème des paupières. Barthélémy a cité deux cas de purpura, deux cas de zona et divers rash (morbilliformes, scarlall- nitonnes, pityriaslformes). Le môme auteur relate



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des cas analogues aux éruptions miliaires de cer- taines fièvres typhoïdes, par suite de décharges microbiennes.

Morel-Lavallée, à propos des troubles vaso- moteurs cutanés consécutifs à la grippe, a publié une observation intéressante où l'on peut émettre, d'après nous, l'hypothèse, soit d'une lymphangite phlycténulaire, soit d'une érythromëlalgie.

On a pu constater, parfois, des éléments papu- leux sur un fond rosé.

Les formes éruptites de la grippe ont été signa- lées dans la grande épidémie de 1889-1890. Ces manifestations, très embarrassantes pour le pra- ticien, ont fait songer plus d'une fois à la (longue: Ces éruptions survenant d'une manière précoco peuvent, par leur étendue, simuler assez exacte- ment une fièvre éruptive et notamment la scar- latine. Rien ne manque parfois au tableau de la maladie. L'éruption, très étendue, est d'un rouge écarlate, comme si la peau était barbouillée do jus de raisin. Le pointillé particulier vient encore compléter le tableau, sans compter que les amyg- dales peuvent être envahies par un exsudât pultacë. La fièvre du début est pourtant moins vive dans la grippe. Les commémoratifs permet- tent parfois d'apprendre c|uo le malade a déjà été atteint do scarlatine. Bientôt, la trachéo-bron- cliite, les allures de la fièvre, les sueurs, la céphalalgie, la courbature viennent dissiper les


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doutes. La pression du doigt ne détermine peut- être pas, comme dans la fièvre éruptive, refîàce- ment momentané de l'éruption. Un prurit, étran- ger à la scarlatine, accompagne parfois le rash grippal. L'énanthème et la tuméfaction des amygdales sont beaucoup moins accentués dans l'influenza. Enfin, dans cette dernière, la desqua- mation est toujours absente. .

La forme rubéolique est plus rare; mais c'est alors le masque complet de la rougeole : coryza, lar- moiement, manifestations laryngotrachéobron- chiques, érythème mprbilleux généralisé, avec larges espaces de peau saine, etc. L'hésitation ne saurait être de longue durée, car la grippe surgit d'une façon plus prompte, et, môme en temps d'épidémie, chez un enfant, le diagnostic ne saurait oflrir de diflicultés. La splénomégalie est de nature à éclairer lo diagnostic.



Voir aussi