La grippe ou influenza (1908) André/Forme nerveuse
Forme nerveuse
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Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage La grippe ou influenza, rédigé en 1908 par Gustave André.
Sommaire
Forme nerveuse
Quand les troubles broncho-pulmonaires et gastro intestinaux, restant au second plan et sou- vent à l'état d'ébauche, l'infection prédomine soit sur le cerveau ou le bulbe, soit sur la moelle et les nerfs périphériques, on se trouve en présence de la grippe à forme nerveuse. Dans le cas le plus simple, c'est une céphalalgie spéciale qui fait presque tous les frais de la ma- ladie. Nous avons déjà décrit ce symptôme, à propos de la forme commune, en lui donnant l'importance qu'il mérite. Même dans ce cas, c'est un mal de tête d'une certaine vivacité, pré- sentant parfois les allures de la migraine et accompagné d'un abattement extrême. Quand la céphalite occupe toute la scène, elle pèùCàcqUérir* up? violence extraordinaire, sidérante anéantis- sant en quelque sorte le patient qui a perdu toute énergie physique et morale. Intolérable surtout pendant la nuit. Cette douleur frontale provoque des gémissements et quelquefois des cris déchirants. Cela est assimilable, à un certain point de vue, à ia céphalée syphilitique que quelques
sujets comparent à un broiement de la cervelle, à de violents coups de marteau, à une sensation d'arrachement du cerveau ot que Fournier, dans son langage si pittoresque et si coloré, a décoré du nom û'encéphalalgie, Il existe, en môme temps, une sensation de constriction violente au front, aux tempes et une douleur térébrante au niveau des orbites. A l'abattement, à la torpeur existant pendant lo-jour, succède pendant la nuit une vé- ritable excitation ; le malade se lève, se recouché, comprime énergiqùement ses tempes avec ses mains, applique à tout instant des compressés d'eau froide sur le front ou sur le vertox, sans oublier l'antipyrine qui provoque une sédation momentanée ; s'il s'assoupit, il se réveille au bout de quelques minutés, d'une heure au plus, en proie à une véritable épouvante, Si à cela s'ajou- tent un peu dé photophobie et quelques vomis- sements, on songe tout au mo'ins^aU ménin- gismè,
Cette céphalalgie peut persister trois, quatre et même huit jours. Nous avons pu observer cet état torturant chez un homme do cinquante ans qui, en 1901, en temps d'épidémie d'irifluenzaj fut pendant près de deux semaines en proie à cette atroce douleur. Ce malade avait déjà, en 1893, essuyé un violent coryza grippal et une angine qui avaient déterminé Une otite moyenne avec écoulement purulent. Il éprouva, pendant
quinze jours, une céphalalgie si violente qu'on pensa à la possibilité d'une thrombose des sinus veineux, Chose remarquable, dans la seconde grippe, le mal de tôte ressembla trait pour trait à celui de la première atteinte, ce qui démontrait bien que, dans les deux crises, ce symptôme avait été purement névropathique.
Un homme de trente-quatre ans, observé par Jpflroy, en 1890, fut pris d'une fièvre grippale très vive avec céphalalgie intense ; à cette dou- leur crânienne se joignit un délire violent et une agitation maniaque analogues à ce qui s'observe assez fréquemment dons certaines formes graves de la fièvre typhoïde. La fièvre se dissipa vers le dix-huitième jour de la maladie et avec elle le délire.
Dans l'épidémie étudiée par J. Wipfer, en 1691, il exista des symptômes cérébraux alarmants, constitués surtout par dp la céphalalgie, des mou- vements convulsifs, de la somnolence, du délire, de la dyspnée, une toux sèche et violente Nous avons traduit les mots de soporosité et d'oppres- sion de poitrine, employés par l'auteur, par ceux de somnolence et do dyspnée.
Eu Italie, en Angleterre et en Ecosse, pen- dant Tannée 1732, la forme encéphalique prédo- mina.
Dans l'épidémie de 1830 qui fit le tour du globe, les phénomènes principaux furent la céphalal-
gie, l'endolorissement du thorax, le briseriiént des membres et des douleurs continues dans les muscles.
Il existe une grippe à forme douloureuse géné- ralisée (Cezilly). On peut voir, comme dans Un cas cité par cet auteur, une courbature généra- lisée, des douleurs myodyniques multiples qui font jeter des cris au moindre mouvement, une hyperesthésie cutanée diffuse, des crises névral- giques sur plusieurs trajets nerveux.
La variété syncopalè est constituée, d'après Peter» par des syncopes à répétition qui, à elles seules, font toute la maladie. Les extrémités se refroidissent, la pâleur devient excessive ; c'est la mort apparente. Probablement, d'après rémi- nent clinicien, par le ft?H d'une atteinte bulbaire, il se produit un retentissement sur le pneumo- gastrique cardiaque et un arrêt des contractions du ooeur.
La bronchoplégic, pressentie par Graves et intro- duite magistralement dans la clinique par Huchard, est peut-être un phénomène do même ordre. La dyspnée, disait Graves, à propos de la grippe « parait résulter avant tout de quelque « trouble nerveux survenu dans l'activité vitale « du poumon ». 11 s'agit d'un véritable état paré- tiquo des bronches et mémo d'une paralysie pul- monaire pouvant survenir dans la grippe dite suf- focante, comme d'ailleurs chez les Vieillards
souffrant de 1 catarrhe bronchique ou chez les ■■ jeunes gens atteints de bronchite capillaire* Qu£(nd;6n; assiste à ce spectacle dramatique, on peut commettre une- erreur grave, en ne Voyant là ; qu'une bronchite vulgaire. L'infec- tion grippale a frappé d'emblée les muscles de Heiseissën en provoquant sans doute, comme le croit Huchard, un état parétique du nerf vague. . Le Professeur Olinto de 01iveirà»marquable travail que nous résumons, a décrit, en 1003, un syndrome asthmatique dans la grippe, par action des toxines sur le bulbe et détermi- nant soit le syndrome vago-paraly tiqué > soit le syndrome vago-hyperklnétique. Aucun auteur n'aurait abordé cette question qui a été seu-
- lement effleurée par Graves. D'après de 0)1-
voira, les accès se produisent vers trois heu* rcs du matin, précédés de fièvre grippale 1, ces paroxysmes dyspnéiques offrent tous les carac- tères de l'asthme, et disparaissent après la guéri- son de la grippe, Dans la forme loxi-infectieuso, la température est élevée, le catarrhe est généra- lisé et la dyspnée a bien le type asthmatique.
Selon le môme auteur, une dyspnée paroxys- tique, avec expiration difficile et râles sibilants, peut se montrer dans lu grippe, tout comme dans l'asthme des foins, l'hystérie et l'adénopà- thie bronchique. Graves., dans ses cliniques, signale la tendance des asthmatiques à conlroc-
ter la grippe. Trousseau relate aussi dés phéno- mènes de ce genre. G. Sée assimilé l'influenza à la fièvre dés foins. Le Professeur de OJlyeira. méù-î tionne.ià propos d'une épidémie familialéj le fait d'un petit garçon présentant lés caractères top mels de l'accès asthmatique. s l /
Il e3t possible, à notre avis, que dans quelques cas, la cause prédisposante ait résidé dans l'adéno- pathië trachéobronchlque. Cette hypothèse n'en- lève d'iiHleurs rien à l'intérêt de ces faits.
Il Os! peu probable que, dans quelques obser- vations, il se soit agi de laryngite striduléuse. Le stridulisme n'a que des analogies lointaines avec l'asthme.
Dans une "forme toxl-infectieuse de l'asthme grip- pal, la manifestation nerveuse est intimement liée à l'infection. Ici, les allures dramatiques de la maladie pourraient faire porter un pronostic très sombre; heureusement, le dénouement est très rarement fatal. Chez tous ces sujets, la pré- disposition à l'asthme reconnaît une influence héréditaire, et la grippe possède une action déter- minante des plus accentuées en agissant sur le bulbe par ses toxines. Le Professeur dé 011 voira se demande si la grippe ne pourrait pas créer une inflammation spéciale au niveau des aires sensi- tivesgénératrices d'accès d'asthme; l'hypothèse est séduisante. Le pronostic ne serait pas grave, excepté chez les tout petits enfants. LAvuteur, peu
partisan de la quinine, recommande, dans ces cas, le chlorhydrate d'ammoniaque, l'aconit et les enveloppements, humides {Semaine médic, mai 1903). . u.
Nothnagel a, dès 1890, décrit, comme manifes- tation fréquente do la grippe, des accès d'asthme, accidents dramatiques dus très probablement à l'action de toxinos sur le système nerveux, notam- ment sur le nerf phrénique ou le nerf vague, peut-être môme sur les terminaisons nerveuses intra-pulmonaircs.
Parmi les troubles nerveux sine materia, uu- chard a signalé la grippe cardiaque se manifes- tant par « des lipothymies, un état syncopai, des « syncopes qui peuvent être mortelles, par un état « de lenteur du pouls, par des accès d'arythmie « ou d'intermittence cardiaque, par des symptô- « mes graves de collapsus cardiaque et quelque- « fois même par des accidents douloureux res- te semblant à l'angino de poitrine ». 11 est peu probable, suppose Huchard, qu'il s'agisse do myo- cardite. Ces accidents à allures paroxystiques indiquent soit un état parétiquo du nerf vague avecCongestion pulmonaire, lentcurdu pouls, etc., soit un troubte fonctionnel du bulbe, avoo respi- ration de Choyne-Slokes. Vovart, do llordcnux, avait avancé, dès 1881, que la grippe est surtout caractérisée par une névrose du pneumogastrique. Nous avons déjà parlé du pouls instable décrit par
Huchard. La tachycardie avec hypotension arté- rielle a été signalée par co dernier comme un des phénomènes les plus graves de la grippe.
Dans, la sphère du pneumogastrique, il s'agit tantôt d'excitation, tantôt de fyirôsie. Comme troubles relevant de ces états du nerf vagué, on a signalé du ralentissement du pouls, des pneu- monies bâtardes, sans réaction et rapidement envahissantes, des phénomènes asphyxiques, etc. Qu'il s'agisse de troubles bulbaires ou do névrite du pneumogastrique, il y a dans cette symptomato* logte quoique chose de bien spécial à la grippe.
La grippo bulbaire peut se présenter sous deux formes : les syndromes vago-paràlytique et mgo- Jiyperkinêtiquc* H s'agit tantôt de bradycârdie, avec un petit nombre de pulsations, tantôt d'une tachy- cardie, avec diminution considérable de la tension artérielle. Dans ce dernier cas, le pouls se fait re- marquer par sa petitesse, sa mollesse, son inéga- lité et sa fréquence quelquefois extrême.
Dans le cours de la grippo infectieuse, Huchard, Lo Clerc et d'autres observateurs ont constaté des douleurs rétro-sternales ressemblant à de l'angine de poitrine. Kn 1876, Herthollo signalait déjà des fallu do co genre. Malcorps, de Bruxelles; avait parlé en 1874 « d'une douleur qui so fait sentir nu « niveau du quart, du tiers ou de In moitié supé- « ri euro du sternum ». Les irradiations dans le bras gauche ne sont pas mentionnées, mats il est
question d'un état particulier d'angoisse, de sen- timent de mort 'imminente et d'une ébauche d'état syncopal.
Peter cito deux cas d'angine de poitrine grip- pale. L'un dés malades, atteint de « pneumonhé- mie hypostatique », avec crachats sanguinolents, se plaignait d'une douleur sternale avec irradia- tions dans l'épaule et le coude gauches. Il n'exis- tait pas de sensibilité du phrénique ni de douleur péricardique. Co malade mourut subitement. L'autre sujet, une jeune femme, eut trois jours de suito uno crise A'angor pectoris « par hyperhô- mie du plexus cardiaque ».
La moelle allongée est le théâtre où les toxines grippales concentrent fréquemment leur action. Les trois branches du nerf pneumogastrique sont touchées et leur altération peut provoquer des troubles plus ou moins profonds dans le poumon, le coeur ou l'appareil gastro-Intestinal.
Parmi les symptômes qui relèvent de l'atteinte bulbaire, un des plus importants est la respira- tion de Oheyne-Stokes. On sait en quoi consiste ce phénomène morbide : les mouvements respi- ratoires, d'abord énergiques et rapides, devien- nent graduellement plus faibles et plus lents, puis se produit une pause de quelques secondes donnant l'imagé de la mort. Ensuite, les mouve- ments vont en augmentant de rapidité, pour dé- croître bientôt, et ainsi de suite.
Grippe cérébrale
Examinons quelques cas simples. Le Dr E. Sergent a communiqué, en 1904, à la Société médicale des Hôpitaux, une observation de délire post-grippal chez une hysté- rique où le diagnostic fut particulièrement subtil. Cette femme, à l'occasion d'une grippe légère, présenta tout à coup des phénomènes délirants, accompagnés de symptômes méningitiques. La première pensée fut qu'il s'agissait de méningite grippale. Le délire consista en une volubilité excessive et une agitation très bruyante ; la malade chantait des cantiques et composait des prières incohérentes. Il se produisit ensuite de l'inégalité pupillaire, de la raideur généralisée avec signe de Kernig et de la rétention d'urine. Faisant des bonds terribles dans son lit, elle faillit à plusieurs reprises se briser les membres contre le mur. Tous ces troubles se dissipèrent, et, en quelques jours, les derniers vestiges de la confusion men- tale s'éteignirent. On ne put pratiquer la ponction lombaire. On avait pensé un moment à une méningite tuberculeuse.
Pseudo-méningite
Les observations de cet état morbide concernent surtout des enfants. Gaucher, en 1890, eut l'occasion de voir une petito fille de six ans atteinte d'accidents d'apparence méningitique : céphalalgie, cris, fièvre, vomisse- ments, Irrégularité et ralentissement du pouls,
accidents qui disparurent au bout de vingt-quatro heures. Juhel-Rénoy observa un fait semblable qui donna lieu à une double erreur de pronostic et de diagnostic. Il avait existé des symptômes de torticolis, do la raideur do la nuque, de la dépression du ventre en bateau, de la lehteur du pouls et la raie méningitique. Sevcstre, à la même époque, eut l'occasion de voir deux exem- ples de cette forme inquiétante. Nous relevons dans ces observations un groupe de phénomènes significatifs : céphalalgie violente, crises ner- veuses, gémissements douloureux, grincements de dents, douleurs auriculo-temporales, coma, mâchonnement, parésie palpébrale, etc.
Ces accidents d'apparence méningitique, Se- vestre croit qu'avec un peu d'attention on peut les interpréter sans pessimisme. Nous avons vu nous-mème, vers 1895, avec le Dr Soueich, un enfant de trois ans, et, avec le l)r Hambert, une fillette de six ans qui présentèrent l'un et l'autre des troubles cérébraux très sérieux, avec somno- lence, constipation, ventre en bateau, vomisse- ments, strabisme, inégalité pupillaire, gémisse- ments, etc. Or, dans ces deux circonstances, malgré la gravité des symptômes qui ne laissaient plus aucune illusion aux parents, nous crûmes devoir parler de la possibilité de la guérison, en raison d'abord de la grippe régnante, ensuite parce que l'aspect des petits malades ne donnait
pas l'impression absolue de la méningite vraie. Il s'agissait de méningisme, c'est-à-dire d'un groupement morbide qui a été très contesté, surtout au point de vue de la légitimité de l'ex- pression ; c'est là pourtant une appellation peut-être préférable, à notre avis, à celle de pseudo-méningite.
Hutinel, qui a observé souvent ces phénomènes méningés chez les enfants, dans les streptococcies malignes, dans la grippe, etc., déclare qu'il est difficile au médecin le plus sagace d'éviter l'erreur. Dans les quelques autopsies qui ont été pratiquées, on ne découvre aucune altération en- céphalique, mais on peut se rendre compte que les sinus et les vaisseaux veineux sont gorgés de sang et que la substance grise participe à celte congestion passive. On note aussi de l'oedème sous-arachnoïdien et les ventricules sont disten- dus par un liquide séreux. Ces vasodilatations et ces oedèmes sont très certainement dus à l'action de certaines toxines.
Le Dr L. Peyrazat (Thèse Toulouse, 1907) a éta- bli que le méningisme hystérique peut se sura- jouter à un état infectieux persistant tel que la grippe. C'est au déclin de la maladie, au moment où la guérlson parait imminente, que la cépha- lalgie s'accentue et que surgissent des signes de méningisme : vomissements, constipation et fièvre quelquefois. Dans l'observation de Poyraznt,
la céphalalgie était hémi-cranienne, localisée à la région auriculo-temporale, avec irradiations dans, toute la tête, avec photophobie et exacorbation par le mouvement. Fait important, cette céphalée coïncidait avec des zones hyperesthésiques et hystérogènes du cuir chevelu.
Dans certains cas de méningisme hystérique, grippal ou autre, dit l'auteur, on a pu constater du délire tranquille ou violent, du strabisme convergent, de la mydriase, de l'hyperacôusie, du dermographisme, des modifications du rythme respiratoire, enfin, quelquefois le signe de Kernig et le signe de Babinski.
, L'observatipn très intéressante du l)r Pèyrazat, recueillie dans le service du Professeur Mossé, concerne une domestique de vingt ans qui pré- sentait depuis longtemps une impresslonnabilité nerveuse extrême. En mars 1906, à propos du cambriolage de la maison de ses maîtres, elle eut des crises d'hystérie très nettes, crises arrêtées par la pression ovarienne.
En janvier 1907, cette jeune fille contracta la grippe qui régnait alors dans le village où elle était en condition. Les phénomènes grippaux pa- raissaient s'atténuer, lorsque survint brusque- ment une aggravation telle qu'on songea à la méningite. Les principaux symptômes furent les suivants : céphalée violente, siégeant surtout à la région auriculo-temporale droite, photophobie,
hallucinations, raideur de la nuque, vomisse- ments, ventre en bateau, abattement marqué, etc.
Le médecin appelé en ce moment pensa à une méningite. A son entrée à l'Hôtel-Dieu, on cons- tata que la malade se couchait en chien de fusil et qu'elle se plaignait avec insistance dp sa tête ; il existait de la douleur spinale à la pression et le membre inférieur droit était le siège d'une hy- peresthésie marquée. Pas do signe deKernigjpas do troubles do la motricité ; réflexe rotulien nor- mal. L'acuité visuelle examinée par le Profes- seur Frenkel égalait 1 ; un peu de rétrécissement du champ visuel à droite.
Progressivement, tous ces phénomènes s'amen- dèrent, et, le 12 avril 1907, la malade quitta le service. H est utile d'ajouter qu'il n'avait jamais existé de fièvre pendant le séjour à l'hôpital.
De ce qui précède, l'auteur se croit autorisé à déduire que si, « pendant le cours et, mieux « encore, au déclin d'une grippe, on se trouve «. en présence de phénomènes méningitiquès, <( chez un sujet précédemment entaché d'hystérie, « quelle que soit leur intensité, il faudra songer « à la possibilité d'une attaque de méningisme « post-grippal; surtout lorsque, par quelque « symptômes observés, le tableau clinique s'éloi- « gne tlu tableau classique de la méningite vraie « et de la méningite tuberculeuse ».
- ' Pflûger,- Uhtkbfl, Oppehheim, Cornil ont publié
divers cas d'èncéphalopathie d'origine grippale, la plupart suivies de guérison.
" Dans la forme bénigne, lo Professeur Grasset ônumôre des symptômes divers : céphalalgie vio- lente, persistante, gravative, siégeant aux tempes; aux régions sUs-orbitaires, douleur de la nuque, de la région occipitale, rachiàlgie, hébétude où agitation, vomissements, insomnie, quelquefois parôsies d'un ou de plusieurs membres, névral- gies diverses, tachycardie, rétention d'urine, etc. Trouillet et Esprit ont décrit des cas moyens et graves, mais curables, dé méningo-encôphalo-
"pathie grippale, où les symptômes furent vrai- ment alarmants, Ces distingués observateurs ont noté des crises épileptiformés, des contrac- tures, etc., et, dans une période plus avancée, do l'aphasie, de la paraplégie, do l'hémiplégie, etc. Les observations de ménlngooncéphalite avec
' lésions profondes sont nombreuses. L'hémorragie cérébrale peut déterminer des ictus apoplecti- ques (cas de Barthélémy). Chez une femme de quarante ans, Cornil (Acad. de Méd., 1895) cons- tata de la céplialée, de la fièvre, de la somnolence,
' puis dû coma avec stertor, de l'hémiplégie droite,
' de l'incontinence d'urines et des matières fécales. A l'autopsie, H rencontra un épaisslssemént de la
■ pie-riïèréqUi'etàit infiltrée d'Un liquide jaune et opaque. Dans ïe cerveau droit, il existait un petit
foyer hémorragique dans la substance grise ; en plus, foyer hémorragique intracortical dans la première occipitale. A l'examen bactériologique, pas de bacilles. Cornil cite, en outre» trois obser- vations du D* Durante avec guérison, Dans un cas, il avait existé du coma, du stertor, de l'hé- miplégie droite et de l'aphasie.
Dans les cas graves étudiés par Grasset, les altérations anatomo'pathologiques consistaient en piqueté hémorragique, exsudât gélatineux sur la convexité, quelquefois semis do granulations élastiques difficiles à écraser; parfois, présence d'abcès, dilatation des ventricules avec produc- tion de flocons blanchâtres. Pendant la vie, on avait pu relever des symptômes, tels que i crises épilepliformes, opisthotonos, délire violent, strabisme ; dans uno deuxième période, aphasie, paraplégie, hémiplégie, relâchement des sphinc- ters, dilatation pupillalre, coma, dysphagie et tachycardie par lésions bulbaires. La guérison se produisait quelquefois, laissant des reliquats morbides, des paralysies persistantes, des né- vrites de longue durée.
Dans onze autopsies pratiquées par Trouillet et Esprit, les lésions ont varié suivant la durée de la maladie. Dans les cas foudroyants, on ne put constater parfois qu'un processus congestif dans les méninges et dans le cerveau ; dans d'autres cas existaient un exsudai gélatineux et tremblo-
tant, un semis granuleux, comme dans les obser- vations de Grasset que nous venons dépiter. Dans les cas à évolution lente, la substance cérébrale était diflluente et parsemée de quelques abcès.
L. Colin a observé des méningites vraies, suppu- tes, a streptocoques, dans une épidémie de grippo.
Lombrdso, de Florence, a eu à traiter huit cas de méningite et a eu à déplorer deux décès. Fûrbringèr cite deux cas d'encéphalite hémorra- gique, avec foyers symétriques intéressant, dans l'un les circonvolutions, dans l'autre les ganglions centraux qui étaient presque détruits.
Trabesco a vu un cas fort intéressant de ménin- gite grippale chez un enfant de six mois ; il avait existé do la diarrhée sanguinolente, de la fièvre, des vomissements, de la raideur de la nuque, de la déviation conjuguée, du myosis et des convul- sions. Une ponction lombaire avait démontré l'existence de leucocytes polynucléaires et de ba- cilles fins intra et extra-cellulaires ; les cultures mirent en évidence le bacille de Pfellïer. La mort eut Heu au cinquième jour et l'autopsie décela des fausses membranes de couleur jaunâtre à la surface du cerveau et du cervelet ; il existait un peu de pus à la base du cerveau.
Le D'Stéphane Dubois (Thèso Paris, 1903) a étu- dié la méningite purulente à bacille do Pfelffer. H s'agit quelquefois de grippes atténuées et l'in- fection s'effectue soit par la voie naso-pharyn-
gienne, soit par la caisse du tympan. Le çqccô- bacille peut se montrer seul ou, associé. Les; symptômes sont ceux d'une méningite ordinaire, dépendant d'ailleurs de la localisation et de la topographie de la lésion. En général, les malades succombent. Le diagnostic s'éclaire surtout par là ponction lombaire avec examen et culture du- liquide céphalo-rachidien.
Bozzolo, de Florence, a cité deux cas de polio* encèplialite aiguë hémorragique, à forme comateuse, rappelant la maladie du sommeil des nègres, avec hémorragies minimes dans les pnroisdu troisième ventricule. Les symptômes observés consistèrent en coma, paréslcs oculaires et faciales (mydrlasè, strabisme, diplopie), céphalée, raideur de la nu- que ; à relover, en outre, des vomissements, duder- mographisme et le signe de Kernig ; tout cela avec absence de fièvre. L'auteur croit qu'il s'agis* sait probablement de la poliocncéphalite aiguë de Wernicke.
Nous avons eu nous-môme l'occasion de voir, en 1895, alors que régnait la grippe, un certain nombre dé cas analogues, et plusieurs confrè- res distingués voulurent bien rédiger, sur notre .demande, quelques observations tout à fait pro- bantes.' On remarquera que, dans leur cas, les DwTerson,Cavaliê et Py ont nettement incriminé la grippe. (
En 1895, nous eûmes à traiter, conjointement
aVéc lesDrsCaubet, Gendre et Rambert, un homme de cinquante-trois ans, diabétique depuis long- temps, et qui fut pris, le 22 juillet, d'une violente céphalalgie avec vomissements, bientôt suivie d'une ophtalmoplégie externe bilatérale. La fièvre survint bientôt, puis le coma, et le malade fut em- porté en trois jours. Nous pouvions nous deman- der si cette poliocncéphalito ne reconnaissait pas pour cause un agent infectieux d'origine grippale. Nous ajouterons que notre malade n'était pas syphilitique. On peut considérer ce cas commo un cas depolioencéphalito suraiguë. Or, le Dr Gendre nous apprit que, quelque temps auparavant, il avait soigné, conjointement avcolol)r Càvallé, à Toulouso,un cas absolument identique, d'origine grippale,chez une femme de trente-neuf ans, mais qui avait évolué en quinze jours. La malade, atteinte d'ophta.lmoplëgio externe bilatérale, avait succombé aussi dans le coma.
Voici cette observation que nous devons à l'obli- geance du Dr Cavalié :
Observation I
MBe X..., âgée de trente-neuf ans, fut prise d'in- fluenza le t" février 1895. Appelé à lui donner mes soins, vers le 10 février, elle me déclara que, depuis le début de sa maladie, elle toussait et crachait avec une extrême fréquence. Ses forces l'avaient aban-
donnée et elle se voyait dans l'impossibilité de va-, qucr.aux soins du ménage. A mon premier examen,, écrit le Dr Cavalié, je constatai chez cette malade une, * bronchite généralisée avec de nombreux points de, congestion pulmonaire aux deux bases. Elle avait une rhinite intense et un catarrhe des conjonctives très marqué. La céphalalgie était très violente et l'inappétence absolue. H n'y avait jamais eu de vomissements.
. La température montait à 38°, 5 et l'insomnie était à peu près complète. Le coeur, le foie et la rate étaient sains. La malade me raconta qu'elle éprou- vait dans ses membres inférieurs une telle faiblesse qu'il lui était impossible de faire un pas. Après quelques jours d'amélioration dans tous ces symptô- mes, sauf pourtant dans l'abondance des crachats et l'écoulement nasal et oculaire, la céphalalgie reparut. La faiblesse des membres inférieurs s'ac- centua au point que la malade était dans l'impos- sibilité de se tenir debout. La sensibilité à la dou- leur et à la température était conservée dans les membres parésiés. Jusqu'au 20 février, l'intelli- gence était restée normale. A partir de cette épo- que jusqu'à la mort, il y eut un peu de subdelirium à de rares intervalles. Le 23, elle éprouva quelques troubles oculai es mal définis, mais la vue était conservée. Il survint alors, d'après l'affirmation du Dr Gendre, une ophtalmoplègie bilatérale. Le 22 au matin, la cécité devint absolue. Le D'Gendre
déclara que les milieux de l'oeil étaient sains, et crut, comme moi, à une paralysie d'origine centrale, à une polioencéphalite. C'est alors que survinrent des convulsions, d'abord partielles, puis générales.
L'intelligence ne fut troublée qu'à de rares inter- valles, et, dans cette deuxième phase de la mala- die, la température ne s'éleva jamais au-dessus de 37°. La constipation était opiniâtre.
L'examen des urines, fait à plusieurs reprises,. ne révéla jamais la présence de sucre ou d'albu- mine. La malade succomba le 9 mars 1895. Per~ sonnellement, pas d'antécédents pathologiques. Son père avait succombé à la suite de phénomè- nes cérébraux. Plusieurs frères et soeurs étaieni morts en bas âge de méningite. Un seul frère vit encore; il est âgé d'une trentaine d'années et d'une intelligence au-dessous du médiocre. Une Mlle de-M. X... est hystèro-épileptique,
Observation II
Dans le courant du mois de janvier 1895, nous fûmes appelé à donner des soins à M. X..M âgé de quarante-sept ans, négociant. Cet homme, ancien syphilitique, après avoir éprouvé des troubles pul- monaires avec fièvre relevant directement de la grippe, fut en proie tout à coup à des désordres oculaires graves. Le malade présenta de la diplo- pie, du strabisme, de l'affaiblissement de la vue et
une paresse des paupières supérieures. Le DrTerson, professeur à la Faculté de Médecine, appelé en consultation, diagnostiqua une polioencéphalite d'origine probablement grippale, et eut même l'obligeance de nous apporter des documents récents sur cette question encore peu connue. Il va sans dire que, pour notre honorable collègue, la syphilis jouait le rôle de cause prédisposante; mais les troublés oculaires qui avaient apparu si rapidement étaient dus, d'après lui, à une infection aiguô d'une autre nature. Le malade se rétablit assez ra- pidement. Nous l'examinons de temps en temps et sa vue ne laisse rien à désirer.
Observation III
Communication orale).
LeD'P... a constaté,dans le courantd'apilt 1895, deux cas d'ophtalmoplég'ie bilatérale chez deux jeunes filles, l'une âgée de onze ans, l'autre de treize, habitant deux maisons voisines. Les parents de ces deux jeunes filles sont ouvriers à une tréfilé- rie. Après avoir constaté chez Tune et chez l'autre de ces malades des atteintes de grippe, le Dr P... ne fut pas peu étonné de voir se manifester chez elles une chute successive des deux paupières; si bien qu'ayant cru d'abord aune paralysie faciale simple, il se trouva en présence de paralysies en apparence doubles et qui, en réalité, constituaient uneophtal-
moplégie externe.bilatérale. Il ne se produisit pas de phénomènes cérébraux et les deux malades gué- rirent rapidement. *
Observation IV
(Due à l'obligeance du Dr B...)
X... finira quatre-vingt-trois ans au mois d'avril 1896. — t8 octobre 1895: est pris de frissons, tousse pendant une semaine, puis se plaint de maux de tète et de ventre et perd l'appétit au point de ne plus accepter qu'un peu de lait pour toute nourri- ture. Ce nouvel état dure environ trois semaines. — 18 novembre : brusquement, le malade est pris d'aphasie, de surdité verbale et de paresse du côté droit ; les paupières supérieures sont paralysées et le malade a les yeux constamment fermés; la sur- dité verbale est intermittente, l'occlusion des yeux persiste pendant plusieurs jours. Constipation opi- niâtre. Pendant trois semaines, le malade n'ingère presque rien. — 28 février : l'app étit est revenu mais la constipation persiste. Impuissance du membre supérieur droit, où les doigts seuls pré-, «entent un peu de mobilité, Quant au membre in- férieur du même côté, le malade peut l'avancer en le traînant, à la condition d'être soutenu. Le côté, gauche est libre. Les yeux, que le malade peut maintenant ouvrir, sont le siège d'un larmoiement considérable. La .parole n'est pas revenue. — Le
vieillard en question demeure non loin du bou- levard , où logent les deux jeunes malades du D'P...
Observation V
Dans le courant du mois de novembre 1895, nous vîmes, en consultation avec le Dr G..M une dame de soixante ans, rue des P... Cette dame, albuminurique avérée, mais ayant une santé en apparence satisfaisante, fut prise subitement d'une hémiplégie droite, précédée par de la céphalalgie. Deux jours après se produisit un prolapsus de la paupière supérieure droite, suivi, vingt-quatre heu- res après, d'une paralysie de la paupière gauche. Le surlendemain, apparition du coma et mort. Le Dr G... et nous, sur les instances de la famille, avions prescrit une application de sangsues aux apophyses mastotdes.
Nous ferons remarquer que les troubles encépha- liques avec ophtalmoplégie, qui avaient emporté si rapidement cette malade, n'appartiennent guère à la symptomatologie de l'urémie, mais constituent plutôt dé ta polioencéphalite. Etant donnera cons- titution régnante, la lésion rénale n'avait été Ici qu'une cause prédisposante.
Observation VI
Le 17 décembre 189$, nous fûmes appelé, en l'absence du D' P».,i chez MB* de X..., âgée de vingt-trois ans. Cette jeune femme présentait de- puis quelques jours une céphalée opiniâtre, avec Un peu d'affaissement des facultés intellectuelles. Le médecin de la famille, à qui la gravité, de ces phénomènes n'avait pas échappé-et qui avait ins- titué une médication énergique, avait, pour ras- surer la malade, prononcé le mot de neurasthénie. Le jour de notre visite, la malade, assise immobile sur une chaise et pouvant marcher difficilement, nous frappa par l'état de ses yeux. Il existait du strabisme récent, un état parétique des paupières supérieures et un affaiblissement notable de la vue. La malade ne répondait que par monosyllabes à nos questions. Le lendemain, nous la vîmes en consultation avec'le Dr P..., mais déjà les phé- nomènes cérébraux s'étaient aggravés et la ma- lade succomba dans le coma deux jours après la consultation.
Cette jeune femme n avait pas d'antécédents pa- thologiques sérieux et était douée d'une constitu- tion en apparence des nlus robustes.
Observation VII
OBSERVATION VII
. (Due à l'obligeance du D? A.,,} .
M. X..., rue du T..., était âgé de cinquante à cinquante-cinq ans, jouissait d'une bonne santé habituelle, n'était pas alcoolique et niait avoir eu la syphilis.
Fin septembre 1895, M commença à éprouver des douleurs de tète, perdit l'appétit et devint triste. Ces douleurs, très supportables d'abord, devinrent plus violentes dans les premiers jours d'octobre; elles siégeaient du côté droit dans les régions sus-orbitaire et temporale, irradiant dans toute la moitié droite de la tète jusqu'à la nuque. Elles semblaient d'abord revenir périodiquement, plus intenses dans l'après-midi, puis elles devinrent continues.
En même temps, la paupière tendait à s'abaisser, et l'oeil droit était affecté de strabisme externe.
La vue de ce côté s'affaiblit ; tout le côté droit de la face était, par moments, secoué de mouvements convulsifs.
Vers le 10 octobre, le malade, très affaibli, ne pouvait plus quitter son lit t il éprouvait toujours une répulsion absolue pour les aliments, et la fièvre était très intense. Vers le la, le D'A... trouva, un matin, que les paupières de l'oeil droit étaient rouges et tuméfiées, la conjonctive oculo-palpébrale était
fortement oedômatiée, l'oeil larmoyant et chassieux. Le lendemain, l'oeil gauche était dans le même état.
Le malade était dans la prostration ; il répondait pourtant aux questions' qui lui étaient posées et disait ne pas souffrir. L'état général devint plus grave dans la journée et la mort survint dans la nuit suivante.
Cette observation a la plus grande analogie avec celle de notre premier cas de polioencéphalite (an- cien diabétique).
Observation VIII
Le cas en question n'a pas été observé à Toulouse même, mais à A..., non loin de Toulouse. La jeune malade a été d'abord traitée dans son pays par le Dr E..., puis, plus tard, à P..., par le Dr M,.., qui a bien voulu nous adresser des notes précieuses. L'enfant fut examinée par le Professeur G..., de Montpellier, qui porta le diagnostic de polioencéphalomyélite.
Voici d'abord la relation écrite par le grand-père de la malade. Nous la transcrivons sans modification :
- « Arrivée le 1er août 1895 à Ch...(162 mètres d'altitude), dans les environs de Toulouse, l'enfant
était très fatiguée, se plaignant de la tète, des jambes, et toussant beaucoup. La nuit fut agitée, et, le lendemain, elle eut un œil gonflé et qui lui faisait mal : on appliqua des compresses d'eau fraîche.
- « Le surlendemain, cet œil était guéri, mais le second, à son tour, devint gros et douloureux. La toux persistait ; pas d'appétit. Quatre jours après, la santé paraissait revenue ; l'enfant jouait, mangeait, mais la toux continuait et le sommeil était agité. Vers le 23 août, sans que rien fit prévoir une maladie, elle vomit son dîner ; elle eut un léger
saignement de nez ; il survint une fièvre assez vive. Le lendemain, après une nuit sans sommeil, la fièvre s'accentua et l'enfant se plaignit de la tète.
Application de compresses d'eau sédative sur la tête et de sinapismes aux membres inférieurs. Le Dr È... prescrivit de l'huile de ricin, et, sans se prononcer d'une manière définitive, inclina vers l'idée d'un embarras gastrique fébrile. La fièvre empira les jours suivants; le pouls atteignit 130.
Chose singulière, la toux qui existait depuis des mois cessa complètement dès que la maladie fut accentuée de la sorte. Avec l'augmentation de là fièvre, survint un accès de convulsions accompagné de dé- lire. Son corps était.arc-bouté (sic), la tête enfonçant, alors que le ventre s'élevait et que les jambes fléchies ne pouvaient s'allonger (signe de Kernig). L'épine dorsale formait une ligne courbe, convexe (?. )L'enfant ne pouvait rester un quart d'heure dans lu même position ; il fallait la changer de lit, la mettre sur les genoux des uns et des autres} bref, aucun repos ni nuit ni jour. L'état fébrile a duré neuf jours; la constipation était opiniâtre».
Les jambes fléchies étaient le siège de douleurs intolérables ; aucune friction ne les calmait.
- « M. le Dr E... diagnostiqua une paralysie infantile d'origine infectieuse, »
- « Après cet état fébrile de neuf jours, la santé s'est améliorée, mais les jambes et le bras droit sont restés inertes. »
Telle est la rédaction écrite par le grand-père de la jeune malade pour mettre sous les yeux du Dr G... toutes les péripéties delà maladie. L'enfant fut transportée à Montpellier vers la fin d'octobre. On connaît déjà le diagnostic de polioencêphalomyôlite.
Notes du Dr M...
- L'enfant, âgée de six ans, est manifestement hémiplégique et paraplégique. La face est paralysée à droite ; mais il faut une grande attention et d'heureux hasards d'observation pour reconnaître moins de puissance de contraction dans les muscles du côté droit de la face que dans ceux du côté gauche.
- Il n'y a plus de ptosis sensible, ni d'inégalité de pupilles, ni de larmoiement, etc.
- Le bras droit ne peut pas être élevé jusqu'à l'horizontale ; les muscles de la main ont assez bien repris la plus grande étendue de leur contractilité ; la malade remue facilement tous les doigts.
- Les membres inférieurs sont paralysés, et quoiqu'ils le soient entièrement, il semble que le membre
- droit le soit encore plus que le gauche. Cela n'a rien de surprenant, puisque le membre inférieur droit est doublement paralysé par suite de la lésion cérébrale et de la lésion médullaire. Abolition des réflexes, Paralysie flasque. Sensibilité normale partout. Rien du côté des sens. Les facultés intellectuelles et affectives ont conservé leur intégrité.
Le Dr G... prescrivit de l'iodure, l'électrisation par les courants continus et les bains très chauds. La galvanisation a été mal supportée. L'enfant vient d'avoir la rougeole et la paralysie n'a pas paru s'aggraver. Il s'est même produit dans, ces derniers temps une amélioration notable dans la paralysie faciale et dans celle du bras droit. Enfin, depuis quelques jours, l'enfant se dresse sur ses, jambes et peut rester debout quelques instants, en s'aidant, il est vrai, de ses bras.
Le Dr M..., dans la conversation que nous avons eue avec lui, nous avait. parlé d'atrophie musculaire ; il n'en est pas question dans son observation.
Du long exposé qui précède, 11 résulte clairement, à notre avis, que la constitution médicale de la ville et de la région a présenté, en 1895, des particularités insolites, bizarres, et qui méritaient d'être relevées. Nous croyons avoir prouvé que la polioencéphalite peut être d'origine infectieuse et se présenter sous forme épidémique.
Comme le fait remarquer M. le Professeur Raymond,
dans son livre le plus récent (chapitre Ophtalmoplégie externe bilatérale), grâce aux progrès de la bactériologie dans ces dernières années, le rôle des infections dans le déterminisme des lésions des centres nerveux a été mis en lumière par la méthode expérimentale (Gilbert et Lion, Roux et Yersin, Charrin, Roger, etc.). Certaines toxines d'origine bactérienne peuvent déterminer des altérations du système nerveux central, Des lésions analogues ont été rencontrées chez l'homme à la suite de maladies infectieuses. Le Professeur Raymond incrimine la rougeole pour le cas d'un enfant atteint d'ophtalmoplégie externe bilatérale.
Si la pathologie expérimentale (et il reste d'ailleurs beaucoup à faire sur ce sujet) a prouvé l'existence de la polioencéphalite infectieuse, la clinique n'a pas encore parlé. Nous avons essayé, de par la clinique et l'épidémiologie, d'apporter quelque lumière sur ce point délicat de la neuropathplogie. Notre enquête a été faite avec toute la conscience possible, et nous laissons à d'autres plus expérimentés et plus savants le soin de démêler la part de vérité que renferment nos recherches et nos observations.
Les déterminations médullaires et névritiques, les encéphalopathies et les névroses grippales seront étudiées au chapitre des complications.