Grippe aviaire et transmission chez l'homme (2006) Delvallée/Caractéristiques

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Caractéristiques des virus influenza

Actualités sur la grippe aviaire et sa transmission chez l’homme


 
 

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Rapport
Actualités sur la grippe aviaire et sa transmission chez l’homme
Section
Caractéristiques des virus influenza

Actualités sur la grippe aviaire et sa transmission chez l’homme]]

Auteur
Thérèse Delvallée (INIST)
Date
2006
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Section du rapport

Taxonomie – Structure

Les virus influenza (Hilleman 2002 [83]) font partie de la famille des Orthomyxoviridae et constituent le genre Influenzavirus. Le genre Influenzavirus est réparti en trois types  : A, B et C, selon les différences antigéniques de certaines protéines  : la nucléoprotéine (NP) et les protéines M.

Les virus de la grippe aviaire sont tous du genre A (on parle communément de type A). La particularité du type A vient de sa distribution chez différentes espèces animales, notamment les mammifères et les oiseaux, et d’un pouvoir pathogène potentiellement élevé ; il est le seul à être subdivisé en sous-types.

  • Ce sont des virus à ARN monocaténaire ou simple brin de polarité négative, c'est-à-dire que l’ARN ne peut agir comme ARN messager et nécessite une transcription à la phase initiale de la réplication. Ils apparaissent comme des particules de 80 à 120 nanomètres de diamètre. En microscopie électronique, ils se présentent comme une sphère recouverte de spicules correspondant aux deux glycoprotéines de surface  : l’hémagglutinine HA et la neuraminidase NA, ancrées dans une bicouche lipidique qui entoure la particule virale. Sous cette enveloppe se trouvent des protéines internes et matricielles, et au centre, une structure moléculaire hélicoïdale associant l’ARN à des complexes de nucléoprotéines et de polymérases. Le génome est fractionné en huit segments indépendants, chacun codant pour une (ou deux) protéine(s). Chacun des segments est associé à quatre molécules  : une nucléoprotéine qui emballe l’ARN (formant une nucléocapside ou ribonucléoprotéine) et un complexe de transcription et de réplication constitué par les trois polymérases virales PA, PB1, PB2.
  • Dix protéines sont codées de façon indépendante par les huit segments de l’ARN monocaténaire  : les glycoprotéines de surface HA et NA, des protéines structurales internes M1, M2, NP, PA, PB1 et PB2, NS2 et non structurale, NS1.
    • L’hémagglutinine HA est composée de deux sous-unités qui possèdent des sites de fixation spécifiques à certains récepteurs des cellules cibles, et des sites de fixation pour les anticorps neutralisants et protecteurs anti-HA. La sous-unité HA1 permet l’attachement du virus à la cellule cible  ; la sous-unité HA2 intervient dans la libération du contenu du virus dans la cellule. L’HA s'attache à l'acide N-acétyl-neuraminique (ou acide sialique) terminal des chaînes des glycoprotéines ou glycolipides des récepteurs membranaires de la cellule hôte, permettant ainsi l’entrée du virus dans la cellule par endocytose. L’endosome contenant la particule virale migre vers l’intérieur de la cellule  ; au cours de cette migration, le pH endosomal devient acide (5-5,5). L’acidification du milieu provoque un changement de conformation de la molécule d’hémagglutinine qui permet la fusion de l’enveloppe virale avec la membrane endosomale.
    • La neuraminidase est présente en moins grande quantité que l’HA à la surface virale. Son rôle est complémentaire à celui de l’hémagglutinine. Elle est dotée d’une activité enzymatique assurant le clivage des liaisons osidiques formées entre l’HA et les résidus d’acide sialique. Cette fonction est capitale au stade tardif de la réplication, pour permettre la libération des virions nouvellement formés, attachés à la surface de la cellule infectée, et empêcher leur agrégation. Elle facilite également le détachement des virions du mucus présent au niveau de l’épithélium respiratoire, très riche en acide sialique.
Ces deux protéines représentent les déterminants antigéniques majeurs du virus, suscitant la formation d’anticorps protecteurs.
Jusqu’en 2004, quinze types antigéniques différents d’hémagglutinine et neuf types de neuraminidase étaient identifiés. Un seizième type d’hémagglutinine a été récemment décrit chez un virus influenza A circulant dans une population de mouettes rieuses en Suède (Fouchier, Munster et al.2005 [66]).
La combinaison de ces deux glycoprotéines permet de définir des sous-types de souche virale. La désignation des souches virales obéit à des règles internationales d’écriture. La nomenclature décrit successivement le type viral, l’hôte d’origine pour les souches animales uniquement, le lieu d’isolement, le numéro de souche, l’année d’isolement et enfin les caractéristiques antigéniques des glycoprotéines HA et NA (exemple  : A/Vietnam/1194/04 (H5N1)) (Beby-Defaux, Giraudeau et al. 2003 [22]).
    • Les protéines M1 et M2 se trouvent sous la couche lipidique et assurent la cohérence de la structure.
La protéine M1 ou protéine matricielle est la plus abondante des protéines virales. Elle s’associe à la partie intracellulaire des protéines de surface et à la nucléoprotéine, et assure la rigidité de l’enveloppe virale.
La protéine M2 est codée par le même segment d’ARN que M1 et insérée dans l’enveloppe virale. Elle se comporte comme un canal ionique et régule le pH interne du virus par le transport d’ions H+. Elle intervient dans la maturation des glycoprotéines  ; elle agit en association avec l’hémagglutinine dans les processus de décapsidation et le transport des glycoprotéines vers la surface cellulaire pour la formation de nouvelles particules infectieuses.
    • Les nucléoprotéines (NP) s’associent à chaque segment d’ARN viral pour former huit nucléocapsides à symétrie hélicoïdale.
    • Les protéines acide PA, basiques PB1 et PB2 forment un complexe polymérase qui s’associe avec les nucléocapsides et interviennent dans le contrôle de la transcription et la réplication de l’ARN viral.
PB1 correspond à l’ARN polymérase ARN dépendante.
PB2 intervient dans le décodage lors de la formation des protéines.
PA joue un rôle dans la formation de nouveaux brins d’ARN de polarité négative, qui sont incorporés dans les nouveaux virions.
    • La protéine NS2 assure le transport des ribonucléoprotéines nouvellement formées du noyau vers le cytoplasme.
La protéine NS1 est produite directement dans la cellule infectée et n’est pas incorporée dans les nouveaux virions  ; elle jouerait un rôle dans l’échappement du virus à l’action antivirale de l’interféron.

Affinité du virus vis-à-vis de l’hôte

Elle est déterminée au niveau moléculaire par l’hémagglutinine et la neuraminidase (Van and Manuguerra 2000 [199]). La restriction d’hôte fait appel à de nombreux mécanismes, et n’est pas totalement élucidée.

L’hémagglutinine

L’hémagglutinine est impliquée dans l’attachement du virus sur des récepteurs cellulaires sialyloligosaccharidiques. L’extrémité distale de chaque sous-unité de l’HA se fixe à l’acide sialique lié à une molécule de galactose. Les virus de type A sont capables de reconnaître deux variétés d’acide sialique (SA)  : l’acide N-acétylneuraminique (NeuAc) et l’acide N-glycolylneuramique (NeuGc) qui s’attachent à une molécule de galactose voisine par deux types de liaison, α2,3 ou α2,6. Chez l’homme, les organes cibles contiennent majoritairement des variétés NeuAc, à la différence des oiseaux et des porcs où l’on trouve des SA de type NeuGc. L’adaptation d’un virus à une nouvelle variété d’acide sialique requiert son échappement à des inhibiteurs sériques  : sialyl-protéines, lectines liant le mannose, par des mutations au niveau du site de fixation à l’acide sialique de l’HA (Parrish and Kawaoka 2005 [154]).

La présence, à la surface des cellules hôtes, d’un récepteur sialoglycoconjugué, associant une variété de SA et un type de liaison, conditionne la spécificité de reconnaissance de ce récepteur par le virus (Suzuki, Ito et al. 2000 [187]).

L’abondance d’un ou plusieurs types de récepteurs sur les cellules cibles, aux sites de réplication virale, exerce une pression de sélection variable sur la spécificité d’hôte.

Les cellules intestinales aviaires, site de réplication majeur du virus chez les oiseaux, possèdent uniquement des récepteurs cellulaires en α2,3. Les virus influenza équins et aviaires reconnaissent SA lié au galactose (Gal) par une liaison de type α2,3 (SAα2,3Gal), ce qui explique la transmission directe des virus aviaires au cheval. Chez le porc, la présence des deux types de récepteurs au niveau de l’épithélium trachéal explique sa sensibilité aux virus grippaux humains et aviaires.
Les récepteurs de type SAα2,6Gal sont majoritaires au niveau des cellules épithéliales respiratoires humaines. Les virus humains se lient préférentiellement à des acides sialiques attachés au Gal par des liaisons de type α2,6. Les études du tropisme cellulaire des virus influenza humains démontrent que l’infection des cellules épithéliales respiratoires non ciliées est indispensable à une réplication et à une transmission efficaces du virus, les cellules non ciliées possédant majoritairement des récepteurs de type SAα2,6Gal. Les cellules ciliées de l’épithélium respiratoire humain, possèdent quant à elles des récepteurs de type SAα2,3Gal qui seraient les cibles des virus aviaires, dans les cas où ils infectent l’homme (Matrosovich, Matrosovich et al.2004 [130]).

La capacité de réplication des virus grippaux A est également influencée par la nature des acides aminés en position 226 et 228 du site de fixation de l’HA au récepteur cellulaire. La présence de la glutamine en position 226 est associée à la spécificité des virus aviaires pour le récepteur SAα2,3Gal ; la leucine en 226, à la spécificité des virus humains de sous-types H2 et H3 pour le récepteur SAα2,6Gal. D’autre part, l’orientation adéquate de SA au niveau du site de fixation de l’HA au récepteur cellulaire nécessite l’existence de paires d’acides aminés  : ainsi, les virus humains possèdent tous la leucine en position 226 en association à la sérine en position 228  ; chez les virus équins et aviaires, la glutamine en position 226 est associée à la glycine en position 228 (Baigent and McCauley 2003 [18]).

Il est démontré qu’une simple substitution au niveau d’un des acides aminés en position 205, 226 ou 227 de l’hémagglutinine virale suffit à modifier sa spécificité de fixation à l’un des deux types de récepteurs (Suzuki 2001 [185]) (Suzuki 2005 [186]) (Gambaryan, Tuzikov et al. 2005 [68]). Les mutations au niveau des acides aminés en position 190 et 225 de l’HA des virus H1 humains et porcins sont associées à l’acquisition de la spécificité pour les liaisons de type SAα2,6Gal et favorisent ainsi l’adaptation des virus aviaires à l’homme et au porc (Baigent and McCauley 2003 [18]).

Ces mécanismes sont impliqués dans les variations de la spécificité d’hôte  : la transmission des virus influenza entre différentes espèces aussi bien que l’émergence de nouveaux sous-types dans la population humaine.

La neuraminidase

La neuraminidase est une sialidase responsable du clivage des liaisons osidiques entre les résidus d’acide sialique et le sucre voisin au niveau du récepteur cellulaire à l’hémagglutinine. Son rôle dans la restriction d’hôte des virus grippaux est encore mal connu

  • La spécificité de la neuraminidase pour les liaisons entre l’acide sialique et le galactose (liaisons SAα2,3Gal et SAα2,6Gal) et pour les différentes espèces moléculaires d’acide sialique (forme N-acétyl et N-glycolyl) a été étudiée chez les virus N2  : deux acides aminés en position 275 et 431 déterminent la spécificité de reconnaissance par la NA des liaisons de type SAα2,6Gal et de la forme NeuGc de l’acide sialique respectivement. La présence de la valine en position 275 est associée à une haute spécificité pour les récepteurs de type α2,6, la présence de la lysine en position 451 confère un haut niveau de spécificité pour l’acide sialique NeuGc. L’adaptation de la neuraminidase à différents substrats ferait appel à des substitutions d’acides aminés qui progressivement altèrent la conformation de la NA au niveau et autour de son site actif, permettant ainsi la fixation des différentes espèces d’acide sialique (Kobasa, Kodihalli et al. 1999 [106]).
  • Les virus aviaires se répliquent préférentiellement dans le tube digestif des oiseaux et sont donc adaptés à se développer dans des conditions de pH acide. Les virus humains H3N2 isolés après 1971 ne possèdent pas d’activité sialidase à pH acide. Des virus réassortants porteurs du gène NA humain associé aux autres gènes viraux d’origine aviaire sont incapables de provoquer une infection digestive après inoculation par voie orale (Suzuki 2005 [186]). L’activité enzymatique de la neuraminidase des virus aviaires H1N1 est mieux conservée à pH acide que celle des virus de même sous-type adaptés à l’homme ou au porc (Baigent and McCauley 2003 [18]). Deux acides aminés sont impliqués dans la stabilité à pH acide de la neuraminidase des virus influenza A  : l’arginine en position 344 et la phénylalanine en position 466. Des substitutions à leurs niveaux modifient l’activité enzymatique (Suzuki 2005 [186]). L’activité de NA à pH acide contribue à la restriction d’hôte des virus influenza A.

Les mutations au niveau du gène de la neuraminidase participent à l’adaptation des virus grippaux à de nouveaux hôtes et en conséquence au franchissement de la barrière d’espèces. L’adaptation à un nouvel hôte nécessite néanmoins une compatibilité entre la NA et l’HA, dans la mesure où ces protéines ont des fonctions complémentaires  : la NA dissociant les liaisons entre SA et HA.

Les protéines internes

Références bibliographiques de la section

[83] Hilleman MR (2002). "Realities and enigmas of human viral influenza : pathogenesis, epidemiology and control." Vaccine 20(25-26) : 3068-3087.