La grippe ou influenza (1908) André/Symptomatologie/Marche

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Marche de la grippe simple, ses allures, sa convalescence


 
 

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Section
Marche de la grippe simple, ses allures, sa convalescence
Chapitre
Symptomatologie
Auteur
Gustave André
Extrait de
La grippe ou influenza (1908)
Visible en ligne
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Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage La grippe ou influenza, rédigé en 1908 par Gustave André.

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Marche de la grippe simple, ses allures, sa convalescence


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L'allure de la grippe, comme le fait remarquer Peter, est extrêmement variable, et c'est la précisément son caractère spécial. Dans un premier degré, dans la grippe apyrétique de Huchard, on constate des troubles du côté du système nerveux, delà céphalalgie plus ou moins vive, do l'obnubilation des idées avec tendance à la tristesse, des douleurs variables (algies grippales) et de l'asthénie générale. Si le bulbe est légèrement touché, ce sont des lipothymies ou des syncopes; le lumbago, le tour de reins indiquent la participation de la moelle. L'atteinte du nerf vague donne lieu au ralentissement du pouls, à des congestions pulmonaires bâtardes, latentes, évoluant sournoisement.

Dans la grippe atténuée fébrile, celle qui guérit « les pieds sur les chenets », on est en présence de la fièvre catarrhale. Quelquefois, la fièvre existe seule, sans substratum anatomique (Doussain, Thèse Paris, 1886).

Dans l'influenza ambulatoire, comme l'appelle Huchard, la maladie est protéiforme et réserve des surprises fâcheuses déjouant tous les pronostics :



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en raison de la diffusibilité du bacille de Pfeiffer ou d'un autre, presque tous les organes sont atteints, avec provocation de raptus fluxionnaires variés ; l'hypotension artérielle coïncide alors avec l'asthénie nerveuse. Si la bronchite survient, elle est souvent purulente d'emblée et peut être suivie, dans les organismes tarés sur- tout, de congestions ou de pneumonies de diverse nature.

L'évolution et la durée d'une pareille maladie ne peuvent guère être précisées et la terminaison se fait presque toujours d'une façon progressive. L'herpès nasolabial est un assez bon signe critique ; on ne peut en dire autant des sueurs profuses et de la diarrhée. La polyurie, les décharges uratiques sont favorables ; certains malades sont guéris au bout de trois ou quatre jours. Nous avons déjà insisté sur la tendance aux rechutes, si bien démontrée par les recherches thermométriques de Jaccoud et de Teissier.

Le début de la convalescence échappe à toute précision ; il n'existe aucun critérium pour le fixer, pas plus le moment de la défervescence quo le retour de l'appétit. Nous avons entendu certains malades, plusieurs années après une attaque d'influenza, accuser celle-ci d'avoir bouleversé tout leur organisme et d'avoir porté une atteinte irréparable à leur santé. Voici pourquoi nous répétons souvent, soit devant nos élèves, soit devant


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nos malades; que la grippe de 1890 a transformé la pathologie courante, en quelque sorte, et orienté la pratique vers des vues nouvelles et une thérapeutique inaccoutumée. Un organisme qui vient de subir une atteinte sévère (l'influenza est pour longtemps affaibli, désemparé, tout particulièrement sensible aux vicissitudes atmosphériques, incapable de se livrer do longtemps à un travail physique ou intellectuel soutenu. L'asthénie post-grippale est classique et le mot a fait fortune. La neurasthénie guette ces sujets, en raison de l'action déprimante bien avérée des toxines grippales sur le système nerveux tout entier. Tel reste dyspeptique pendant des années ; tel autre se transforme en catarrheux incorrigible. Nous ne parlons pas des phtisiques, des cardiaques, des artério-scléreux, des goutteux, des diabétiques, etc., qui, s'ils ont le bonheur de résister à l'atteinte du monstre, en sortent amoindris à jamais. A. Ferrand parlait déjà, en 1890, de l'état de neurasthénie profonde dans lequel se trouvaient plongés la plupart des convalescents de grippe. C'est une névrose cérébro-spinale accablant des gens fort actifs, incapables désormais de reprendre leurs occupations habituelles et rédoutant de se livrer au moindre mouvement; c'est parfois la neurasthénie du sympathique se traduisant par une atonie gastro-intestinale invincible. Certains individus restent en proie à



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des sueurs abondantes, intermittentes, qui semblent bien se rattacher à une véritable asthénie vaso-motrice. Quelques-uns sont sujets à des accès de névralgies opiniâtres. Ces névralgies, d'après Katicheff. peuvent occuper plusieurs régions à la fois, douleurs sciatiques, par exemple, remontant jusqu'aux plexus sacré et lombaire ; d'autres fois, ce sont des sièges insolites : grand nerf auriculaire, nerf occipital antérieur, etc.

Le plus souvent, il s'agit de névralgie sus-orbi- taire. Cette dernière est, par excellence, un phénomène de convalescence et directement justiciable, de par sa périodicité, des sels de quinine. La névralgie du trijumeau peut rappeler le tic douloureux de la face. On observe plus rarement les névralgies intercostale, phrénique, crurale, testiculaire, etc. Nous avons déjà parlé des six cas de Joffroy, concernant des névralgies scapulo-humérales avec atrophie musculaire consécutive.

Les affections diverses que nous venons de mentionner sont bien de véritables séquelles de la grippe, sans oublier certaines psychoses et notamment des troubles psychasténiques, avec dépression intellectuelle marquée et asthénie d'une durée extraordinaire.

La grippe, cela ne peut étonner, constitue, à un degré marqué, un agent provocateur de l'hystérie (Le Joubioux, Thèse Paris, 1890). Par suite, en



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effet.de l'atteinte profonde subie par le système nerveux, en raison de l'altération grave de la nutrition, de l'influence déprimante des toxines grippales, la prédisposition individuelle est mise en jeu et l'hystérie éclate devant un système nerveux dépourvu de toute résistance. Nous aurons à revenir, au chapitre des complications, sur les psychoses grippales.

Parmi les asthénies viscérales, la plus intéressante est celle du coeur. Pendant la convalescence, d'après Huchard, le pouls se présente avec un caractère spécial, désigné par ce maître sous le nom de pouls instable. Il suffit de passer de la position horizontale à la station verticale, pour constater une accélération notable des pulsations ; ce symptôme est la résultante de l'abaissement de la tension artérielle. Dans ces cas, la syncope est constamment en imminence.

Dans la catégorie des maladies à hypotension artérielle, se rangent, dit Huchard, la fièvre typhoïde et la grippe. A l'époque de la ménopause, l'asthénie post-grippale se fait sentir lourdement et il n'est pas rare, si nous nous en rapportons à notre pratique particulière, de relever, chez ces personnes, de l'arythmie ot des lipothymies.

En présence de l'action éminemment débilitante de la grippe, de l'apparition des troubles gàstro-intestinàux, de l'anorexie, on conçoit aisément combien rapidement s'effectue la dénutrition et



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combien l'amaigrissement doit se prononcer. La perte de poids peut aller, d'après Huchard, jusqu'à vingt-quatre et trente-quatre livres. Ce der- nier parle de trois mois comme durée moyenne de la convalescence.

A propos de cette asthénie post-grippale, Potain cite une observation que nous croyons devoir ré- sumer. Il s'agissait d'un homme de quarante-six ans, déjà tuberculeux et albuminurique, ayant des vertiges, de l'oedème palpébral et malléolaire. de la pollakiurie; il était, en outre, alcoolique. Une grippe légère, survenue en janvier 1890, eut pour résultat de faire monter le chiffre de l'albumine de 2 à 3 grammes et de provoquer un amaigrissement considérable; l'anémie devint extrême, la prostration extraordinaire et la puissance musculaire subit une diminution notable. A quoi fallait-il attribuer cet ensemble de symptômes, se demande réminent clinicien ? Aux reins? En général, l'asthénie est inoins marquée. Aux poumons? Les signes de tuberculose étaient très légers et d'ailleurs anciens. Reste la grippe; malgré sa bénignité, c'est elle, à n'en pas douter, qui a déterminé ces accidents. L'adynamie, ajoute-t-il, est la règle au début de la grippe; elle persiste après la maladie; même dans les,cas légers, l'asthénie survit parfois longtemps à l'affection ; la prostration surgit sans raison appa- rente; la fatigue et l'affaiblissement général sont



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extrêmes. Dans cette épidémie, Potain remarqua sans peine que, chez un grand nombre de mala- des, l'affaissement physique, intellectuel et moral se manifestait de bonne heure. H faisait remar- quer que le terrain, chez un malade, pouvait exagérer les phénomènes consécutifs à la gfippe et que de mauvais reins sont plus mauvais que jamais dans les maladies infectieuses.

En résumé, le terrain pathologique, la récepti- vité de l'organisme, les tares organiques, per- mettent à la grippe et à ses toxines d'exercer une malignité plus ou moins marquée. Là est la clef de tous les accidents graves qui peuvent éclore. Le danger inhér< ' à la sénilité est bien connu ; les tuberculeux, les cardiaques, les brightiques, en temps d'influenza, fournissent un énorme con- tingent de décès. Nous avons connu un vieux syphilitique qui, après une atteinte de grippe, essuya des troubles paralytiques graves de la musculature du larynx. La grippe réveille pres- que toutes les affections, la fièvre intermittente, la chorée, l'épilepsie, le rhumatisme, la goutte, etc. Derrière un accès de goutte, à notre avis, il y a toujours quelque petite infection aiguë comme cause provocatrice. On a dit que la grippe labou- rait pour la culture de certains microbes ; cela est incontestable et des cliniciens en grand nombre ont pu s'assurer de cette vérité pour ce qui concerne le pneumocoque, le streptocoque,


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le staphylocoquo et le coli-bacille, pour ne parler que des principaux. La grippe peut, par exem- ple, s'associer à la fièvre typhoïde, le bacille d'Eberth et celui de Pfeiffer se prêtant un mutuel secours.



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