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De Wicri Santé

Le patient édenté total


 
 

Titre
Le patient édenté total
Auteur
Jean-Paul Louis
Original
http://emerites.blogspot.fr/2010/02/seminaires.html
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Cette page reproduit un texte diffusé pour un séminaire du groupe des Émérites de Lorraine et présenté le jeudi 07 décembre 2017 par Jean-Paul LOUIS, Professeur émérite de l'Université de Lorraine.

Ce tableau de Albert Anker illustre une activité à caractère pédagogique sur une page Espace dédié à un travail pédagogique
Dans le cadre de travaux dirigés avec l'Université de Lorraine, cet article a servi de texte de cadrage pour le :
Serveur d'exploration sur le patient édenté

L'article

L'édentement total est la conséquence de la perte de l'ensemble des dents. Il s'agit pour les patients concernés d'une véritable infirmité qui les prive de toute efficacité fonctionnelle (mastication, phonation). De plus, leur intégrité esthétique est affectée avec un profil, dit "de polichinelle", qui se manifeste par un affaissement de l'étage inférieur de la face. Au-delà de cette question morphologique, il faut se rappeler que la cavité buccale est la "porte d'entrée" de toutes les fonctions alimentaires, phonétiques et relationnelles. Au 18ème siècle, Voltaire écrivait déjà : "Je perds une dent, je meurs en détail". Aujourd'hui, les problèmes liés à la perte totale des dents constituent encore un véritable problème de santé publique.

Figure 1 : Profil typique d'un étenté total

Sur le territoire français, on compte plusieurs millions d'édentés totaux. C'est trop ! Et pourtant, le domaine de l'odontologie a fait d'énormes progrès durant ces cinquante dernières années. De la prévention enseignée dès le plus jeune âge jusqu'aux prothèses fixées sur dents ou sur implants, en passant par l'orthodontie, l'odontologie conservatrice et la parodontologie (soins des gencives et de l'os autour des dents), tout contribue à ce que nos concitoyens puissent conserver leurs dents le plus longtemps possible.

Trois grandes causes demeurent encore les vecteurs de l'édentement total

L'espérance de vie.

Si l'odontologie a progressé considérablement, il en est de même pour toutes les disciplines médicales. En conséquence, l'espérance de vie augmente. Il n'est pas rare de rencontrer des centenaires encore très valides, physiquement et psychiquement. Toutefois, malgré des soins dentaires pratiqués régulièrement, certains patients se retrouvent édentés et doivent encore vivre ainsi de longues années. Il est alors indispensable de leur rendre une intégrité fonctionnelle et un sourire harmonieux.

Les pathologies médicales majeures.

Dans tous les hôpitaux, il est indispensable d'éliminer tout risque d'infection. A ce titre, les dents constituent des foyers d'infection établis ou potentiels chez des patients atteints de pathologies lourdes (cardiopathies valvulaires, cancers de la sphère ORL…). L'édentation est alors prescrite pour éviter tout risque de complications ultérieures.

La précarité.

Actuellement, compte-tenu du contexte socio économique, la pauvreté n'est plus "à nos portes", elle est réellement installée. Les personnes miséreuses sont confrontées au quotidien à des besoins vitaux et leur cavité buccale devient malheureusement la dernière de leurs préoccupations. Il faut faire survivre, ce qui se traduit souvent par un état bucco-dentaire déplorable, nécessitant l'édentation totale à plus ou moins long terme.

Alors, que faire ?

Le traitement de l'édenté total constitue, pour le praticien, d'un véritable défi psychologique et thérapeutique.

Les étapes pré prothétiques

En amont du traitement, les étapes pré prothétiques nécessitent du temps, parfois beaucoup de temps. Le praticien doit expliquer au patient édenté l'importance de la restauration ad integrum de ses fonctions et de son esthétique. Le patient est un véritable infirme, il est indispensable de lui expliquer qu'une prothèse complète, même très bien conçue, ne pourra lui rendre que 30% de l'efficacité masticatoire qu'il avait auparavant avec ses propres dents. Vivre avec une prothèse complète bi maxillaire peut être un véritable "pari". Le patient doit être largement informé et doit être demandeur de son traitement pour apprendre rapidement à intégrer ses prothèses. S'il n'est pas suffisamment préparé, il y a un risque majeur d'échec du traitement, et de non acceptation du corps étranger. Combien de patients édentés se font réaliser des prothèses neuves et ne les supportent pas ! Ils "tournent" alors de cabinet dentaire en cabinet dentaire et ne sont jamais satisfaits du résultat. Ils n'ont pas été suffisamment instruits et préparés à gagner le "pari prothétique". En plus de cet accompagnement psychologique, le praticien doit détecter les problèmes anatomiques et physiologiques susceptibles de perturber le traitement et de conduire à l'échec. Ces anomalies touchent l'ensemble de la cavité buccale (manque ou absence de salive, pathologies de l'os ou de la muqueuse sur lesquels reposeront les prothèses…). Ces étapes préalables sont fondamentales. Elles sont trop souvent oubliées ou escamotées par le praticien. Il est formellement interdit de débuter un traitement prothétique sur un patient non préparé sur le plan psychologique, anatomique et physiologique.

Les étapes prothétiques

Pour ce faire, le patient doit être pris en charge par une équipe professionnelle soudée et compétente, constituée du praticien, concepteur et maître d’œuvre du traitement, du prothésiste de laboratoire, réalisateur technique des prothèses, et de l'assistante dentaire, véritable lien psychologique entre le praticien et son patient. Sans entrer dans les détails techniques, trois traitements principaux peuvent être proposés au patient édenté.

i) La prothèse amovible complète traditionnelle (PAC) (fig. 2) : Le patient l'enlève et la nettoie après chaque repas. Elle redonne la fonction masticatoire (30% de celle du denté), rehausse la dimension verticale de l'étage inférieur du visage, et restitue une esthétique harmonieuse.

Figure 2 : Prothèse amovible complète
Figure 3 : Prothèse amovible supra-implantaire
ii) La prothèse amovible complète supra-implantaire (PACSI) (fig. 3) : Elles offrent un confort accru au porteur de prothèse. Il est possible, par exemple, de retenir efficacement une prothèse complète mandibulaire souvent instable (par manque de volume osseux et la présence de la langue), par la pose de deux implants intra-osseux porteurs de systèmes d'attachement de type "boutons pression", sur lesquels la prothèse vient s'encliqueter, ce qui augmente significativement sa stabilité. Le patient peut ainsi retrouver 70% de l'efficacité masticatoire perdue.
iii) La prothèse fixée sur implants (PFSI) (fig. 4) : Elle permet de redonner au patient une véritable "troisième dentition". Dans certains cas précis, où toutes les indications sont réunies, le praticiens et le prothésiste réalisent des bridges fixés transvissés ou scellés sur implants (un minimum de 6 implants à la mandibule et de 8 implants au maxillaire). Ces derniers doivent impérativement être répartis de manière optimale pour supporter les efforts masticatoires transmis par les prothèses (le patient retrouve alors 100% de son efficacité masticatoire).
Figure 4 : Prothèse fixée sur implant

Ainsi, l'odontologie met actuellement à la disposition du praticien un véritable arsenal thérapeutique complet et performant pour redonner à nos concitoyens édentés le confort et la joie de vivre.


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