Ave verum corpus (William Byrd)
William Byrd, compositeur britannique de la Renaissaance, a composé un Ave verum corpus, hymne chanté pendant l'élévation de la messe catholique.
Cette partition a été imprimé en 1605 dans le recueil « Gradualia: ac cantiones sacrae, liber primus ».
Sur un plan historique, cette pièce est intéressante. En effet, elle témoigne de l'engagement de récusants, dont notamment William Byrd, pour le culte catholique en latin dans une Angleterre anglicane.
Sur un plan musical, elle alterne une introduction solennelle (affirmation du dogme) avec un ensemble de miserere en contrepoint (avec notamment une dissonance de type fausse relation).
Sommaire
Pour découvrir ce motet
Par le groupe Stile Antico (une filiale du groupe londonnien Voces8).
Cet enregistrement a été réalisé en direct au Wigmore Hall, à Londres, le 30 mai 2013. |
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Par l'ensemble Zene [1]
Cet ensemble mixte, basé à Is-sur-Tille, se compose de 8 choristes mixte (2 par voix) sous la direction de Bruno Kele-Baujard. Cette version date de 2016. |
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Par le groupe Gesualdo Six
Gesualdo Six est un petit chœur d'hommes. Le concert a été donné dans la Cathédrale d'Ely. |
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Le contexte historique
Dans l'introduction de sa partition déposée sur ChoralWiki[2], Michael Winter, citant Joseph Kerman, [3] précise :
Au Moyen âge, cet hymne était chanté lors de l'élévation de l'hostie pendant la consécration.
La question de la transsubstantiation a été l'une des controverses centrales de la réforme protestante et par conséquent, William Byrd (un récusant célèbre) pourrait bien avoir écrit cette pièce à l'usage de la communauté catholique romaine clandestine d'Essex, hébergée par un autre célèbre récusant et patron de Byrd, John Petre, 1er Baron Petre.
Les influences catholiques potentielles de cette pièce peuvent avoir eu un impact sur ce morceau de musique, comme l'accent insistant dans la première phrase: «Salut vrai corps» («Hail the truebody) qui met l'accent sur la croyance en la transsubstantiation.
Toujours sur ChoralWiki, Drew Collins, donne un éclairage complémentaire [4]:
La conversion de l'Angleterre de l'Église catholique romaine à l'Église d'Angleterre par le roi Henri VIII (et plus tard la reine Elizabeth I) a forcé ceux qui souhaitaient pratiquer le catholicisme à le faire secrètement. En effet, les sanctions comprenaient des amendes, des enquêtes, la torture ou la mort. Tous les vestiges de l '«ancienne religion» ont été sommairement interdits, y compris l'usage du latin (seul l'anglais était autorisé).
Dans cette atmosphère hautement volatile et oppressive, Byrd a joué un jeu dangereux. Refusant de se conformer à la nouvelle religion, il a composé de la musique pour utilisation dans les offices catholiques (tenus secrètement dans des résidences privées), le plus souvent en latin. Il a géré cette rébellion, sans perte de sa vie ni de moyens de subsistance, en partie, grâce à son talent musical exemplaire, et en consacrant fréquemment des publications à la reine.
Il est largement admis que Byrd voulait que ses motets latins devaient être chantés dans ces messes souterraines, ou pour être publiés dans des livres pour un usage domestique (comme pour les madrigaux). La musique était généralement chantée par un ou deux interprètes (homme ou femme par voix) et une soprano.'
Le texte
Le début du motet est conforme au texte grégorien :
latin | français |
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Ave verum Corpus natum de Maria Virgine : |
Salut, vrai Corps né de la Vierge Marie, |
Comme Roland de Lassus, William Byrd développe la supplique finale du texte initial, en ajoutant notamment un miserere mei :
texte grégorien | Version de William Byrd |
---|---|
O Jesu dulcis ! |
O dulcis, o pie, |
En fait la supplique est répétée et figure deux fois dans le texte imprimé.
De plus le miserere mei est distribué plusieurs fois (en contrepoint) dans les 4 voix.
La musique
Des sources abondantes sur ChoralWiki
Ce motet, très populaire au Royaume Uni, a donné lieu à de multiples études et transpositions. Par exemple 14 versions dont 3 en LilyPond sont accessibles sur le site ChoralWiki.
Trois versions sont disponibles et exploitées sur ce wiki (cliquer sur les images pour accéder aux fichiers PDF).
Un début affirmatif
Rappel du thème grégorien
Début de la transcription
On notera les notes longues (paradoxalement appelées brèves dans le langage musical de la Reniassance) en introduction (sur les paroles Ave verum).
Un exemple de musica ficta
La partition superius comporte un exemple de mucica ficta, un accident chromatique (dièse ou bémol) qui n'est pas forcément indiqué explicitement dans la partition.
Voici le début de la partition, clé d'ut sur la première ligne, où l'on remarque deux bémols (mi et si) à l'armure en mode sol ionien (gamme de sol mineur).
La ligne musicale sur corpus comporte (encadré en rouge) un fa dièse suivi d'un mi, qui, dans une notation contemporaine apparaitrait comme altéré (mi bémol). En fait toutes les transcriptions présentes sur ChoralWiki l’interprètent comme un mi naturel (avec un bécarre, non explicité par le compositeur).
Voici ci-dessous ce que donnerait une mauvaise transcription, avec notamment une dissonance (1/2 ton) entre les voix superius et medius :
Vere passum
Mélange de modalités dans le cujus natus
Ce passage fait l'objet d'une analyse dans un ouvrage de John Harley (William Byrd’s Modal Practice) résumé dans un article de Hugh Benham (voir en page discussion).
La modalité générale de la pièce est en sol aeolien (mineur). Voici les 4 voix, avec ua départ la partie Medius en modalité fa ionien (majeur), d'où les bécarres sur les mi.
Plus précisément, pour Harley, la passage perforatum dans la voix Medius se termine par un diatessaron (4 notes consécutives) en fa ionien, immédiatement contredit, avec des notes plus longues par une suite « fa mi♭ ré do » en mode si bémol ionien.
Toujours selon Harleys, chez les basses, ce passage finit par un diatessaron ascendant en fa (do, ré, mi bémol, fa), précédé par un si bémol relativement long. Écouté séparément, cela s'entend comme un diapente (5 notes consécutives) en mode si bémol lydien.
Une fausse relation dans les miserere
Cette œuvre présente une particularité harmonique : la présence d'une fausse relation. Il s'agit ici d'une dissonance entre 2 notes consécutives (avec juxtaposition) entre les voix ténor et basse.
La structure de ce passage est la répétition en contrepoint d'un thème de 6 notes (dont une altération par rapport à la modalité générale marquée par un fa dièse) :
Ce thème est introduit par les ténors, avec les medius (alti) en superposition par des tierces mineures.
Les basses enchaînent en partant d'un ré - ce qui implique un fa naturel, en dissonance par rapport au fa dièse des ténors.
Le fa dièse est explicitement noté dans la partition originale.
Une présentation plus compacte (avec une transcription) donne une vision plus précise.
Ressources pour choristes
Pour approfondir les voix
- Superius
- Medius
- Tenor
- Basse
Sources
Internet
Sur CPDL
Sur IMSLP, via St. Cecilia Press
- https://stcpress.org/pieces/ave_verum_corpus
- https://imslp.org/wiki/Gradualia_ac_cantiones_sacrae_I_(Byrd,_William)
ISTEX
Sur le Serveur d'exploration sur William Byrd
Voir aussi
- Notes
- ↑ Site web du groupe : https://www.ensemblezene.com
- ↑ https://www.cpdl.org/wiki/images/a/a2/Byrd_Ave_Verum_Corpus_MW.pdf
- ↑ Joseph Kerman, Masses and Motets of William Byrd, p.288.
- ↑ https://www.cpdl.org/wiki/images/b/bb/Byrd-ave_verum_corpus.pdf
- ↑ Liturgie latine - Mélodies grégoriennes, p. 78 - 79 Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, 2005