Revue de l'Orient chrétien (1899) Gastoué

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La grande doxologie. Étude critique


 
 

Titre
La grande doxologie. Étude critique
Auteur
Amédée Gastoué
Date d'édition
1899
In
Revue de l'Orient chrétien

Cette page introduit une analyse comparatives des premières versions du Gloria in excelsis Deo, également appelé Grande Doxologie.

Elle est précédée d'une analyse bibliographique de la même époque.

Une analyse bibliographique

Dans la revue Échos d'Orient, cette réédition est réalisée à partir d'un article numérisé sur Persée [1]:

A. Gastoué. — La grande doxologie. Étude critique. Revue de l'Orient chrétien, 1899, in-8°, 12 pages.

Un des plus anciens textes liturgiques, commun à tous les rites, est le beau cantique appelé par les Grecs Grande Doxologie et par les Latins Gloria in excelsis. M. Gastoué recherche l'origine de ce précieux monument et la formation du texte reçu. Pour cela, il commence par rappeler les trois versions principales fournies, la première par le Codex Alexandrinus, la seconde par le livre VII des Constitutions apostoliques, la troisième par la liturgie ambrosienne. Après avoir fait ressortir ce que ces trois textes ont de commun, M. G... étudie leurs règles de composition littéraire ; il arrive ainsi à donner de ce cantique une version critique, que l'on pourra compléter à l'aide d'autres manuscrits, mais dont il faudra désormais tenir le plus grand compte. Tous les amis de la liturgie grecque, — et ils sont nombreux, — font des vœux pour que le distingué professeur à l'école de chant liturgique de Paris soumette d'autres pièces liturgiques à une analyse aussi consciencieuse.

Louis Petit


L'article d'Amédée Gastoué

Extraite de la Revue de l'Orient chrétien, cette section est une réédition réalisée à partir d'une version numérisée par la Bibliothèque du Séminaire théologique de Princeton[2]

§ I

Un des plus anciens textes liturgiques, commun à tous les rites, est le magnifique cantique que les Grecs nomment Grande Doxologie — Μεγάλη δοξολογία — et que les Latins désignent simplement par ses premiers mots : Gloria in excelsis.

La première mention que nous ayons de cette pièce liturgique est donnée par l'ancien Liber Pontificalis de l'Église romaine; d'après la notice qui y est consacrée au pape saint Télesphore, celui-ci en aurait introduit l'usage à Rome, pour la fête de Noël, à la messe. A cette époque, vers l'an 135, la langue liturgique de Rome était encore le grec.

Si nous en croyons d'anciens auteurs ecclésiastiques, l'état actuel du Gloria serait dû à saint Hilaire de Poitiers (†367), qui l'aurait composé (ou plus vraisemblablement complété), au retour de son exil en Orient.

Entre ces deux versions, rien d'historique ne se rattache à ce cantique. Qu'était-il à l'époque de saint Télesphore ? qu'est-il devenu jusqu'à saint Hilaire ? Autrement dit, quel était son état primitif ? comment le texte reçu s'est-il formé ?

Le texte dont usent, avec de légères variantes, les liturgies romaine et byzantine nous est donné pour la première fois par le célèbre Codex Alexandrin, à la suite de la version grecque des Écritures.

Parallèlement à ce texte, figure celui du livre VII des Constitutions Apostoliques, modifié dans un sens arien (Migne., Patr. grœc.,l, 1055).

Enfin, un troisième texte plus simple que les précédents, mais se rapprochant de celui des Const. Apost., a été longtemps en usage dans la liturgie ambrosienne de Milan; il a déjà quelque peu été interpolé à la fin du IV siècle ou au début du Vè nous le verrons par la suite ([NDLA 1]).

Rapprocher ces textes, en faire ressortir ce qu'ils ont de commun, rechercher, s'il y a lieu, leurs règles de composition littéraire, en donner, s'il est possible, une version critique, tel est le sujet de cette étude.


§ II. — LE TEXTE.

logo travaux Tableau en cours de constitution
I II III
Constitutions Apostoliques. Textus receptus. Liturgie ambrosienne.

Δόξα ἐν ὑψίστοις Θεῷ.
 

Byz. Δόξα ἐν[τοίς] ὑψίστοις Θεῷ
Rom. Gloria in excelsis Deo.

 
Gloria in excelsis Deo,

καὶ ἐπὶ γῆς εἰρήνη˙
 

καὶ ἐπὶ γῆς εἰρήνη
Et in terra pax

et in terra pax
 

ἀνθρώποις εὐδοκία.
 

ἀνθρώποις εὐδοκία[ς].
hominibus bonæ voluntatis.

hominibus bonæ voluntatis.
 

Αίνοῦμέν σε, ῦμνοῦμέν σε,
 

Ὑμνοῦμέν σε,
Laudamus te

 
Laudamus te, hymnum dicimus tibi ;

εὐλογοῦμέν σε, δοξολογοῦμέν σε,
 

εὐλογοῦμέν σε, προσκυνοῦμέν σε,
Benedicimus te, Adoramus te,

 

Benedicimus te, glorificamus [te],

προσϰυνοῦμέν σε,
 

δοξολογοῦμέν σε, εὐχαριστοῦμέν σοι,
Glorificamus te. Gratias agimus tibi,

 

adoramus te ; gratias tibi agimus

διὰ τοῦ μεγάλου ἀρχιερέως,
σὲ τὸν ὄντα Θεὸν ἀγέννητον
ἕνα, ἀπρόσιτον μόνον,
διὰ τὴν μεγάλην σοὔ δόξαν.

 
 
 
διὰ τὴν μεγάλην σοὔ δόξαν.
propter magnam gloriam tuam

 
 
 
 
propter magnam gloriam tuam

Κύριε Βασιλεῦ, ἐπουράνιε

Κύριε Βασιλεῦ, ἐπουράνιε
Domine Deus, rex cœlestis,

Domine [Deus] Rex cœlestis,
Θεέ, Πάτερ παντοκράτορ,

Θεέ, Πάτερ παντοκράτορ,
Deus Pater omnipotens.
Κύριε Υἱὲ μονογενές, Ἰησοῦ
Domine fili unigenite, Jesu
Χριστέ, καὶ Ἅγιον Πνεῦμα.
Christe, [cum sancto spiritu].

Κύριε ὁ Θεός, ὁ Πάτὴρ τοῦ Χριστόῦ Κύριε ὁ Θεός, ὁ ἀμνὸς τοῦ Θεοῦ,

Domine Deus, agnus Dei,

ὁ Υἱός τοῦ Πατρός, ὁ αἴρων
Filius Patris, | Qui tollis

τὴν ἁμαρτίαν τοῦ κόσμου,

τὴν ἁμαρτίαν τοῦ κόσμου,
peccata mundi,
ἐλέησον ἡμᾶς, ὁ αἴρων
miserere nobis | Qui tollis
τὴν ἁμαρτίαν τοῦ κόσμου,
peccata mundi,

Πρόσδεξαι τὴν δέησιν ἡμῶν

Πρόσδεξαι τὴν δέησιν ἡμῶν
suscipe deprecationem nostram;


suscipe deprecationem nostram;

ὁ καθήμενος ἐν δεξιᾷ τοῦ
Qui sedes ad dexteram
Πατρός, καὶ ἐλέησον ἡμᾶς.
Patris, miserere nobis.

Qui sedes ad dexteram

Patris, miserere nobis ;
miserere nobis, subvent nobis,
dirige nos, conserva nos,
mundanos, pacifica nos.
 
Libéra nos ab inimicis, a
tentationibus, ab h;i3reti-
cis, ab arianis, a schisma-
ticis, a barbaris.

Ὅτι σὺ εἶ μόνος Ἅγιος, σὺ
Quoniam Tu solus sanctus,

Tu solus Dominus, Tu
solus Altissimus, Jesu Christe,

Cum Sancto Spiritu in gloria Dei Patris.

Amen Amen

De prime abord, le n° I, en dehors des interpolations qui le distinguent des autres, paraît avoir été retouché par une main arienne.

Il suffit de faire ressortir la phrase Κύριε ὁ Θεός, ὁ Πάτὴρ τοῦ Χριστόῦ[NDLR 1] , qui enlève nominativement au Christ la qualité divine; le καθήμενος ἐπὶ τῷ κερουβείμ[NDLR 2] adressé au Père, au lieu du καθήμενος ἐν δεξιᾷ τοῦ Πατρός[NDLR 3].

Mais, ces passages mis à part, ce texte, rapproché de celui de Milan, témoigne évidemment d'un usage antérieur à celui du textus receptus : d'un côté, avec la version arienne; de l'autre, avec la version catholique. Nous ignorons, il est vrai, si celles des ariens a été faite sur l'autre, ou si l'ambrosienne est une correction de celle-là; ce qui est remarquable, c'est que ni dans l'une, ni dans l'autre, ne se retrouvent les passages caractéristiques des textes actuellement en usage.

Si nous rapprochons ces faits de l'affirmation qui attribue à saint Hilaire une part prépondérante dans la formation de ce cantique, nous devons reconnaître et admettre provisoirement : que le texte de Milan a de fortes chances pour être (à peu de chose de près) le texte occidental ancien;

Que, dans la seconde moitié du IV° siècle, saint Hilaire aurait importé les additions déjà usitées en Orient ;

Que ces additions, dans les textes grecs, ont pu être faites pour répondre à celle des ariens;

Que le texte primitif d'Orient aurait donc été plus simple, se rapprochant à la fois de celui de Milan et de celui des Const. Apost.

Ces deux derniers donnent, dans le même ordre, les formules de louanges Αίνοῦμέν σε, Adoramus te, et ce qui suit; tandis que les autres textes les donnent dans un ordre différent des deux premiers ainsi qu'entre eux (1)[NDLA 2]. De plus, dans l'une ou l'autre version du textus receptus, Αίνοῦμέν σε ou l'ῦμνοῦμέν σε, a disparu, tandis, fait curieux, que le n" I offre une lacunft à εὐχαριστοῦμέν σοι.


Momentanément, on pourrait donc admettre que les anciens textes offraient des formules plus brèves, différemment complétées ici et là. Les points primitifs et principaux auraient été calqués sur la vieille formule de glorification :

Σοί πρέπει αἷνος,      Σοί πρέπει ὕμνος,      σοὶ δόξα πρέπει.      (1)[NDLA 3]
Αίνοῦμέν σε, ῦμνοῦμέν σε, δοξολογοῦμέν σε.

Plus tard, les autres intercalations seraient apparues rapportant à l'action de grâces le διὰ τὴν μεγάλην σοὔ δόξαν, que le n° I rattache à la glorification, à travers la longue interpolation, διὰ τὴν μεγάλην σοὔ δόξαν.

Dans ce qui suit, les invocations au Père sont différemment ponctuées. C'est peut-être, dans le texte romain, l'intercalation du mot Deus entre Domine et Rex (elle figure également en certains mss. milanais) qui a nécessité la modification de la ponctuation : Domine Deus, Bex cœlestis, Deus Pater omnipotens, au lieu de : Domine rex, cœlestis Deus, Pater omnipotens ; nous verrons plus loin quelle est la forme préférable.

L'invocation au Fils ne paraît avoir commencé primitivement qu'avec le Κύριε ὁ Θεός, qui précède la mention de l'agneau divin. Les mss. ambrosiens ne donnent en effet que Jesu Christe, Sancte Spiritus ; cette dernière invocation ne figure même que dans une partie des mss. grecs ou latins, et les deux sont entièrement omises dans les Const. Apost.

L'invocation à l'Esprit-Saint dérange manifestement le sens de la phrase et la coupe littéraire. Que signifie en effet, dans le texte III, Jesu Christe; Sancte Spiritus, Domine Deus, Filius Patris ? Et dans le rite byzantin cette mention de l'Esprit-Saint ne se présente-t-elle pas encore plus mal? Κύριε Υἱὲ μονογενές, Ἰησοῦ Χριστέ, καὶ Ἅγιον Πνεῦμα. : Jésus-Christ n'est cependant pas le Fils unique avec le Saint-Esprit ou le Fils unique et le Saint-Esprit? Les versions romaines, plus fidèles au sens du contexte, ont généralement rejeté à la glorification finale cette mention où elle a parfaitement sa place.

Ὅτι σὺ εἶ μόνος Ἅγιος, etc., correspond, en effet, à une formule hébraïque bien connue ; et peut être tourné ainsi : A toi seul la sainteté, à toi seul la domination, ô Jésus-Christ, — avec le Saint-Esprit, — dans la gloire du Père. De cette façon, les trois personnes de la Trinité sont commémorées, et certains mss. font preuve de cette coutume dans le rit byzantin, d'où elle a depuis disparu.

Les textes I et III sont unanimes à rejeter l'invocation èἐλέησον et la répétition de 5 ὁ αἴρων qui tollis.

Dans les Const. Apost. le Πρόσδεξαι parait se rattacher à ce qui précède, les mss. latins sont unanimes sur le môme point, tandis que les grecs le rapportent à ce qui suit, πρόσδεξαι τὴν δέησιν ἡμῶν, ὁ καθήμενος ; nous verrous plus loin que telie paraît être la forme ancienne.

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Les longues invocations que contient ensuite le texte ambrosien lui sont absolument particulières, on ne les a point jusqu'ici rencontrées autre part. iMais elles sont très précieuses en ce ^cns qu'elles datent approximativement la date de l'interpolation.

Libéra nos ab arianis,... a barbaris, ne peut s'étendre plus

bas que le milieu du v^ siècle et peut remonter très haut dans le iv° : peut-être dès lors ces supplications seraient-elles dues à saint Ambroise.

On peut les rapprocher des formules litaniques : -(07:v. ïiA^zzi

Le cantique sacré est terminé par une invocation faite sur un texte bien connu et qu'il suffit de prendre tel qu'il est :

"Oti (7j zi ;xivcç 'Ayisç, au ti [j.ivoç K'js',;ç. '\r^-zz\iz Xp'.sTbç, sir sirav (-)scj Wy-plz.

C'est le texte romain qui paraît avoir ajouté le lu soins Alfis- simus, que l'ambrosien a également adopté et qui figure dans quelques manuscrits grecs, 7j si ;j.iv:ç "Y'l'.:;-o:.

Le texte ancien de la Grande Doxologie, tel qu'il résulte de ces rapprochements, serait donc notablement plus court que celui qui, à la longue, est demeuré seul en usage. Il ne paraît pas avoir contenu la mention du Saint-Esprit.

Cette mention dans le n° III est rejetée tout à fait à la fin, et est suivie de Y ùi sa'cula sœculorum, formule absolument isolée au milieu des autres versions. Toutefois, le texte I otTrait peut- être une conclusion analogue : aol c;:a. t'.;xy; v.xl Giiy; appelle directement l';-.; tcjç alwva; qui figure du restée un peu plus loin à la suite de Vs-jyr, ï-' àp'.jTw (Pair, g/-., I, 1038).

Le chœur, dans ce cas, aurait parfaitement pu terminer le cantique par la formule s'.; s:;:cv Wssu IlaTpbr, tandis que le prési- dent aurait continué : ctjv X^U,) nv£j;j.3!T'., -U ':^; a'.wviç twv a'.wv(.)v. Ch. 'Airr.v, OU tout autre ckpliouèse analogue.

Ce ne serait qu'après cette exclamation qu'auraient été chantés les versets tirés des Psaumes qui suivent la Grande Doxologie partout où elle est usitée dans la liturgie matutinale ; mais ceci est plutôt du ressort d'une étude liturgique qui sort du cadre de la présente, où nous nous en tenons à la correction du texte ecclésiastique, laissant de côté les textes scripturaires qui le complètent.


§ III, — LA FORME.

Supposons donc momentanément que nous possédions ce texte primitif de la Grande Doxologie, cherchons-en la forme, les divisions, en nous servant, puisqu'il s'agit d'un texte grec, de la ponctuation qui lui est donnée dans les livres byzantins.

Δόξα ἐν ὑψίστοις Θεῷ, καὶ ἐπὶ γῆς εἰρήνη, ἐν ἀνθρώποις εὐδοκία˙ αίνοῦμέν σε, ὑμνοῦμέν σε, εὐλογοῦμέν σε, δοξολογοῦμέν σε, διὰ τὴν μεγάλην σου δόξαν. Κύριε βασιλεῦ ἐπουράνιε, Θεὲ Πάτερ παντοκράτορ˙ κύριε ὁ Θεὸς, ὁ ἄμνος τοῦ Θεοῦ, ὁ Υἱός τοῦ Πατρός, ὁ αἴρων τὴν ἁμαρτίαν τοῦ κόσμου. Πρόσδεξαι τὴν δέησιν ἡμῶν, ὁ καθήμενος ἐν δεξιᾷ τοῦ Πατρός, καὶ ἐλέησον ἡμᾶς. Ὅτι σὺ εἶ μόνος Αγιος, σὺ εἶ μόνος Κύριος, Ἰησοῦς Χριστός, εἰς δόξαν Θεοῦ Πατρός.

Il est facile de se rendre compte que ce cantique est formé de petites incises quasi égales groupées par trois ou par quatre. Bien plus, si nous tenons compte de l'usage byzantin qui le partage en sorte de strophes, nous reconnaîtrons que chacune de ces grandes phrases ou strophes renferme une grande incise formées de trois petites et une de quatre, dans l'ordre ci-après.

I

Δόξα ἐν ὑψίστοις Θεῷ, καὶ ἐπὶ γῆς εἰρήνη, ἐν ἀνθρώποις εὐδοκία.
Αίνοῦμέν σε, ὑμνοῦμέν σε, εὐλογοῦμέν σε, δοξολογοῦμέν σε˙
Διὰ τὴν μεγάλην σου δόξαν.

II

Κύριε βασιλεῦ ἐπουράνιε, Θεὲ Πάτερ παντοκράτορ.
Κύριε ὁ Θεὸς, ὁ ἄμνος τοῦ Θεοῦ, ὁ Υἱός τοῦ Πατρός˙
Ὁ αἴρων τὴν ἁμαρτίαν τοῦ κόσμου.

III

Πρόσδεξαι τὴν δέησιν ἡμῶν, ὁ καθήμενος ἐν δεξιᾷ τοῦ Πατρός, καὶ ἐλέησον ἡμᾶς.
Ὅτι σὺ εἶ μόνος Αγιος, σὺ εἶ μόνος Κύριος, Ἰησοῦς Χριστός˙
Εἰς δόξαν Θεοῦ Πατρός.


Qu'est-ce à dire? Sinon que cette suggestive disposition de la doxologie ne s'est point laite au hasard. Elle ne peut guère être que le résultat d'une recherche parfaitement voulue, et la forme régulière qui en résulte va nous mettre tout à l'heure sur la voie d'une petite découverte des plus curieuses, là où peut-être on ne l'aurait point été chercher.

Quant à connaître l'exécution primitive de ce cantique, il faut chercher ce que l'usage liturgique des diverses églises en a pu conserver.

Le rit byzantin le fait chanter en grandes strophes alternées par les deux chœurs; le rit romain ignore ces grandes subdivisions et les deux chœurs alternent tantôt les petites incises, tantôt les grandes, suivant le sens; le rit ambrosien paraît réunir les deux usages, les chœurs élevant tour à tour la voix sur les grandes incises, et se réunissant pour dire celles qui closent les différentes parties de ce cantique.

Il est possible que cette façon de chanter ait été la bonne. Κύριε Βασιλεῦ, etc., aurait été comme une strophe dite par un chœur; Κύριε ὁ Θεός, l'antistrophe dite par l'autre chœur; et ὁ αἴρων une sorte d'ἐφύμνιον[NDLR 4] réunissant les deux chœurs.

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Deux textes empruntés ailleurs ouvrent et ferment le chant de la Grande Doxologie. En réunissant dans un même diagramme les cadences finales des autres phrases, immédiatement nous nous trouvons en présence d'un rythme tonique répété réguliè- rement à la fin et souvent au milieu de chaque phrase (1)[NDLA 4] :

1   2   3   4   5
acc. acc.
Δο- ξο- λο- γοῦ- μέν σε
μεγά- λην σοὔ δό- ξαν.
ἐπουρά- νιε (1)[NDLA 5] Θε- έ,
Πάτερ παν- το- κρά- τορ
Υἱός τοῦ Πατ- ρός,
ἁμαρτί- αν τοῦ κόσ- μου,
δέη- σιν(2)[NDLA 6] ἡ- μῶν


Et quelle est cette cadence rythmique qui se répète 9 fois sur 14 dans ce texte ecclésiastique? Pas une autre que la cadence connue seulement jusqu'ici dans les textes latins, et désignée sous le nom de cursus, modifiée, bien entendu, d'après les règles de l'accentuation grecque (2)[NDLA 6].

Non seulement le cantique qui nous occupe est le premier témoin de l'emploi du cursus dans la littérature liturgique grecque, mais encore il est un texte précurseur de la prose syntonique.

Si les différentes parties dont il est formé n'ont point entre elles les rapports étroits qui règlent les automèles eWe^proso- moia, elles ont cependant une certaine équivalence, presque une mesure, résultant en premier lieu de l'emploi des cadences cur- sives.

Les pièces latines analogues n'ont pas un rythme plus étroit. « cantus accurati, cantus bene procurati, quos metricos dicere possumus ; jocene suntmensurabiles; sa^pe ita canimus ut quasi versus pedibus scandere videamur. » (Aribon, dans Gerbert, Scriptores.)

Et lorsque saint Hilaire puisa dans la liturgie grecque les additions au texte ancien, ces additions avaient été réglées à peu près delà même façon que les incises primitives. La repro- duction du textus receptus corrigé sur la version donnée plus haut, sera plus claire que toute explication.


Aô^a £v u'I/t'axoiç 0£to' xat £7:1 Y'^lî £?p>ivr,* £v àvOpwTTOti; Euooxîst. Aîvo'!jij.£v cv uavouy.£v cz' oo^oÀoyoûiJLEv ff£*

(1) lotacisme.



(Interpol.) EOXoyoutisv as- Trpotrxuvoîjjjiev r;v cù/ypiiTotii/cv <jol Aià T71V [jL£YV.Àr,v <TOÛ oo;otv.


Kûpie flaaiXeu- îTroupâvie 0c£' flaTT^p iravToy.paTojp. (Interpol.) KOpis YU* (jLOvoYSvà;- 'Irjoroj XpiaT£"

Kupie ô 0£Ô;* 6 à'fxvoç tou 0£ou* ô Ytoç toÎÎ IlaTpcç' aiptov Tï]v àjxapTtav toù xdffixou.


iir


(Interpol.) 'EXsïiuov r,[ji,5{;' ô aipwv xà; àixapTiàç tou xôuaou (?).

Ilpodâê^at TYjv 0£Y)(Tiv yiu.(ov ô y.a6-/iy.£voç Iv 0£;i5t toÎj HaToô;- x.

i£Xîr,(ïOv v;;jLÎ;' Oti cjÙ eî [xovo; '^Ayio;* cù £t t^ovoç Kôpio;' 'Iy)(TOÛ; Xpiffxoç* Eîç ooçav 0£ou riarpôi;. Excpov/îdiç. Dot oo';a, Tiu.y) xal «jÉSaç, cùv 'Ay^V nveuaa-ci, £Î; Toù; atoivà; Ttov aiwvwv. Xopoç. 'Au.v)v.

Il est à remarquer qu'en s'inspirant de la ponctuation byzan- tine pour les trois premiers y.(oXà, et de la romaine pour les sui- vants, on peut obtenir aussi une certaine équivalence des par- ties, conservant trois par trois les grandes incises, mais qui a le tort de déranger l'arrangement primitif, et d'aller contre plusieurs traditions; elle donnera cependant la clef de plusieurs des additions que la Grande Doxologie a subies; voici le texte ainsi modifié.


\. Aô;a £v 6'|t'(JT0t<; ©eôi' xal etci Y'^iî sîpvivy]' sv àvOpwTtoK; EÙooxia*

2. AtVOUUEV ff£, £ÙX0Y0UtJL£V (T£* UlJt.VO!JIJLev ff£, TTpOa/.'JVOÎjlJI.ÇV QV £Ù/apiiJTO'!!tJl£ V «TOI*

3. Ata Ty;v [kffâXr^^ doû oo;av.


1.

2.

[ou) 3.


Kupt£ ô 0£O(;- BafftX£ÎÎ £TTOupavt£- IlaTr'o TravTOxpaTojp" Kupte VU* [j(.ovoY£V£Ç' 'lr;(Joïï Xpiarâ' KupiE YΣ [xovoyEvâ;* 'lïjaoîi Xpiffrr xat '"'.Ayiov IIvEUfxa' KupiE Ô 0£C);* ô aiAvoç tou 0£OÎÎ- ô Yiôç xou Wol-oo^.


290 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.


III


1. '0 aipojv T/|V àixaptiav tou xoajxou* IXÉ-ziacv '^u.aç*

2. '0 atpwv ràç ày-aptià; xoû xoafxou' ripo'ffOîçat r/iv 0£7|(jiv ^[xwv.

3. '0 xaOTqi/evo; ev û£^ta TOÎi Tlarpoç" IXériaov r,(xaç.


IV

1. "Oti cÙ £Î ÎJ.ÔVO; "Ayioi;* au eî uovoi; Kupioç*

2. Su el u.ovo;*r']>iffTo;' 'Iviffoû; Xpiffioç*

3. — ùv 'Ay'w IIvEtjfxaTr si; oô^av 0eou ITarpoç.

A tjLr,v .

Inutile de dire que si les vM\y. d'une même grande strophe ont entre eux une certaine équivalence, il ne faut point la cher- cher avec ceux des autres strophes, non plus que le poids et le nombre rythmiques résultant de l'emploi régulier du cursus.

Ainsi, l'observation des cadences rythmiques, l'équivalence des incises dans les deux premiers arrangements donnés plus haut et particuliers à la forme byzantine, nous donnent toute raison de croire à l'origine grecque de la pièce, origine à la- quelle on a pu conclure par d'autres raisonnements. (Duchesne, Origines du culte chrétien.)

La prose nombreuse et équivalente, avec cadences cursives dans laquelle elle est écrite, continuera désormais d'être employée par les auteurs ecclésiastiques dans les liturgies latines. Nous verrons par la suite les Grecs, la transformant, remplacer par leurs hirmi et leurs tropaires les textes scripturaires, enthousiasmés de la régularité rythmique des nouvelles compositions, dans lesquelles ils garderont cependant jusqu'à l'époque des mélodes de la ville sainte l'usage du cursus latin, si fortement empreint dans les cadences littéraires de la Grande Doxologie.

Amédée Gastoué,

Professeur à l'École de chant liturgique de Paris (Scliola Cautorum).


Notes de l'auteur

  1. Cf. llcvue du Chant Grégorien, Grenoble; février et avril 1897, articles du R""» P. Dom Pothier; décembre 180S. art. de Dom Janssen; Chanls ambrosiens et grégoriens, édités par le R. P. Mocquereau, Solesmes.
  2. Cf. Christ., Anlliologia rjrxca, j). oS et .>9, lîoto.
  3. Const. Apost., Ὑμνος ἐσπέρινος, et pour le texte latin, Te decel laus, la règle de saint Benoît et les bréviaires monastiques; pour le chant : Liber Responsorialis, p. 42; Liber Antiplionarius, p. 1023 {Aller Tonus). Édition de Solesraes.
  4. Rythmé d'après les règles données par lo R. P. Boiivy -.Poêles et Mélodies.
  5. Iotacisme
  6. 6,0 et 6,1 Nous traitons en ce moment de la même question dans ses rapports avec le chant, dans la Tribune de Saint-Gervais (Paris).

Voir aussi

Notes rédactionnelles
  1. Seigneur Dieu, Patriarche du Christ
  2. assis devant le chérubin
  3. Assis à la droite du Père
  4. refrain
Notes encyclopédiques