Biographie universelle des musiciens (1835) Fétis/Bach/Charles-Philippe-Emmanuel

De Wicri Musique

Biographie de Carl Philipp Emanuel Bach par François-Joseph Fétis


 
 

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< Jean-Sébastien Bach
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Cette page reproduit la biographie de Carl Philipp Emanuel Bach à partir de la Biographie universelle des musiciens de François-Joseph Fétis.

Origine

Le texte original est accessible sur Gallica :

Le texte original


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BACH (Charles - Philippe - Emmanuel), deuxième fils de Jean-Sébastien, naquit à Weimar le 14 mars 1714. On le désigne ordinairement par le nom de Bach de Berlin, parce qu'il demeura dans cette ville pendant vingt-neuf ans.

Il fit ses premières études de musique à l'école de Saint-Thomas à Leipsick. Son père le prit ensuite sous sa direction, et lui enseigna, pendant plusieurs années, le clavecin et la composition. Pendant ce temps, il lit à l'université de Leipsick un cours de jurisprudence qu'il acheva à Francfort-sur-l'Oder. Il fonda dans cette dernière ville une académie de musique, dont 11 eut la direction, et pour laquelle il composait dans les occasions solennelles. Eu 1738, il se rendit à Berlin pour y professer la musique, et deux ans après il entra au service de Frédéric le Grand, qui venait de monter sur le trône. I1 conserva cet emploi jusqu'en 1767, où 11 alla à Hambourg comme directeur de musique pour y remplacer Telemann.

Avant son départ, la princesse Amélie de Prusse lui conféra le titre de maître de sa chapelle, en récompense de ses services. Ce n'est pas sans beaucoup d'obstacles que Charles - Philippe - Emmanuel Bach parvint à s'affranchir de l'espèce d'esclavage où il était à la cour de Prusse pour se transporter à Hambourg ; plusieurs fois il avait demandé son congé sana pouvoir l'obtenir on se contentait d'augmenter ses appointements. N'étant pas né Prussien, il semble qu'il devait être libre d'aller où il voulait mais il s'était marié à Berlin, et, dans les usages despotiques de ce temps-là, sa femme et ses enfants ne pouvaient quitter la Prusse sans la permission du gouvernement dont lis étaient les sujets. Le souvenir de ce qu'il avait souffert en cette occasion lui rendit si chère la liberté dont il jouissait Hambourg, qu'il ne voulut jamais quitter cette ville, quels que fussent les avantagea que lui offraient plusieurs princes d'Allemagne pour l'attirer à leur service.

Le docteur Burney le connut en 1773 : il jouissait d'une honnête aisance, mis non de toute la considération que méritaient ses talents. Accoutumé comme on l'était en Allemagne an style savant, harmonieux, mais plus ou moins lourd des compositeurs de ce pays, la musique de Ch.-Ph.-Em. Bach, pleine de nouveauté, de grâce, de légèreté, et qui s'éloignait des formes scientifiques, ne fut pas estimée ce quelle valait, et ce n'est guère qu'en France et surtout en Angleterre qu'on sut apprécier tout son mérite. C'est cependant ce même style, perfectionné par Haydn et Mozart, qui depuis a charmé toute l'Europe. L'injustice de ses compatriotes fit longtemps le tourment de Bach, qui avait 1e sentiment de son talent « mais, disait-il à Burney, depuis que j'ai cinquante ans, j'ai quitté toute ambition. Je me suis dit : Vivons en repos ; car demain. il faudra mourir; et me voilà tout réconcilié avec ma position ». Ce grand artiste mourut à Hambourg, le 14 décembre 1788.

I1 eut deux fils, dont l'un suivit la carrière de la jurisprudence, et l'autre celle de la peinture. ce sont les premiers membres de la famille des Bach qui no se soient pas livrés à l'étude de la musique.

Ls compositions

Bach possédait une belle collection de musique ancienne, de livres, d'instruments et de portraits de musiciens ; elle fut vendue en 1790, et le catalogue en fut imprimé sous ce titre : Verzeichniss des musikalischen Nachlasses des versionbenen Capellmeisters Cari. Phil. Emmanuel Bach. Hambourg, 1790, 142 pages in-8°.

On y trouve une notice de ses compositions imprimées et manuscrites; elles consistent :

- 1° en deux cent dix solos pour clavecin, composés depuis 1731 jusqu'en 1787, dont 70 sont restés en manuscrit
- 2° Cinquante-deux concertos pour te clavecin et orchestre, composés de 1723 à 1788, dont neuf seulement ont été imprimé».
- 3° Quarante-sept trios, partie pour clavecin et partie pour viole, violon et basse, desquels vingt-sept sont encore inédits.
- 4° Dix-huit symphonies a grand orchestre, composées de 1741 à 1778 < on n'en a imprimé que cinq.
- 5° Douze sonates pour ditveciu obligé avec accompagnement de plusieurs instruments, dont trois seulement ont été publiées.
- 6° Dix-neuf solos pour divers instruments, tels que flûte, hautbois, viola dl gamba, harpe, etc.: on n'a imprimé que deux de ce» pièces.
- 7° Trois quatuors pour clavecin, flûte, alto et basse, composés en 1788, et encore inédits,
- 8° Une foule de petites pièces pour divers instruments, imprimées et manuscrites ;
de plus, en manuscrit un Magnificat, composé en 1740 ;
un Sanctus ; un Veni Creator vingt-deux cantates et motets, composés de 1768 à 1788;
quatre services pour la fête de Pâques,composés en 1756, 1778 et 1784
un service pour la fête do Noël en 1775;
neuf chœurs religieux avec orchestre, de 1771 à 1785 ;
trois services pour la fête de Saint-Michel, 1772, 1775 et 1785 ;
cinq motets sans instruments ;
une antienne à quatre voix,
un Amen, idem ;
une cantate de noces, en 1766 ;
un chœur italien pour le roi de Suède, en 1770 ;
une cantate pour une naissance, 1769;
deux oratorios, 1780 et 1783 ;
deux sérénades une hymne de naissance en deux parties ;
dix-sept pièces pour des installations de prédicateurs, de 1760 à 1787
deux musiques de jubilé, toutes deux en 1775 ;
une cantate pour ténor, avec orchestre, en 1772;
Selma cantate pour soprano, avec orchestra, 1776 ;
cinq airs, avec orchestre ;
quatre-vingt-quinze chanta imprimés et manuscrits,
et une quantité considérable de chants simples ou chorals.

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Les ouvrages publiés

Le nombre des ouvrages que Bach a publiés depuis 1731 par la vole de l'impression ou de la gravure, se monte à plus de cinquante ; en voici l'indication

I. Pour le chant

- 1° Melodien su Gellerts geistlichen Liedern
(Mélodies pour les cantiques de Gellert) Berlin, 1754.
Cet ouvrage eut en 1784 sa cinquième édition.
- 2° Oden Sammlung (Recueil d'Odes); Berlin, 1701,
- 3° Anhangtu Getlerts geistllehen Oden
(Appendlx aux odes religieuses de Gellert). Berlin, 1764.
- 4° Une multitude d'airs et de chansons dans les recueils de Graef, de Kraus, de Lang, de Brrilkopf et autres ouvrages périodiques.
- 5° Philis et Tircis, cantate; Berlin, 1766.
- 6° Der Wirlhunddle G«wte(l'Hotaetlês Convives); Berlin, 1796.
- 7° Les psaunies de Cramer; Hambourg, 1774
– 8° Die IsraeUtenin der Wûsle (les Israélites dans le désert), Oratorio, ; en partition Hambourg, 1779.
- 9° Sanctua, à deux chœurs, en partition, Hambourg, 1779.
- 10° Sturm's geistltche Gesmg'e mit Uelodien (cantiques de Sturm, mis en musique); Hambourg, 1779. Le second volume du même ouvrage a paru à Hambourg en 1781
– 11° Klopto*»M>r-gengesxng am Sehœpfungtfette (Hymnes du matin, pour la fête de la Création, par Klopstock), en partition; Leipslck, 1787.
– 12° Deux litanies à huit voix en deux chœurs; Copenhague, 1786.
– 13° nammlen Auferstehtmgund Bimmel-fakrt Jesu (la Résurrection et l'Ascension de Jésus, par Ramier), en partit.; Leipslck, 1787.

II Pour le clavecin

- 14° Un menuet à mains croisses Leîpsick, 1731 ;
- 15° Six sonates dédiées au roi de Prusse; Nuremberg, 1742 ;
- 16° concerto pour clavecin en  ; Nuremberg, 1745.
- 17° Un id. en si bémol, ibid., 1753.
- 18° Six sonates; Berlin, 1763.
- 19° Dix sonates, dans tes œuvres mêlées de Haffner ; Nuremborg, 1755 et 1756.
- 20° Deux sonates et une (que dans le recueil do Breitkopf, 1757 et 1758.
– 21° Une feigne à deux parties pour clavecin, dans le recueil de fugues de Marpurg; Berlin, 1758.
– 22° Douze petits morceaux pour clavecin, Berlin, 1758.
- 23» Six sonates, avec des variante:! dans 1es reprises
( il y adjoint une préface sur ces variantes) ; Berlin, 1769.
11 y en a eu une deuxième édition en I78S.
- 24° Six sonates; Berlin, 1761.
- 25° Six sonates; ibid., I7Oï.
- 26° Concerto en wi j majeur; ibid 1763.
- 27° Trois sonatines, avec accompagnement de 1704 à 1765, imprimées séparément.
- 28° Six sonates faciles; Leipsick, 176C.
- 29° Recueil de pièces pour le clavecin Berlin, 1765.
- 30° douze petits morceaux à l'usage des commerçants, premier recueil; Berlin, 1765.
- 31° deuxième recueil des mêmes ibid., 170».
- 32° six sonates à l'usage des dames, I770.
il y a deux lieux éditions de cet ouvrage, l'une gravée à Amsterdam, l'autre imprimée à Riga.
- 33° douze petites pièces à deux et trois parties i Hambourg, 1770.
– 34° Mutikalischt Vermischung (Mélanges musicaux); Hambourg, 1771
- 35° Six concertos belle) avec accompagnement, ibid., 1772.
- 36° Six sonates pour clavecin,violon et violoncelle; Berlin, 1770.
- 37° Trois sonates avec accompagnement de violon et violoncelle, premier recueil; Leipsick, 1776.–
- 38° Quatre sonates, ibid, deuxième recueil Leipsick, t777.
– 39° Six sonaies pour les connaisseurs, Lcipsick* 1779.
- 40' densième recueil des mômes Leipsick, 17H0.
– 41" troisième idem} Ma 1783.
– 42° Quatrièrue Idem ibid. 17K5
- 43° cinquième idem; ibid. 1785.
- 44° sixième recueil idem, avec des fantaisies libres; ibid., 1787.
– 45" Sonata péril cembalosolo; Leipsick, 1786.

III Pour divers instruments

– 46° Trio pour violon, en ut mineur, avec des observations, suivi d'un autre trio pour Ante, violon et basse; Nuremberg, 1751.
- 47° symphonie, en mi mineur, Pour deux violons, alto et basse, ibid., 1759.
- 48° Quatre symphonies à grand orchestre; Leipsick, 1780.
– 49° Preludio e set sonate per organo; Berlin, 1790, grand in-fol.–

IV. Écrits sur la musique

- 50° Elnfall einen doppelten Contrapunct in der Octave von 6 Tacten zu machen ohne die Regeln davon zu wissen (Idée pour composer un contrepoint double à l'octave, île six mesures, sans en connaître les règles); 1757, dans le troisième volume des essais de Marpurg.
– 5i° Vernich Hber die wahre Art dos Klavier tuspielen,mitExmplen und 18 ProbslUcken in 6 Sonaten (Essai surla vraie manière de jouer du clavecin, avec des exemples et dix-huit modèles en six sonates ) Berlin, 1752 – 1762, in-4% 2 volumes. Les exemples de cet ouvrage forment un volume grand in-folio. La deuxième édition de cet excellent ouvrage a été publiée à Leipsick en 1782, la troisième en 1767,. la quatrième en 1797.

Bien ne peint mieux l'indifférence où l'on est en France pour les progrès de la musique, que l'absence d'une traduction de ce livre, beaucoup plus important que son titre ne l'annonce. Le second volume contient d'excellents principes d'accompagnement. L'auteur de cette biographie possède le manuscrit autographe d'nn petit ouvrage de Ch.-Ph.-Emm. Bach, intitulé Kurse Anweisung zum GeneraBass (courte instruction pour la basse conliium), petit in-4°obl. de 30 pages,


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ainsi que seize lettres de sa main relatives à sa vie et a ses ouvrages ; enfin le catalogue thématique de toutes ses œuvres imprimées et inédites, manuscrit supérieurement exécuté en un volume in-fol., de 98 pages, précédé d'une belle vue de son tombeau sur les bords de l'Elbe, peint en gouache.

On lit dans le Correspondant de Hambourg (1790, n» 160), que Bach lui-même fut le rédacteur de ce catalogue, dont on a extrait ceint qui a été publié après sa mort. On a imprimé quelques ouvrages posthumes de Bach à Berlin et à Leipsick consistant principalement en musique de citant et de clavecin. M. A.-K. Ricci us publie en ce moment (1853) une édition complète «les. oeuvres de Charles-Philippe-Emmanuel Bach, pour le clavecin, chez Frédéric Hofmeister, à Leipsick. La première livraison contenant six sonates, est accompagnée d'une introduction historique et critique. Le catalogue thématique de tontes les compositions inédites de Bach pour le clavecin et pour d'antres instruments, avec l'indication de leur date, se trouve dans le catalogue général de sa collection cité précédemment. Les manuscrits autographes d'une partie de tes cantate!) d'église et autres ouvrages de musique religieuse, ainsi que de ses symphonies et de ses concertos pour clavecin et pour divers instruments, se trouvent à la bibliothèque royale de Berlin.

Sa postérité

Créateur de la sonate moderne, Emmanuel Bach a eu le sort souvent réservé à ceux qui ouvrent des voies nouvelles dans l'art il fut méconnu de ses contemporains, parce que son style était trop nouveau pour eux, et ses ouvrages ont vieilli rapidement, parce que ses successeurs, instruits par son exemple, ont développé ce qu'il avait inventé et en ont perfectionné les formes. Jugées au point de vue de l'époque actuelle, les pièces composées par ce grand musicien nous semblent trop courtes, accoutumés que nous sommes à l'ampleur parfois exagérée de la musique de Beethoven, de Weber et de Mendelssohn.

Parmi les nombreux recueils de sonates qu'il a mi» au jour, on remarque un première ligne celui qui a pour titre Sonates de clavecin pour les connaisseurs (Clavier-Sonafen fur Kenner), dont il a paru six suites à Leipslck, depuis 1779 jusqu'en 1787, et dont la réunion forme un gros volume in-fol. Cette Importante production renferme dix-huit sonates, doute rondeaux détachés, et six fantaisies. Le titre Sonates pour les Connaisseurs, semble une protestation contre l'indifférence que le vulgaire montrait pour les ouvrages de Bach. Un des traits caractéristiques dit talent d'Emmanuel Bach est son penchant pour la mélodie.

A le voir s'éloigner avec foin du style fugué dans la plupart de ses ouvrages, on a peine à comprendre qu'il ait pu s'affranchir avec tant du liberté de l'éducation qu'il avait reçue et des habitudes de son enfance. Des quatre fils de Jean-Sébastien B&eh qnl ne sont montas (lignes de leur illustre père, l'atné (Guillaume- Friedmann) et Jean-Cliistophe- Frédéric ont été les continuateurs des* manière, et l'on voit dans leurs œuvres qu'ils ont été inspirés par son génie. Les deux autre», au contraire (Charles Philippe. Kmmanuel et Jean-Chrétien), ont été méledisles avec passion, et ont employé toutes les res;sour. ces de leur Imagination a la création ou à la pro- pagation des rarmef modernes. Jean -Sébastien était encore dans toute la force de son talent lorsque son fils Emmanuel publia ses premiers ouvrages. Il serait intéressant de savoir quelle fut l'opinion de ce grand homme sur des chose» ai différentes de ron style. Vraisemblablement il les aura considérées comme des bagatelles; car c'était par ce mot qu'il désignait les opéras ita- liens de son temps, et toute la musique libre qui n'avait de base que dans l'imagination quoiqu'il eut lui-même l'imaginatiola la plus riche et la plus indépendante. Qjioi qu'il en soit, Emmanuel Bach fit voir dans son premier œuvre du sonates. délié au roi de Prusse, et publié en 1742, la voie doit- velle où II voulait s'engager quoiqu'il y eût en- core quelque incertitude dans sou style; mais il caractérisa davantage sa manière dans les six so- nate qu'il fit parattre en 1753. Là, les formes qu'il a reproduites dans ses autres œuvres sont arrêtées, et l'on n'y retrouve plus rien de l'ancienne école.

Cependant ces œuvres, et quelques sonates détachée* du même genre, qu'Emmanuel Bach avait fournies aux recueils de compositions de di- vers auteurs publiés Il Nuremberg, cl«z Haflner, et à Leipsick chez Breiliiopf, ayant fait accuser cet artiste, par quelques critiques allemands, de n'avoir adopté des formes libres dans «es coin- positions, que parce qu'il n'avait pas assez d'ha- bileté dans l'art d'écrire pour traiter avec talent des ouvrages plndémontrer l'injustice de cette attaque, en faisant insérer dans le recueil Intitulé Mmicalisc/ies Allerleg, publié a Berlin en 1761 deux sonates, dont la première (en mi mineur) est composée de pièces d'anciennes formes d'un style serré, et dont l'autre (en ré mineur) a pour dernier mor- ceau une fugue, excaltente. S'il était nécessaire d'avoir une autre preuve de la valeur des «ou- vres de Bach que ces mimes ouvrages, on la trouverait dans la haute estime que Haydn, Mozart et Clemenli eurent toujours pour l'originalité du stylé de cet artiste.



Voir aussi