Allegrini (Fontenai, 1776)

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Cette page présente une courte biographie sur Gregorio Allegri rédigée en 1776 par l'abbé de Fontenay dans son Dictionnaire des artistes, (ou Notice historique et raisonnée des architectes, peintres, graveurs, sculpteurs, musiciens, acteurs et danseurs ; imprimeurs, horlogers et mécaniciens).

Le document original

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Une transcription

Allegrini

musicien Italien, est compositeur de ce beau Miserere qu'on chante dans la chapelle du pape pendant la semaine sainte. Il n'y a aucune sorte d'instrument ; toute la musique y est vocale, et produit cependant le plus grand effet. On y compte huit basses, huit tenores ou basses-tailles, huit hautes-tailles , et huit hautes-contres : ce sont-là les musiciens ordinaires pendant tout le temps de la semaine sainte, soutenus de trente-deux surnuméraires, qui remplacent ceux qui sont obligés de s'absenter. L'habit des chantres est une espèce d'uniforme pourpre : leurs honoraires sont moins que médiocres : ils ne sont point encouragés ; aussi cette musique décline-t-elle chaque jour. Quelques personnes croient qu'il est défendu, sous peine d'excommunication, de donner des copies de ce Miserere. Cependant M. Burney, auteur anglais, dit dans son livre intitulé De l'état actuel de la Musique en France & en Italie, que le cardinal Albani, premier bibliothécaire du Vatican , et préfet de la chapelle du pape, lui permit non-seulement de prendre une copie du Miserere en question, mais encore de fouiller dans tous les manuscrits relatifs à la musique.

Ce même M. Burney donne des détails sort curieux sur les Conservatorio : nous sommes persuadés que nos Jeteurs seront charmés de les trouver ici. Tandis que ce voyageur était à Naples, il fit connaissance avec Piccini, célèbre compositeur, d'autant plus en état de donner des instructions au sujet des Conservatorio, qu'il avait été élevé dans l'un de ces établissements. Cet habile musicien lui apprit donc que les Confervatorio étaient fort anciens, comme l'on peut en juger par l'un de ces édifices, qui était prêt à tomber de vétusté ; qu'il y avoit quatre-vingt-dix éleves dans l'un, cent vingt dans un autre, & deux cents dans un troisieme; que, dans chacun d'eux, il y avoit deux maîtres de chapelle, dont le premier corrige les composissons des éleves, & le second leur donne des leçons de chant. Il y a des maîtres pour le violon, le violoncelle, le clavecin, le hautbois, le cor de chasse, &c. On y reçoit les garçons à huit & à dix ans, & alors ils y ressent huit ans ; mais, s'ils sont plus âgés lorsqu'ils se présentent, on les admet fort difficilement, à moins qu'ils n'aient fait des progrès très-considérables dans la musique théorique & pratique. Ceux des élèves qui, après quelque temps de soins & d'instructions, ne montrent point de talents, sont renvoyés pour faire place à d'autres. Il y en a que les parents y mettent en pension, & qui payent les maîtres. On garde quelques-uns de ces éleves, quoique leur cours soit fini; & ceux-là instruisent les autres; mais ils peuvent sortir quand ils veulent.

M. Burney eut la curiosité d'aller voir le Conservatorio de S. Onofrio de Naples, & de visiter toutes les chambres où les éleves couchent, mangent &. étudient. Sur le premier perron, dit-il, étoit un jeune éleve, qui souffloit de toutes ses forces dans une trom- pette : sur le sécond, étoit un autre éleve qui donnoit du cor avec la même sureur. Dans la chambre com- mune , il y avoit sept à huit joueurs de clavecin, un plus grand nombre de violons, & une troupe de chan- teurs, qui tous exécutoient es même temps des pietes différentes , & sur différentes clefs ; d'autres écri- voient, composoient, chantoient ; c'étoit un charivari des plus complets ; encore même étoit-ce un jour de fête, & il manquoit le plus grand nombre des éle- ves, qui, sans cela, y auroient tous été, chacun chaar tant ou composant sa piece de musique. Cet usage de les mettre tous ensemble est très-bon. Il apprend aux éleves à n'être qu'à leur partie, & a acquérir une attention que rien ne peut distraire; il leur donne en- core de la sorce, attendu qu'au milieu de ce chari- vari , ils sont obligés de s'entendre. Il n'y a d'ailleurs qu'un inconvénient ; c'est qu'il ne paroît pas poffibh. que, dans cette cohue, ils puissent apprendre à jouer ou chanter avec goût. Les lits, qui sont placés dans la même salle, servent de pieds aux clavecins, ou cla- vicordes. Les violoncelles font dans une autre cham- bre; & les hautbois, les flûtes, & les autres instru- ments à vent, dans une troisieme. Les trompettes & les coss de chasle sont relégués, ou sur l'escalier, ou dans les greniers. Il n'y a que peu de jours de vacance dans ces écoles. En automne Se pendant l'hiver, ils se levent deux heures avant le jour ; & ils sont tou- jours à l'exercice, ou à l'étude, jusqu'à huit heures du soir, à l'exception d'une heure & demie d'inter- valle pour le dîner, le souper & la récréation.

Il y avoit dans ce Conservatorio huit jeunes Castrati, qu'on faisoit coucher au premier dans des chambres plus chaudes, de crainte que le froid ne leur fît perdre la voix qu'ils ont acquise à si grand prix. A l'occassion de ces malheureuses victimes , M. Burney dit qu'il s'est informé , dans toute l'Italie, quel était le lieu où l'on pratiquait le plus fréquemment cette opération qui révolte si fort la nature ; mais qu'il n'a pu rien apprendre de bien positif à ce sujet. A Milan, on lui dit que c'était à Venise; à Venise, que c'était à Bologne : dans cette ville, l'on prétendit que c'était à Florence ; les Florentins lui dirent que c'était à Rome ; & à Rome, on lui apprit que ce n'était qu'à Naples que l'on pratiquoit cette méthode infernale,

Cependant cette opération est: absolument interdite dans les Conservatorio de Naples, & l'on croit que les jeunes gens qui l'ont soufferte, sont allez communé- ment des environs de Lucques.

Ce qu'il y a de, plus vrai, c'est que partout elle est rigoureusement proscrite par les loix , & que les Italiens en sont si honteux, qu'ils n'en conviennent nulle part. Mais, malgré leur honte & la sévérité des loix, elle n'en est pas moins d'usage presque également dans ces contrées, où l'on sacrifie au plaisir d'entendre des voix très - souvent glapissantes , l'espoir des générations futures. Avant que d'en venir à cet aéle de barbarie , on présente les enfants au Conservatorio ; & , s'ils paroissent avoir reçu de la nature le don fu- nefle de la voix, les parents les reprennent pour leur faire subir cette opération. La rigueur des loix est telle sur cet article, qu'elles prononcent la peine de mort contre l'opérateur ; & quiconque l'a aidé, soit de sait, soit de quelque maniere que ce puisse être , est ex- communié ; à moins, dit la loi, jusques-là si prudente, que ce ne soit à cause de maladie, & du consente- ment du garçon opéré. On fent bien que l'un de ces prétextes ne manque jamais à l'opérateur, ni aux pa- rents de la victime ; on séduit même si facilement les enfants, qu'il y en a qui, n'ayant aucune idée du mal qu'on leur prépare , demandent iustamment à être opérés ; & le plus léger desir est , comme l'on s'en doute, rempli à l'instant même.

Du reSte, Naples n'est pas la seule ville de l'Italie où il y ait des Conservatorio : on en trouve encore de très-célebres à Venise. Il seroit à desirer que de pa- reils établissements se formaient dans tous les lieux où regne le goût de la musique , & où l'on desire de se procurer de bons musiciens.


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