Œuvres philosophiques de Sophie Germain (1896)/Correspondances/VI

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Sophie Germain Gallica.png
Œuvres philosophiques de Sophie Germain

1896

Suivies de pensées et de lettres inédites.
Et précédées d'une notice sur sa vie et ses œuvres

Préface - Sophie Germain - Œuvres philosophiques - Correspondances

Correspondances
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Cette page reproduit une lettre de Sophie Germain à Gauss.

La lettre

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VI

SOPHIE GERMAIN À GAUSS [3]

Monsieur, vos Disquisitiones arithmeticæ [4] font


(3) Ch. Fréd. Gauss, mathématicien, né à Brunswick 1777 et mort à Gottingue, 1815
(4) Disquisitiones arithmeticæ, Lipsiæ, 1801, in-4


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depuis longtemps l’objet de mon admiration et de mes études. Le dernier chapitre de ce livre renferme, entre autres choses remarquables, le beau théorème contenu dans l’équation
4 (xn — 1)/(x — 1) = Y2 ± nZ2 ; [1] je crois qu’il peut être généralisé ainsi :
4 (xns — 1)/(x — 1) = Y 2 ± nZ 2, n étant toujours un nombre premier et s un nombre quelconque. Je joins à ma lettre deux démonstrations de cette généralisation. Après avoir trouvé la première j’ai cherché comment la méthode que vous avez employée art. 357 pouvait être appliquée au cas que j’avais à considérer. J’ai fait ce travail avec d’autant plus de plaisir qu’il m’a fourni l’occasion de me familiariser avec cette méthode qui, je n’en doute pas, sera encore dans vos mains l’instrument de nouvelles découvertes. J’ai ajouté à cet article quelques autres considérations. La dernière est relative à la célèbre


(1) Voici le titre d’un article que Sophie Germain publia, sur le même théorème : Note sur la manière dont se composent les valeurs de y et z dans l’équation 4 (xp — 1)/(x — 1) = y2 ± pz2, et celles de Y’ et Z’ dans l’équation 4 (xp2 — 1)/(x — 1) = Y2 ± pZ2 (Journal de A.-L. (sc), Berlin, p. 201-204).


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équation de Fermat xn + yn = zn dont l’impossibilité en nombres entiers n’a encore été démontrée que pour n = 3 et n = 4. Je crois être parvenu à prouver cette impossibilité pour n = p — 1, p étant un nombre premier de la forme de 8K7. Je prends la liberté de soumettre ces essais à votre jugement, persuadé que vous ne dédaignerez pas d’éclairer de vos avis un amateur enthousiaste de la science que vous cultivez avec de si brillants succès.

Rien n’égale l’impatience avec laquelle j’attends la suite du livre que j’ai entre les mains. Je me suis fait informer que vous y travaillez en ce moment ; je ne négligerai rien pour me la procurer aussitôt qu’elle paraîtra.


Malheureusement, l’étendue de mon esprit ne répond pas à la vivacité de mes goûts, et je sens qu’il y a une sorte de témérité à importuner un homme de génie, lorsqu’on n’a d’autre titre à son attention qu’une admiration nécessairement partagée par tous ses lecteurs.


En relisant le mémoire de M. Lagrange (Berlin


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1775)[1] j’ai vu avec étonnement qu’il n’a pas su réduire la quantité
s10 — 11(s8 — 4s6r2 + 7s4r4 — 5s2r6 + r8)r2 (page 252)
à la forme : t2 — 11n2 ;
car
s10 — 11(s8 — 4s6r2 + 7s4 — 5s2r6 + r8)r2
= r10 — 211s6r4 + (5 + 6)r8s2 — 11(s8 — 6s6r2 + 9r4s4 — 2r4s4

Cette remarque est une nouvelle preuve de l’avantage de votre méthode, qui, s’appliquant à toutes les valeurs de n, donne pour chaque cas, des valeurs de Y et Z indépendantes du tâtonnement.

Si, connaissant les valeurs de Y et Z, dans l’équation 4 (xn — 1)/(x — 1) = Y 2 ± nZ 2, on voulait avoir celles de Y’ et Z’ dans l’équation 4 (xn + 1)/(x + 1) = Y2 ± nZ2, il est clair qu’il suffirait de changer les signes de tous les termes de Y et Z qui contiennent des puissances de x, dont l’exposant est impair.

Je n’ai pas voulu fatiguer votre attention en multipliant les remarques dont votre livre a été


(1) Recherches sur les suites récurrentes dont les termes varient de plusieurs manières différentes, etc. (Nouveaux mémoires de l’Acad. de Berlin, année 1775.)


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pour moi l’occasion. Si je puis espérer que vous accueilliez favorablement celles que j’ai l’honneur de vous communiquer et que vous ne les trouviez pas entièrement indignes de réponse, veuillez l’adresser à M. Silvestre de Sacy[1], membre de l’Institut national, rue Hautefeuille à Paris. Croyez au prix que j’attacherais à un mot d’avis de votre part, et agréez l’assurance du profond respect de votre très humble serviteur et très assidu lecteur.

le blanc.

(1) Ant. Isaac, baron Silvestre de Sacy, orientaliste, né à Paris en 1758, mort en 1838.)


Notes

Notes de la rédaction