Algèbre (Trésor de la langue française)

De Wicri Mathématiques
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Trésor de la langue française
CNRS (entre 1971 et 1994)

Algèbre
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Le Gamma 60 sur lequel tournaient les programmes informatiques du TLF

Cette page reprend l'article « Algèbre » du Trésor de la langue française[1]. Elle complète la page encyclopédique « Algèbre ».

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Définitions, lexicographie

Sens principal

Définition
[Le plus souvent au sing.]
Branche des mathématiques ayant pour objet de simplifier et de résoudre au moyen de formules des problèmes où les grandeurs sont représentées par des symboles, et d'en généraliser les résultats.
Syntagmes
Apprendre l'algèbre, savoir l'algèbre
Exemples
  • 1. C'est dans l'école d'Alexandrie que nous trouvons les premières traces de l'algèbre, c'est-à-dire du calcul des quantités considérées uniquement comme telles. La nature des questions proposées et résolues dans le livre de Diophante, exigeait que les nombres y fussent envisagés comme ayant une valeur générale, indéterminée, et assujettie seulement à certaines conditions. A. de Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain,1794, p. 66.
  • 2. ... quoique l'algèbre, emploie des caractères alphabétiques, ils ne sont pas là comme lettres, mais comme signes. a ne représente pas le son a, mais l'idée d'une quantité connue dont on ne spécifie pas la valeur; x ne représente pas le son x, mais l'idée d'une quantité inconnue; et ax ne représente pas le son ax, mais l'idée de ces deux quantités multipliées l'une par l'autre, etc. Les chiffres et les caractères algébriques sont donc de vrais signes directs des idées; et l'arithmétique et l'algèbre, forment une vraie langue ou portion de langue qui s'adresse à la vue. A.-L.-C. Destutt de Tracy, Éléments d'idéologie, Idéologie proprement dite, 1801, pp. 335-336.
  • 3. On a porté dans la politique, et jusque dans la morale, les procédés et presque le langage de l'algèbre, ; on se sert de mots abstraits au lieu de lettres; on les combine, et l'on croit s'entendre et s'éclairer, parce qu'on a remué des ombres. J. Joubert, Pensées,t. 1, 1824, pp. 423-424.
  • 4. ... Leibnitz ne voyait avec raison dans l'algèbre, qu'une application particulière de la théorie des combinaisons, et une branche de sa caractéristique universelle ou combinatoire. A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, pp. 584-585.
  • 5. Puisqu'une machine à compter est possible, une machine à raisonner est possible. Et l'algèbre, est déjà une sorte de machine à raisonner; vous tournez la manivelle, et vous obtenez sans fatigue un résultat auquel la pensée n'arriverait qu'avec des peines infinies. Alain, Propos,1927, p. 736.
  • 6. Gœthe n'est pas géomètre. Il dit qu'il est « absolument incapable d'opérer par des signes et des chiffres, de quelque manière que ce soit ». Il ne sent pas que l'algèbre, est aussi une morphologie, et une génération en quelque sorte organique du nombre, dont elle définit les espèces, les transformations, la structure. P. Valéry, Variété
  • 7. C'était un des épisodes de sa vie les plus ronds, les plus complets, les plus autonomes, et quand il y pensait avec toute l'attention voulue (ce qui lui arrivait d'ailleurs rarement), il voyait bien comment tous les éléments qui le constituaient auraient pu se lier en une aventure qui se serait développée sur le plan du mystère pour se résoudre ensuite comme un problème d'algèbre, où il y a autant d'équations que d'inconnues ... R. Queneau, Pierrot mon ami,1942, p. 210.

Par extension, Traité d'algèbre

L'Algèbre de Étienne Bézout (Ac. 1835, 1878). Acheter une algèbre (ac. t. 1 1932) :

  • 8. Hier, en essayant de comprendre les premières pages de l'algèbre, , pour me faciliter les premiers raisonnements, je tirais une ligne et, en la partageant en différentes longueurs, je saisissais à l'instant les calculs numériques. La géométrie et l'algèbre, doivent se faciliter l'une l'autre. J. Michelet, Journal,1820, p. 90.

Mathématiques modernes

a) Une algèbre. 
Soit K un corps commutatif. On appelle algèbre sur K, ou encore K-algèbre, un espace vectoriel E sur K muni d'une application bilinéaire de E x E dans E.`` (Chamb. 1970).
b) Structure d'algèbre. 
Ensemble des calculs relatifs à une structure algébrique dans laquelle les propriétés des opérations sont définies par un certain nombre d'axiomes; plus particulièrement, ensemble des calculs relatifs à une structure algébrique qui possède au moins deux lois de composition : L'anneau constitue une algèbre.`` (Lar. encyclop. Suppl. 1968).

Philosophie

Algèbre de la logique ou logistique.

Extension à la logique et à l'expression de toute sorte de pensée d'un symbolisme opératoire analogue au symbolisme algébrique.`` (Foulq.-St-Jean 1962).

Par analogie, mode de pensée

Définition
Mode de pensée ou de langage qui présente, à l'instar de l'algèbre, des caractères de rigueur, d'abstraction ou d'hermétisme.
Exemples:
  • 9. Entre deux personnes qui coïncident dans leurs idées philosophiques, et qui s'élèvent à une certaine hauteur, je pense que l'on doit bannir ce langage vulgaire, destiné à combler le vide des idées. Ainsi créant pour la morale une espèce d'algèbre, , je vais tâcher de vous rendre mes sentiments sous une expression simple et pour ainsi dire formulique. H. de Balzac, Correspondance,1822, p. 161.
  • 10. Pour qui sait le déchiffrer, le blason est une algèbre, , le blason est une langue. L'histoire entière de la seconde moitié du Moyen Âge est écrite dans le blason, comme l'histoire de la première moitié dans le symbolisme des églises romanes. Ce sont les hiéroglyphes de la féodalité après ceux de la théocratie. V. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 142.
  • 11. ... j'allais jetant toute ma pensée, toute ma force dans le vide de cet univers insaisissable, qui me renvoyait toutes mes sensations émoussées : la faculté de voir, éblouie par le soleil, celle de désirer, fatiguée par l'aspect de la mer et le vague des horizons, et celle de croire, ébranlée par l'algèbre, mystérieuse des étoiles et le mutisme de toutes ces choses après lesquelles s'égarait mon âme; ... G. Sand, Lélia,1833, pp. 165-166.
  • 12. Quant à Nabuchodonosor III, plus hideux que jamais avec ses grosses moustaches de croque-mitaine inondées de salive et ses mamelles boursouflées, il paraissait abîmé, lui, dans de très profondes algèbrse, , et, mélancolique, se disant peut-être que rien n'était moins aisé que de faire la loi toujours et partout, il tirait parfois sa jambe gauche luxée ou meurtrie, qui, lente, très lente à se mouvoir, se souvenait sans doute du boulet que, jadis, elle avait traîné là-bas...L. Cladel, Ompdrailles,1879, p. 288.
Remarque 
Noter la valeur expressive du pluriel :
  • 13. La Main Passe n'est sans doute pas le plus parfait des vaudevilles de Georges Feydeau. On connaît des exemples encore plus caractéristiques et plus désopilants de sa verve, (...) de cette algèbre, rigoureuse du quiproquo le plus bouffon ... (L. Rebatet). **<<**Le Cri du peuple,**>>**6 mars 1941.
  • 14. On aurait dit que leurs pensées, comme leurs pas, s'accordaient à nouveau, que, comme de vieux amants, ils n'avaient plus besoin de longues phrases, mais seulement d'une sorte 'algèbre, du langage. G. Simenon, Les Vacances de Maigret,1948, pp. 47-48.
  • 15. Ni en France, ni en Allemagne, ni même en Suisse (car la maladie sévit aussi dans les montagnes), on ne trouve assez de mots, d'expressions, de figures, d'images, de métaphores, de tournures, d'équivalents, de symboles, de formules, de signes et d'algèbres, pour capter en leurs mailles cette gluante anguille.J. Vuillemin, Essai sur la signification de la mort,1949, pp. 132-133.



Voir aussi

Notes
  1. Définitions lexicographiques et étymologiques de Algèbre du CNRTL.