Les réseaux sociaux : une source incontournable pour la veille (VSOC 1 2021-2022)

De Wicri Incubateur
Ce tableau de Albert Anker illustre une activité à caractère pédagogique sur une page Espace dédié à un travail pédagogique
Master 1 VSOC 2021-2022


L’ère de la société de l’information, annoncée il y a déjà quelques décennies comme un bouleversement sociétal, est aujourd’hui notre réalité quotidienne. Notre société est maintenant ultra connectée et chaque minute qui passe voit plus de 350 000 messages diffusés sur Twitter et près de 700 000 statuts mis à jour sur Facebook. Mais ce n’est que la partie la plus visible et la plus facilement quantifiable des sommes faramineuses d’informations partagées sur l’ensemble des réseaux sociaux.

Quand on observe l’actualité, il est devenu désormais évident que plus rien ne se passe dans notre société qui ne soit commenté, relayé et, évidemment, amplifié sur les réseaux sociaux. Cette appropriation par tout un chacun apporte aussi un bruit qu’il convient de supprimer et la nécessité de vérifier et valider les sources des informations circulant n’a jamais été autant évidente.


L’analyse des informations

Instaurer une veille[1] sur les réseaux sociaux s’impose donc désormais. Mais pour qu’elle soit efficace, il faut savoir se détacher des usages ludiques et des messages égocentriques qui sont légion sur ces plateformes. Toutefois, un contrôle de la qualité et de la quantité d’informations diffusées par de vrais comptes permet assez rapidement de démystifier le vrai du faux. Ainsi, même s’il est très facile d’écrire n’importe quoi sur les réseaux sociaux, la confrontation avec l’esprit critique des internautes (grand public, public averti, journalistes, professionnels de l’information, etc.), permet très souvent de dénoncer les fausses informations. D’un point de vue technique, les réseaux sociaux sont des ressources en ligne assimilables à n’importe quel site web. Ils présentent cependant une différence majeure : on peut y connecter ses propres outils pour diffuser ou collecter facilement des informations, de manière manuelle ou automatisée. Ainsi, de nombreux outils de veille permettent d’intégrer les réseaux sociaux dans les flux de données entrantes pour permettre l’analyse de l’information diffusée de manière publique… mais également privée. Avec cette approche, on considère les contenus issus des réseaux sociaux au même titre que ceux issus de sites web, de blogs et autres forums en ligne. Le corpus à traiter s’en trouve élargi, et l’analyse effectuée par les outils de veille permet d’identifier les signaux faibles, les tendances et les nouveautés avec de nouvelles possibilités de recoupement des informations.


Du crowdsourcing à la veille mutualisée

Parmi la panoplie d’outils nés au cours de la vague du web 2.0, de superbes outils collaboratifs sont apparus pour favoriser l’écriture collective et la constitution de données partagées. Ainsi est née une génération de données issues de la création ou de la collecte par les utilisateurs et à destination des utilisateurs (le crowdsourcing)[2] Dans cette sphère, les succès de Wikipédia ou encore d’OpenStreet Map se sont imposés comme de vraies références.

Les pratiques collaboratives, basées sur l’échange et le partage d’informations, ont aussi donné naissance à de véritables plateformes de veille mutualisée. Ainsi, la première génération de plateformes en ligne a permis de partager facilement des signets (Delicious, Diigo, etc.) et préparé l’arrivée d’une deuxième génération d’outils dits de curation[3] allant plus loin dans le partage et permettant la diffusion de contenus enrichis et catégorisés (Scoop it, Paper.li, etc.). Ces plateformes regroupent de véritables réseaux d’experts et de passionnés qui mutualisent une partie de leur veille… en laissant travailler les autres !

Les réseaux sociaux pour un usage professionnel

Aimer ou détester Facebook, penser ne rien avoir à dire sur Twitter, ne pas avoir envie de s’exposer ou, au contraire, tout y raconter, etc., les professionnels de l’information semblent avoir une opinion plutôt tranchée. Pourtant, il ne faut pas se bloquer sur une première impression car les réseaux sociaux sont réellement une mine d’or pour la veille. Il s’agit surtout, dans les faits, de trouver le bon équilibre, et de décider d’entrer dans le réseau en restant un observateur averti et, pourquoi pas ensuite, de devenir un participant actif.

La question, pour la majorité des professionnels de l’information, n’est pas vraiment de savoir si l’usage personnel des réseaux sociaux est à proscrire ou non. Chacun reste libre de son choix. Mais il est important de connaître les pratiques et les usages de ces plateformes pour parvenir à en tirer vraiment parti pour la veille. Les grandes plateformes (Twitter, Facebook ou Google+) ont toutes mis en place des outils efficaces pour la gestion et la diffusion de contenus ne nécessitant pas un usage personnel de celles-ci, mais trop peu pour permettre la collecte anonyme d’informations.

Faire de la veille en utilisant les réseaux sociaux nécessite donc, au préalable, de définir clairement le plan de la veille à mener : une approche strictement quantitative, une analyse globale de tendances, une analyse élargie des informations diffusées dans un secteur bien précis, une analyse détaillée du comportement de groupes d’individus ou de sociétés, etc., les possibilités sont très grandes. Ainsi, pour chaque plan de veille, la mise en œuvre d’une stratégie adaptée devra être envisagée.


Des robots et des hommes ?

Les réseaux sociaux sont peuplés en majorité d’êtres humains connectés[4], ayant chacun au minimum un compte personnel et parfois plusieurs comptes thématiques ; on les qualifiera de socionautes. Mais on dénombre également de très nombreux robots : des robots qui se rapprochent des crawlers des moteurs de recherche dont l’objet est de se faire passer pour un navigateur web et d’aspirer la masse d’informations disponibles afin de les traiter et de les indexer de manière automatisée ; des robots ayant une approche plus mimétique du comportement des socionautes, qualifiés de « gravatars ». Leur objectif est de se faire passer le plus possible pour de vraies personnes avec des comportements de navigation leur permettant de devenir des relations (« abonnés » ou « amis ») pour de nombreux socionautes. Ces deux types de robots permettent d’automatiser des tâches de veille à destination d’outils d’analyse de tendance et de recherche de signaux faible. Ils sont un prolongement des outils de veille existant depuis plusieurs années et qui ciblaient jusque là uniquement les données accessibles sur le Web.

L’exploitation de ces robots nécessite toutefois l’usage de ressources informatiques conséquentes. Plusieurs offres commerciales utilisant ce type de technologies sont disponibles auprès de différents éditeurs de logiciels de veille en ligne. Reste l’approche humaine de la veille, et c’est là que les réseaux sociaux apportent de réelles nouveautés et une vraie plus-value. En effet, l’usage des robots décrit ci-dessus reste limité à la recherche d’informations et de données simples d’accès. De plus en plus de socionautes s’aguerrissent à la pratique des réseaux sociaux et protègent leurs données. Il est alors nécessaire de remettre de l’humain dans les méthodologies utilisées.

Des experts de la veille

Ainsi la collecte d’informations dans certaines sphères spécialisées ne pourra se faire que par de « vraies personnes » connectées qui en connaissent les codes, et avec des comptes sur les réseaux sociaux conçus spécifiquement dans ce but. Cette méthodologie est toutefois extrêmement chronophage et peut même parfois flirter avec le respect de l’éthique professionnelle. De plus, elle implique de bien maîtriser la gestion de différentes identités numériques et nécessite une organisation bien rôdée.

Il est clair que l’utilisation des réseaux sociaux dans la collecte d’informations est devenue incontournable. Ces outils confortent l’idée d’une autonomie plus grande des utilisateurs par rapport aux professionnels des services de veille, à l’image de ce que Google a pu apporter en matière de recherche d’informations. Cependant, au regard de la complexité des sources, le rôle et la place des professionnels de l’information se renforcent vers un rôle encore accru d’expert.


Source : Bruno Louis Séguin, "Les réseaux sociaux : une source incontournable pour la veille", I2D - Information, données & documents, 2015.

Notes et références

  1. Vous pouvez accéder à un autre article Veille stratégique sur les réseaux sociaux, une source d'information à part entière pour votre entreprise
  2. Vous pouvez également consulter l'article Le crowdsourcing : qu'est ce que c'est ?
  3. "Entre usages individuels et pratiques professionnelles ", Dossier réalisé sous la direction de Christophe Deschamps, Documentaliste-Sciences de l’information, n° 1, mars 2012
  4. Vous pouvez consulter un autre article Demain, l'humain connecté : que prépare vraiment les GAFAM ?