Les données numériques à l’épreuve du temps (VSOC 1 2020-2021)

De Wicri Incubateur
Ce tableau de Albert Anker illustre une activité à caractère pédagogique sur une page Espace dédié à un travail pédagogique
Master 1 VSOC 2020-2021

Les supports de stockage communément utilisés tels que les CD ou les DVD n'ont qu'une durée de vie de cinq à dix ans environ, prévient un groupe d'experts.

Des disques compacts "gravés"... Une telle terminologie, qui laisse croire que les données numériques, stockées sur des disques durs ou des CD, seront disponibles ad vitam æternam est "trompeuse", selon un comité d'experts qui remet en cause, lundi 29 mars, la pérennité des supports numériques. "Il ne faut pas confondre deux notions très différentes, celle de stockage des données et celle de leur archivage. Les progrès spectaculaires des disques durs et la chute de leur prix permettent maintenant de stocker aisément de l'information ; mais archiver de cette façon sur des décennies ou un siècle pose un tout autre problème, du fait que les supports numériques n'ont qu'une durée de vie de cinq à dix ans environ", souligne un rapport intitulé "Longévité de l'information numérique[1] ".

Pour les chercheurs des Académies des sciences et des technologies, le problème est d'autant plus aigu que les données numériques sont en pleine expansion. En 2002, l'UNESCO estimait la production annuelle de l'humanité à 1,5 milliard de gigaoctets. Pour 2007, le cabinet d'étude IDC[2] évaluait à 281 milliards de gigaoctets, la production mondiale de données numériques annuelle. Dix milliards de disques optiques numériques enregistrables (DONE) ont par ailleurs été vendus en 2009 dans le monde.

Photos de famille, vidéos de vacances, documents personnels stockés sur disque dur, CD ou DVD sont les principaux éléments exposés au risque de pertes de données. Les disques enregistrables, qu'il s'agisse du CD, apparu dans les années 1980, ou le DVD-R, massivement utilisé à partir de 2004, "se dégradent constamment, même s'ils ne sont pas utilisés", prévient en effet le rapport. Pour les chercheurs, les nouveaux formats, tels que les disques Blu-ray, ne garantiraient pas non plus une meilleure durée de vie.

Amnésie numérique ?

Les institutions, telles que la Bibliothèque nationale de France (BnF), le Centre national d'études spatiales (Cnes) et l'Institut national de l'audiovisuel (Ina) mais aussi des banques, se sont pour leur part lancées dans une "stratégie active" de "migration perpétuelle", c'est-à-dire une recopie fréquente vers un support plus neuf. Mais "beaucoup d'information personnelle, médicale, scientifique, technique, administrative... est en danger réel de disparition", soulignent aussi Jean-Charles Hourcade, Franck Laloë et Erich Spitz, membres du groupe d'experts. Certaines PME, des cabinets médicaux ou services administratifs départementaux encourent les mêmes risques que le "grand public", en l'absence de méthodes de stockage sécurisé. En 2008, l'Institut national de l'audiovisuel, riche d'une collection de 160 000 CD-R, avait déjà relevé la "fragilité du patrimoine" numérique.

Pour prévenir une telle amnésie des contenus numériques, le comité d'experts préconise de multiplier les sauvegardes. Mais si les 25 millions de foyers français devaient recopier périodiquement leurs archives personnelles afin de conserver, durant vingt-cinq à cinquante ans, des données de 100 gigaoctets à 1 téraoctet chacun, cela pourrait représenter un coût annuel de 2 à 20 milliards d'euros, soit 100 à 1 000 euros par an et par foyer, tempèrent-ils.

Pour éviter ce "coût astronomique", auquel s'ajouterait une "consommation énergétique non négligeable", ils ont donc élaboré une série de recommandations. Appelant à engager des études approfondies dans ce domaine et à "élaborer une politique d'archivage numérique", ils estiment nécessaire de soutenir des techniques innovantes.

Parmi celles-ci figure le Century Disc, gravé sur verre trempé, inventé en France dans les années 1980. "Sous sa forme actuelle, ce format inclut une couche métallique qui le rend totalement compatible avec les lecteurs ordinaires", précisent les chercheurs. Mais si le support semble plus fiable, il demeure coûteux, de l'ordre de 100 euros l'unité, et ne doit pas être confondu avec certains produits vendus moins cher en ligne. Le rapport évoque également les disques holographiques, "où l'information est écrite en volume", ce qui permet de s'affranchir de "tous les problèmes liés aux pollutions en surface", souligne aussi le rapport.

Notes et références

  1. Le rapport sur la longévité de l'information numérique est disponible ici.
  2. International Data Corporation est un groupe international de conseil et d'études sur les marchés des technologies de l'information.

Source

Laurent Checola, "Les données numériques à l'épreuve du temps", texte repris dans Le Monde, le 30 mars 2010.

Ce travail a été effectué par Dorian Mouchot.